Justice : un chômeur en formation professionnelle n’est pas un consommateur
Le droit de la consommation est bâti sur l’idée que le consommateur se trouve en situation d’infériorité par rapport au professionnel avec lequel il contracte. Il contient donc des dispositions plus favorables à cette « partie faible » que le droit commun des contrats ou d’autres droits spéciaux. Reste à savoir qui peut en bénéficier : un demandeur d’emploi souscrivant un contrat de formation professionnelle est-il un consommateur ? Telle est la question que pose l’affaire suivante.
Le 10 septembre 2016, Odile X, préparatrice en pharmacie, dont le contrat touche à sa fin, décide de se reconvertir à la naturopathie. Elle signe un contrat de formation avec la société Lomberget, qui exerce sous l’enseigne Ecole de naturopathie appliquée et de médecine non conventionnelle, afin de suivre ses cours pendant deux ans, un week-end sur deux. Le coût total s’élève à 7 700 euros (soit, arithmétiquement, 148 euros par week-end), pris en charge à hauteur de 800 euros par Pôle emploi.
Las, Odile X ne suit que dix cours, car le lieu de la formation est « plus éloigné que prévu, non chauffé, sale », et son contenu « inadapté ». Arithmétiquement, elle ne doit que 1 480 euros. Mais lorsque, le 1er février 2017, elle résilie son contrat, la société lui réclame 3 500 euros, somme qui comprend une clause de dédommagement, du fait qu’elle a annulé sans « raison de force majeure », telle qu’un accident grave.
Cadre professionnel
Dans le détail, la société réclame : 2 310 euros d’acompte ; plus 944 euros pour les dix cours (soit un sous-total de 3 254 euros) ; plus 1 333 euros, somme correspondant à 30 % du « montant restant dû » (4 446 euros) pour atteindre le coût total de 7 700 euros. Mme X refuse de payer.
Le 7 mars 2019, elle est assignée devant le tribunal d’instance de Dôle (Jura). Son avocat soutient qu’au regard du code de la consommation, l’action de Lomberget est prescrite et la clause de dédommagement abusive, donc interdite. Il assure que le délai pour saisir la justice était de deux ans à partir de la résiliation. L’article L218-2 dit en effet que « l’action des professionnels, pour les biens ou les services qu’ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans ». Et que le contrat aurait dû permettre une annulation pour « motif légitime et impérieux », sans pénalité, comme l’a déjà jugé la Cour de cassation (11-27.766 et 15-25.468).
Le tribunal lui donne tort, le 5 septembre 2019 : il juge que le contrat n’est pas soumis au code de la consommation. En effet, comme le précise ce dernier dans son article liminaire, un consommateur est une personne physique qui n’agit pas à des fins professionnelles. Or, Mme X « a agi dans un cadre professionnel ». La prescription est donc celle, quinquennale, du droit commun, et le régime des clauses abusives ne s’applique pas.
Il vous reste 31.11% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.