Les « points aveugles » du système Orpea

Les « points aveugles » du système Orpea

« Orpea offre un florilège des aveuglements qu’a générés le capitalisme financiarisé depuis les années 2000. »

Gouvernance. En révélant des cas de maltraitance systémique dans des Ehpad de la société Orpea, le livre enquête de Victor Castanet, Les Fossoyeurs (Fayard, 400 pages, 22,90 euros), a provoqué une émotion qui va au-delà des questions éthiques qu’il soulève. C’est un système qui est mis au jour, et si l’on doit souhaiter un avant et un après Orpea, c’est aussi pour gagner en clairvoyance sur les mécanismes de notre économie.

Car Orpea offre un florilège des aveuglements qu’a générés le capitalisme financiarisé depuis les années 2000. Fondée en 1989, la société est cotée en Bourse dès 2002, et elle doit donc dégager des profits suffisants pour assurer la valorisation de son titre. Or, le marché financier attire l’épargne des ménages qui veulent s’assurer un niveau convenable de retraite. Le premier actionnaire d’Orpea est d’ailleurs la caisse de retraite du Canada, qui détient 14 % du capital. En raccourci, les futurs retraités espèrent financer leur éventuelle prise en charge par des Ehpad coûteux en investissant dans le capital de sociétés comme Orpea ; mais ils ne saisissent pas que, pour leur assurer des rendements, celles-ci doivent serrer les dépenses… ce qui détériore la qualité des Ehpad.

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Pour autant, Orpea n’est pas un mauvais élève de l’évaluation sociétale. Sa politique de responsabilité sociale (RSE) est aussi ambitieuse que sa stratégie de croissance, et ses efforts en matière environnementale sont aussi bien notés que ses résultats financiers. Elle souscrit aux « bonnes pratiques » de gouvernance, comme l’existence d’un comité RSE et de deux administrateurs salariés au conseil d’administration, ou la certification, dès 2023, de 100 % de ses établissements aux normes ISO. Les agences de notation ont salué cette politique par des évaluations excellentes en 2021.

Au-delà des chiffres

Mais cette lumière était trop aveugle et quand la brillante vitrine sociétale a volé en éclats, on s’est aperçu que même sans le vouloir elle masquait l’essentiel, c’est-à-dire la dégradation des services à la personne assurés dans le quotidien.

Les enquêtes en cours mettront sans doute en évidence d’autres points aveugles du système, comme des écarts de rémunération si grands, entre les dirigeants et le personnel de terrain, qu’ils déforment la réalité de l’entreprise vécue par les uns et les autres, les relations opaques entre Orpea et son environnement politique, mais aussi notre cécité commune qui se fie aux coûts élevés des Ehpad pour nous décharger de notre responsabilité sur le personnel qui accompagne nos aînés.

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LJD

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