« Le changement en cours de la fonction publique laisse une sensation d’imperfection»

Johan Theuret, DRH dans la fonction publique, appelle à une véritable gestion des compétences, dont les employeurs publics sont actuellement dépourvus.
Le gouvernement termine les différentes consultations relatives au projet de loi de transformation de la fonction publique et devrait déposer la version définitive en conseil des ministres mercredi 27 mars. Initialement annoncé comme une nouvelle grande loi en faveur de la fonction publique, l’actuel projet constitue avant tout une loi technique, mais qui a le mérite d’amorcer de véritables et concrètes simplifications.
On nous annonçait un vent de modernisation en faveur d’une fonction publique rénovée. Ce n’est pourtant qu’une trentaine d’articles techniques qui vont être soumis aux parlementaires.
Malgré cela, ayons l’honnêteté de soigner le sang-froid de véritables mesures de diminution contenues dans le projet de loi, comme la fusion des comités techniques et des comités d’hygiène, santé et conditions de travail (CHSCT), le recentrage des commissions administratives paritaires, la création d’un contrat à durée déterminée (CDD) de projet, l’établissement d’un mécanisme enveloppé de rupture habituelle, la transposition du protocole d’accord en faveur de l’égalité femmes-hommes qui crée de véritables droits et protections.
Des outils ajustés aux réalités
Pour autant, toutes ces mesures utiles, attendues et portées depuis plusieurs années par plusieurs acteurs, ne forment pas une loi porteuse de sens et n’offrent pas à la fonction publique toutes les éventualités dont elle a besoin pour se moderniser.
Sortira-t-on de la simple gestion administrative des ressources humaines pour cheminer vers une véritable gestion des compétences dont les employeurs publics ont affreusement besoin ? Sans doute pas si on n’allège pas toutes les dispositions administratives qui se sédimentent au fur et à mesure des réformes successives et qui participent à rendre le statut, les déroulements de carrière et les conditions de rétribution de plus en plus opaques et inaccessibles par les non-initiés.
Est-il véridique de parler d’une loi ambitieuse en ne exigeant au débat parlementaire que des mesures techniques et en renvoyant à de multiples ordonnances sur des sujets aussi cruciaux que la santé et les conditions de travail, tandis que le taux d’absentéisme est de 7,85 % dans le versant territorial par exemple ? Est-il réalisable actuellement de parler de réforme de la fonction publique et d’occulter la question de l’ouverture de la fonction publique afin qu’elle soit plus représentative de la diversité de la société française, alors que de nombreux rapports déplorent les différences d’accès et les limites des concours académiques ?
Opération mains propres dans le monde patronal. Le Medef a montré, lundi 25 mars, avoir envoyé une plainte au procureur de la République de Paris, « à la suite de suspicions de malversations » dans l’AGS. Cette structure associative, guidée par des organisations d’employeurs, assure le versement du salaire aux personnels d’entreprises en pénuries (redressement ou liquidation judiciaire). La Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) ainsi que l’AGS elle-même se sont associées à cette démarche, dont le parquet n’avait pas encore connaissance, mardi matin. Les faits pourraient relever de « l’abus de confiance et de la corruption active ou passive », d’après une déclaration du Medef.
Le pot aux roses a été aperçu grâce à un audit lancé peu après l’arrivée de nouvelles personnalités à la tête de l’AGS, en particulier celle de Houria Sandal-Aouimeur, nommée directrice générale du régime de garantie des salaires en septembre 2018. Réalisé par le cabinet EY, l’audit en question a révélé de « graves anomalies », selon le communiqué du Medef.
Une source patronale, précise qu’il s’agit de « petits arrangements entre amis », pour des montants de « plusieurs centaines de milliers d’euros », voire au-delà du million d’euros. Les sommes accusées auraient été perçues par une société de services et un cabinet d’avocats, pour des prestations dont la tangible est sujette à caution, assure cette même source.
Les investigations se poursuivent
Au sein de l’AGS, l’implication de plusieurs cadres ou ex-cadres pourrait être promise, dont celle de l’ancien directeur général de l’AGS, Thierry Météyé. Ce dernier ne nous a pas répondu. Les investigations d’EY se poursuivent et pourraient mettre au jour d’autres difficultés.
Simultanément, Mme Sandal-Aouimeur a établi plainte, dans un commissariat, après avoir été nouvellement victime de plusieurs gestes malveillants (lettres anonymes, actes de vandalisme contre son domicile), qui pourraient avoir un lien avec son entrée en fonction à l’AGS. Ce sont des « tentatives d’intimidation », déclare un haut gradé d’un mouvement patronal.
Financée par une contribution des employeurs, l’AGS a commencé à faire des avances sur rémunérations pour un montant un peu supérieur à 1,48 milliard d’euros, en 2018.