Les délits sont plus nombreux dans une équipe majoritairement masculine, ou lorsque les femmes sont en contact avec le public, ou encore lorsqu’une tenue professionnelle « sexy » est imposée, explique la journaliste du « Monde » Anne Rodier dans sa chronique.
Publié aujourd’hui à 06h15Temps de Lecture 2 min.
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Chronique « Carnet de bureau ». Propos déplacés, dégradants, déni de reconnaissance, cadeaux gênants, « promotion canapé » : comment prévenir efficacement contre le sexisme au travail, interrogeaient, mercredi 23 octobre à Paris, les participants du colloque organisé par le cabinet Technologia, expert en prévention des risques professionnels. Les récents résultats de l’Observatoire européen du sexisme et du harcèlement sexuel au travail, publiés le 14 octobre par la Fondation Jean-Jaurès, sont alarmants : 60 % des Européennes ont déjà été victimes de sexisme ou de harcèlement au travail au cours de leur vie professionnelle ; 30 % des Françaises ont déjà été harcelées ou agressées. L’enquête européenne donne un début de réponse : en identifiant les contextes de travail « pousse au crime », elle offre une nouvelle base de travail à disposition des manageurs.
« Dans les entreprises, le sexisme est encore abordé comme un problème de comportement individuel, alors que l’émergence des violences est très souvent multifactorielle. Aucun milieu n’est à l’abri et il existe des environnements de travail qui surexposent », confirme Florence Chappert, chercheuse à l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact).
Il y a trois ans, une précédente étude du ministère du travail avait établi deux contextes à risque : les organisations du travail qui donnent aux salariés le sentiment de ne pas pouvoir remplir leur mission correctement ; et les emplois ne correspondant pas aux stéréotypes sexués de la division du travail (une femme dans un milieu dit « masculin » et inversement). L’enquête européenne franchit une étape supplémentaire dans la connaissance des environnements à risque.
Protection des salariés
On sait désormais que les délits sont plus nombreux dans une équipe majoritairement masculine, ou lorsque les femmes sont en contact avec le public, ou encore lorsqu’une tenue professionnelle « sexy » est imposée. « L’étude [de l’Observatoire européen] nous dit aussi qu’il faut être particulièrement vigilants à la formation et à la sensibilisation de tous les collaborateurs, car 46 % des violences verbales ou visuelles ne viennent pas d’un supérieur hiérarchique, mais d’un collègue », souligne Amandine Clavaud, responsable Europe et égalité femmes-hommes à la Fondation Jean-Jaurès.
Les années 1970 ont été celles d’un grand mouvement des entreprises vers les open spaces. « Nous sommes aujourd’hui à nouveau dans un grand mouvement de réorganisation des espaces, qui touche à l’identité professionnelle, au rapport au métier. Plus qu’un simple déplacement d’un point A à un point B, il s’agit d’un chaos produit par les modalités d’appropriation », explique Jean-Marie Charpentier, docteur en sciences de l’information et grand témoin des rencontres RH qui se sont tenues, mardi 15 octobre, à la Maison de l’Amérique latine, à Paris.
Ce rendez-vous mensuel, organisé par Le Monde en partenariat avec Leboncoin, a réuni une dizaine de responsables des ressources humaines pour échanger sur les expériences et les problèmes posés par les déménagements et l’aménagement de l’espace de travail. Une nouvelle stratégie, des contraintes économiques, un regroupement de toutes les entités avec le siège historique : les raisons de déménager une entreprise sont diverses. Mais une telle réorganisation ne s’improvise pas. Les open spaces ont leurs détracteurs, les « flex offices [pas de bureau attitré] », qui ont le vent en poupe, aussi. Les retours d’expérience des responsables des ressources humaines révèlent la nécessité de bien connaître les besoins des salariés selon leur activité avant de réorganiser.
Chez AXA, « en open space, les collaborateurs souffraient des nuisances sonores. On a identifié des usages, puis, le mode d’organisation a été repensé pour créer des espaces de convivialité et des espaces de silence, des salles de réunion hyperconnectées. Les collaborateurs qui sont passés en mode “agile”, ne veulent plus revenir à l’open space classique », assure Sibylle Quéré-Becker, directrice des relations sociales d’AXA France.
Au Club Med, en plein projet de réaménagement pour gagner en efficacité, la RH veut avancer progressivement sans négliger l’accompagnement. « Le décloisonnement total est déjà un énorme changement, raconte Linda Froment, DRH mobilité internationale du Club Med. Pour ceux qui étaient en bureau fermé, le monde ne vient plus à eux. Et il a fallu organiser des ateliers d’expression sur ce qu’un manageur peut ou ne peut pas dire en open space. »
Chez Devoteam, une entreprise de conseil en technologies numériques, il ne s’agit plus de critiquer mais de revenir en arrière : « Le côté open space pour faciliter la communication n’a plus vraiment d’utilité. Avec les nouvelles technologies, on échange très bien à distance. Aujourd’hui, l’entreprise est répartie dans cinq bâtiments. Mais, sur les grands plateaux, ça devient très dense. On réfléchit à recréer de petits espaces », témoigne Matthieu Rivière, directeur du recrutement.
Besoin de repères
Les vingt dernières années ont été marquées par « une amélioration de la compréhension des relations interpersonnelles et de leurs conséquences sur l’organisation du travail, notamment grâce à l’apport de plusieurs disciplines comme la sociologie, la psychologie, le droit et les sciences cognitives. Les connaissances actuelles, bien que partielles, montrent que les individus au travail restent attachés aux lieux », indique Bertrand Sergot, maître de conférences en sciences de gestion de l’université Paris-Sud.
Le flex office, au même titre que l’open space, est tentant pour gagner des mètres carrés, même s’il impose de créer de nouveaux espaces d’isolement et de réunion. En effet, « le déménagement peut substantiellement modifier les modes de communication lorsqu’il éloigne les manageurs, les RH ou les syndicats du travail réel. Ce qui se traduit par des salles de réunion supplémentaires », explique M. Charpentier.
Mais le principal bémol est que les salariés ont besoin de repères. « Tout le monde a besoin de repères, de savoir qui est où. Dans les flex offices, au fil du temps, on s’aperçoit que tout le monde s’assoit toujours à la même place », explique Matthieu Rivière. Chez AXA, où l’on ne parle pas de flex office, car on a maintenu une identité de service par étage, les bureaux sont « non attribués », en « clean desk », avec des casiers.
Le flex office, présent sous différentes formes dans la plupart des organisations des entreprises représentées ce mardi 15 octobre, a révélé un fort besoin d’appropriation des lieux par les salariés, quelle que soit la génération. « Les jeunes s’approprient leur bureau. On a beau déménager tous les six mois, ils affichent leurs souvenirs de soirée. Il y a un stress du bureau blanc, » remarque Matthieu Rivière. « Au Boncoin, on a dû rapidement mettre en place des points d’ancrage, des espaces collectifs que peuvent s’approprier les équipes », explique la DRH groupe, Laetitia Bonnefoy.
Baptisés « lounges », ces nouveaux espaces accompagnent ainsi les flex offices au Boncoin, chez AXA, à l’Arcep (Autorité de régulation des communications électroniques et des postes). « Il y a des changements et des invariants, comme des espaces de travail portables ou des espaces par destination. La question étant : jusqu’où peut-on individualiser ? », interroge Bertrand Sergot. Le Club Med, dans sa démarche « précautionneuse », met en place le flex office petit à petit, « sur certaines activités, pour des équipes qui fonctionnaient déjà en mode projet, car il faut que ça ait du sens », explique Linda Froment. Dans l’entreprise, les besoins doivent être différenciés, analyse M. Charpentier. Lorsque Accenture a commencé le flex office dans les années 1990, cela concernait un effectif de consultants. Mais « toutes les fonctions et tous les individus ne sont pas égaux face à l’organisation flexible », prévient-il.
Enfin, l’optimisation de l’espace est unanimement saluée par les DRH comme une source d’économies significatives. « En bureau classique, il fallait compter 9 à 10 m² par salarié, en open space, on gagne 20 à 30 % de densification des espaces », remarque Matthieu Rivière. « L’autre économie, considérable, est celle du temps de déplacement, surtout à l’international », renchérit Linda Froment. En conclusion, le professeur Sergot rappelle qu’« on a parfois tendance à reproduire des modèles qui ont une ambition universaliste et des présupposés qui ne se révèlent pas toujours justes ». Un sage appel à la prudence.
Les invités du 15 octobre
Ont participé aux Rencontres RH du 15 octobre : Laetitia Bonnefoy, DRH Groupe Leboncoin ; Jean-Marie Charpentier, coauteur de Communiquer en entreprise (Vuibert, 2019) ; Julien Danquigny, juriste du groupe Agrica ; Caroline Delpey, responsable de l’accompagnement RHd’ADP ; Mickaël Dubois, responsable RH d’Unicef France ; Dominique Florent, directrice de formation d’Allianz ; Linda Froment, DRH mobilité internationale du Club Med ; Catherine Gallet-Rybak, secrétaire générale de l’Arcep ; Caroline Haquet, DRH GroupM ; Céline Parrot, responsable du développement RH international d’Yves Rocher ; Sibylle Quéré-Becker, directrice des relations sociales d’AXA France ; Matthieu Rivière, directeur du recrutement de Devoteam ; Anne Rodier, journaliste, Le Monde ; Bertrand Sergot, professeur en sciences de gestion à l’université Paris-Sud ; Gilles van Kote, directeur délégué, Le Monde.
Le groupe américain a inauguré, mardi, le premier centre de distribution robotisé en France. Depuis 2012, la firme de Jeff Bezos a accéléré ses recherches sur l’automatisation, s’attirant des critiques sur le risque de destruction d’emplois.
Brétigny-sur-Orge (Essonne), à une trentaine de kilomètres au sud de Paris. Passé un rond-point, une longue file de camions commence à s’étirer sur quelques centaines de mètres. Leur destination ? Le tout nouveau centre de distribution que vient d’ouvrir Amazon, son sixième en France.
Celui-ci est un peu particulier. « Aujourd’hui, nous disposons, dans le monde, d’une cinquantaine de sites robotisés. Celui de Brétigny est le premier de ce type en France », a expliqué Ronan Bolé, directeur France d’Amazon Logistics, mardi 22 octobre, lors de l’inauguration officielle.
A l’intérieur, les robots forment une armée de 4 000 petits carrés orange à roulettes. Autant d’unités autonomes chargées, dans cet espace de 152 000 m2, d’ordonner les stocks et d’aller chercher les articles pour les conduire vers les employés qui en assurent l’acheminement.
Un des principaux avantages de cette technologie est de pouvoir stocker jusqu’à 40 % d’objets en plus, assure Amazon. Un entrepôt traditionnel est quadrillé de couloirs afin que les équipes puissent aller déposer ou retirer les produits dans les linéaires. Les robots permettent d’entasser les étagères en rang serré et de les déplacer dès qu’un article doit être retiré. En outre, ils sont capables de réordonner les armoires pour que les produits les plus demandés soient toujours facilement accessibles, permettant un gain de temps.
En Europe, 83 000 « amazoniens »
Mardi, Amazon a invité le secrétaire d’Etat chargé du numérique, Cédric O, et nombre d’élus locaux qui, depuis quatre ans, ont été associés à l’ouverture de ce centre. A la tribune, certains ont reconnu des discussions tendues pendant les négociations avec le groupe de Seattle (Etat de Washington) et quelques inquiétudes sur ses pratiques, mais tous se sont félicités de l’impact économique lié à l’ouverture de ce centre pour l’Essonne.
Amazon s’était engagé à créer 1 000 emplois en contrat à durée indéterminée (CDI) dans les trois ans. Il dit en avoir déjà signé 700, sur les 3 000 personnes qui travaillent dans le centre. Selon Ronan Bolé, le site de Brétigny deviendra, à terme, celui qui, en France, emploiera le plus de salariés en CDI, au-delà de 2 500.
Cédric O – tout en rappelant au passage les contentieux qui opposent la France à Amazon sur les sujets de fiscalité et de concurrence – a choisi de voir dans l’ouverture de ce centre « l’importance qu’a pris le numérique dans les créations nettes d’emplois ». « Aux Etats-Unis, il en représente entre un tiers et la moitié », a-t-il assuré.
Leur mission est très largement méconnue du grand public, pour qui souvent la justice se joue entre les tribunaux et leurs magistrats, d’un côté, et les prisons et leurs surveillants, de l’autre. Les services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP), qui ont pour mission première la prévention de la récidive, sont pourtant aujourd’hui au cœur des préoccupations du ministère de la justice. A preuve, ils ont obtenu pour 2020 le plus important contingent de création de postes. Sur les 1 520 emplois supplémentaires pour le ministère de la justice inscrits dans le projet de budget, 400 reviennent ainsi aux services pénitentiaires d’insertion et de probation. La loi de programmation et de réforme pour la justice du 23 mars a en effet prévu de créer 1 500 postes dans les SPIP sur le quinquennat. Avec les 1 100 postes qui ont suivi le plan Taubira de 2014, la filière insertion et probation aura vu ses effectifs passer de 4 000 à 6 600 en neuf ans. Aucune autre administration de l’Etat n’a vu une croissance de ses effectifs dans cette proportion (+ 65 %).
Cet effort spectaculaire vient d’abord combler un retard criant dont souffrent ces équipes pluridisciplinaires qui prennent en charge aujourd’hui 246 000 personnes placées sous main de justice, dont 71 710 étaient détenues au 1er juillet. La plupart (près de 175 000) sont donc suivies en milieu ouvert dans le cadre d’alternatives aux poursuites décidées par les procureurs, ou de mesures de contrôle judiciaire, de bracelet électronique, d’alternative à la prison ou d’aménagement de peine décidées par les juges.
Qualité très disparate
Si les SPIP comptent notamment des psychologues ou des assistants de service social, ils reposent surtout sur des conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation. Ces derniers suivent en moyenne près de 85 personnes sous main de justice, alors que la norme européenne est autour de 50 par agent. Des conditions déplorables pour prendre en charge une population par définition difficile. L’administration pénitentiaire veut ramener ce ratio à un conseiller pour 60 personnes en 2022.
Mais, dès mars 2020, avec l’entrée en vigueur du volet de la réforme de la justice portant sur l’efficacité et le sens de la peine, les attentes vont redoubler sur les SPIP. La chancellerie travaille à crédibiliser d’ici là l’action des SPIP auprès des magistrats, du siège comme du parquet. Car sans confiance entre ces deux univers de la justice, l’ambition de la réforme risque de se dégonfler rapidement. « Les juridictions sont dans un discours assez abstrait sur ce que peuvent leur apporter les SPIP, ils ont une méconnaissance des dispositions existantes et des outils », observe-t-on au ministère de la justice.
Courrier contre courrier, lettre à en-tête contre lettre à en-tête… L’affaire du « droit de retrait » à la SNCF tourne à la bagarre générale juridico-administrative impliquant, pêle-mêle, les syndicats, l’inspection du travail de la région Grand-Est, la direction de l’entreprise et les services du gouvernement. Selon nos informations, la direction générale du travail (DGT) s’apprête, mardi 22 octobre, à contredire publiquement – et de façon cinglante – ses propres inspecteurs du travail d’Alsace et de Champagne-Ardenne, qui avaient préconisé la suspension de la conduite des trains par un agent seul à bord.
Depuis vendredi 18 octobre, un arrêt de travail sans préavis a perturbé fortement le trafic SNCF un peu partout en France en ce début de congés scolaires de la Toussaint. Le mouvement a été déclenché deux jours après un accident de TER – ayant un seul conducteur et pas de contrôleur –, qui a fait onze blessés, dans les Ardennes, qui a créé une forte émotion parmi les cheminots et déclenché une série de débrayages au nom du droit de retrait face à un danger grave et imminent.
« La DGT ne partage pas les préconisations faites par deux agents au regard des circonstances de fait et de droit », a déclaré au Monde le ministère du travail, lundi 21 octobre. Cette position devrait être confirmée dans un courrier officiel envoyé à la SNCF, mardi.
Pour se repérer dans ce feuilleton, il faut remonter à l’accident du 16 octobre, détonateur du mouvement. Le conducteur seul à bord d’un autorail qui avait percuté un convoi routier à un passage à niveau avait dû quitter, blessé à la jambe, son train pour empêcher une collision supplémentaire.
Aussitôt, un droit d’alerte est déclenché par les représentants du personnel de la SNCF en région Grand-Est. En réponse, une inspectrice du travail pour l’Alsace et un de ses collègues de Champagne-Ardenne adressent, lundi 21 octobre, deux courriers distincts aux directions régionales de la SNCF que Le Monde a pu consulter. Les fonctionnaires recommandent de suspendre « la conduite des trains par un agent seul à bord » tant que les risques pour un conducteur confronté à une collision dans un train sans contrôleur n’ont pas été complètement et correctement pris en compte.
C’est une surprise. Et cela crée un vrai embarras pour la SNCF et le gouvernement, qui avaient réfuté l’idée que l’exercice du droit de retrait puisse être invoqué dans cette affaire, parlant de « grève sauvage »,« hors du cadre légal ». Or, cette recommandation conforte l’invocation d’un « danger grave et imminent » pour un conducteur SNCF, dès lors qu’il est seul dans son train. Les syndicats, CGT en tête, savourent.
Où qu’il se trouve, il domine tout le monde d’une tête. Dans la cour de récréation de la Presidio Middle School, l’un des douze collèges publics de San Francisco, Marc Benioff, 1,95 m, s’éponge le front. Il fait exceptionnellement chaud en cette matinée de septembre à « Fog City » (la « ville du brouillard », l’un des surnoms de San Francisco) et des centaines de personnes se pressent sous une tente : enseignants, élus de la municipalité, employés de Salesforce, la compagnie que Marc Benioff a fondée en 1999, sans parler des dizaines d’écoliers assis au pied du podium.
« Mon boulot au quotidien, c’est de diriger l’entreprise. Mais c’est aussi de placer la philanthropie dans l’architecture même de l’entreprise. » Marc Benioff
« Je remercie celui qui a pensé à monter un auvent », plaisante l’homme d’affaires. Le PDG du géant mondial du logiciel de gestion client est venu annoncer un nouveau don de 17,2 millions de dollars aux écoles de San Francisco et d’Oakland. En sept ans, Salesforce a offert près de 100 millions de dollars aux « middle schools » de la baie. Difficile de ne pas penser aux 100 millions offerts, en 2010, par Mark Zuckerberg, le fondateur de Facebook, aux écoles de Newark, dans le New Jersey. Ici, une partie de l’argent est attribuée directement aux directeurs d’établissement. « Il y a cinq ans, 700 élèves étudiaient l’informatique. Aujourd’hui, ils sont 25 000 », se félicite le superintendant des écoles, Vincent Matthews.
Le 15 octobre, Marc Benioff a publié un livre, Trailblazer (« pionnier »). Sous-titre : le pouvoir de l’entreprise comme « plateforme pour le changement ». À un moment de crise des valeurs dans la Silicon Valley, le PDG appelle ses pairs à placer le bien-être de leurs compatriotes (et le sauvetage de la planète) avant leurs profits. « Le capitalisme tel que nous le connaissons est mort, professe-t-il. Les patrons ne peuvent plus se préoccuper seulement de leurs actionnaires [shareholders]. Ils doivent se soucier des stakeholders [parties prenantes], tous ceux qui participent à la société » – salariés, clients, voisins, enfants…
Un côté boy-scout
Ancien républicain, partisan de Hillary Clinton en 2016, Benioff est devenu le chef de file des PDG militants de la Vallée. « Mon boulot au quotidien, c’est de diriger l’entreprise, nous explique-t-il à l’ombre de la cour de récréation. Mais c’est aussi de placer la philanthropie dans l’architecture même de l’entreprise. »
À Salesforce, il a imposé le modèle dit « One-One-One », qui a été copié par Google et d’autres dans la Silicon Valley : 1 % des capitaux, 1 % des profits et 1 % du temps de travail doivent être redistribués à des organisations caritatives. Depuis, quelque 45 000 ONG ont profité de l’accès gratuit aux logiciels Salesforce. À Paris, Benioff contribue au Refettorio, le restaurant solidaire installé dans la crypte de la Madeleine à l’initiative du chef italien Massimo Bottura.
Si Zuckerberg est un robot, Benioff, 55 ans, a, lui, un côté boy-scout. Affable, sapé plutôt rétro par rapport aux jeunes techies. « Papa Ours », comme l’a surnommé le PDG de Yelp, Jeremy Stoppelman. À San Francisco, Benioff fait figure de saint patron. Son nom est gravé au fronton de l’hôpital UCSF pour enfants, qu’il a doté d’une flottille de petits robots distributeurs de plateaux-repas et de médicaments.
Sa compagnie, valorisée 130 milliards de dollars, est le premier employeur de la ville (7 500 salariés, et 35 000 dans le monde). Sa toute nouvelle tour Salesforce, inaugurée en 2018, domine le paysage. À 326 mètres de haut, soit deux mètres de plus que la tour Eiffel, la vue est imprenable, mais pas réservée au PDG pour autant. « Le dernier étage est ouvert à tous. Les employés peuvent y amener leurs amis », explique Parker Harris, cofondateur de Salesforce, dans le français conservé de son année de terminale dans un lycée parisien. Les ONG y ont accès pour organiser leurs soirées de collecte de fonds. « On essaie de ne pas s’isoler de notre environnement », ajoute le bras droit du PDG.
Marc Benioff est un pur produit de San Francisco. Du côté de son père, les Benioff ont leurs racines à Kiev, en Ukraine, d’où son grand-père est arrivé quand il était enfant. Son père avait lancé une chaîne de magasins de vêtements féminins et emmenait le jeune Marc tous les dimanches dans sa tournée de livraisons. Du côté maternel, son grand-père était plus flamboyant. Avocat spécialisé dans la poursuite en dommages et intérêts, il distribuait des billets aux plus pauvres pendant ses promenades en ville. Surtout, il a laissé à San Francisco un mode de transport collectif, le BART, une sorte de RER qui traverse la baie.
Marc a été un enfant prodige à une époque où le mot « nerd » ne faisait pas partie du langage courant. À 12 ans, ses parents l’ont laissé s’installer dans le sous-sol au plus près de son premier ordinateur, un TRS-80, vite troqué contre un Atari 800. À 15 ans, il a fondé sa première compagnie, Liberty Software. Puis il a été le stagiaire de Steve Jobs chez Apple, avant d’être employé chez Oracle pendant treize ans. À 26 ans, il était déjà vice-président et multimillionnaire. À l’aube de l’an 2000, le golden-boy a eu une crise existentielle. Il a pris un congé sabbatique et est parti en Inde. Il en est revenu avec le sens de sa mission : « faire quelque chose pour les autres ».
Critique de la tech
En nageant avec les dauphins à Hawaï (archipel qu’il adore), Benioff a eu l’intuition du logiciel sur le « nuage ». Les clients pourraient accéder au service par abonnement plutôt que de devoir acheter et télécharger chaque version sur leur ordinateur. Vingt ans plus tard, Benioff est à la tête de l’une des plus grandes fortunes de la Vallée (6 milliards de dollars). Mais il est devenu très critique vis-à-vis de ses pairs de la tech.
Avant même le scandale Cambridge Analytica, il a fermé son compte Facebook, auquel il reproche de cultiver l’addiction à la plateforme. « La nouvelle cigarette », a-t-il lâché, ce qui lui a valu un coup de fil glacial de Sheryl Sandberg, l’adjointe de Mark Zuckerberg. Après une fronde des employés de Salesforce, mécontents que leur entreprise travaille avec le service fédéral de l’immigration, il a nommé une responsable de l’éthique. Et il vient de mettre fin aux contrats avec les fabricants d’armes à feu.
En septembre 2018, il a racheté le magazine Time (190 millions de dollars), à titre personnel, pour soutenir la « presse de qualité ». En novembre, il a financé un référendum imposant une taxe aux grandes entreprises de San Francisco destinée à payer des logements pour les sans-abri de la ville. Ses pairs ne l’ont pas tous bien pris, notamment Jack Dorsey, le PDG de Twitter. La maire de San Francisco, London Breed, qui avait son propre plan, a elle aussi pris parti contre l’initiative.
Benioff a montré où réside le pouvoir dans la capitale des technologies : le référendum a été adopté à 62 % des voix. Un an plus tard, le PDG regrette que la taxe soit toujours bloquée par une action en justice des grands patrons de San Francisco. « Alors que nous avons eu les réductions d’impôt de Trump… C’est ridicule ! » Malgré sa stature, Benioff n’est peut-être pas de taille à sauver la tech d’elle-même.
Les salariés ont approuvé à une large majorité, lundi, la nouvelle version du plan social avec 485 suppressions d’emplois, au lieu de 792, et le renoncement à plusieurs acquis sociaux.
Ils ont dit oui, à une large majorité, au nouveau plan social qui prévoit 485 suppressions d’emplois dans l’entité gaz, au lieu de 792. Mais sans enthousiasme, et sans se faire d’illusions. Rares sont ceux qui, parmi le millier de salariés présents, ont accepté de s’exprimer à l’issue du vote à main levée organisé, lundi 21 octobre, dans le hall du bâtiment T05 du site belfortain de General Electric (GE).
« Certes, 307 postes sont “sauvés”, mais on ne peut pas applaudir », commente Quentin, chargé d’affaires, la cinquantaine passée. Le feu vert des salariés, qui lance la phase légale de consultations-négociations pour une durée de deux mois, « ce n’est pas pour le meilleur, c’est pour le moins mauvais. Je remercie la CFE-CGC et SUD de s’être décarcassés pour aboutir à ce résultat », même si « je ne blâme pas la CGT, qui est dans sa logique ». Celle-ci a refusé de participer au vote, après avoir quitté l’intersyndicale avec fracas, samedi, lors de la manifestation de soutien aux salariés organisée dans les rues de la ville.
D’après la nouvelle version du plan de sauvegarde de l’emploi (PSE), les effectifs de l’entité gaz vont passer de 1 760 personnes au 1er avril 2019 à 1 400 avant la fin du premier trimestre 2020, uniquement sur la base de départs volontaires, puis à 1 275 à partir du dernier trimestre, avec, si nécessaire, des départs contraints.
Ces chiffres ont été directement négociés avec Lawrence « Larry » Culp, le PDG de GE, par le ministre de l’économie et des finances, Bruno Le Maire, qui a salué « un plan social significativement amélioré », avec « des avancées majeures ».
Parmi elles figure « l’engagement de GE d’engager des discussions afin de construire un nouveau projet industriel pour le site de Belfort en vue de le conforter comme centre d’excellence pour les turbines à gaz 50 Hz, détaille Bercy. Un certain nombre de décisions ont un effet immédiat : le rapatriement de la production de certaines turbines des Etats-Unis et la nomination d’un directeur général de haut niveau pour le site belfortain, ainsi que de responsables dans les activités commerciales et d’ingénierie ».
Pour les syndicats, l’arrêt du travail d’agents SNCF décidé vendredi après un accident est un « droit de retrait » légitime. La direction, elle, dénonce une « grève » et prévoit des retenues sur salaire.
Publié aujourd’hui à 18h20
Temps de Lecture 4 min.
Application du principe de précaution face à un danger grave et imminent ou « grève sauvage » contraire au droit du travail ? L’arrêt du travail d’agents de la SNCF inquiets pour leur sécurité à la suite de l’accident, mercredi 16 octobre, entre un autorail TER et un convoi routier à un passage à niveau en Ardèche, provoque un débat entre les syndicats et la direction de l’entreprise publique sur la question du droit de retrait.
La mesure permet à tout salarié de quitter son poste en urgence s’il considère faire face à un « danger grave et imminent ». Un argument avancé par la CGT, pour qui l’arrêt des agents n’est pas un mouvement de grève, dont le lancement exige un préavis d’au moins quarante-huit heures. Ce qui n’est pas le cas des perturbations observées depuis vendredi. Pour le gouvernement et la direction de la SNCF, il s’agirait au contraire d’une contestation sociale : dimanche, son président, Guillaume Pepy, a annoncé des « retenues sur salaire » pour les agents qui ont arrêté le travail. Si la justice seule sera en mesure de trancher le débat, plusieurs éléments permettent de faire la différence entre un droit de retrait et un mouvement de grève.
Pour différencier la grève du droit de retrait, le code du travail conditionne ce dernier à un « motif raisonnable de penser que la situation de travail présente un danger grave et imminent ». Les salariés seuls peuvent en prendre l’initiative et la direction de la SNCF a le droit d’en contester la légitimité. L’une ou l’autre des parties peut saisir la justice, seule habilitée à caractériser, ou non, le danger réel qui aurait motivé un droit de retrait.
En activant ce dernier, tout salarié peut se retirer de son lieu de travail pour se protéger – en alertant, même oralement, sa direction. Il ne peut être sanctionné ou licencié et ne peut être privé de salaire si le motif l’ayant encouragé à ne pas travailler est considéré comme raisonnable.
« Le droit de retrait est un droit fondamental des travailleurs, et il est rare qu’il soit contesté en cas de situation très proche de l’accident, nécessitant une mise en sécurité immédiate des salariés », explique Sébastien Millet, avocat spécialisé des sujets de santé et de sécurité au travail au barreau de Rouen. « Les juridictions sont plutôt bienveillantes sur ce sujet », note l’expert : en théorie, le danger n’aurait même pas besoin d’exister pour que le droit de retrait soit constitué – il suffit d’un motif raisonnable pour que le salarié estime de bonne foi que le danger est immédiat et imminent.
Un droit de retrait peut être collectif, mais pas revendicatif
Le droit de retrait peut être collectif si une équipe entière est exposée à un danger. Le reconnaître peut cependant se révéler plus complexe s’il est accompagné de revendications, notamment si elles portent justement sur la prévention des risques, selon Sébastien Millet :
« Les questions de santé et de sécurité au travail sont légitimes dans le cas de la SNCF, mais il faut savoir dans quel régime on se place : si on est sur un danger grave et imminent sur le réseau, alors on arrête tout et on investit pour rénover avant de reprendre le service. Si on a besoin d’une cessation collective du travail pour faire des revendications, mais qu’il n’y a pas de danger immédiat, alors nous ne sommes pas dans le régime du droit de retrait. »
Au moment de faire le bilan du mouvement du vendredi 18 octobre, la direction de la SNCF pourrait examiner les situations au cas par cas : pour les salariés travaillant sur la ligne en Ardèche où l’accident a eu lieu – une collision entre un train sans contrôleur, où le chauffeur, légèrement blessé, a dû sécuriser la voie par lui-même –, le droit de retrait pourrait être reconnu. Pour les conducteurs de TGV ou de la filiale low cost de la SNCF, Ouigo, dont certains se sont arrêtés de travailler dans d’autres régions et avec des conditions de travail différentes de celles du conducteur de RER, leur revendication de droit de retrait a plus de chances d’être refusée.
La direction peut prononcer des sanctions sans décision de justice
Les « retenues sur salaires » des salariés ayant participé aux arrêts de travail, annoncées par le président de la SNCF, Guillaume Pepy, dimanche, sont en conformité avec le code du travail, qui laisse toute autonomie aux entreprises de procéder à des sanctions si la direction considère que le droit de retrait n’est pas justifié. Ces sanctions sont cependant ouvertes aux recours et c’est devant la justice prud’homale qu’un salarié pourra revendiquer sa légitimité à avoir exercé son droit de retrait.
Un débat récurrent à la SNCF
Plusieurs décisions de la Cour de cassation encadrent déjà le débat, à la SNCF, entre le droit de retrait et les mouvements sociaux. En 2008, par exemple, la justice a reconnu le droit de retrait de cent vingt-six agents de l’entreprise publique, en Savoie, qui avaient refusé de travailler après l’agression de certains de leurs collègues sur le réseau. Le conseil de prud’hommes avait estimé que les deux jours d’arrêt du travail étaient légitimes parce que les trois agresseurs présumés n’avaient pas été interpellés.
Dans une autre affaire, le droit de retrait de cent trois agents en Isère a été refusé par la Cour de cassation, celle-ci estimant qu’après l’interpellation de l’auteur de deux agressions sur des salariés de la SNCF, au lendemain des faits, le travail devait reprendre. Les motivations du refus (éloignement de la zone des agressions, horaires en décalages avec celles-ci, antériorité de revendications sur la sécurité des agents) pourraient de nouveau être utilisées dans le cadre d’éventuels recours surlesarrêts de travail depuis vendredi. Lundi 21 octobre, une partie d’entre eux se poursuivaient dans certaines régions.
Cette proposition prévoit un plan d’économies annuel de 12 millions d’euros en contrepartie de la réduction du nombre d’emplois supprimés, selon les syndicats.
Le Monde avec AFPPublié aujourd’hui à 12h30, mis à jour à 12h31
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Près d’un millier de salariés de General Electric (GE) Belfort ont approuvé à une très large majorité, lundi 21 octobre, une nouvelle proposition de la direction prévoyant de sauver 307 des 792 suppressions d’emplois prévues par le plan social frappant le site, ont appris des journalistes de l’Agence France-Presse (AFP) et de France Télévisions présents sur place.
Cette proposition de plan de sauvegarde de l’emploi (PSE), approuvée lors d’un vote à main levée, prévoit un plan d’économies annuel de 12 millions d’euros en contrepartie de la réduction du nombre d’emplois supprimés, selon les syndicats, qui ont organisé ce vote.
General Electric emploie quelque 4 300 salariés à Belfort, dont 1 800 dans cette entité. Le groupe américain avait annoncé en mai dernier un plan social prévoyant la suppression de près de 1 050 postes en France, dont 792 à Belfort.
Samedi, quelque 2 600 manifestants, selon la préfecture, ont battu le pavé à Belfort en soutien aux employés du site industriel. Dans les rangs des manifestants, des élus locaux mais aussi Jean-Luc Mélenchon, qui s’est abstenu de toute déclaration. General Electric est « un fleuron de notre industrie nécessaire pour réaliser la transition énergétique que #Macron et ses amis ont abandonné », a toutefois tweeté le chef de file de la France insoumise.
Cette manifestation a également été marquée par la division syndicale, la CGT ayant décidé de ne pas participer au défilé soutenu par la CFE-CGC et SUD, et de rejoindre un piquet de grève devant l’usine.
La CGT avait rejeté cette nouvelle mouture de PSE approuvée lundi par les salariés. La CFE-CGC et SUD l’avaient approuvée « parce qu’elle est le moins pire des compromis ».
Les baromètres annuels des salaires édités par Randstad le 17 octobre et par le cabinet Robert Half la semaine précédente semblent confirmer un retournement de tendance, en faveur des cols blancs aussi bien que des cols bleus. Du moins, pour les compétences les plus convoitées.
Alors que le marché de l’emploi se redresse, la pénurie de profils qualifiés dans certains secteurs semble profiter à toutes les catégories de salariés. Dans son guide des salaires annuel publié le 8 octobre, le cabinet de recrutement spécialisé Robert Half constate une tendance à la hausse en 2019 des salaires moyens des cadres issus de la finance, du juridique et du numérique.
En moyenne, cette augmentation s’établit à 2 % selon les données récoltées auprès de 700 directeurs et manageurs, ainsi que de 1 045 candidats. Une hausse modérée, mais qui confirme le retournement du marché de l’emploi cadres en faveur des candidats au cours des trois dernières années, selon Robert Half.
1,5 million de fiches de paie
Un « dynamisme » alimenté par les départs à la retraite et l’intensification de la mobilité chez les profils les plus recherchés, qui n’hésitent pas à quitter leur emploi pour trouver des conditions plus favorables ailleurs. « Ces dix-huit derniers mois, deux tiers des entreprises déclarent avoir augmenté le salaire proposé pour assurer le recrutement d’un talent », constate Robert Half. Selon l’Association pour l’emploi des cadres (APEC), le seuil de 300 000 recrutements de cadres pourrait être atteint en 2021.
Cette tendance haussière se voit confirmée par la 11e édition du baromètre annuel des salaires publié par Randstad jeudi 17 octobre, qui s’intéresse aux non-cadres. D’après l’analyse des 1,5 million de fiches de paie de salariés employés par l’agence d’intérim (payés au même niveau que les salariés permanents et hors primes et indemnités spécifiques), le salaire moyen des non-cadres enregistre pour la deuxième année consécutive une progression moyenne de 1,8 %, atteignant 1 636 euros brut en 2019.
Une augmentation légèrement supérieure à celle du smic (+ 1,5 % en 2018) et à l’inflation. Bien que cette hausse demeure modérée, elle semble confirmer un retournement de tendance : « Il s’agit d’un record depuis six ans », se félicite François Béharel, le président du Groupe Randstad France.