« Manager la religion au travail » : la délicate gestion d’un « sujet pas comme les autres »

« Manager la religion au travail » : la délicate gestion d’un « sujet pas comme les autres »

Un salarié qui porte un signe religieux dans l’enceinte de l’entreprise, un autre qui demande un après-midi de congé pour des raisons confessionnelles, un troisième qui prie chaque jour avec plusieurs collègues au milieu d’un atelier… Le fait religieux s’invite de plus en plus au cœur des organisations. Il concernerait aujourd’hui deux entreprises sur trois, laissant souvent les manageurs démunis : quelle attitude adopter ? Que dit le droit ? Quel mode opératoire déployer pour encadrer les pratiques ? Comment garantir la cohésion du collectif de travail face aux tensions qui peuvent naître ?

Ce n’est pas, pour les encadrants, « un sujet comme les autres. Ils le considèrent comme plus sensible et plus risqué », résume Lionel Honoré, professeur en sciences de gestion et directeur adjoint de l’Institut d’administration des entreprises (IAE) de Brest. Afin de leur donner des clés de compréhension mais aussi des repères pratiques pour la gestion quotidienne des équipes, ce spécialiste du fait religieux vient de publier un nouvel ouvrage, Manager la religion au travail (Dunod).

Son essai rappelle tout d’abord quelques règles fondamentales. En premier lieu, que le principe de neutralité ne s’impose que dans le secteur public – et dans les organisations effectuant des missions de service public. Dans les entreprises privées, c’est la liberté de conviction qui fait figure de socle juridique. Un salarié peut donc porter une kippa, avoir une icône de la Sainte Famille sur son bureau ou prier durant un temps de pause. Mais ce premier principe doit immédiatement être associé à un second : « L’exercice de cette liberté religieuse au travail peut être limité et encadré », explique l’ouvrage.

A la recherche d’un équilibre

L’entreprise sera guidée en cela par un vecteur principal : le fait que la bonne marche du travail ne soit pas entravée. Pour assurer une gestion du fait religieux, les manageurs doivent disposer d’un cadre. L’auteur souligne ainsi que « le préalable (…) est l’établissement de règles et de dispositions dans le règlement intérieur ». On attend également de l’entreprise une « prise de position politique ». Elle doit « définir sa posture entre tolérance minimale et inclusion, entre prendre en compte la pratique religieuse de ses salariés au cas par cas ou institutionnaliser une place pour la religion dans le fonctionnement organisationnel ».

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Fort de ce cadre, le manageur de proximité devra mener une gestion du fait religieux à la recherche perpétuelle d’un équilibre. Selon les faits observés, les demandes et la posture du collaborateur concerné, il devra ainsi faire preuve d’ouverture ou de fermeté. Ouverture pour inviter à la discussion et rechercher le compromis, selon la « logique de l’accommodement raisonnable ». Fermeté pour prendre des mesures restreignant la liberté religieuse lorsque la situation l’exige. Ce sera par exemple le cas lorsque certains salariés font œuvre de prosélytisme et font pression sur certains de leurs collègues.

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