Michelin veut se débarrasser de ses manageurs « toxiques »

Michelin veut se débarrasser de ses manageurs « toxiques »

C’est une de ces carrières rectilignes, rapides, qui vous propulsent vers les sommets de l’entreprise. « Vingt-quatre ans chez Michelin dont vingt-deux d’un parcours parfait pendant lequel j’ai réussi à concilier ma vie professionnelle et ma vie personnelle », résume Sylvie (le prénom a été changé). Avant 40 ans, ce qui est rare chez le numéro deux mondial du pneu, elle est nommée « cadre groupe » avec une responsabilité globale sur une activité stratégique. « Son équipe était considérée comme une équipe d’élite », témoigne une responsable syndicale de la CFE-CGC.

L’entreprise, qui a détecté un haut potentiel, est aux petits soins : formation interne hypersélective, et coaching personnalisé pour l’aider à briser le plafond de verre qui bloque la carrière des femmes. Mais pour Sylvie, « tout a dérapé avec l’arrivée d’un nouveau supérieur hiérarchique ». « On nous avait prévenus qu’il était tordu. Dès la première réunion, il m’a attaquée en disant qu’il ne comprenait pas la valeur de mon poste dans l’équipe. »

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D’attaques répétées en humiliations, « le cauchemar a commencé, confie Sylvie. Il a réussi à me faire douter de mes compétences et j’ai développé un sentiment d’imposture. J’avais honte d’en parler. Au bout de deux mois, j’étais complètement épuisée ». Le harcèlement prend un tour extrême quand son responsable lui demande de tirer un trait sur un outil qu’elle a créé et dont le développement a coûté des millions d’euros. Au siège de Michelin, à Clermont-Ferrand, on la met en garde : « Ton chef est en train de dégommer ton équipe. » D’autres femmes accusées de manquer de vision stratégique sont dans le collimateur.

Un zéro pointé à l’unanimité

« En mars 2020, avec le confinement et le télétravail, le cauchemar a été décuplé. Je n’avais plus de relation qu’avec mon supérieur. C’était très violent. » C’est finalement son mari qui a tapé du poing sur la table et qui l’a envoyée chez le médecin. Elle ne voulait pas d’arrêt de travail mais son généraliste, qui n’a pas compris comment elle tenait encore debout avec 8 de tension, a rapidement posé le diagnostic : syndrome d’épuisement professionnel. Autrement dit, un burn-out sévère lié à un harcèlement moral.

Pour Christophe Haag, professeur à l’Ecole de management de Lyon et chercheur en psychologie sociale, le tableau est somme toute classique. L’auteur de La Contagion émotionnelle (Albin Michel, 2019) estime que Sylvie a eu affaire à un « manageur toxique avec une faible intelligence émotionnelle. (…) Cela peut entraîner chez les victimes des troubles psychosomatiques très importants et des dépressions graves. Je vois régulièrement des cadres qui sont devenus des zombies médicamentés et désocialisés. C’est un reflet de la société actuelle avec des manageurs sous pression qui baignent dans un contexte émotionnel négatif ».

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LJD

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