« Concéder ses mots de noblesse à l’enseignant »

« Concéder ses mots de noblesse à l’enseignant »

Quelles sont les raisons de la carence d’attractivité de la profession d’enseignant en France et les appuis pour y remédier ? C’est la question que se pose Eric Charbonnier, chercheur à la direction de l’éducation de l’Organisation de coopération et de développement économiques.

Apprendre est bien plus qu’un métier, c’est une vocation, un sacerdoce, une mission. C’est une profession difficile qui sollicite de multiples qualités. Il faut être innovant et créatif, bienveillant pour encourager les élèves et non les stigmatiser, bon communiquant face aux attentes grandissantes des parents, flexible pour s’adapter à des classes aux niveaux de plus en plus hétérogènes. Et il faut bien sûr avoir des connaissances : la mission première des enseignants demeure et restera d’octroyer les savoirs.

Tous ces enjeux ne démoralisent pas les enseignants : ils aiment leur métier. En 2013, 76 % des enseignants exerçant au collège en France déclaraient dans l’étude Talis de l’OCDE que, « si c’était à refaire » ils préféreraient de nouveau le métier. Le paradoxe de la condition actuelle est bien là. Le métier en lui-même est souvent apprécié par ceux qui l’exercent, mais il manque d’attractivité pour ceux qui désirent entrer dans la profession. Un fléau qui dépasse nos frontières.

Donc, seules la Finlande et l’Irlande en Europe sont épargnées par la carence d’enseignants. Comment expliquer ce manque d’attractivité ? Et quels sont les leviers pour redonner ses lettres de noblesse au métier d’enseignant, au moment même où le gouvernement souhaite réformer la formation et la carrière des professeurs ?

Mieux rétribuer les enseignants

Le niveau de rétribution joue bien sûr un rôle important. Un prof de maths peut attendre encaisser davantage dans le secteur privé à niveau de qualification scientifique équivalent, tout en subissant parfois une pression moindre. Actuellement, la tentation est souvent forte de répondre aux sirènes du privé. Mieux rémunérer les enseignants est le nerf de la guerre dans de nombreux pays. C’est une requête qui a d’ailleurs émergé durant le grand débat national.

En France, les enseignants qui dressent dans le premier rang sont notamment désavantagés, alors que ceux du second degré ont des salaires moyens au niveau de la moyenne des pays de l’OCDE. Un enseignant en France dans le primaire gagne 9 % de moins que la moyenne OCDE en début de carrière. L’écart grimpe à 20 % en milieu de carrière (après dix ou quinze ans d’ancienneté). La progression est plus lente en France qu’ailleurs, ce qui peut démoraliser nombre d’enseignants et les inciter à changer de métier.

Les deux derniers gouvernements ont pris conscience du problème. Les enseignants débutants ont été réévalués. Leur progression en début de carrière a été accélérée par le précédent gouvernement. Le gouvernement actuel n’est pas en reste. Il a offert une prime consistante (de 1 000 euros pour le moment, bientôt de 3 000 euros par an) à ceux qui iront exercer dans les zones sensibles. C’est un premier pas, même s’il faudra aller encore plus loin et revaloriser les enseignants en milieu de carrière.

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LJD

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