Services publics : « Sans l’expertise des professionnels, les plans d’économie aggravent l’inefficacité »

Services publics : « Sans l’expertise des professionnels, les plans d’économie aggravent l’inefficacité »

« Partout, on dénonce un manque de moyens et une dévalorisation des métiers » (Manifestation à Paris).
« Partout, on dénonce un manque de moyens et une dévalorisation des métiers » (Manifestation à Paris). Sébastien Rabany / Photononstop

Chronique « Entreprises ». La crise de l’hôpital qui couvait depuis des années est maintenant manifeste. Simultanément, ce sont les universitaires qui expriment leur épuisement et le sentiment que leur métier n’est plus compris. A l’école, le cycle des crises et des réformes est permanent. Partout, on dénonce un manque de moyens et une dévalorisation des métiers. Cependant, ces institutions diffèrent d’autres secteurs du service public par un trait commun : des professions qui reposent sur une forte autonomie garantie par la loi.

Ces « bureaucraties professionnelles » ont, depuis longtemps, intéressé la recherche car leur gestion ne peut se faire qu’avec le concours et le plein assentiment de ces personnels. Les crises récurrentes de l’hôpital, de l’université et de l’école signalent donc la difficulté ancienne et persistante qu’ont les doctrines administratives dominantes pour penser « avec » cette autonomie.

La notion de « bureaucratie professionnelle » a été introduite par le chercheur canadien Henry Mintzberg (The structuring of organizations, Pearson, 1978). Elle est définie par contraste avec les bureaucraties classiques, où il y a subordination des salariés et où les règles de travail sont définies par la hiérarchie ou par des services techniques compétents.

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Car, pour un médecin, un professeur ou un chercheur, ces principes ne tiennent plus. Les valeurs, les règles de l’art, le jugement des pairs, le service du public constituent des limites opposables à leurs administrations. En outre, l’innovation étant continue dans ces métiers, ces professionnels doivent consacrer des efforts importants et faire des choix difficiles pour rester au meilleur niveau.

Défiance

Or, dans ces organisations, un cercle vicieux doit être soigneusement évité. Il s’amorce en général par une tentative administrative autoritaire d’économie, d’évaluation ou de transformation des activités. Celle-ci provoque, chez les professionnels, le sentiment que des fondamentaux de leur métier et de leur autonomie sont incompris. Ils se plient alors à certaines injonctions, mais ne s’approprient pas la réforme et, sur des points essentiels, privent celle-ci de leur concours à sa réussite. On aboutit à une défiance entre professionnels et administrateurs, ainsi qu’à des résultats mitigés. Suivent de nouvelles réformes, d’autant moins élaborées en commun, qui creusent la défiance sans obtenir le succès, et font fuir les talents.

Heureusement, cette spirale n’est pas inéluctable. Mais une fois installée, elle aboutit inévitablement à une crise sévère des moyens. En effet, lorsque les premiers manques apparaissent, les alertes des professionnels sont négligées par des administrations défiantes ou incapables, avec leurs outils d’évaluation, de justifier ces besoins.

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LJD

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