« On se rend compte qu’on n’est pas seules » : des aides à domicile en mal de reconnaissance font leur tour de France

« On se rend compte qu’on n’est pas seules » : des aides à domicile en mal de reconnaissance font leur tour de France

« C’est bon pour la salle ? » Smartphone dans une main, stylo dans l’autre, cahier sur les genoux, Aurore (les personnes citées dont le nom n’apparaît pas ont souhaité garder l’anonymat) tente de résoudre les derniers problèmes logistiques, en utilisant la banquette arrière de la voiture comme bureau. Des sachets de brioches Pitch témoignent de la longueur du voyage et du peu de temps accordé aux pauses déjeuner. De toute façon, les restaurants sont fermés et les budgets, serrés. Et puis, ces trois-là ont l’habitude : quand on est aide à domicile, « on vit un peu dans sa voiture ».

« Le week-end, je fais parfois 8 heures-21 heures sans pause. Je mange entre deux bénéficiaires en conduisant, si j’y arrive ! Sinon, je me gave de pastilles Vichy ! », explique, avec son accent niçois, Marie, 51 ans, assise à l’avant. Elle fait ce métier depuis vingt ans.

« Aurore, elle, son truc, c’est les Pitch ! » A 40 ans, elle est devenue employée à domicile en 2019, dans des villages des Pyrénées : « J’ai répondu à l’annonce le jeudi ; le lundi suivant, je commençais, sans aucune formation. » Au volant, c’est Anne, 50 ans, assistante de vie depuis cinq ans à Bordeaux : « Depuis peu, je fais des nuits. C’est “hard” la nuit, il y a toutes les angoisses qui remontent et tu ne peux appeler personne. »

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Ces femmes se sont lancées dans une drôle d’aventure : un « road trip » comme elles disent, à la rencontre de leurs collègues aides à domicile, mais aussi d’élus à même de relayer leur cause. En février, sur leurs congés, elles ont sillonné le Sud et l’Ouest, de Tarbes à Nice, de la Lozère au Morbihan, en passant par le Loir-et-Cher.

Fin mars, à la veille du troisième confinement, elles ont repris la route pour le Grand-Est, dormant chez l’habitant, et même dans le théâtre occupé de Dijon. Ce jour-là, elles ont rendez-vous dans une salle associative de Saint-Dié-des-Vosges (Vosges).

Clés de voiture serrées dans la main, Christelle s’arrête, hésitante, sur le pas de la porte : « C’est bien ici pour la réunion ? » A 48 ans, elle est auxiliaire de vie depuis cinq ans pour une association, à raison de 104 heures par mois. « Enfin, je suis payée 104, mais j’en fais plus… » Elle souffle. « Pourquoi tu es venue, toi ? », questionne Anne de sa voix douce. « Bah, il faut que ça bouge. Sur les salaires, les conditions de travail… Sur tout, quoi ! Y a encore cinq filles qui ont démissionné ce mois-ci, pour une seule embauche. Si on reste le cul sur notre chaise, rien ne bougera. » Un bon résumé de ce qui a poussé Anne, Aurore et Marie à prendre la route pour venir jusque-là.

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LJD

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