« Working Woman » : destruction dissimulée en milieu professionnel



François Dos Santos est secrétaire CGT du Comité central d’entreprise (CCE) d’EDF. Il résiste aux divulgations du Parisien et du Monde sur le plan de l’administration pour réaménager le géant français de l’électricité. EDF pourrait être amenée à être distribuée en deux entreprises distinctes : d’une part le résultat d’électricité nucléaire et hydraulique, et de l’autre les énergies renouvelables, les services, les réseaux et la fourniture d’électricité.
L’administration et la direction d’EDF réaffirment œuvrer à un scénario de réaménagement de la société. Comment la CGT, premier syndicat du groupe, se positionne-t-elle ?
Pour les salariés d’EDF, il y a une grande incompréhension. C’est intolérable d’apprendre par la presse que notre avenir se joue à l’Elysée.
Pour notre part, nous considérons que toutes les activités du groupe doivent subsister ensemble. Toute volonté de changer le périmètre du groupe est inacceptable. On n’est pas partis pour négocier. Aucune concertation avec les organisations syndicales n’a d’ailleurs été engagée.
Le gouvernement estime que ce réaménagement pourrait donner de l’air à EDF et accepter au groupe d’investir…
Il y a en réalité deux sujets : le premier concerne la normalisation. Comment donne-t-on la possibilité à EDF d’investir dans le contexte actuel ? C’est le sujet majeur, il ne faut pas le négliger. Et ensuite, en fonction de cela, il y a une discussion sur l’organisation du groupe. Il n’y a aucune obligation à parler de la structure d’EDF. Honnêtement, il n’y a pas besoin de découper EDF pour avoir une meilleure normalisation.
Que vous inspire le plan de découpage en deux sociétés distinctes, chapeautées par une maison mère ?
Il y a en France depuis longtemps un fantasme sur la création d’un pôle industriel du nucléaire. Cela peut s’exprimer. Mais EDF ne peut pas n’être que cela ! Les agents EDF procurent de l’électricité à 30 millions d’abonnés et les font bénéficier d’un mix diversifié. Ce qui nous importe c’est que les gens aient du courant à un prix concurrentiel et qu’il y ait un service public de l’électricité. Ce n’est pas ce vers quoi on se dirige.
La seconde partie de l’entreprise ressemble à un agglomérat qui n’a pas beaucoup de sens : on y rassemblerait le réseau de distribution [Enedis], la fourniture d’électricité, les énergies renouvelables, les services. Il n’y a pas beaucoup de synergies possibles entre ces activités. Quel est le sens industriel de cette deuxième société ? Là aussi on peut s’attendre à l’arrivée de capitaux privés.
Ni la CGT, ni la commission centrale d’entreprise ne sont favorables à un assemblage qui vise à accroître la part privée du capital. Nous allons réfléchir à la mobilisation dès maintenant ; quand le plan aura été choisi par Macron et vendu à Bruxelles, ce sera trop tard.
Quelles peuvent être les résultats pour les salariés et pour les consommateurs ?
Cela peut avoir des résultats graves par exemple pour les 8 500 salariés de l’activité de commercialisation d’électricité. Les marges d’un EDF séparé de la production seraient très faibles et n’admettraient pas de maintenir des centres d’appels en France, et une forte qualité de service.
Pour les consommateurs, ce projet a de très grandes chances de conduire un accroissement des factures d’électricité.

Dans la fabrique Veolia d’Amiens, une sélection mécanique accomplie par un robot facilite le travail des assistants.
Où vont les pertes récupérables que l’on dépose dans les poubelles de sélection sélective ? Pour douze collectivités du département de la Somme, ils commencent par être déversés par les camions de collecte dans le grand hangar de l’usine Veolia, en périphérie d’Amiens, où flotte une odeur douceâtre. Deux équipes de onze personnes se relaient quotidiennement pour choisir et séparer dans cette masse douze matières premières (aluminium, acier, carton, papier, PET clair, PET foncé, film plastique…). Celles-ci sont après conditionnées dans de grandes balles homogènes pour être recyclées dans des filières spécifiques.
Depuis son ouverture en 1998, le centre de tri d’Amiens a été maintes fois mis à jour. « Avant 2013, l’ensemble des opérations de tri étaient effectués par les opérateurs, rappelle Philippe Herdhebaut, le directeur du site. Depuis, un premier tri par séquence est accompli par des machines, des trommels et des souffleries, qui séparent les grandes familles de déchets. Un tri optique, conçu par Veolia, a aussi été introduit en 2016. L’objectif était d’abord d’améliorer les conditions de travail et, surtout, de diminuer les contacts avec des déchets dangereux. »
« Les opérateurs ne participent plus qu’en contrôle du tri mécanique pour en fournir la qualité »
En fin de ligne, dans une cabine isolée où une forte ventilation a été établie, les agents situés de part et d’autre de deux tapis roulants ont les yeux rivés sur les déchets qui défilent. « Les opérateurs n’interviennent plus qu’en contrôle du tri mécanique pour en assurer la qualité, déclare Philippe Herdhebaut. Les cadences restent importantes. Pour éviter les troubles musculaires et osseux, nous avons mis en place des procédures, comme une gymnastique de 10 minutes avant le démarrage, un changement de poste toutes les heures et des postes qui s’adaptent à la taille de l’opérateur pour que le mouvement soit le plus fluide possible. »
Renforcement des consignes de tri
A côté des opérateurs, une cabine particulière a été édifiée pour accueillir, en avril 2018, une machine d’un nouveau genre. Six mois de réglages ont été nécessaires pour qu’elle se constitue une photothèque de déchets. Actuellement, le robot Max-AI détecte et sépare, au rythme de 3 600 gestes par heure (contre 2 200 pour un opérateur humain) les plastiques qui n’ont pu être retirés de la ligne des papiers. « L’intelligence artificielle nous aide à faire face à l’extension des consignes de tri, mise en place en 2016 pour les collectivités de la Somme clientes de Veolia, mentionne Philippe Herdhebaut. Cette simplification, pour les ménages, de l’usage de leur poubelle jaune nous apporte des volumes en augmentation de 30 %, des objets plus légers, donc plus pénibles à trier, et une plus grande variété de plastiques. »

La loi de finances pour 2019 a effacé le plafond de 17 500 euros pour le salaire donné à son compagnon marié sous un régime de communauté, déclare l’avocat Daniel Gutmann.
En tant qu’entrepreneur, puis-je retranche totalement le salaire de mon conjoint de ma déclaration de revenus ?
L’exploitant individuel d’une société commerciale, libérale ou agricole, ne pouvait jusqu’ici retrancher le salaire qu’il répandait à son conjoint marié sous un régime de communauté que dans la limite de 17 500 euros. En revanche, ce plafond ne s’apposait pas aux exploitants adhérents d’un organisme de gestion agréé, organisme dont la fonction est notamment de vérifier la cohérence de leurs déclarations fiscales. Cette mesure formait ainsi une incitation pour les contribuables à adhérer à ce type d’organisme.
La loi de finances pour cette année a annulé le plafond de 17 500 euros et, par conséquent, la distinction qui existait en la matière entre les adhérents et les non-adhérents à un organisme de gestion agréé.
Aussitôt, que l’exploitant soit adhérent ou non, le salaire attribué au conjoint est totalement déductible, sous réserve naturellement de respecter les conditions générales de déductibilité (participation effective du conjoint à l’exercice de la profession et assujettissement du salaire aux cotisations et prélèvements sociaux).
Cette mesure s’appose pour la résolution de l’impôt sur le revenu dû au titre de l’année 2018 (y compris donc aux salaires versés au cours de l’exercice clos en 2018) et pour les années à venir.

La distance entre la morale et les pratiques demeure la marque de l’usine des « patrons de gauche », développent un sociologue et un syndicaliste.
Ce ne sont pas les plus abondant ni les plus perceptibles, on les voit peu dans les débats et les médias, ce sont les chefs et patronnes de gauche. A mi-chemin entre des valeurs progressistes, parfois même anticapitalistes, et une position de chef de la société où la logique de marché reste prédominante, ces patrons échappent souvent aux radars.
Alors que pour un travailleur « de gauche », œuvrer pour l’un d’entre eux devrait être l’emploi idéal, la réalité révèle parfois amère. Nous avons consulté une vingtaine de personnes sur leurs expériences de travail dans des coopératives, des associations et des sociétés de l’économie sociale, mais aussi des syndicats, des médias ou encore comme attachés parlementaires d’élus de gauche, afin de débarrasser quelques enseignements sur le profil et le conduite de « patrons de gauche ».
« Faites ce que je dis, pas ce que je fais. » C’est la première caractéristique des patrons de gauche : il y a fréquemment chez eux un espacement entre l’éthique affichée et les pratiques. Comme le raconte un ancien assistant parlementaire : « Mon élu défendait le droit au repos dominical dans l’Hémicycle, mais il faisait parfois travailler son équipe toute la semaine, dimanche compris, sans même accorder un repos le lundi. »
Une position délicate
Quoi qu’on puisse en dire, « être de gauche » ne défend pas des mauvaises pratiques patronales : horaires irréguliers, harcèlement professionnel, embauche des « petits jeunes » corvéables à merci, salariés changés par des stagiaires, rétribution affinitaire, absence de transparence, etc. Il arrive aussi que les patrons de gauche, comme les patrons tout court, soient de mauvais patrons.
En plus des abus d’autorité, le décalage entre éthique et pratique pose ici une gêne supplémentaire pour les salariés. Travailler pour un patron ouvertement « de gauche » n’est pas anodin : c’est souvent partager ses idées politiques. Or, comme le mentionne Michel Gollac (« Mesurer les facteurs psychosociaux de risque au travail », rapport au ministre du travail, avril 2011) les conflits de valeurs sont source de malaises, abaissent l’image du métier aux yeux des salariés, alimentent le sentiment d’inutilité du travail.
Une autre caractéristique de ces patrons est souvent de ne pas s’assumer comme employeurs, d’être mal à l’aise dans la relation de subordination avec leurs salariés et de faire comme si les hiérarchies salariales avaient disparu en poursuivant à s’appeler « camarade ». Une parlementaire va par exemple jusqu’à contester les hiérarchies salariales et revendique d’avoir créé un mode nouveau de gestion « sans chef », « horizontal et participatif ».

Les développeurs chinois s’arrangent. Depuis quelques semaines, ils révoquent leurs conditions de travail sur GitHub, le site de répartition de code informatique, et l’une des inhabituelles plates-formes étrangères non blâmées en Chine. Alors que l’économie chinoise freine, certaines entreprises tentent de compenser des résultats en baisse en augmentant la pression sur leurs salariés, contraints à faire des heures additionnels. Le numéro 2 du commerce en ligne en Chine, JD.com, qui poursuivrait à révoquer 8 % de ses employés, menace les moins dévoués.
Sur GitHub, les programmeurs chinois dénoncent le rythme « 996 » qu’on leur impose : œuvrer de 9 heures à 21 heures, 6 jours sur 7. Soit des semaines à 72 heures, quand la loi chinoise exige qu’au-delà de 40 heures par semaine, les heures additionnelles soient volontaires, équilibrées, et ne devancent pas 36 heures par mois au total.
La culture du « 996 »
La lassitude couve depuis fin 2018. En raison des mauvaises conséquences, des entreprises chinoises de la tech ont pris de premières mesures d’économies. Baidu, Tencent, Alibaba ont annoncé des embauches en baisse, voire des réductions d’effectifs. Un rapport du site de recherche d’emplois Zhaopin observait une baisse de 15 % des offres publiées par les entreprises de la tech en janvier 2019 par rapport au même mois de l’année précédente. Les employés ont ressenti les premières conséquences de ces mesures d’austérité juste avant le nouvel an lunaire, début février, qui est la période traditionnelle de paiement des primes de fin d’année.
« Si vous ne vous sentez pas sous pression dans votre entreprise, vous feriez mieux de partir, parce que cela veut dire que votre employeur est en train de mourir »
En janvier, c’est le patron d’une plate-forme de commerce en ligne, Youzan, qui a initier le débat en appelant ses employés à opter la culture du « 996 ». « Si vous ne vous sentez pas sous pression dans votre entreprise, vous feriez mieux de partir, parce que cela veut dire que votre employeur est en train de mourir », écrivait-il sur le réseau social WeChat. Sur GitHub, la plateforme des développeurs, une page « 996 ICU » a été créée, parce qu’à œuvrer 12 heures par jour, 6 jours sur 7, vous risquez de finir en « Intensive care unit » (unité de soins intensifs). Le sujet avait été commenté ou « aimé » 211 000 fois, vendredi 12 avril. Un record. C’était aussi l’un des plus éclaircis sur Weibo, plate-forme chinoise similaire à Twitter, début avril.
La colère de la communauté des programmeurs n’a pas empêché d’autres sociétés de suivre l’exemple de Youzan. Chez JD.com, les salariés du service client ont encaissé un avertissement, d’après un e-mail interne publié sur un réseau social chinois. Il mettait en garde les travailleurs qui « ne se battaient pas pour en faire plus, quels que soient leurs performances, leur poste, leur santé ou leur situation familiale ». Mi-février, l’entreprise avait déclaré le licenciement de 10 % des cadres, et voulait supprimer la partie fixe du salaire de ses livreurs. D’après le site américain The information, JD.com voudrait licencier 12 000 postes.
« Nous n’avons pas besoin de ceux qui ne veulent travailler que 8 heures par jour, commodément »
Le créateur du groupe, Liu Qiangdong, a répliqué aux critiques sur Wechat, vendredi : JD.com n’optera pas le « 996 », mais doit garder l’esprit de combat de ses débuts et annuler des postes d’encadrement inutiles, a-t-il déclaré. Jack Ma, le fondateur d’Alibaba a aussi défendu cette culture de l’employé qui ne compte pas ses heures, sans qui ni son groupe, ni Tencent, l’autre géant de la tech de l’empire du Milieu, n’auraient vu le jour. « Nous n’avons pas besoin de ceux qui ne veulent œuvrer que 8 heures par jour, confortablement », a-t-il déclaré lors d’un séminaire interne le 11 avril, d’après le compte WeChat officiel de l’entreprise.
Une licence qui oblige à respecter le droit du travail
La culture du « 996 » n’est pas nouvelle mais elle était plus pratique à digérer quand la tech chinoise éprouvait une croissance insolente, qui s’interprétait par des augmentations de salaires à deux chiffres tous les ans. « Tout le monde travaillait à ce rythme, mais avant, il y avait une énergie très positive. Actuellement, la carotte n’est plus là », déclare Elliott Zaagman, présentateur du podcast China Tech Investor. Il poursuit :
« L’augmentation est moins rapide, il y a moins d’argent facile. Au point que beaucoup d’entreprises annulent des postes. Chez JD.com, le management voudrait des salariés plus motivés, qui travaillent plus dur. Mais cela ne fonctionne que si les entreprises tiennent leurs promesses, comme chez Huawei où les employés, qui sont tous actionnaires, encaissent des primes très importantes grâce à la croissance de l’entreprise. »
Pour se défendre, certains développeurs ont assimilé une licence à leurs codes qui oblige les clients à respecter le droit du travail. En vertu de cette licence, les développeurs d’un logiciel libre peuvent attaquer une entreprise qui utiliserait leur code et abuserait de ses employés. C’est Katt Gu, étudiante en thèse d’informatique à l’université de l’Illinois et consultante juridique pour la start-up Dimension à Shanghaï, qui a défini les limites de cette « licence anti-996 ».
Elle développe :
« C’est une arme additionnelle. Si votre patron vous force à faire des heures additionnelles et que votre entreprise utilise ces codes, vous pouvez vous adresser non seulement à la justice, en vertu du droit du travail, mais vous pourrez aussi contacter le propriétaire des droits du logiciel, qui pourra attaquer la société sur le terrain de la législation des droits d’auteur. »
Déjà plus d’une centaine de programmes ont été placés sur GitHub intégrant la licence, conclu cette dernière.

Une étude du cabinet de conseil Korn Ferry met en cause les notions perçues sur l’indifférence des salariés français vis-à-vis de leur entreprise.
Les travailleurs français seraient les plus inquiets au monde. Amplement commenté dans les médias, le ultime sondage en date conduit par Gallup sur la motivation des salariés a fait grand bruit : à en croire l’institut, seuls 6 % des employés français s’affirment engagés au travail. Un taux qui en fait les salariés les moins motivés d’Europe. Particularités culturelles, chômage élevé, management paternaliste… toutes sortes d’arguments ont été avancés par des experts en ressources humaines afin d’entourer l’origine de ce « mal français ».
Mais un récent sondage fait par Korn Ferry vient battre en brèche ce constat. Le cabinet de conseil a essayé, à son tour, de sonder la motivation des salariés français. Et les résultats de son enquête sont clairement moins alarmants que le sondage réalisé par Gallup. Ainsi, 74 % des salariés français consultés par Korn Ferry déclarent avoir de l’intérêt pour leur travail – un taux stable depuis cinq ans – et 75 % déclarent concevoir de la « fierté » à travailler pour leur entreprise.
Pourquoi de tels écarts entre ces deux sondages ? Il y a bien sûr une inégalité de méthodologie : Gallup a consulté par téléphone un échantillon de 1 000 salariés français sur leurs conditions de travail globales, tandis que Korn Ferry a compilé des données rentrées entre 2014 et 2018 pour le compte de ses clients établis dans l’Hexagone, soit 90 organisations et 170 000 salariés, en posant des questions plus directes.
Les deux études se permettent sur un point : certes plus bas que la moyenne mondiale, le moral des salariés français n’est in fine pas si distinct de celui de leurs voisins. Selon les calculs de Gallup, seuls 10 % des salariés européens seraient effectivement engagés dans leur travail. Quant aux résultats établis par Korn Ferry pour les salariés français, ils se situent dans la moyenne mondiale. Preuve que tout dépend de la manière dont les sondages sont lus…
Critique plus qu’éloge
Nonobstant, quelques écarts semblent symptomatiques. Seuls 37 % des salariés français consultés par Korn Ferry pensent être payés de façon juste pour le travail qu’ils font, contre 49 % au niveau mondial. De même, la proportion de salariés désirant rester plus de cinq ans dans la même entreprise est plus faible en France que dans les autres pays (avec un peu moins de la moitié des salariés, elle s’établit à 8 points en dessous de la moyenne mondiale).

Nous l’avons tous aperçu, depuis quelques mois, de petits cartons discrets sortent dans les magasins, à l’entrée des fabriques ou des chantiers : employés sollicités. Comme au bon vieux temps, la France, pays du chômage de masse, est désormais, le pays de l’embauche. Au vu de l’extraordinaire enquête 2019 de Pôle emploi sur les besoins de main-d’œuvre, la société en France pourrait mettre un panneau géant devant sa porte : ici, on embauche un million d’employés dans les services aux particuliers, 700 000 dans les services aux entreprises, 325 000 dans le commerce, 178 000 dans la construction… Et même les secteurs moribonds cherchent des bras : 240 000 postes sont à nantir dans l’industrie et 250 000 dans l’agriculture !
On ne sait pas si, comme l’a suggéré, en 2018, Emmanuel Macron, il suffit de traverser la rue pour avoir un job, mais le fait est que l’emploi est existant.Et dans tous les domaines. La liste des métiers les plus sollicités par les sociétés cette année laisse rêveur : viticulteur, agent d’entretien, serveur, animateur socioculturel, aide ménagère, artiste, cuisinier, informaticien… Il y en a pour tous les goûts et toutes les compétences. Sachant que du côté des cadres (à partir de bac + 3), on approche le plein-emploi depuis plus d’un an.
Cette embellie est phénoménale. On n’avait pas vu un tel emballement depuis les années fastes 2006-2008, quand le taux de chômage était arrivé aux alentours de 7 %. Il s’explique par la manœuvre du retour de l’augmentation et de cinq ans de mesures en faveur des sociétés, tant sur le plan financier que social.
Mais la réduction forte du chômage, qui est passé, en 2018, sous la barre des 9 %, n’est pas encore garantie. Car la face sombre de l’étude de Pôle emploi révèle une forte augmentation des difficultés d’embauche. Les entreprises prévoient 2,7 millions de d’embauche cette année, mais une sur deux reconnaît que ce sera difficile, tant elles ont du mal à trouver le bon candidat. Dans des métiers, comme les couvreurs, les charpentiers, les carrossiers, les mécaniciens auto ou les aides à domicile, plus de 80 % des employeurs questionnées peinent à recruter. Score presque pareil du côté des chauffeurs routiers, des électriciens ou des plombiers. Depuis 2016, ce phénomène de difficulté s’amplifie et devient un vrai facteur de blocage. Dans la construction, les deux tiers des sociétés sont en pénurie de recrutement.

Les avocats accusent la maison mère, Sequana, Bpifrance et Bercy dans la ruine des usines sarthoises.
Dix jours. C’est le délai établi par les délégués des 726 salariés sarthois d’Arjowiggins effrayés de licenciement. Lundi 8 avril, ils ont envoyé trois courriers lourds de menaces, l’un au PDG du groupe Sequana (la maison mère), Pascal Lebard – leur ancien chef –, l’autre au directeur général de la banque publique d’investissement Bpifrance, Nicolas Dufourcq, et le troisième au ministre de l’économie, Bruno Le Maire.
Ils entendent mettre manifestement en cause les touchés dans la gestion du dossier Arjowiggins, qui a achevé, le 29 mars, à la liquidation de la fabrique sarthoise de Bessé-sur-Braye (568 salariés) et à la réparation partielle de sa voisine du Bourray, à Saint-Mars-la-Brière (112 salariés conservés sur 270). L’usine Greenfield de Château-Thierry (Aisne) étant, elle, reprise avec ses 75 salariés.
Les délégués du personnel et leurs conseils du cabinet LBBa, Mes Justine Candat et Thomas Hollande, reprochent le groupe Sequana d’avoir procédé à des mouvements de fonds illicites « pour plus de 20 millions d’euros », entre le jugement de rétributions et l’ouverture des procédures de redressement judiciaire des usines sarthoises. Et ce, aux appointements des filiales Antalis (distribution) et Arjowiggins Sourcing, toutes deux dirigées par Pascal Lebard.
S’appuyant sur l’article L632-2 du code du commerce, ils résilient « un pillage organisé » de la trésorerie des sociétés sarthoises, qui a « gravement entravé la poursuite de l’activité de ces entreprises » et « irrémédiablement compromis les chances de trouver un repreneur pour l’ensemble des activités françaises d’Arjowiggins Graphic ».
Uniquement le groupe suédois Lessebo Papers avait exprimé une proposition globale pour les trois usines, mais n’avait pu assurer l’apport de 33 millions d’euros (puis de 25 millions, dans un second temps) de fonds privés essentiels à la reprise, l’Etat et les régions Centre-Val de Loire et Pays de la Loire s’étant engagés, quant à eux, à supporter la même somme par le biais de fonds publics.
« Flux courants et habituels »
Pour les travailleurs, il apparaît clairement que ces « plus de 20 millions d’euros » emportés par le groupe ont eu un rôle déterminant dans l’échec de ce projet de reprise, et ils exigent actuellement de leur ancien PDG « de participer, sous dix jours, au financement des plans de sauvegarde de l’emploi » des fabriques sarthoises « à hauteur du montant des mouvements de fonds intervenus au préjudice de ces deux sociétés ». Une fois le délai passé, les avocats ont obtenu pour instruction « de saisir les juridictions civiles et répressives compétentes ».

L’Assurance maladie annonce, jeudi, le rapport « Santé travail : enjeux et actions ». Elle admet qu’une part non insignifiant des cancers professionnels demeure non affirmé.
Le cancer est transformé abondamment courant dans le monde du travail, que l’expérience de la maladie est en passe d’évolution une compétence. Qualification « Fighting cancer » peut-on ainsi lire dans les CV sur Linkedin. « Quand on traverse une maladie, on procure une compétence qui est d’aller chercher des ressources pour s’adapter dans l’urgence et gérer les crises, l’ex-malade a de quoi transmettre à ses pairs », déclare Hélène Bonnet, responsable chez Sanofi de « Cancer & travail : agir ensemble ». Jeudi 11 avril, l’Assurance maladie diffuse un rapport intitulé « Santé travail : enjeux et actions », qui dévoile que le nombre de cancers reconnus d’origine professionnelle a plus que triplé en vingt ans, passant de 541 à 1940, avec une moyenne annuelle de 1840 cas pour les cinq dernières années.
Il y a en hexagone 1 000 nouveaux cas de cancer par jour. La cartographie éditée en janvier par Santé publique France (ex-Institut de veille sanitaire) montre qu’en moyenne le cancer a intéressé 356 000 nouveaux cas par an de 2007 à 2016, et pour 2018 l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en a signalé 382 000. La part des cancers reconnus d’origine professionnelle (0,5 %) peut, à cette aune, paraître proportionnellement modeste.
Mais l’amélioration des cancers sans rapport avec l’amiante est menaçante : c’est la part du bilan qui augmente le plus ces dernières années. « Le nombre de cancers hors amiante représente désormais 23 % des cancers professionnels en 2017, contre 17 % en 2013 », mentionne la branche Risques professionnels de l’Assurance maladie. Il s’agit des cancers de la vessie, des cancers nasosinusiens et des leucémies, en lien avec l’exposition aux poussières de bois, au benzène, et aux produits noirs (goudrons, bitumes, asphaltes) pour la moitié d’entre eux. Dans le même temps, la part des cancers liés à l’amiante est passée à 77 % contre 83 % quatre ans plus tôt. Ils sont réduits dans le nord de la France dans les secteurs de la sidérurgie et le BTP et sur la population ouvrière.
Une participation financière de taille
Cette situation ne correspond pas à l’exposition actuelle des salariés, mais elle reflète la structure de l’emploi des cinquante dernières années. « La période de latence entre l’exposition aux facteurs cancérigènes et la survenue du cancer est de vingt à quarante ans. On ne connaîtra l’impact de l’exposition contemporaine des agents cancérigènes sur la santé des salariés que dans plusieurs années », ajoute l’Assurance maladie.
Liron Ben-Shlush et Menashe Noy dans « Working Woman », de Michal Aviad. KMBO
Tournant dans la vague #metoo, l’Israélienne Michal Aviad accomplit un film d’une sécheresse et d’une médiocrité bienvenues qui enseigne, au quotidien, comment la vie d’une jeune femme peut être affectée par une conduite de prédation sexuelle montant méchamment en puissance sous les dehors d’une requête d’efficience et de complicité professionnelles.
Interprété par Liron Ben-Shlush – qu’on avait déjà pénétrée très convaincante dans Chelli (2014), d’Asaf Corman – le personnage d’Orna trouve, au début du film, un travail exceptionnel comme assistante dans une agence immobilière spécialisée dans les produits de luxe. Une aubaine, alors que son mari, Ofer, qui se lance au même moment dans la restauration à son propre compte, peine à découvrir ses marques et que la famille tire le diable par la queue.
Devant Orna parade Benny (Menashe Noy), le patron de la société immobilière qui vient de la recruter. Père de famille, mais homme de pouvoir et séducteur irrépressible, le quinquagénaire utilise une gamme de comportements assez subtile pour parvenir à ses fins. Autoritaire et serviable. Amical et prédateur. Il ne régresse que pour mieux revenir à la charge. Et fait feu de tout bois. Promotion rapide, prolongement des journées de travail, voyages à l’étranger, tête-à-tête de plus en plus fréquents, coup de main donné à l’occasion au mari dans sa carrière naissante… Autant d’éléments qui, tant en vertu de la reconnaissance que du témoignage de loyauté professionnelle qu’ils engagent, œuvrent à un approche insidieux entre le patron et son employée.
Mutisme stoïque
Bientôt appelée directrice des ventes pour la clientèle française, Orna, seul pôle de stabilité financière du foyer, résiste en silence. Le mutisme stoïque dans lequel elle s’emmure, tour à tour flattée et choquée, va l’empêcher de prédire et de freiner la montée en puissance du désir de son patron, qui le conduira à transgresser toutes les règles.
Centré sur le couple, filmé en longs plans-séquences, le film laisse en jachère, par la force des choses, les autres personnages, comme le mari ou la mère d’Orna, qui ignorent de quoi il rentre. Encore que l’aveuglement auquel est cantonné le mari, et sa réaction de machiste obtus sur le tard, puisse être aperçu comme une sorte de connivence involontaire, et donc être mis au débit du genre masculin dans son ensemble, qui sort du film en très piteux état. Working Woman installé en revanche une liaison plus subtile entre le libéralisme destructeur qui vend à l’encan le littoral du pays à de riches étrangers et l’outrage à la libre disposition de leur corps dont sont victimes les femmes.
Film israélien de Michal Aviad. Avec Liron Ben-Shlush, Menashe Noy, Oshri Cohen (1 h 33). Sur le Web : www.kmbofilms.com/working-woman