Main-d’œuvre : « Il se dessine un gouffre entre ceux dont la vie limite le travail et ceux dont le travail limite la vie »

Main-d’œuvre : « Il se dessine un gouffre entre ceux dont la vie limite le travail et ceux dont le travail limite la vie »

Tribune. Alors que le sujet de la hausse des salaires anime la rentrée politique, c’est un autre problème qui plombe la reprise dans beaucoup de secteurs, celui des conditions de travail et de leurs inégalités croissantes. Or, ces dernières expliquent probablement pourquoi dans un pays où 8 % de la population active est inscrite au chômage des milliers d’entreprises n’arrivent plus à recruter.

Ce phénomène n’est pas seulement français, il se reproduit dans beaucoup de pays européens, à commencer par l’Allemagne, et même au-delà de notre continent, puisque les Etats-Unis, où la valeur travail est pourtant sacrée, sont touchés, à leur tour, par cette difficulté à pourvoir les emplois d’une économie qui se remet en route après des mois de paralysie. Joe Biden a même adressé un conseil en forme de critique aux entreprises américaines qui se plaignaient de ne plus arriver à embaucher, en leur chuchotant : « Pay they more » (« payez-les mieux »).

Qualité de vie

Pourtant, si le président américain a probablement raison de pointer du doigt des rémunérations souvent trop faibles, il s’avère que l’argent n’est pas – n’est plus – la seule variable d’ajustement d’un marché du travail en pleine transformation. Car, en y regardant de plus près, il apparaît clairement que cette difficulté à trouver des salariés qualifiés ou non qualifiés touche plus spécifiquement certains secteurs, certains métiers et certaines fonctions.

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Ainsi, le bâtiment, la logistique, l’hôtellerie-restauration, les services à la personne, la santé éprouvent les plus vives difficultés pour attirer et recruter de nouveaux entrants mais aussi pour conserver leurs salariés en poste. Or, si le salaire est un élément qui peut participer à endiguer ces phénomènes, la demande croissante concerne en fait la qualité de vie, et spécifiquement l’empiètement de ces activités professionnelles sur la vie de celles et ceux qui les pratiquent.

Par ailleurs, au sortir d’une crise qui a propulsé de nouvelles organisations de travail beaucoup plus souples pour les fonctions et les métiers de bureau, et en particulier la généralisation du télétravail pour beaucoup de salariés, il se dessine désormais un gouffre entre ceux dont la vie limite le travail et ceux dont le travail limite la vie, jusqu’à l’entraver.

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C’est ainsi que les « essentiels » tels qu’ils avaient été désignés au début de la crise liée au Covid-19 ont aujourd’hui le sentiment d’être les sponsors d’un modèle de société où le travail est de plus en plus aménagé, adapté, agrémenté, pour tout le monde, sauf pour eux.

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