Pour être efficace, une méthode de gestion doit avoir un sens pour les équipes

Pour être efficace, une méthode de gestion doit avoir un sens pour les équipes

Gouvernance. Dans un ouvrage qui fit date, l’économiste américain Harvey Leibenstein (1922-1994) montrait que si l’efficacité dépend du montant de capital et de travail investi, elle ne résulte pas de la simple addition de ces facteurs : plus que l’accumulation massive de moyens de production, la capacité des travailleurs à se mobiliser dans un projet qui a du sens détermine les résultats. C’est ce qu’il appelle l’« X-efficience » (General X-Efficiency Theory and Economic Development, 1976).

Il empruntait cette idée au grand romancier russe Léon Tolstoï (1828-1910) qui, dans son chef-d’œuvre La Guerre et la paix (1867), développe des réflexions pénétrantes sur les mécanismes de l’histoire et sur ce qui motive les mouvements de fond dans les sociétés humaines. Analysant l’échec de l’invasion de la Russie par les Français en 1812, il se demande pourquoi une telle concentration de moyens matériels et humains n’avait pu empêcher de conduire au désastre la grande armée napoléonienne.

Il repère deux erreurs décisives dont la portée dépasse cette tragédie : la première est de croire que la volonté du chef militaire et ses ordres suffisent à mouvoir les masses qu’il commande ; en réalité, ce sont les volontés de milliers d’humains impliqués dans l’organisation des opérations qui prennent des milliers de décisions à différents niveaux et, en s’alignant plus ou moins consciemment sur l’idée d’un projet commun, qui assurent sa réussite.

La deuxième erreur est de négliger le rôle que joue le sens moral de ces humains, c’est-à-dire le sentiment qu’ils agissent collectivement pour une cause qui vaut la peine de s’engager, de prendre des initiatives et de soutenir un effort dans la durée.

Dirigeant aveuglé par son inspiration

Faute de cette lucidité, Napoléon a cru que donner des ordres suffisait pour être obéi, sans considérer que, dans la pratique, leur traduction aux différents échelons n’était pas cohérente ; et que ce manque de cohérence tenait à l’incompréhension par les gradés comme par la troupe, de la raison de l’aventure guerrière dans laquelle ils étaient embarqués, face à des ennemis qui, eux, savaient qu’ils luttaient pour leur survie.

Napoléon a cru que donner des ordres suffisait pour être obéi, sans considérer que, dans la pratique, leur traduction aux différents échelons n’était pas cohérente

En s’inspirant de Tolstoï, Leibenstein rappelait que la vie des entreprises peut aussi pâtir de ces deux erreurs. D’une part, lorsque le dirigeant, aveuglé par son inspiration, agit comme si l’organisation n’était qu’une mécanique animée par ses décrets et s’étonne que les choses ne se passent pas comme prévu, en incriminant l’incompétence de ses collaborateurs plutôt que sa naïveté.

Il vous reste 27.7% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Avatar
LJD

Les commentaires sont fermés.