« Que sait-on du travail ? » : l’intensification du travail, principale suspecte de la dégradation de la santé des salariés

« Que sait-on du travail ? » : l’intensification du travail, principale suspecte de la dégradation de la santé des salariés

37 % : c’est, en 2019, la part des salariés français qui jugent ne pas être capables de faire le même travail jusqu’à la retraite. Les métiers le plus souvent qualifiés d’« insoutenables » sont aussi les moins qualifiés, et les plus exposés aux risques physiques et psychosociaux, sources d’accidents du travail et de maladies professionnelles, apprend-on à la lecture des chiffres de l’enquête « Conditions de travail » du ministère du travail.

Dans sa contribution au projet de médiation scientifique « Que sait-on du travail ?  » du Laboratoire interdisciplinaire d’évaluation des politiques publiques (Liepp), diffusé en collaboration avec les Presses de Sciences Po sur la chaîne emploi du site Lemonde.fr., le sociologue Arnaud Mias interroge les causes persistantes de la dégradation de la santé des travailleurs français.

Selon le chercheur, c’est avant tout l’organisation du travail qui engendre mécaniquement des risques professionnels. Convoquant des travaux de différentes disciplines, il insiste sur l’intensification du travail depuis les années 1980-1990, qui « traduit la multiplication des contraintes pesant sur le travail ». Il pointe la juxtaposition délétère des innovations managériales à la fois industrielles et marchandes : les salariés ont des cadences à tenir et des délais stricts à respecter… mais doivent en même temps s’adapter à la clientèle et à l’imprévu. Cette contradiction est venue rogner les marges de manœuvre dont disposaient les salariés pour adapter leur travail à leur situation personnelle.

Moins de médecins et d’inspecteurs du travail

En plus d’influer négativement sur l’autonomie et le sentiment de reconnaissance, cette intensification dégrade leur santé. Malgré les politiques de prévention, les accidents du travail et les maladies professionnelles restent à un niveau élevé : en 2019, on dénombre 783 600 accidents du travail avec au moins un jour d’arrêt, dont 790 mortels, et 49 505 maladies reconnues d’origine professionnelle. Ces dernières sont même sous-déclarées : malgré leur enrichissement progressif, les tableaux indiquant les pathologies « éligibles » excluent un certain nombre de maux : « l’instrument paraît totalement inadapté aux enjeux sanitaires actuels », commente l’auteur. Seuls 300 cancers sont reconnus chaque année comme maladies professionnelles, alors que le nombre de cancers liés au travail serait au moins vingt fois supérieur.

« Tout se passe comme si notre système productif devait inéluctablement générer un contingent stable d’accidents du travail », s’étonne le chercheur. Certains profils, comme les travailleurs de la sous-traitance ou de l’intérim, sont davantage exposés aux problèmes de santé causés par le travail.

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LJD

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