La Roumanie fait venir des travailleurs asiatiques pour remplacer ses émigrés

Avec ses 1 100 lits répartis sur trois bâtiments, le foyer de travailleurs Komitat Bucarest-Sud est un vrai bouillon de cultures. Népalais, Indiens, Bangladais, Sri-Lankais… Les immigrés venus d’Asie entrent et sortent en continu, en cette mi-mars, des dortoirs avec caméras et service d’ordre, installés dans un faubourg résidentiel de la capitale roumaine. « Je suis arrivé il y a six mois pour travailler pour [le livreur à vélo] Glovo », raconte Naresh Chaudhary, Népalais de 38 ans, entre deux coups de fil à sa mère restée au pays, depuis la chambre qu’il partage avec trois autres Népalais.

Ce père de famille assure gagner deux fois plus qu’au Népal pour livrer des plats chauds aux Bucarestois, qui ont progressivement pris l’habitude de ces livreurs qui ne parlent pas un mot de roumain. « C’est la première fois que je viens ici », explique ainsi M. Chaudhary, passé auparavant par la Malaisie et l’Arabie saoudite. Comme tous ses voisins, il a atterri « grâce à un cabinet de recrutement » dans ce pays d’Europe de l’Est qui fait face à un manque de main-d’œuvre criant, en raison du départ de millions de ses propres habitants vers l’Europe de l’Ouest depuis son accession à l’Union européenne, en 2007.

Sherpa Pemba, 32 ans, originaire du Népal, et Sofonyas, 25 ans, originaire d’Éthiopie, tous deux livreurs à Bucarest, le 13 mars 2024.

A ses côtés, un autre Népalais, Sherpa Pemba, 32 ans, avoue lui aussi n’avoir jamais entendu parler de la Roumanie avant d’arriver, mais affirme trouver les « Roumains sympas ». Même s’il a vite déchanté sur ses conditions de travail. Alors même qu’il travaille plus de onze heures par jour pour Glovo, il affirme ne jamais arriver à décrocher suffisamment de livraisons pour dépasser le minimum de revenu exigé par son employeur. « Je n’ai toujours pas pu envoyer d’argent à ma famille », se plaint-il, en dépit d’un contrat qui lui avait garanti 550 euros de salaire mensuel.

« Problème de population active »

« Ils devraient passer davantage de temps dans le centre-ville pour recevoir plus de commandes », avance Valeriu Nicolae, le directeur du foyer, pour justifier ces complaintes qui seraient « des cas isolés » au sein des plus de 120 000 étrangers non européens qui résident désormais en Roumanie. Cet ancien diplomate a eu le nez creux en fondant, en 2016, sa société de dortoirs privée, qui propose aux entreprises roumaines d’héberger leurs travailleurs pour seulement 6 euros par nuit. Komitat assure désormais l’hébergement de plus de 4 000 travailleurs, en grande partie asiatiques, qui travaillent notamment « dans les Hôtels Marriott, chez McDonald’s ou dans les supermarchés Delhaize ».

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Sur l’égalité femmes-hommes au travail, des entreprises à la traîne et un recul du gouvernement

Noter les entreprises sur leur respect de la parité entre les femmes et les hommes, c’était l’idée de l’index de l’égalité professionnelle créé en 2018. Le gouvernement espérait lutter contre les discriminations, alors que les femmes gagnent toujours en moyenne 15 % de moins que les hommes à temps de travail égal. « On va être vigoureux et intransigeants », assurait alors la ministre du travail, Muriel Pénicaud.

Six ans plus tard, le système de notation a bien vu le jour, mais sa mise en application a été beaucoup moins volontariste qu’annoncé. Alors que des milliers d’entreprises ne remplissent pas leurs obligations déclaratives ou qu’elles font part d’inégalités flagrantes entre leurs salariés et salariées, les sanctions sont quasi inexistantes, selon l’enquête du Monde.

Un abandon du « name and shame »

Promesse d’Emmanuel Macron en 2017, l’index de l’égalité professionnelle repose sur la philosophie du « name and shame » : « nommer et couvrir de honte » les entreprises inégalitaires et les distinguer des plus vertueuses. Ces informations étant rendues publiques, les femmes pourraient consulter les notes des entreprises avant d’y postuler.

Le gouvernement a suivi cette logique au départ, en publiant en 2020 une liste de « mauvais élèves » de l’égalité salariale. Mais, depuis, plus rien, ou presque. Les index sont toujours rendus publics chaque année sur le site du ministère du travail, mais aucune liste agrégée ne permet de savoir lesquelles ne s’y seraient pas conformées ou pénaliseraient les femmes.

Plus d’une entreprise sur cinq en défaut

Or, d’après les données obtenues et agrégées par Le Monde, l’index reste ignoré par des milliers d’entreprises en France. Un cinquième (21 %) des entreprises assujetties n’ont pas mis en ligne leur bilan de l’égalité professionnelle pour l’année 2023, alors qu’elles avaient jusqu’au 1er mars 2024 pour le faire. Et 3 110 entreprises (7 % du total), n’ont jamais publié un seul bilan.

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Si la plupart des non-déclarations concernent de petites entreprises, certains grands groupes continuent de traîner des pieds. C’est le cas de l’éditeur Webedia (AlloCiné, Jeuxvideo.com, Puremédias, etc.), qui n’a mis en ligne son premier index que quelques heures après avoir été sollicité par Le Monde.

Pas moins de 106 autres grandes entreprises (plus de 250 salariés) n’ont jamais respecté cette obligation déclarative depuis 2019. Ce sont par exemple l’entreprise de soutien scolaire Domicours individuel, la société France Restauration rapide (qui détient les boulangeries Patàpain) ou la chaîne d’épicerie asiatique Tang Frères. Si les deux premières n’ont pas donné suite, la troisième reconnaît n’avoir « pas bien travaillé pour répondre à cet index tel qu’il est exigé », tout en assurant qu’il n’y a « pas de souci sur l’égalité femmes-hommes » dans l’entreprise. Christophe Polini, le secrétaire général de la société, affirme n’avoir « jamais » été sollicité ou mis en demeure par les services du ministère du travail sur cette question et déplore que cette nouvelle obligation déclarative s’ajoute à « une somme déjà phénoménale de contraintes pour les entreprises ».

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A France Inter, journalistes et producteurs s’inquiètent pour leur liberté d’expression

La directrice de France Inter, Adèle Van Reeth, dans son bureau de Radio France, à Paris, le 26 septembre 2023.

Guillaume Meurice serait-il l’arbre qui cache la forêt ? Alors que l’humoriste a révélé, jeudi 2 mai sur X, être convoqué à « un entretien préalable en vue d’une éventuelle sanction disciplinaire » − qui aura lieu jeudi 16 mai − pouvant aller jusqu’à son licenciement, plusieurs voix de France Inter ont été convoquées, ces derniers jours, pour apprendre que leurs émissions ou chroniques étaient supprimées.

L’inquiétude et la colère sont telles que la Société des « producteurices » de France Inter (SDPI), officiellement recréée depuis un peu plus d’un mois, et la Société des journalistes (SDJ) de la station se sont réunies en urgence, vendredi 3 mai, en fin de matinée. Entre la rédaction et les programmes, « c’est une union inédite », souligne un participant, qui n’exclut pas une « immense mobilisation ».

« Nous refusons ce qui nous apparaît comme une atteinte grave au pluralisme de l’antenne de France Inter », revendique notamment leur très long communiqué commun, envoyé vendredi après-midi en interne. La liste des griefs commence par « le signe très inquiétant pour la liberté d’expression » envoyé par la direction avec la convocation de Guillaume Meurice.

Elle fait suite à l’émission « Le Grand Dimanche soir » du dimanche 28 avril, dans laquelle l’humoriste avait répété sa boutade polémique sur le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou (qualifié de « sorte de nazi, mais sans prépuce ») ; il avait alors ironisé sur ce qu’il appelait « la première blague autorisée par la loi française ».

« L’effet d’un coup de massue »

Sa consœur Charline Vanhoenacker, présidente de la SDPI, « ne comprend pas comment une telle décision a pu être prise », alors que les plaintes qui avaient été déposées contre M. Meurice viennent d’être classées sans suite par la justice, indique un proche. Selon lui, elle serait « très remontée », mais aussi « inquiète pour le métier de journaliste et de l’humour politique », et même « pour l’avenir des médias en France ».

« La convocation de Guillaume nous a d’autant plus fait l’effet d’un coup de massue que les modifications de la grille pour [2025], qui nous arrivaient au fil de l’eau depuis quelques jours, nous inquiétaient déjà beaucoup », raconte la productrice d’une émission récurrente. A la rentrée, en effet, les auditeurs n’entendront plus les portraits que Charlotte Perry dressait chaque samedi (à 23 h 50) dans « Des vies françaises », pas plus que les reportages sur l’actualité des luttes et mobilisations sociales « C’est bientôt demain », d’Antoine Chao (diffusés le dimanche à 14 h 40), les chroniques « Le Jour où », qu’Anaëlle Verzaux délivrait chaque vendredi dans l’émission « La Terre au carré » (elle conserve sa collaboration à « On n’arrête pas l’éco », émission du samedi matin), ou encore les grands formats mensuels de Giv Anquetil pour l’émission de Mathieu Vidard.

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Des cadres toujours plus nombreux

Le « Portrait des professions en France en 2022 », publié par l’Insee le 29 avril, reflète l’élévation des qualifications et la tertiarisation de l’économie française au détriment de l’industrie et de l’agriculture. Les cadres sont les grands gagnants de cette évolution. Dans cette étude, couvrant l’ensemble des salariés vivant en France hors Mayotte, leur part au sein des personnes en emploi « a presque triplé sur la période, passant de 8 % en 1982 à 21,7 % en 2022 ».

Une progression qu’il faut cependant nuancer. Certes, la France compte plus d’étudiants qui suivent des études longues et plus de cadres et de professions intellectuelles que la moyenne européenne.

Mais il faut aussi tenir compte du fait que le statut « cadre » s’est étendu au fil des décennies, explique en substance Bruno Coquet, chercheur associé à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) et spécialiste de l’emploi : « Depuis l’avènement des trente-cinq heures, certains employeurs ont trouvé avantage à employer davantage de salariés sous statut cadre et donc en forfait jour pour disposer de plus de flexibilité sur la réglementation du temps de travail. » Ainsi des professions intermédiaires de niveau bac + 2 ou bac + 3 peuvent basculer dans cette catégorie du fait de leur expérience ou à l’issue d’une promotion.

Désindustrialisation de l’économie française

A l’inverse, les ouvriers constituent la catégorie qui a le plus décliné. Leur part « a baissé de façon continue, passant de 29,9 % en 1982 à 18,9 % en 2022 », relève l’Insee. Ce déclin reflète évidemment la désindustrialisation de l’économie française, l’une des plus fortes parmi les pays développés du G7 : de 1980 à 2018, l’industrie a perdu la moitié de ses effectifs, et sa part dans le produit intérieur brut (PIB) a reculé de 10 points, pour s’établir à 13, 8 % en 2018, rappelle France Stratégie, un service d’évaluation des politiques publiques auprès du premier ministre.

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L’Insee relève, par ailleurs, que la baisse de cette catégorie professionnelle est majoritairement subie par les ouvriers peu qualifiés. « Sur longue période, ils sont plus concernés par d’importants gains de productivité liés à l’automatisation des tâches », précisent Erwan Pouliquen, responsable de la section profession – qualification – formation, et Laura Castell, responsable de la division emploi de l’Insee. Par ailleurs, les industries de main-d’œuvre comme le textile, qui employaient en masse des ouvriers peu qualifiés, ont largement été délocalisées dans les pays émergents.

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Disney France dans la tourmente : climat social tendu, soupçons d’évasion fiscale…

Devant les locaux de Walt Disney Company France, dans le 13ᵉ arrondissement de Paris, en 2016.

Les salariés français de Disney évoquent souvent « Burbank », surnom donné au siège de la multinationale pour laquelle ils travaillent depuis Paris, situé aux Etats-Unis dans la ville éponyme du comté de Los Angeles. Parce que « Burbank » a la main sur presque tout, du contenu des blockbusters produits et diffusés à travers le monde jusqu’à l’organisation interne de chaque filiale… et aux licenciements. Près de trente des 250 employés sont en passe de quitter la branche française du géant du divertissement, The Walt Disney Company France, dans le cadre d’un grand plan mondial de suppressions de 7 000 postes décrété il y a un an par le PDG de Disney, Bob Iger.

C’est la troisième vague de départs en France après celles de 2019 et 2021, qui ont déjà conduit au licenciement de près de 80 salariés. Une méthode à l’américaine, qui irrite non seulement les personnels, mais également les services administratifs français. En effet, des doutes existent sur la réalité des difficultés économiques de Disney dans l’Hexagone, et donc sur la légitimité de ces plans sociaux.

Filiale distincte du parc Disneyland Paris, The Walt Disney Company France se dédie essentiellement au cinéma : distribution de contenus Disney en salle comme à la télévision, doublage, promotion, création de productions originales pour la plate-forme de streaming Disney+… Des secteurs en difficulté au niveau mondial, au point que la multinationale nécessiterait une restructuration pour rester compétitive, selon « Burbank ».

« L’entreprise se porte bien »

En France, le plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) annoncé en juin 2023 prévoit la suppression de vingt-huit postes, dont les quatorze du service « home entertainment », dont la direction prévoit l’externalisation. « La taille actuelle du marché du DVD en France permet d’envisager le passage de cette activité sous licence qui nous rapporterait sensiblement la même marge opérationnelle sans avoir les risques et coûts adjacents à l’activité », justifie l’entreprise dans un document interne. Pour accompagner la réorientation stratégique du groupe, Disney France a en outre prévu de modifier le périmètre de neuf postes et de recruter vingt personnes dans le numérique.

Il est difficile d’avoir un tableau précis de la santé économique de l’entreprise, qui ne publie pas ses comptes et n’a pas souhaité répondre aux questions du Monde. Mais pour les salariés, c’est une évidence : le motif économique du PSE ne tient pas, car la situation économique française ne peut être confondue avec des tendances mondiales. Le succès de blockbusters comme Avatar 2 et Black Panther 2, qui ont enregistré en 2022 d’excellents résultats dans les salles françaises, accentue leurs doutes.

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TikTok et Universal Music ont trouvé un accord

Les chansons de Taylor Swift, Drake, Adele, Bad Bunny ou encore Billie Eilish reviendront finalement sur TikTok. Universal Music Groupe (UMG) et la plate-forme chinoise ont conclu un nouvel accord de licence, selon un communiqué publié jeudi 2 mai, après un différend qui avait conduit au retrait du réseau social des morceaux signés par les artistes du label, en janvier.

Les deux parties ont annoncé qu’elles « travaillaient désormais rapidement pour restituer à TikTok, en temps voulu, la musique des artistes représentés par Universal Music Group et des auteurs-compositeurs représentés par Universal Music Publishing Group ». Selon TikTok, les musiques des différents artistes du label seront disponibles sur l’application d’ici à deux semaines.

A l’origine de la brouille : le rejet par UMG, en janvier, des termes d’un nouvel accord avec TikTok. La maison de disques avait alors décidé de cesser de concéder sous licence le contenu des artistes qu’elle représente sur la plate-forme de ByteDance ainsi que sur les services TikTok Music. A l’époque, UMG faisait pression sur TikTok sur trois sujets : « Une rémunération appropriée pour nos artistes et auteurs-compositeurs, la protection des artistes humains contre les effets néfastes de l’intelligence artificielle et la sécurité en ligne des utilisateurs de TikTok. »

Le défi de l’IA

Leur nouvel accord apporterait des avantages significatifs aux artistes, aux auteurs-compositeurs et aux labels d’UMG, selon le communiqué. « La musique fait partie intégrante de l’écosystème TikTok et nous sommes heureux d’avoir trouvé une voie à suivre avec Universal Music Group », se félicite Shou Chew, PDG de TikTok. « Nous sommes ravis de renouveler notre relation avec TikTok », a pour sa part déclaré Michael Nash, directeur du numérique et vice-président exécutif d’UMG. Ce dernier a salué « les protections fournies [par TikTok] à notre liste de leaders du secteur ».

TikTok et UMG assurent vouloir travailler ensemble pour s’assurer que le développement de l’intelligence artificielle (IA) dans l’industrie de la musique ne se fasse pas au détriment des artistes et des auteurs-compositeurs. La plate-forme entend ainsi travailler avec le label pour supprimer de l’application la musique non autorisée générée par IA.

TikTok dit également vouloir continuer à investir dans la création d’outils centrés sur les artistes, qui aideront ceux du label UMG à réaliser leur potentiel sur la plate-forme. En décembre, le réseau social a par exemple étendu à plus de vingt pays son partenariat avec Ticketmaster, qui permet d’acheter des billets de concert directement sur TikTok. Il a aussi déployé la possibilité d’ajouter depuis l’application des morceaux sur les plates-formes de streaming, comme Spotify ou Deezer.

Le Monde avec AP et Bloomberg

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Démissions en série chez la ministre Prisca Thevenot

Prisca Thevenot, à la Bibliothèque nationale de France, à Paris, le 15 avril 2024.

La valse des conseillers est un classique des gouvernements d’Emmanuel Macron. Mais le cabinet de Prisca Thevenot, porte-parole du gouvernement, vient de battre un record : à peine quatre mois après leur arrivée, huit collaborateurs ont déjà quitté le navire, au terme de semaines houleuses. « Ça va, tu tiens ? », s’est inquiété auprès d’elle le premier ministre, Gabriel Attal, lundi 29 avril au soir, au téléphone. « Ça va, je redors depuis quinze jours », l’a rassuré la ministre déléguée.

Mi-avril, ses trois principaux conseillers – directeur, directrice adjointe et cheffe de cabinet – ont claqué la porte en même temps. Quelques jours plus tard, un arrêté publié le samedi 27 avril au Journal officiel indiquait qu’il avait été « mis fin aux fonctions » de la conseillère spéciale de Mme Thevenot, de sa conseillère « parlementaire et élus locaux », ainsi que de son conseiller « chargé de l’argumentaire ». Un chargé de mission leur a emboîté le pas. Portant à sept le nombre de départs dans l’équipe en deux semaines, sur neuf membres de cabinet. Auxquels il faut ajouter la démission, le 2 avril, d’Alexis Bétemps, le conseiller « discours » de la porte-parole, qui a quitté le cabinet juste avant la publication d’une enquête de Mediapart faisant état de son « attirance » pour les idées de l’essayiste d’extrême droite Alain Soral.

« C’est comme en amour, la vie des cabinets est ainsi faite », philosophait la ministre le 17 avril, alors qu’elle était interrogée sur ces démissions en série lors du compte rendu du conseil des ministres. « Il y a des personnes qui partent en faisant du bruit et d’autres qui restent en silence, et d’autres qui reviennent en silence », ajoutait-elle. Une allusion à la publicité autour de ces deux vagues de départs, inhabituelle dans le petit monde des cabinets ministériels.

« Harcèlement moral » et « humiliations répétées »

De fait, s’ils requièrent l’anonymat, les démissionnaires parlent volontiers, excédés par le « narratif » de la ministre. « Ce sont des amis et je les salue », dit Prisca Thevenot de ses anciens collaborateurs, dans une vidéo postée le 28 avril sur le compte X du journaliste Hugo Couturier. L’entourage actuel de la ministre décrit une « bande de gens qui se connaissent, qui sont arrivés ensemble et qui repartent ensemble ». Et qui auraient fomenté leur coup.

Un récit qui ne résiste pas à l’examen des parcours de ces réfractaires. Si certains d’entre eux se sont croisés en cabinet depuis 2017 au gré des remaniements, seuls le directeur de cabinet, William Elman, et son adjointe, Samira Jemaï, avaient déjà œuvré de concert à la tête de cabinets ministériels. « Je suis une collaboratrice, je ne bosse pas avec des potes” , s’indigne une conseillère chevronnée. Je n’ai pas démissionnépar amitié” ». « On ne passe pas en bande à France Travail », fait observer une autre, en recherche d’emploi comme ses ex-collègues.

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« Mais pourquoi j’irais travailler ? » : à la recherche du sens perdu

Le réveil qui sonne et le sourire aux lèvres. Pas de doute, Sam est une travailleuse heureuse, qui a trouvé son équilibre. Heureusement, l’album ne se contente pas de dérouler béatement sur plus de cent pages à quel point le travail peut être épanouissant et ressourçant. Comme sa couverture labyrinthique le suggérait, il va plutôt s’attarder à démontrer combien il n’y a pas de recette miracle, et à quel point faire du travail quelque chose de positif relève d’un long cheminement personnel.

La bande dessinée Work in progress. Mais pourquoi j’irais travailler ? prolonge une démarche entamée en 2022, avec un premier volume intitulé Et si on travaillait autrement ? A la barre, Samuel Durand, qui se définit comme un « explorateur du futur du travail » et multiplie les formats (BD, documentaires, conférences…) pour questionner la transformation du monde du travail et de ses modèles. Et au dessin, Sophie Streichenberger, incarnation vivante de ces travailleurs touche-à-tout évoqués dans le livre, illustratrice free-lance, parallèlement à une carrière en entreprise. Toujours entre fiction et réalité, ce second volet se concentre sur le sens du travail.

Au début de la BD, le personnage de Sam semble évoluer dans une oasis professionnelle, entre vacances illimitées et semaine de quatre jours. L’occasion de faire un zoom sur ces nouveaux modèles en plein essor, qui demandent par exemple aux salariés d’être davantage polyvalents plutôt que surspécialisés. L’album prend parti contre un certain nombre de préjugés, comme l’idée que le temps de travail serait un bon indicateur de la valeur créée par le salarié. Et témoigne de la réflexion plus globale sur le travail enclenchée à la suite de la crise liée au Covid.

Motivation au travail et ressenti personnel

Cette BD pédagogique n’ambitionne pas de réinventer le format du genre (un peu plus d’originalité aurait tout de même été bienvenue), mais remplit son rôle en partageant ses réflexions de manière ludique et accessible. Quand elle apparaît sur le point de s’enfoncer dans le manuel de ressources humaines illustré, elle glisse à temps vers une dimension plus personnelle. Ainsi, c’est en conduisant un banal entretien d’embauche que Sam perçoit un décalage entre sa présentation des leviers de motivation au travail et son ressenti personnel.

Son discours théorique, à grand renfort de pyramides de valeurs et de schémas, trouve alors une incarnation concrète, qui pourra aussi résonner chez le lecteur. Car la qualité de l’environnement de travail (objet du premier volume) ne suffit plus : la recherche de sens devient essentielle pour les travailleurs, au risque de ressentir une dissonance cognitive entre valeurs personnelles et missions professionnelles. C’est ce qui frappe ceux que l’on appelle les « bifurqueurs écologiques » – nombreux chez les jeunes – prêts à changer d’emploi pour avoir un travail « écologiquement utile ».

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Paris 2024 : des difficultés de recrutement persistantes à trois mois des Jeux

Le dernier forum « Les Jeux recrutent », organisé mardi 23 avril à l’Adidas Arena, à Paris, donne la couleur : 11 500 offres d’emploi étaient à pourvoir dans cet événement coorganisé par France Travail et le Comité d’organisation des Jeux olympiques (COJO). Si la sécurité privée représentait la majorité des postes disponibles (7 500), le transport et la logistique étaient en quête de 2 000 personnes, et l’hôtellerie-restauration, de 1 000 candidats. A trois mois des Jeux, le chantier du recrutement des saisonniers est loin d’être terminé.

D’après le baromètre du cabinet de conseil Kyu, publié jeudi 25 avril, les offres d’emploi ont été multipliées par plus de deux entre décembre 2023 et mars 2024 dans plusieurs secteurs d’activité : hôtellerie-restauration, sécurité, transport, propreté, spectacle. Les besoins devraient encore augmenter dans les prochains mois, avec un pic en juin. Selon le COJO, l’événement devrait mobiliser 181 000 emplois, dont 95 000 dans ces secteurs-clés, confrontés bien avant les Jeux à des problèmes de recrutement.

La sécurité privée est clairement le domaine qui en pâtit le plus. Alors que le COJO affirme que « 98 % des besoins sont d’ores et déjà contractuellement couverts », le Groupement des entreprises de sécurité (GES), principal syndicat patronal, estime qu’il manque au contraire 8 000 personnes, soit près de la moitié du minimum nécessaire pour la bonne tenue des JO (18 000).

« Le salaire de base reste insuffisant »

Les TPE, qui sont majoritaires dans le secteur, ont dû s’adapter à cette forte demande : alors même que l’événementiel représente déjà 90 % de son chiffre d’affaires, la société Aca Sécurité (Boulogne-Billancourt) est par exemple passée de 10 à 30 salariés en un an dans ses bureaux. Quant aux effectifs d’agents vacataires, souvent en CDI et qui réalisent en plus des CDD pour arrondir leurs fins de mois, « on en avait 150 il y a un an, là on en a fait travailler 400 pour les habituer aux événements, et pendant les Jeux, on en fera travailler 1 000, jusqu’à 650 le même jour, illustre le dirigeant Thibault Dublanchet. Depuis septembre [2023], je ne fais que des ressources humaines ».

Les pouvoirs publics ont certes créé un certificat de qualification professionnelle dédié aux événements sportifs de grande ampleur, permettant d’obtenir en trois semaines (au lieu de cinq) la carte professionnelle d’agent de sécurité. En Île-de-France, 20 000 formations en sécurité privée ont été réalisées, et 5 000 nouvelles places ont été ouvertes. Et France Travail n’a pas ménagé ses efforts pour inciter les demandeurs d’emploi à rejoindre les rangs. Plus de 150 000 ont été sollicités depuis un an et demi.

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Le risque « d’un bond en arrière pour l’éthique des affaires »

Le texte, qui sera discuté en séance publique le 30 avril par l’Assemblée nationale, relatif à la confidentialité des consultations des juristes d’entreprise, aussi appelé legal privilege, constitue un double piège : pour les entreprises elles-mêmes et pour la démocratie économique.

La proposition de loi de Jean Terlier, député Renaissance du Tarn, qui n’a été adoptée qu’à une très faible majorité de quatre voix en commission des lois le 10 avril, dispose que les consultations que les juristes d’entreprise adressent à leur direction bénéficient de la confidentialité, qu’elles ne puissent être saisies par les autorités administratives et qu’elles restent leur secret face à ceux qui leur demanderaient des comptes devant le juge civil ou commercial.

Contrairement aux idées reçues, cette confidentialité n’est pas un enjeu d’attractivité économique. Les entreprises françaises ne sont pas moins attractives que leurs homologues européennes qui en bénéficient. En 2023, la France a été première en Europe en matière d’accueil des investissements étrangers, pour la quatrième année de suite, selon Business France.

Les entreprises françaises se croiront protégées

Elle ne permettra pas non plus de créer un rempart entre les entreprises françaises et les administrations étrangères.

Tout d’abord, le texte amendé prévoit qu’il ne pourra être opposé à l’administration européenne. C’est finalement heureux, puisque la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne ne l’aurait pas accepté, le juriste d’entreprise n’ayant pas à ses yeux l’indépendance suffisante compte tenu de son lien de subordination, comme tout salarié, à l’égard de sa direction (arrêt Akzo Nobel Chemicals du 14 sept. 2010 – CJUE grande chambre – C-550/07 P).

La protection ne fonctionnera pas non plus pour les autres pays étrangers et notamment les Etats-Unis. L’arrêt Upjohn Co v. United States, rendu en 1981 par la Cour suprême des Etats-Unis (source : Justia), qui pose le principe de la reconnaissance du legal privilege entre le juriste et sa direction, ne peut s’appliquer que si son auteur est avocat. Or, la proposition de loi de M. Terlier de même que les travaux parlementaires fixent comme principe le refus de l’avocat en entreprise (in-house counsel en droit américain).

En conséquence, en cas de vote de ce texte le 30 avril, les entreprises françaises se croiront protégées, alors que, au premier contrôle de l’administration américaine, cette confidentialité leur sera refusée.

Le legal privilege serait aussi un bond en arrière pour l’éthique des affaires. Les entreprises françaises sont soumises à de nombreuses normes et il leur est maintenant de plus en plus demandé de contrôler elles-mêmes non seulement leur organisation afin qu’elle soit plus vertueuse, mais aussi celle de leurs sous-traitants et de leurs fournisseurs. C’est le règne de la « compliance » (contrôle de conformité), qui permet à l’Etat de leur faire supporter la généralisation du respect de ces règles.

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