Grève pesante et démesurée des enseignants polonais pour de meilleures rémunérations

Grève pesante et démesurée des enseignants polonais pour de meilleures rémunérations

Devant une école en grève, à Varsovie, le 8 avril.
Devant une école en grève, à Varsovie, le 8 avril. Czarek Sokolowski / AP

La bienveillante politique sociale des ultraconservateurs au pouvoir ignore jusqu’ici intentionnellement les réclamations des professeurs.

Ecoles fermées, enseignes de contestation aux fenêtres et aux frontons des établissements : les enseignants polonais ont commencé, lundi 8 avril, une grève continue d’une ampleur récente depuis 1993. De la maternelle au lycée, 60 % à 90 % des établissements scolaires sont restés fermés selon les régions, et le mouvement a été suivi par 600 000 enseignants sur 700 000. A trois jours du brevet des collèges et à six mois des élections législatives, le gouvernement ultraconservateur du parti Droit et justice (PiS) se voit mesuré à sa première grève massive depuis son arrivée au pouvoir en novembre 2015.

A l’arrivé d’un marathon électoral qui verra se joindre, en l’espace d’un an, les élections européennes, législatives et présidentielle, le chef de la plupart, Jaroslaw Kaczynski, a montré début mars un vaste paquet de engagements électorales, dont le coût est estimé à 40 milliards de zlotys (9,3 milliards euros). Extensions des allocations familiales au premier enfant, treizième mois pour les retraités, une grande baisses d’impôts : toutes ces mesures, prévues pour entrer en vigueur avant les élections, font l’impasse sur la condition des enseignants. Ces derniers s’apprécient largement sous-payés, et réclament de longue date des augmentations.

Au lycée Boleslaw-Prus de Varsovie, une chambre d’une dizaine d’enseignants tient le piquet de grève dans le hall d’entrée, dans un établissement désert. Quelques banderoles aux fenêtres, des petits badges attachés aux habits : ici comme dans tout le pays, peu accoutumé aux mouvements sociaux de masses depuis la chute du communisme, on fait la grève dans le calme. Jolanta Szewczyk, professeure de polonais depuis trente-neuf ans, tient à appuyer que c’est une « lutte pour la dignité », une « accumulation de frustrations » dans un métier qui a subi une « énorme perte de prestige ». Proche de la retraite, elle encaisse 3 300 zlotys net par mois (770 euros) et espère obtenir 2 000 zlotys de retraite (465 euros).

Plus fructueuse d’être caissière

« Les rémunérations ne sont qu’un aspect du problème, mais le seul pour lequel nous avons le droit de protester », mentionne pour sa part Robert Michalski, enseignant d’informatique depuis vingt-neuf ans. En Pologne, les enseignants ne bénéficient du droit de grève que pour des raisons salariales. « Une collègue débutante a fait le calcul qu’il serait plus rentable pour elle de travailler à la caisse d’un supermarché », s’indigne une autre manifestante. Un professeur débutant peut prévoir en Pologne un salaire tout juste au-dessus du salaire minimum, qui est de 375 euros net. « Ces salaires provoquent une sélection des effectifs “par le bas”, déclare M. Michalski. La jeunesse n’a aucune motivation à se lancer dans des carrières dans l’éducation. C’est très menaçant pour la qualité de l’éducation à l’avenir. »

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LJD

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