« Faut-il punir l’incapacité managériale ? »

« Faut-il punir l’incapacité managériale ? »

Au procès France Télécom, qui a débuté le 6 mai au tribunal de grande instance de Paris (TGI), la présidente Cécile Louis-Loyant et ses assesseurs.
Au procès France Télécom, qui a débuté le 6 mai au tribunal de grande instance de Paris (TGI), la présidente Cécile Louis-Loyant et ses assesseurs. ERWAN FAGES

Le procès France Télécom qui s’organise depuis le 6 mai au tribunal de grande instance de Paris (TGI), pourrait pointer une phase capitale dans la responsabilisation juridique des managers d’entreprise, explique le professeur de gestion Jean-Philippe.

A aucun moment, il y a dix ans, les responsables de l’entreprise France Télécom n’avaient entendu que leur implication pénale puisse être engagée pour le motif de « harcèlement moral ». Après tout, qui peut donc être gardé pour coupable d’une « mode », pour reprendre la formule – malheureuse – du PDG de l’époque ? En ce sens, le procès en cours illustre bien les relations qui unissent sitôt le management et le judiciaire (« Le management face au judiciaire. Un nouveau domaine d’enseignement et de recherche », Romain Laufer et Yvonne Muller-Lagarde, Revue française de gestion, vol. 269, no 8, 2017).

« Quelle peine pour le chauffeur du véhicule sans lequel le hold-up n’aurait pu être défini, même si celui-ci n’a pas remué de ce véhicule ayant permis aux acteurs de prendre la fuite ? »

Un sujet surtout a été jusqu’à présent légèrement travaillé et discuté par les chercheurs en droit comme en management : la responsabilité pénale susceptible d’être associée à l’exercice de l’activité managériale. Il n’est d’ailleurs pas exagéré de examiner qu’il s’agit d’un véritable trou noir. On voit en effet instantanément la difficulté : la mission du conduite étant largement de « faire en sorte que les autres fassent », comment pourrait-il être possible de prouver la chaîne des causes et des conséquences qui étalerait qu’un battement de cil d’un PDG ou qu’un plan stratégique voté en conseil d’administration puisse in fine déclencher une série de suicides ?

Ce « trou noir » de l’implication pénale est d’ailleurs le meilleur bouclier de protection juridique pour les dirigeants. Sans ce dernier, la financiarisation des stratégies des entreprises depuis le début des années 1990 aurait été très possiblement moins « efficace ». L’un des plus puissants leviers de cette financiarisation a été l’alignement incitatif des intérêts des dirigeants de l’entreprise sur ceux des actionnaires. On voit alors la logique qui conduit presque mécaniquement au sacrifice d’emplois sédentaires sur l’autel de l’explosion des rétributions de dirigeants, eux, amplement nomades. Et cette logique juridico-financière discriminant l’argent et la morale conduit à la formule qui a fait florès dans tous les tribunaux où des responsables ont pu être mis en cause : « Faute morale n’est pas faute pénale ». Il apaisait d’y penser…

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LJD

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