Handicap : l’insertion dans l’emploi est rarement perçue comme une évidence

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Selon le nouveau baromètre créé par l’Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées (Agefiph) et publié mercredi 21 novembre, l’insertion et l’emploi des personnes handicapées en entreprise ne sont « une évidence » que pour 10 % des employeurs, mais « l’enjeu est de plus en plus perçu comme important », remarque Didier Eyssartier, directeur général de l’Agefiph : 85 % des entreprises de plus de 20 salariés seraient prêtes à embaucher davantage de personnes en situation de handicap.

Menée du 27 septembre au 5 octobre en interrogeant plus de 1 000 salariés et 400 employeurs, cette enquête est destinée à mieux connaître la nature des freins à l’emploi des personnes en situation de handicap à partir des perceptions qu’en ont les employeurs d’une part, et les salariés d’autre part.

Le dernier bilan du ministère du travail, publié le 15 novembre, soulignait le progrès (de 0,1 point en un an, à 3,5 % en 2016) du taux d’emploi direct en équivalent temps plein des personnes en situation de handicap, qui a augmenté dans l’industrie, la communication et l’administration publique, plus particulièrement dans les entreprises d’au moins 500 salariés. Et 30 % des nouveaux embauchés sont en contrat à durée indéterminée (CDI). Mais leur taux de chômage reste de 19,1 %, plus du double de la moyenne nationale, tandis que la loi sur l’obligation d’emploi a plus de trente ans (10 juillet 1987) et celle qui a introduit le quota de 6 % en a bientôt quatorze (11 février 2005).

« Pour 34 % des employeurs, l’embauche de personnes en situation de handicap est une opportunité de s’ouvrir à de nouveaux profils. »
« Pour 34 % des employeurs, l’embauche de personnes en situation de handicap est une opportunité de s’ouvrir à de nouveaux profils. »

« La situation s’améliore depuis dix ans. La présence des handicapés en entreprise a changé la donne. Mais ça reste très compliqué, surtout dans les petites entreprises », estime Didier Eyssartier, au vu des résultats du baromètre.

Si près d’un salarié sur deux (48 %) conçoit l’insertion des handicapés comme une obligation sociale imposée par la loi, pour 46 % des employeurs, c’est d’abord « une difficulté objective du fait de la nature des postes proposés ». Par ailleurs, 63 % des dirigeants déclarent qu’il est difficile de recruter des personnes handicapées.

Contrainte budgétaire, charge supplémentaire dans l’organisation, adaptation de poste… Les difficultés sont réelles, « mais lorsqu’on constate que le handicap visuel est perçu par les employeurs, comme par les salariés, comme un des plus difficiles à intégrer dans l’entreprise, on comprend que les mesures de compensation [tablette braille, dispositif de localisation, accessibilité numérique] sont encore méconnues », souligne M. Eyssartier.

Le CDD, nouvelle norme du marché de l’embauche

Christelle consultante en transformation numérique, cette quadragénaire dit avoir toujours « correctement gagné sa vie ». Pourtant, quand elle a voulu acheter son appartement, aucun établissement bancaire ne lui a prêté de l’argent, dans un premier temps. Car elle était précaire, « abonnée » aux contrats à durée déterminée (CDD), lorsqu’elle a déposé sa demande : « Ils m’ont tout simplement répondu qu’ils ne croyaient pas en mon projet car j’étais instable, alors même que j’apportais 40 000 euros pour un logement qui en valait 140 000. » Résultat : elle a continué de vivre chez ses parents, durant des mois, jusqu’au jour où une « banque a compris [son] cas » et lui a – enfin – octroyé un crédit immobilier.

Cette course d’obstacles, ils sont des milliers à l’accomplir chaque année, faute d’avoir des revenus probable. Pourtant, le contrat à durée indéterminée (CDI) reste la forme d’emploi la plus commune puisqu’il concernait 88 % des salariés (hors intérim) en 2017, selon la Dares – la direction de la recherche du ministère du travail. Mais avant de signer un CDI, un préalable s’impose pour de très nombreuses personnes : un CDD, voire plusieurs – sachant que certains actifs restent enfermés dans ce statut pendant des années.

Ce type de contrat est, en effet, devenu la norme – et le CDI l’exception – en matière d’embauche : en 2017, 87 % des recrutements ont été conclus pour une durée limitée. Un pourcentage qui reflète des changements structurels dans le monde de l’entreprise : de 2001 à 2017, le nombre d’entrées en CDD a été multiplié par 2,5 ; la durée moyenne de ces contrats n’a pas arrêté de baisser, passant de 112 jours à 46 au cours de la période (avec une forte progression des contrats courts, ceux d’une seule journée représentant 30 % des CDD en 2017 contre 8 % seize ans plus tôt). Aujourd’hui, le marché du travail est, plus que jamais, dualisé « entre des salariés en CDI et d’autres multipliant les contrats très courts », écrit la Dares.

Fragilité matérielle

Psychologue dans une entreprise, David a accumulé des CDD pendant six ans avant d’être titularisé. Chaque fois que son contrat expirait, il ressentait la même crainte : ne pas être renouvelé et en subir les conséquences. « On n’est jamais à l’aise, on travaille beaucoup plus que les autres pour montrer qu’il faut nous garder. C’est simple, on vous dit que si vous n’êtes pas content, il y en a plusieurs qui seraient prêts à prendre votre place sur-le-champ », se désole-t-il.

Le taux de chômage reste stable au troisième trimestre selon les chiffres de l’Insee

Le taux de chômage est resté stable au troisième trimestre de l’année 2018, s’établissant à 9,1 % de la population active en France entière (hors Mayotte), selon les chiffres provisoires de l’Insee publiés mardi 20 novembre.

Sur un an, le taux de chômage mesuré par l’Institut national de la statistique est en recul de 0,5 % et retrouve son niveau de début 2011. En France métropolitaine, ce taux s’établit à 8,8 %. En moyenne, l’Insee a comptabilisé 2,73 millions de chômeurs au troisième trimestre.


L’Insee mesure le chômage en le rapportant à la population active, c’est-à-dire à l’ensemble des personnes disponibles pour travailler. Ce comptage, qui suit les recommandations du Bureau international du travail (BIT), est reconnu internationalement, contrairement à celui de Pôle emploi.

Lire aussi :   Chômage : pourquoi les chiffres de l’Insee et de Pôle emploi diffèrent

« La sécurité au travail demande une attention constante »

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Tribune. Bien des efforts ont été faits, bien des progrès accomplis, pour passer de 120 accidents du travail pour 1 000 salariés en 1946 à 34 pour 1 000 en 2016. Une statistique qui n’enlève pas le goût amer des vies brisées, des accidents qui « n’auraient pas dû arriver » (plus de 600 000), des maladies qu’on aurait dû prévenir. Pour beaucoup d’entreprises, la santé et la sécurité au travail sont encore trop souvent considérées comme des enjeux minimes perçus comme une contrainte face aux objectifs de productivité…

« Soutenue par le développement du commerce en ligne, la croissance du secteur logistique (9 % de l’emploi en France) s’accompagne d’une sinistralité élevée »

La sécurité demande une attention constante, elle exige de recommencer chaque matin, d’innover, de se renouveler face aux nouveaux risques, aux nouveaux environnements ou aux nouveaux emplois. Pour parler de sécurité au travail, il y a le regard statistique. Les mutations du travail ont entraîné une mutation des maladies et accidents professionnels. Ainsi, derrière la baisse tendancielle, la manutention reste la première cause d’accidents : soutenue par le développement du commerce en ligne, la croissance du secteur logistique (9 % de l’emploi en France) s’accompagne d’une sinistralité élevée et d’une fréquence d’accidents plus grande que la moyenne nationale. Un salarié sur dix y connaît un accident du travail avec arrêt.

Les risques psychosociaux et les cancers d’origine professionnelle augmentent aussi. Le BTP, notamment, reste fortement touché, ainsi que les services à la personne, de plus en plus exposés (trois fois plus que la moyenne). Sur le terrain, beaucoup d’entreprises luttent contre des situations à risque génératrices, plus ou moins régulièrement, d’accidents mortels. Le transfert de certaines activités vers des sous-traitants n’y change pas grand-chose : il s’accompagne d’un transfert du risque et complexifie l’action de prévention. Si la loi sur le devoir de vigilance du 27 mars 2017 vient renforcer la responsabilité des donneurs d’ordre, les moyens et méthodes pour exercer cette responsabilité sont encore trop peu répandus.

Des démarches vertueuses

Mais nous pouvons choisir un autre regard : parler de sécurité au travail et de prévention, c’est avant tout parler du cœur de l’entreprise. Les professionnels de la prévention ont mis en place des démarches vertueuses qui peuvent améliorer les processus de production et la productivité, en revitalisant les relations entre manageurs et salariés. De plus, si les évolutions technologiques créent de nouveaux risques, elles offrent également une chance pour mieux se protéger des risques professionnels.

« Sous couvert de normaliser l’emploi des handicapés, le gouvernement s’attaque à des personnes vulnérables »

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A la Marche citoyenne des oubliés, sur l’esplanade du Trocadéro, à Paris, le 11 avril 2017.
A la Marche citoyenne des oubliés, sur l’esplanade du Trocadéro, à Paris, le 11 avril 2017. JACQUES DEMARTHON / AFP

Tribune. La 22e édition de la Semaine européenne pour l’emploi des personnes handicapées, du 19 au 25 novembre, est l’occasion de rappeler qu’Emmanuel Macron s’était engagé, lors de la campagne présidentielle, à normaliser l’emploi des travailleurs handicapés. Or le gouvernement a fait voter, le 5 septembre, à l’Assemblée nationale, une nouvelle loi intitulée « Pour la liberté de choisir son avenir professionnel », dans laquelle il enlève aux entreprises du secteur ordinaire tout intérêt à recourir aux entreprises du secteur adapté pour réaliser en partie leur objectif d’emploi de travailleurs handicapés.

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Jusqu’à présent, la loi fixait aux administrations et aux entreprises de plus de 20 salariés un objectif d’emploi de travailleurs handicapés de 6 % de leurs effectifs, sous peine de verser une rétribution au Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP) ou à l’Association nationale de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées (Agefiph). En 2017, 1 279 établissements et services d’aide par le travail (ESAT) employaient 119 051 personnes handicapées, et 779 entreprises adaptées (EA) en employaient 34 229, selon les chiffres de l’Agefiph. ESAT et EA sont subventionnés et vendent leur production aux entreprises du secteur ordinaire. Celles-ci réalisent de cette manière la moitié de leur objectif de 6 %. A ce jour, le taux d’emploi direct de travailleurs handicapés n’est en effet, en équivalent temps plein, que de 3,4 % dans le secteur privé et de 5,49 % dans la fonction publique.

Mais à compter du 1er janvier 2019, le recours à la sous-traitance des ESAT et EA pour réaliser l’objectif de 6 % sera donc supprimé. L’argument de Muriel Pénicaud, la ministre du travail, est le suivant : « Nous voulons favoriser l’insertion des personnes handicapées dans l’emploi ordinaire, car, dès qu’une personne handicapée s’intègre dans une entreprise, ça marche ! » Il s’agit par conséquent d’« obliger » les entreprises à embaucher des personnes handicapées.

Rendement insuffisant

Mais cette insertion est loin d’être acquise, car la réalité sur le terrain est très différente des souhaits de la ministre. Les personnes lourdement atteintes d’insuffisances cognitives et/ou physiques sont en ESAT et EA, car elles ne savent bien souvent ni lire ni écrire, et sont incapables de travailler en entreprise.

Jouer à la pétanque et trouver un emploi…

La Mission locale du Finistère organise la Pétanque de l’emploi aujourd’hui le Lundi 19 novembre à Ergué-Gabéric.

Cet événement intrigante, se déroule le Lundi 19 novembre 2018 au boulodrome d’Ergué-Gabéric (Finistère) une Pétanque de l’emploi.

C’est une initiative de la Mission locale du pays de Cornouaille. Clotilde Breton, conseillère, explique l’objectif :

 « L’idée est de mettre des jeunes demandeurs d’emploi (de 16 à 25 ans, sortis du système scolaire) en contact avec des professionnels, des employeurs, dans un contexte convivial. De permettre aux employeurs de constater les qualités des jeunes dans une situation moins formelle qu’un entretien d’embauche. »

Cette rencontre pourrait aboutir sur des opportunités de visite d’entreprise, de stage, de parrainage, ou d’offre d’emploi…

Le jeu oppose une dizaine de triplettes composées d’un jeune demandeur d’emploi, d’un professionnel et d’un conseiller de la Mission locale.

Les professionnels qui ont assuré leur participation :

  • Le service international du Conseil départemental du Finistère,
  • La Hip-hop new shool
  • Handisport Cornouaille
  • Orange
  • Vanille et tradition

En simultané à Madagascar

L’événement se déroule au même temps à Diego Suarez à Madagascar. « Nous avons bénéficier d’un échange interprofessionnel en novembre 2017 et juin 2018 entre la Mission locale du pays de Cornouaille et la Mission pour l’emploi de Diego Suarez à Madagascar. Des liens se sont créés qui se poursuivent par cette action commune. L’enjeu là-bas est important car les entreprises n’y sont pas faciles à mobiliser dans les actions de la Mission pour l’emploi », indique Clotilde Breton.

L’événement est relayé sur la page Facebook Pétanques de l’emploi.

 

HuMooV, un ovni prêt à atterrir sur le marché du travail

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« Le candidat signe avec HuMooV un contrat de télétravail, sans bureau ni outil de travail, puisque son travail consiste à surfer sur le Net à partir de son smartphone, sa tablette, etc. »
« Le candidat signe avec HuMooV un contrat de télétravail, sans bureau ni outil de travail, puisque son travail consiste à surfer sur le Net à partir de son smartphone, sa tablette, etc. » ÉRIC AUDRAS / Onoky / Photononstop

Dès l’âge de 16 ans, salarié en contrat à durée indéterminé (CDI) pour surfer sur les réseaux sociaux, quatre heures par semaine pour 250 euros net par mois avec une mutuelle à 41,72 euros par mois, c’est le concept créé par la start-up HuMooV.

Une proposition séduisante pour des étudiants fauchés et très occupés, pour les lycéens en quête d’argent de poche, en plus d’une activité professionnelle pour arrondir les fins de mois, ou pour les retraités qui ont perdu la part patronale de leur mutuelle. Seuls les fonctionnaires ne peuvent pas travailler sur HuMooV, puisqu’ils n’ont pas le droit de cumuler plusieurs emplois. Depuis l’ouverture du site, en septembre, HuMooV attire les candidats par milliers : en quinze jours 1 360 personnes avaient postulé. Ils étaient quasi le double au début d’octobre et plus de 3 000 au début de novembre.

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Inspiré d’une nouvelle d’anticipation sur les mutations d’une société en pleine déshumanisation, le projet HuMooV – comme Human Mouvement – consiste à rémunérer le temps de production des données numériques, quelles qu’elles soient, c’est-à-dire à payer le temps passé sur les réseaux. Le salarié est qualifié de « producteur de temps », une profession inconnue des référencements professionnels. « Système futuriste qui promet ! », « Enfin de la nouveauté », « Perso, je ne crois pas au Père Noël », « Révolutionnaire », « Mais où trouver le financement de toutes ces primes ? », commentent les internautes sur le Facebook de la start-up, implantée dans l’Yonne.

« Intéressant, pour se faire un peu d’argent »

A Auxerre, où les membres de l’équipe sont allés à la rencontre des jeunes pour accélérer le recrutement, les lycéens qui convergent en joyeux désordre des ruelles vers la gare routière semblent déconcertés : « HuMooV, jamais entendu parler. On dirait de l’argent facile », dit Nathan Smuchet, 16 ans. Alban Baudet, même âge, reste indifférent : « Passer une heure sur un réseau, ça ne m’intéresse pas. » Kevin Millour, un autre lycéen du même âge, trouve l’idée « bizarre, mais tentante ». Clemmy Siméon, avec deux ans de plus pense déjà à l’après-bac : « Ça a l’air intéressant, pour se faire un peu d’argent. » La question qu’il se pose est de savoir « si l’appli est facile à gérer et si c’est réglo. J’irai voir ce soir », dit-il.

Handicap : le parcours d’obstacles pour l’emploi

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« Malgré le “quota” de 6 % de travailleurs handicapés imposés aux entreprises depuis 2005, le taux de chômage des personnes en situation de handicap reste deux fois plus élevé que la moyenne nationale. »
« Malgré le “quota” de 6 % de travailleurs handicapés imposés aux entreprises depuis 2005, le taux de chômage des personnes en situation de handicap reste deux fois plus élevé que la moyenne nationale. » Robert Schlesinger/DPA / Photononstop

Malgré le « quota » de 6 % de travailleurs handicapés imposés aux entreprises depuis 2005, le taux de chômage des personnes en situation de handicap reste deux fois plus élevé que la moyenne nationale. L’Association des accidentés de la vie (Fnath) s’est penchée sur les difficultés d’insertion professionnelle et de maintien dans l’emploi que connaissent ses adhérents.

Dans cet objectif, 10 000 parcours de travailleurs accidentés, malades et handicapés, ont été scrutés par l’association sur une période de trois ans, afin d’en dégager les grandes lignes, dans un observatoire rendu public le 5 novembre.

Complexité des démarches

Régulièrement, le « manque d’information sur leurs droits » et la « méconnaissance des différents acteurs » revient dans les témoignages, constate la Fnath. La lenteur et la complexité des procédures sont dénoncées par les adhérents, notamment lorsqu’il s’agit d’être reconnus travailleurs handicapés. « Lorsque j’ai amené le certificat médical [pour l’obtention de la reconnaissance administrative de la qualité de travailleur handicapé (RQTH)] à faire remplir à mon médecin traitant (12 pages en tout), il ne me l’a pas rempli tout de suite et depuis je l’attends, cela va faire un mois… », témoigne l’un des adhérents. La RQTH est pourtant nécessaire pour que l’employeur bénéficie d’aides à l’aménagement du poste. La lenteur du processus empêche même parfois la reprise d’emploi : « Une entreprise cherchait un travailleur handicapé, le temps d’avoir ma réponse de la maison départementale des personnes handicapées, le poste était pourvu », regrette un autre adhérent.

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Par ailleurs, « les bénéficiaires de la RQTH s’interrogent beaucoup sur la nécessité de communiquer cette reconnaissance à leur employeur que ce soit lors d’un entretien ou en emploi », souligne la Fnath. En effet, ils sont nombreux à craindre que cette reconnaissance « officielle » de leur statut de travailleur handicapé les desserve auprès de l’employeur.

L’impasse de la reprise de poste

L’association souligne aussi le couperet que constituent pour beaucoup les arrêts de travail prolongés, souvent la première étape vers la désinsertion professionnelle. Les personnes qui ne sont pas en capacité de reprendre leur emploi se retrouvent dans une impasse : au sortir de leur arrêt-maladie, elles savent qu’elles risquent le licenciement pour inaptitude.

La démission n’effraie plus les cadres… et encore moins les jeunes diplômés

L’un des visuels de la nouvelle campagne de Cadremploi.

Oser. Oser claquer la porte de son employeur, oser tenter une nouvelle aventure professionnelle. La démission des collaborateurs fait partie des sujets sur lesquels on jette souvent un voile pudique – elle est d’ailleurs très peu traitée par la littérature managériale. Une question taboue, donc. Cadremploi, spécialiste des offres d’emploi et du recrutement de cadres, vient de s’y atteler, avec une étude réalisée par l’Ifop (à retrouver en intégralité sur Cadremploi:Ifop.2018), portant sur un échantillon de 1001 cadres et dirigeants. Et les résultats montrent une forte évolution des comportements sur ce sujet.

Thibaut Gemignani, directeur général de Cadremploi (DR).

Un chiffre choc, tout d’abord : 6 cadres sur 10 envisagent de démissionner. Ils y songent « souvent » (16 %) ou seulement « de temps en temps » (46 %). Et le taux est encore bien plus élevé chez les jeunes cadres et diplômés (18-34 ans) puisqu’il s’élève à 74 %. « Pour les plus jeunes, donner sa démission a cessé d’être un tabou », relève Frédéric Dabi, directeur général adjoint de l’Ifop. Ils ne cherchent pas à faire carrière. » Une mauvaise nouvelle pour les entreprises ? « Pas forcément, nuance Thibaut Gemignani, directeur général de Cadremploi : il n’est pas de leur intérêt de conserver des cadres mécontents ou déçus, qui risquent de devenir aigris et de manquer de motivation. »

Ce taux élevé de démissionnaires potentiels est d’autant plus étonnant que, dans l’ensemble, les cadres sont plutôt satisfaits de leur sort. Ils attribuent ainsi une note moyenne de 6,9 (sur 10) à leur épanouissement dans leur vie quotidienne, celle-ci incluant bien sûr leur vie au travail. Cet épanouissement est toutefois plus marqué sur le plan personnel (7,6 sur 10, en moyenne) que pour la vie professionnelle, notée 6,3. 

Frédéric Dabi, directeur général adjoint de l’Ifop (DR).

Principaux motifs de satisfaction, à leurs yeux : l’ambiance au sein de l’équipe (pour 84 % des cadres), l’intérêt des missions (76 % d’opinions positives), les relations avec le management (76 %), l’ambiance dans l’entreprise (69 %)… Quant à la rémunération, elle n’arrive qu’au 5ème rang des points positifs. A noter tout de même que 7 % se déclarent franchement mécontents de leur travail. 

Logiquement, les facteurs de mécontentement sont autant de motifs potentiels de démission. Ces facteurs sont assez variés : manque de perspectives (cité par 38 % des cadres interrogés), rémunération jugée insuffisante (37 %), relations délicates avec le management (35 %), missions dépourvues d’intérêt (34 %)… Des raisons liées à la vie personnelle peuvent aussi jouer (34 % de citations). En cas de démission, les cadres visent avant tout une meilleure rémunération (55 % des réponses) et un épanouissement accru. 

« Retrouvez le sens de l’humour : changez de job, démissionnez »

En réalité, les avis sont encore très partagés à propos de la démission. Une courte minorité (48 %) a le sentiment que son épanouissement professionnel passera plutôt par une évolution au sein de l’entreprise – via une promotion ou un changement de poste. A l’inverse, ils sont 52 % à miser plutôt sur un changement d’employeur. 34 % des cadres envisagent même une reconversion – vers un projet personnel ou pour changer de voie. Là encore, les plus jeunes sont nettement plus nombreux : 49 % envisagent un virage radical, contre seulement 22 % pour les 50 ans et plus. 

Pour beaucoup, ce projet de changement doit être assez rapide : dans les prochains mois pour 23 % des cadres concernés, ou dans l’année qui vient pour 25 % d’entre eux. Mais 49 % se donnent deux à cinq ans, voire davantage… Lire la suite

Homme, blanc, diplômé… le monde monocolore de la « start-up nation »

SEVERIN MILLET

Attablé à La Felicita, le restaurant fashion de la Station F, Tally Fofana détonne au milieu des habitués de la pouponnière à start-up de Xavier Niel (actionnaire du Monde à titre personnel). A l’opposé de l’entrepreneur classique – un homme blanc, diplômé, issu de milieux privilégiés –, ce fils de Sénégalais de 39 ans est venu au monde des start-up par les chemins tortueux de la délinquance.

A 14 ans, il volait sa première voiture. A 16 ans, il quittait l’école et un BEP jamais terminé. Une décennie plus tard, il dirigeait un réseau spécialisé dans le vol, le maquillage et la revente de voitures en Europe, employant une dizaine de personnes. « C’était lucratif, l’argent rentrait vite, et sortait tout aussi vite. C’était difficile de s’arrêter. Mais l’appât du gain, beaucoup d’inattention… ont conduit à mon interpellation, le 18 novembre 2013 », se rappelle Tally Fofana, qui va alors passer deux ans à la prison de Nanterre.

Libéré il y a quatre ans, le banlieusard du Val-d’Oise décide que ses deux enfants ne viendront plus le voir au parloir, et transforme son savoir-faire en activité légale. Il crée Digitall qui propose d’aider les constructeurs automobiles à mieux sécuriser leurs véhicules. Depuis un an, sa start-up est hébergée au cœur de la Station F, au sein du Fighters Program, consacré aux entrepreneurs atypiques.

83 % ont un niveau d’étude de bac + 5

Dans le monde monocolore de la « start-up nation », Tally Fofana fait figure d’exception. A 90 % les start-upeurs sont des hommes, 71 % des dirigeants ont été formés en école d’ingénieurs ou de commerce, 83 % ont un niveau d’étude de bac + 5, et leur moyenne d’âge est de 40 ans, relate une étude dévoilée en 2017 par la French Tech, un organisme du ministère de l’économie. Exit les femmes, les banlieusards et les ruraux.

« La société dit culturellement aux femmes et aux pauvres qu’entrepreneurs, ce n’est pas pour eux », lance crûment Mounir Mahjoubi. Ce fils d’immigrés marocains se souvient que sa mère a pleuré le jour où il lui a dit qu’il souhaitait être entrepreneur. « Le risque lui paraissait insoutenable », se souvient le secrétaire d’Etat au numérique.

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Absence de réseau, de financement, d’accompagnement, mais surtout autocensure ou manque d’information, les freins à la création de start-up sont autant d’ordre matériel que psychologique. « Dans les quartiers, l’entrepreneuriat fonctionne, mais reste très local, car on n’a jamais dit à ces jeunes qu’ils pouvaient être accompagnés, lever des fonds. L’information n’a pas passé le périphérique », témoigne Loubna Ksibi, qui a monté Meet My Mama, une start-up proposant des recettes préparées par les « mamas » des quartiers.