Ouvrier amputé sur le chantier du métro de Rennes : « Un accident du travail, c’est l’écart entre le travail prescrit et le travail réel »

Ouvrier amputé sur le chantier du métro de Rennes : « Un accident du travail, c’est l’écart entre le travail prescrit et le travail réel »

Il y a la loi, les plans de sécurité, les consignes. Et il y a le quotidien d’un chantier d’envergure, a rappelé l’audience du tribunal correctionnel de Rennes, lundi 25 mars, éclairant un accident survenu il y a huit ans sur le chantier du métro de la ville. « Huit ans et trois mois », corrige Bertrand Le Goff, partie civile, pour souligner combien chaque jour lui coûte sans sa jambe gauche.

En cette fin 2015, la station Sainte-Anne n’est encore qu’une excavation à ciel ouvert profonde de 22 mètres. Un chantier exceptionnel par le nombre d’entreprises qui y interviennent en même temps, en « coactivité ». La situation, accidentogène, nécessite une grande coordination : un phasage précis détermine qui travaille où et quand.

Dans la fosse ou « fond de fouilles », l’entreprise Guintoli (filiale de NGE) arase la roche avec une pelleteuse équipée d’une énorme fraise rotative « avec crochets, comme une mâchoire », précise le président du tribunal. Elle a remplacé le brise-roche hydraulique dont les vibrations ont fragilisé l’église voisine, provoquant six mois d’arrêt de chantier.

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Botte Fondations (filiale de Vinci) intervient ensuite pour projeter du béton sur des « voiles », les parois de la future station. Elle emploie Bertrand Le Goff, un maçon qualifié de 43 ans, père de trois enfants, en intérim depuis cinq jours, à la prise de cote. Ce 30 novembre, il prévient son chef qu’il manque 20 centimètres de terrassement sur le voile n° 7. Au mépris du phasage, la pelleteuse de Guintoli est rappelée sur la zone.

Une « situation dégradée »

Bertrand Le Goff s’en éloigne en se déportant le long d’un mur perpendiculaire, sur un talus. Un instant plus tard, le sol se dérobe sous ses pieds et la fraise lui happe la jambe. Il faudra deux heures pour l’extraire, sept heures de chirurgie pour le sauver, suivies de mois de douleurs et d’une nouvelle opération deux ans après.

Renvoyées devant la justice pour blessures involontaires par personne morale et par manquement délibéré à une obligation particulière de prudence ou de sécurité avec incapacité de travail supérieure à trois mois, les deux entreprises plaident la relaxe. Revendiquant des taux de sinistralité sous la moyenne du BTP, elles affirment avoir dûment appréhendé les risques dans leurs plans particuliers de sécurité et de protection de la santé.

« Je ne comprends pas pourquoi la fraise est sortie de sa zone d’évolution », s’étonne à la barre le représentant de Botte Fondations, selon qui une barrière sur le talus était inutile, car « ça ne sert qu’à signaler le danger, or M. Le Goff en avait connaissance ». « Elle serait tombée avec lui », renchérit le représentant de Guintoli. Les deux hommes mandatés ne sont cependant sûrs de rien, et pour cause : ce ne sont pas ceux qui encadraient le projet. « Après l’accident, on a rajouté un aide-fraiseur pour guider la pelleteuse. Aurait-on dû le faire avant ? Il ne me semble pas, car il y avait des consignes », plaidera la défense de Guintoli.

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