« Les Nouveaux Cobayes » : le rôle de la Silicon Valley dans l’infantilisation au travail

« Les Nouveaux Cobayes » : le rôle de la Silicon Valley dans l’infantilisation au travail

« Les Nouveaux Cobayes. Comment les entreprises génèrent précarité et mal-être au travail », de Dan Lyons (FYP, 2019, 290 pages, 22 euros).
« Les Nouveaux Cobayes. Comment les entreprises génèrent précarité et mal-être au travail », de Dan Lyons (FYP, 2019, 290 pages, 22 euros). DR

Le livre. Un matin de juin 2017, Dan Lyons se retrouve à Menlo Park, en Californie, attablé avec Julia, une femme qui anime des ateliers en entreprise. Depuis deux ans, le journaliste américain tente de comprendre le monde du travail moderne et pourquoi il semble rendre tant de gens malheureux. Sa théorie est la suivante : « Au moins une partie de ce mal-être vient du fait que les salariés doivent assister à des ateliers stupides, où on les gave d’un tas d’absurdités complaisantes sur le développement personnel et l’autoamélioration. »

Son interlocutrice déverse six briques Lego sur la table et lui demande de faire un canard en 30 secondes. Il s’agit de l’exercice le plus connu du Lego Serious Play, une activité en plein essor : de grandes entreprises comme Unilever, Johnson & Johnson ou encore Google l’ont adoptée. L’atelier laissera l’essayiste pour le moins sceptique. Pourquoi le lieu de travail est-il devenu un mixte de jardin d’enfants et de centre de tests de personnalité ? Pourquoi le travail implique-t-il une telle infantilisation ? Et que génèrent toutes ces pressions psychologiques ? Autant de questions soulevées dans son ouvrage Les Nouveaux Cobayes (FYP).

Article réservé à nos abonnés Lire aussi «  La Médiation au travail » : décryptage des vertus d’une saine conflictualité

« Autrefois, les RH étaient de simples manageurs, mais depuis qu’ils ont des MBA, (…) ils sont friands de neurosciences de comptoir, et bien que la plupart ne feraient pas la différence entre les amygdales et les hémorroïdes, ils sautent sur tout ce qui peut reconfigurer le cerveau de leurs employés », déplore Dan Lyons. Exercices avec de la pâte à modeler, équipes qui s’affrontent pour trouver le moyen le plus rapide de se passer des balles de tennis et de les mettre dans un seau… les exemples d’ateliers témoignant de l’absurdité qui envahit le monde du travail ne manquent pas.

Priorité aux besoins des employés

Inutiles, ces exercices sont aussi facteur de stress : « Pour les travailleurs âgés, ces ateliers augmentent la crainte qu’ils ont déjà d’être évincés de leur emploi. Mais les jeunes les ont aussi en horreur. » Ainsi de ce développeur de logiciels dont le service a passé une journée à faire un atelier Lego : il a l’impression d’avoir « rejoint une secte ».

Article réservé à nos abonnés Lire aussi « L’entreprise, la loi et les compétences »

L’auteur souligne la responsabilité de la Silicon Valley dans le malheur de ces travailleurs. « D’une part, parce que c’est là que la plupart des nouvelles technologies de l’information utilisées au travail se sont développées. D’autre part parce qu’au-delà de la production de puces et de logiciels, la Silicon Valley vise à redéfinir la notion même d’entreprise, en amenant des idées radicalement nouvelles sur la manière de créer et manager les organisations. Malheureusement, bon nombre de ces idées sont épouvantables. »

Avatar
LJD

Les commentaires sont fermés.