Solocal : les actionnaires valident le plan de sauvetage

Solocal : les actionnaires valident le plan de sauvetage

L’amertume n’empêche pas la raison. Vendredi 24 juillet, à Paris, les actionnaires de Solocal – ex-PagesJaunes Groupe –, réunis en assemblée générale extraordinaire, ont approuvé à 93 % le douloureux plan de sauvetage présenté par le président, Pierre Danon, le troisième depuis 2014. Ce feu vert va permettre à Solocal, qui emploie 3 500 salariés, de récupérer 117 millions d’euros de liquidités et de réduire de moitié la dette.

Ce sont les créanciers obligataires du spécialiste du marketing numérique, au premier rang desquels le fonds américain Golden Tree, qui sont à la manœuvre. En convertissant une partie de leurs créances en actions, ils vont obtenir plus de 90 % du capital de Solocal. Cette part sera ensuite réduite en fonction des résultats d’une augmentation de capital de 330 millions d’euros, pour laquelle un droit préférentiel de souscription sera accordé aux actuels détenteurs d’actions.

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« Si tous les actionnaires réinvestissent au maximum, ils conserveront 75 % du capital », précise M. Danon. A l’issue des opérations, Golden Tree deviendra l’actionnaire de référence de Solocal avec, au minimum, 15,5 % du tour de table. Quant aux quelque 180 millions d’euros d’obligations résiduelles, elles seront rémunérées à un copieux taux d’intérêt de 8 %.

« Aucune banque n’a voulu nous soutenir »

La potion est amère pour les milliers de petits porteurs qui avaient misé, en 2017, sur la transformation de l’éditeur d’annuaires. A l’époque, Solocal avait récolté 270 millions d’euros sous forme d’augmentation de capital au prix de 1 euro par action. Au 1er janvier 2020, l’action Solocal cotait près de 60 centimes. Las, la prochaine recapitalisation se fera au prix de 3 centimes par action. Une perte de valeur vertigineuse, alors que, depuis 2017, Solocal a gagné de l’argent – malgré les coûts liés à un plan social massif – et que sa direction vante le redressement de l’entreprise.

« Solocal est une boîte magnifique, mais ses fonds propres ne valent plus grand-chose. Le Covid-19 nous laisse un trou de 100 millions d’euros. Nous avions un besoin de trésorerie de 120 millions, dont 30 millions au 1er août, sans quoi nous ne pouvions pas payer les salaires, explique au Monde M. Danon. L’idéal aurait été d’obtenir un prêt, mais nous supportons 530 millions d’euros de dettes et aucune banque n’a voulu nous soutenir. »

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Et d’insister : « Il n’y avait qu’une seule offre sur la table, celle des créanciers, qui avaient toutes les cartes en main. J’ai négocié dos au mur. J’ai fait tout ce que j’ai pu. » Solocal traîne comme un boulet l’endettement contracté lors de la vente, en 2006, de la filiale de France Télécom aux fonds d’investissement KKR et de Goldman Sachs.

« C’était une question d’anticipation et de compétence »

Les institutionnels et 70 000 petits porteurs n’avaient d’autre choix que d’approuver le plan. En cas de redressement judiciaire, les créanciers, qui disposent de nantissement sur les actions Solocal, avaient menacé de leur laisser moins de 2 % du capital. Mais le ressentiment est fort. Dans une lettre ouverte incendiaire adressée, le 21 juillet, à M. Danon, Baudoin de Pimodan, pilier de l’association de défense SolocalEnsemble, renvoie dos à dos des financiers « pilleurs d’épave » et un dirigeant dont il critique l’« incompétence en matière financière ».

« La crise de trésorerie de Solocal aurait pu être évitée ; c’était une question d’anticipation et de compétence », embraye Philippe Besnard, entré, en juin 2019, au conseil d’administration du groupe en tant que censeur pour représenter les actionnaires individuels, et qui a démissionné le 7 juillet, après l’accord du board avec les créanciers.

« Une destruction de valeur colossale »

Pour ce spécialiste du marketing numérique, « Solocal n’est pas malade du Covid-19, mais d’une direction qui n’a jamais très bien compris la nature et les enjeux de l’entreprise et a surtout recherché à satisfaire ses propres intérêts. Je regrette que le conseil d’administration n’ait pas joué son rôle de garde-fou, avec, au final, une destruction de valeur colossale ; c’est la raison pour laquelle j’ai démissionné ».

De leur côté, les syndicats avaient alerté ces dernières semaines les pouvoirs publics sur les enjeux de souveraineté autour de Solocal. « Il serait inconcevable que les données des 400 000 PME et TPE clientes de Solocal, qui attirent la convoitise des géants du numérique, ne soient plus détenues par une entreprise française », indiquait Frédéric Gallois, délégué syndical FO chez Solocal, dans une lettre adressée, le 30 juin, à Bruno Le Maire, le ministre de l’économie et des finances. Une considération qui n’avait pas prévalu en 2006, lorsque le bottin français était passé une première fois sous pavillon américain.

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LJD

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