Face à l’afflux de candidats, les formations de brasseur de bière sont sous pression
Munis de tabliers et de bottes blanches, six élèves concassent 200 kilos de grains de malt. Réunis depuis 8 heures du matin dans la brasserie du lycée agricole de Douai (Nord), ils versent la mouture dans un imposant récipient en cuivre. « Malléable, bon conducteur thermique et bactéricide, le cuivre était très utilisé par le passé, raconte David Lutin. Vous travaillez avec un matériel d’exception : des cuves en cuivre, on n’en trouve quasiment plus désormais. Lorsque les Allemands ont occupé le nord de la France pendant la seconde guerre mondiale, ils les ont fait fondre pour fabriquer des obus. »
Le maître brasseur, au physique aussi imposant que son débit de parole est rapide, alterne anecdotes sur l’histoire de la profession, conseils pour l’installation, et détails techniques sur l’élaboration de la bière. « Si des billes se forment, écrase-les sur le bord. La maische doit être aussi homogène que possible. Et pour la température, on vise 67 degrés », glisse-t-il à une élève qui mélange la mouture de malt à l’eau, à l’aide d’une pelle en bois percée en son milieu. « On appelle ça un fourquet, corrige le formateur. Les brasseurs ont leur vocabulaire, qu’il faut maîtriser tout en sachant faire preuve de créativité. Les fûts, par exemple, écopent toujours de sobriquets. Généralement, c’est le nom du conjoint ou des enfants, car un brasseur passe plus de temps au travail qu’à la maison. Le métier est dur : autrefois, on disait qu’on brassait au sang et à la sueur. »
450 demandes, 24 places
Aujourd’hui, la profession attire moult candidats, et le marché mousse. La France est le pays européen qui compte le plus grand nombre de brasseries : 2 300 en 2020, contre 200 en 2009. Lancée en 2019 par les organisations professionnelles, proposée sur trois centres à ce jour, la nouvelle certification préparant au titre professionnel de brasseur affiche complet jusqu’en 2023, s’enthousiasme David Lutin : « A Douai, pour 24 places par an, on reçoit 450 demandes. De mon côté, quand j’avais cherché une formation de brasseur au début des années 2000, j’avais dû me rendre en Belgique car il n’y en avait plus en France ! Je suis rentré bredouille. Faute de candidatures, même la formation proposée à Louvain-la-Neuve avait fermé ! »
Le CAP brasseur a en effet disparu en France dans les années 1980, avec la fermeture de nombreuses brasseries, retrace Daniel Thiriez, vice-président du Syndicat national des brasseurs indépendants et brasseur à Esquelbecq (Nord) : « Depuis, il restait quelques cursus, mais il n’y avait plus de socle de formation pour cette profession artisanale, plus de diplôme… Et pourtant, le secteur connaît un nouvel essor. » D’où l’idée de développer une certification professionnelle de cent quarante heures, avec quatre semaines de stage en entreprise, validée par un examen national. Les premières promotions ont débuté en 2019.
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