« La Main visible des marchés » : le marketing ou l’ambivalence du « consommateur roi »

« La Main visible des marchés » : le marketing ou l’ambivalence du « consommateur roi »

Le livre. Le marketing ? « Le mal incarné », une « prison (…) qui engourdit l’intelligence autant que les sensibilités », une activité orchestrée par des marketeurs, « mercenaires sans scrupule [qui] manipulent les peurs et les désirs, déforment, uniformisent, trompent, mentent ».

Les premières lignes de l’essai de Thibault Le Texier, La Main visible des marchés (La Découverte), reprennent nombre de critiques régulièrement proférées à l’encontre du marketing. Mais le chercheur associé au Centre européen de sociologie et de science politique s’attache à défaire les idées reçues et apporter une nuance qui lui semble nécessaire dans le regard porté sur le marketing. Il montre aussi combien le dédain et le rejet dont il peut faire l’objet, dans les milieux intellectuels par exemple, ont pu freiner sa progression.

« La main visible des marchés. Une histoire critique du marketing », de Thibault Le Texier. La Découverte, 648 pages, 26 euros.

Dans cette « histoire critique du marketing », Thibault Le Texier explique comment le consommateur est progressivement devenu le centre de toutes les attentions. Alors qu’à ses prémices, au XIXe siècle, la discipline détaillait dans des manuels « l’art de faire ses courses », elle va, au fil du XXe siècle, se concentrer sur les acheteurs, leurs habitudes de consommation, leur personnalité, leurs goûts. Aux Etats-Unis, le secteur agricole fait en cela figure de pionnier et deviendra source d’inspiration. « Il faut plaire à l’œil », affirmait déjà, en 1891, un producteur de céleris.

L’histoire du marketing est celle d’une danse perpétuelle menée par les acheteurs et les vendeurs, où les uns et les autres tentent de se rapprocher et de faire coïncider leurs attentes respectives. Et dans cette chorégraphie, les promoteurs des produits n’ont pas toujours la main. M. Le Texier assure ainsi que le consommateur n’est pas cette marionnette manipulée qu’on imagine parfois. « [Il] est un roi sous influence (…), mais un roi tout de même », estime-t-il, soulignant que le marketing ne peut pas tout : « Plus un individu a le choix, plus il est difficile de faire pression sur lui. » De même, rappelle-t-il, Internet permet aux acheteurs d’avoir accès à de multiples sources d’information sur les produits, réduisant d’autant l’influence de la publicité.

« Victimes consentantes »

Cela n’empêche pas les professionnels du marketing de se démultiplier pour tenter de les séduire (et, surtout, de les fidéliser). Ils segmentent les marchés (femmes, enfants…), scrutent les comportements des clients, s’adaptent en conséquence. L’ouvrage est l’occasion de détailler nombre de ces stratégies. « Depuis les années 1980, des compagnies aériennes, des hôtels, des loueurs de voitures et des banques, distinguant leurs clients par des codes couleur ou des noms génériques, offrent aux plus profitables des services personnalisés, tandis que de nombreux commerçants attribuent à leurs clients des scores d’attractivité », détaille M. Le Texier.

Il vous reste 26.83% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Avatar
LJD

Les commentaires sont fermés.