L’argot de bureau : le « job hopping » ou le butinage professionnel

L’argot de bureau : le « job hopping » ou le butinage professionnel

Nous sommes dans le bureau d’un recruteur. Dernière étape d’un entretien d’embauche. « Le problème, cher monsieur, c’est que j’ai appelé les vingt-quatre personnes qui vous ont recruté ces dix dernières années. Et à chaque fois vous êtes parti du jour au lendemain, avant la fin de votre période d’essai.

– Vous savez, je ne me sentais jamais bien. Je suis perfectionniste ! C’est d’ailleurs mon plus grand défaut. Mais je suis certain d’avoir enfin trouvé chaussure à mon pied, je vous assure.

– Malheureusement, c’est aussi l’exacte formule que vous avez utilisée devant la moitié d’entre eux. Ils me l’ont dit. Je vous remercie, on vous rappellera. »

Sur le marché du travail, certains profils apprécient les sauts de puce ou d’abeille. Ces petits sauts, que l’on peut qualifier de butinage professionnel, trouvent leur grâce en anglais : le « job hopping », qui désigne un changement d’emploi très régulier – tous les ans ou tous les deux ans. Si cette expression trouve son origine dans les dictionnaires anglais dès les années 1940, elle est aujourd’hui communément utilisée dans la littérature scientifique internationale.

Derrière le job hopping, on trouve l’image d’un travailleur qui bénéficie d’un marché à son avantage, se tournant vers le plus offrant. On pense notamment aux secteurs où la pénurie de main-d’œuvre est chronique, comme l’informatique, les services à la personne ou le bâtiment. En 2023, la moitié des cadres ont estimé pouvoir trouver facilement un poste équivalent s’ils devaient changer d’entreprise ou perdre leur emploi, selon l’Association pour l’emploi des cadres.

Pour les RH, un stigmate négatif

En effet, c’est un bon moyen de voir sa rémunération grimper rapidement, et de ne pas attendre chaque début d’année pour demander une augmentation individuelle : 43 % des cadres estimaient pouvoir augmenter leur rémunération de 5 % en changeant d’employeur. C’est une sorte de jeu.

Outre l’argument légitime du salaire, ces joyeux butineurs peuvent faire valoir une certaine capacité d’adaptation, leur expérience ou un important éventail de compétences. Parfois, aussi, la mobilité peut s’expliquer par une déception, ou l’envie permanente de commencer de nouveaux projets.

Mais ne soyons pas dupes : ce terme n’est pas vraiment utilisé pour jeter des roses aux abeilles. Il a pour but de cibler ces « nouveaux mercenaires » du travail, réputés plutôt jeunes, qui n’auraient plus la moindre loyauté envers leur employeur. Les vilains petits canards sont aussi désignés comme des passagers clandestins, qui ont comme tare de mettre à distance leur travail. Ils restent un temps dans une entreprise, sans s’y projeter. Et se reposent pour mieux s’envoler à nouveau. Pendant ce temps, le ressentiment grandit chez ceux qui voient arriver des grappes salariées plus jeunes qu’eux mais gagnant le double de leur salaire.

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LJD

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