Compte personnel de formation : attention aux conditions d’utilisation

« Avis d’expert. Droit social ». La refonte, très médiatisée, de la plate-forme Internet du compte personnel de formation (CPF) interroge non seulement sur le fonctionnement du dispositif, déjà trois fois amendé depuis la loi fondatrice de 2014 – et qui de l’avis même des responsables ministériels n’est pas suffisamment utilisé –, mais plus fondamentalement sur les sources du droit à l’œuvre.

Pour mémoire, selon l’article L. 6111-1 du code du travail, « chaque personne dispose, dès son entrée sur le marché du travail, indépendamment de son statut, d’un CPF qui contribue à l’acquisition d’un premier niveau de qualification ou au développement de ses compétences et de ses qualifications en lui permettant, à son initiative, de bénéficier de formations ».

Les différents rôles de la CDC

Tout salarié, tout fonctionnaire, tout indépendant, tout demandeur d’emploi ou toute personne accueillie dans un établissement et service d’aide par le travail, âgée d’au moins 16 ans, se voit attribué individuellement et annuellement un « crédit » utilisable pour suivre une formation certifiante et qualifiante. La formation peut être effectuée durant son temps de travail (avec l’accord préalable de l’employeur pour le salarié ou le fonctionnaire), ou en dehors.

Dès la connexion à l’application MonCompteFormation, lancée par le ministère le 21 novembre, apparaissent des conditions générales d’utilisation (CGU) qu’il faut approuver d’un clic avant de pouvoir continuer à naviguer sur les pages du site www.moncompteformation.gouv.fr. L’usager s’attend, comme pour tout site Internet, à ce que ces CGU définissent les engagements réciproques entre le titulaire du compte et l’opérateur de la plate-forme, en l’occurrence la Caisse des dépôts et consignation (CDC).

Mais elles contiennent bien plus que cela ! Ces CGU désignent « les engagements souscrits au titre des présentes conditions générales et des conditions particulières propres aux organismes de formation et aux titulaires de compte ». Elles encadrent de façon très précise les futures relations contractuelles entre celui qui veut exercer son droit à la formation, l’activité de l’organisme de formation et même les fonctions de la CDC dont on découvre au fur et à mesure les différents rôles (gestionnaire, contrôleur, médiateur). Le législateur a autorisé cette façon de faire et cette nouvelle source de droit à l’article L6323-9 du code du travail.

Or, le clic d’acceptation des CGU doit être donné avant consultation du compte et donc à un moment où, par définition, ni le crédit disponible, ni la formation à retenir, ou encore l’organisme de formation susceptible de convenir ne sont (du moins précisément) connus.

Formation professionnelle : une appli bienvenue mais perfectible

Une appli permettant d’avoir facilement accès à la formation professionnelle ? « C’est pas mal », réagit Catherine Lenglet, prof de design. Depuis le 21 novembre, « Mon Compte formation » est téléchargeable sur n’importe quel smartphone. Notée 3,5/5 sur l’AppStore, introuvable sur PlayStore. En quelques clics, à condition de disposer de son numéro de Sécurité sociale, tout actif peut ainsi ouvrir son compte personnel de formation (CPF), comme il pouvait le faire sur son ordinateur depuis le 1er janvier 2015. Une possibilité méconnue : sur 29 millions d’actifs, seuls 8,3 millions avaient activé leur compte, et à peine 2 millions l’avaient utilisé, indique le ministère du travail.

Lire aussi Le gouvernement lance une « appli » sur smartphone pour dynamiser la formation professionnelle

Au vu des réactions, l’existence même du CPF était passée complètement inaperçue. Dès l’annonce du lancement de l’application, les tweets tombaient en cascade. « J’avais 1 000 euros, ? Mais pourquoi j’ai payé mon permis cet été », dit l’un, « Je découvre que depuis des années j’ai des sous qui s’accumulent et vont payer les 2/3 de mon permis », répond Marie.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi « Juste un clic », pour se former ?

Les 500 euros versés (800 pour les moins qualifiés) par an sur le CPF individuel sont un droit à formation. La Caisse des dépôts qui gère le compte paye directement l’organisme de formation. Les actifs disposent en moyenne de 1 040 euros sur leur compte. Les indépendants y auront accès à partir d’avril 2020.

L’appli ne change pas les règles

Mais « il faudra toujours l’accord de sa direction pour partir en formation pendant les heures de travail », réagissait la CGT, le 17 novembre. En effet, l’appli ne change pas les règles : le financement de la formation en toute indépendance n’est possible que si elle est faite en dehors du temps de travail.

L’avantage de cette appli est sa simplicité d’utilisation : plus besoin de connaître la convention collective dont on dépend. Le compte est ouvert en donnant ses coordonnées et en validant les conditions générales d’utilisation, qu’aucune des personnes interrogées pour cet article n’avait lues. Elles ont eu tort : les manquements aux obligations du titulaire du compte sont sévèrement sanctionnés. Les importants changements d’usage (déclarer la fin de sa formation et la certification obtenue) auraient mérité une mise en garde très visible. Si le formulaire n’est pas rempli dans les temps, il faut recommencer : « La durée de vie du contrôle de sécurité est dépassée, veuillez renouveler le contrôle de sécurité ».

Nouvelles plaintes dans l’affaire qui éclabousse le régime de garantie des salaires

Nouveau rebondissement dans l’affaire qui ébranle l’Assurance de garantie des salaires (AGS). Une plainte supplémentaire vient d’être adressée au parquet de Paris pour dénoncer de possibles malversations dont aurait été victime cette structure contrôlée par le patronat. La démarche auprès du procureur de la République émane de l’Unédic, l’association paritaire gérant l’assurance-chômage à laquelle est rattachée l’AGS. Les faits incriminés mettent notamment en cause des mandataires judiciaires, ces professionnels du droit et de l’économie chargés de représenter les créanciers d’une entreprise mise en redressement ou en liquidation judiciaire.

Lire aussi Soupçons de malversations au sein du régime de garantie des salaires

La plainte de l’Unédic s’ajoute à celle déposée en octobre par l’AGS et que Les Echos ont révélée récemment. Dans les deux cas, les soupçons d’infraction sont les mêmes. Ces saisines du ministère public pourraient mettre en lumière de graves dysfonctionnements dans un dispositif dont le rôle est crucial : assurer le paiement du salaire de personnes employées dans des sociétés qui battent de l’aile.

« Construction juridique bizarroïde »

Le régime de garantie des salaires constitue une singularité dans notre système de protection sociale : sa gouvernance est assurée par une association dans laquelle siègent exclusivement des administrateurs issus du monde patronal ; quant à la gestion proprement dite du dispositif, elle est confiée à une Délégation Unédic AGS (DUA), qui est distincte de l’Unédic tout en étant liée à celle-ci par une « convention de gestion ». Comme le reconnaît un responsable d’une organisation d’employeurs, il s’agit d’« une construction juridique bizarroïde » dont le fonctionnement n’est pas évident à appréhender et qui fait rarement parler d’elle.

Mais depuis quelques mois, cette structure est – un peu – sortie de l’ombre, à cause d’une affaire à laquelle s’intéresse la justice pénale. Tout est parti d’une plainte, rendue publique le 25 mars par le Medef, « à la suite de soupçons de malversations » : d’après le mouvement présidé par Geoffroy Roux de Bézieux, des détournements de fonds (« abus de confiance ») pourraient avoir été commis, sur fond de « corruption active ou passive ». Le doute avait surgi à la suite d’un audit réalisé à partir de la fin 2018 par le cabinet EY, au moment où s’installait une nouvelle équipe à la tête de l’AGS : à cette occasion, des « anomalies » avaient été découvertes, qui pourraient engager la responsabilité d’anciens cadres de la DUA.

Les inégalités françaises, un cas d’école

La revue des revues. Dans sa rubrique « Futurs d’antan », la revue Futuribles a eu l’excellente idée, dans son nouveau numéro, d’exhumer des extraits du roman Rule Britannia (1972), de Daphné du Maurier (1907-1989), qui sont d’une troublante actualité et d’une ironie très british. Ce récit prophétique, publié en France sous le titre Mad (Albin Michel, 1974) occupe une place à part dans l’œuvre de la romancière britannique. Dans un scénario de politique-fiction qu’elle situe en 2000, l’auteure de Rebecca raconte que l’Angleterre décide de quitter la Communauté européenne à la suite d’un référendum. Mais rien ne se passe comme prévu et la nouvelle alliance que le premier ministre anglais entend former avec les Etats-Unis, l’Australie et l’Afrique du Sud sombre dans un joyeux bain de sang. Espérons que le Brexit du monde réel sera moins tragique…

Article réservé à nos abonnés Lire aussi En France, les inégalités sont reparties à la hausse

Le Brexit a partie liée à la perception d’une plus grande insécurité économique par les classes moyennes et à la montée des inégalités sociales. Comme ces évolutions traversent tous les pays européens, la revue Futuribles a choisi de publier, dans ce même numéro, un article consacré aux inégalités en France. Laurence Boone, chef économiste de l’OCDE depuis 2018 et ancienne conseillère de François Hollande à l’Elysée, et Antoine Goujard, économiste principal à l’OCDE, analysent la faible mobilité sociale dans l’Hexagone. « Seule la Hongrie, parmi les pays de l’OCDE, montre plus de déterminisme social que la France », observent-ils.

Disparités géographiques

En France, l’inégalité des chances est perpétuée par le système éducatif. « L’école française continue à produire plus de personnes ne suivant ni études ni formation que la moyenne de l’OCDE : près de 21 % des 20-24 ans se trouvaient dans cette situation en 2017 », notent les auteurs. Cette tendance s’accompagne de fortes disparités géographiques, selon la commune ou le quartier. Ce constat est d’autant plus alarmant que la France a construit un des systèmes de redistribution efficaces mais qui ne sont pas vraiment favorables aux classes moyennes. Si la redistribution par les impôts et les transferts sociaux permet de réduire les inégalités de revenus, les deux économistes pointent donc « des inégalités d’opportunité » largement liées au système éducatif.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Des seniors moins indigents, des jeunes plus précaires

Ancien conseiller social de Dominique de Villepin lorsqu’il occupait Matignon, Louis-Charles Viossat dresse, pour sa part, un état des lieux du travail sur les plates-formes numériques. Il constate un fort décalage entre leur poids économique et leurs effectifs salariés : Amazon emploie 650 000 personnes, Google 100 000 salariés, Facebook 35 000, Uber 20 000 – contre 2,2 millions pour Walmart… Selon le haut fonctionnaire, ces plates-formes doivent, à l’avenir, relever deux défis : mieux protéger les travailleurs et assurer de réelles conditions de concurrence. Dans les deux cas, écrit-il, c’est le recours au droit qui permettra de faire émerger des solutions.

Les mouvements des yeux peuvent-ils fonder la décision d’embauche?

« Une préoccupante évolution des techniques de recrutement est en train de se produire », alerte Jean-François Amadieu, le professeur de l’Université Paris 1, spécialiste des discriminations dans une étude publiée jeudi 28 novembre. En octobre, Easyrecrue vantait sa « solution phare d’entretien video différé avec présélection par l’intelligence artificielle ». Quelques mois auparavant, une étude du site de recherche d’emploi Indeed présentait « l’entretien d’embauche avec une intelligence artificielle, comme seule perspective d’emploi pour de nombreux Français ». Sans aller jusque-là, 70 % des entreprises du CAC40 seraient déjà clientes d’algorithmes de recrutement vidéo. L’engouement est tel qu’il devient urgent d’informer, précise Jean-François Amadieu. Son étude « Entretiens vidéo et intelligence artificielle – une nécessaire régulation » analyse les biais et la légalité de ces nouveaux modes de recrutement.

En effet, si les bénéfices des algorithmes – gain de temps, précision de l’analyse des CV – sont attractifs pour un employeur, les travers ne manquent pas. Les biais sont considérables puisque c’est la communication non verbale qui va influencer les recruteurs, explique M. Amadieu. « Ces algorithmes traitent, au gré des prestataires qui les ont conçus, la prosodie, les regards, les mouvements, les expressions faciales et parfois même la forme des visages ou le look. Ils entendent détecter les candidats compétents et les classer en fonction de ces critères. » C’est ainsi qu’aux Etats-Unis, on a constaté que les jugements sur la communication non verbale destinés à évaluer l’extraversion et la stabilité émotionnelle, étaient défavorables aux noirs.

Les entretiens vidéo sont une réelle source de discrimination directe et indirecte. Sur les 25 motifs de discriminations existants, beaucoup ne sont visibles que si l’on voit la silhouette et les mouvements du candidat. Ce qui est le cas en entretien vidéo. « Priver les candidats de pouvoir poursuivre les étapes de sélection après avoir regardé une vidéo de quelques secondes est consternant », commente le sociologue. Le résultat obtenu est que les algorithmes recrutent des clones.

Par ailleurs, légalement, certaines des données analysées par les algorithmes sont inutilisables par le recruteur, car considérées comme source de discrimination, comme le critère « apparence physique » par exemple. En France, l’analyse faciale à des fins de recrutement est interdite à l’employeur, et « on l’autoriserait pour l’algorithme ! », interpelle le sociologue, qui invite le Défenseur des droits à se prononcer sur le sujet. « On se demande comment les « jeunes pousses » qui vendent ces algorithmes et les DRH qui les achètent peuvent méconnaître à ce point le contexte national », s’étonne Jean-François Amadieu.

Le livre audio, nouvelle aubaine pour les comédiens

COLCANOPA

Comment prononcer correctement le mot inuit Neqqajaaq qui signifie « vent violent » ? L’actrice Marianne Denicourt, qui enregistre le livre audio De pierre et d’os de Bérangère Cournut (Le Tripode, 19 euros) pour la société Lizzie (Editis, 18,10 euros), demande à Catherine Lagarde, responsable éditoriale et directrice du studio Nova Spot, de lui donner la bonne intonation. Ce Neqqajaaq va s’arrêter de souffler au chapitre 32… Installée dans une cabine d’enregistrement, la comédienne doit donner vie à 219 pages. Elle lit d’une voix claire et précise.

Parfois, Mme Lagarde, sa « première oreille », lui demande de chuchoter un peu plus ou de reprendre une phrase. « Cela demande une réelle concentration », assure Marianne Denicourt. D’autant que, pour elle, c’est une première. L’auteure du roman lui a demandé d’incarner « sa » voix après l’avoir entendue lors d’une lecture publique. Pour l’interprète, l’exercice consiste à « raconter une histoire, trouver cet équilibre particulier, pour rester au service du texte ».

Lire aussi « Le Monde » lance son offre de podcasts

Longtemps réservé aux malvoyants, aux personnes âgées ou à ceux qui ont un bras dans le plâtre, le livre audio prend son essor en France dans un secteur, l’édition, qui fait grise mine. Dans la mesure où Amazon, l’un des acteurs importants, refuse de révéler ses chiffres, il n’existe pas de statistiques fiables sur la taille de ce marché de niche. Les analystes l’estiment à moins de 2 % du chiffre d’affaire total de l’édition.

Lors de la dernière Foire internationale du livre de Francfort, en octobre, Valerie Lévy-Soussan, PDG d’Audiolib et présidente de la commission livre audio du Syndicat national de l’édition (SNE), a prévu un doublement de ce secteur d’ici trois ans grâce à un enviable taux de croissance de 20 % à 30 % chaque année.

Si l’on se fie à l’exemple américain, les perspectives semblent prometteuses. Selon l’Audio Publishers Association, ce marché y a atteint, en 2018, 940 millions de dollars (854 millions d’euros), en hausse de 24,5 % par rapport à 2017, grâce à une production florissante de 45 000 nouveaux titres en un an.

Casting

Dans l’Hexagone, les éditeurs se lancent dans l’aventure, même si le livre audio nécessite des coûts plus élevés que l’édition papier. Depuis son lancement voilà dix-huit mois, Lizzie a ainsi, selon sa directrice Julie Cartier, produit 280 ouvrages. Audiolib, qui a fêté ses 10 ans en 2018, en sort plus d’une centaine par an. « Tout est adaptable, les romans bien sûr, mais aussi les guides de développement personnel, de voyages et même les bandes dessinées, comme Astérix », assure Ludivine Payen, assistante éditoriale au sein de cette filiale d’Hachette et d’Albin Michel. Si Actes Sud arrive de façon bien plus modeste dans ce marché, Gallimard poursuit activement son offensive. Tout comme les pionniers Thélème ou les Editions des femmes.

Retraite à l’étranger : les démarches enfin allégées

Un seul certificat d’existence, valable pour tous les régimes, est désormais demandé aux retraités vivant à l’étranger.
Un seul certificat d’existence, valable pour tous les régimes, est désormais demandé aux retraités vivant à l’étranger. Wavebreak Media / Photononstop

Vous n’êtes pas mort ? Prouvez-le ! C’est, en somme, ce que demandent chaque année les différents régimes français aux retraités installés hors de nos frontières. Rien d’illogique, il s’agit pour eux d’éviter de continuer à verser des pensions à des personnes décédées depuis des années. L’enjeu financier est important : « environ 6 milliards d’euros de pensions sont réglés chaque année à l’étranger, soit grosso modo 2 % des retraites versées par les régimes français », détaille Stéphane Bonnet, directeur de l’Union Retraite, l’organisme interrégimes.

Le hic, c’est que la démarche s’avérait jusqu’ici très fastidieuse. Chaque année, les près de un million et demi de retraités concernés (qu’ils soient ou non de nationalité française) recevaient par la poste un certificat d’existence, à faire tamponner par une autorité locale compétente, puis à renvoyer, là aussi par courrier, en respectant un délai généralement fixé à deux mois.

Une procédure à répéter autant de fois qu’ils avaient de régimes de retraite, de base comme complémentaires. Le moindre couac rimait généralement avec suspension de pension, l’assuré étant alors présumé mort.

Une procédure unique, et dématérialisée

De quoi agacer les retraités de l’étranger qui, depuis des années, exposaient leurs « galères » à leurs élus, sur les forums en ligne, dans la presse ou encore via une pétition. Les uns racontant que les courriers ne leur arrivaient parfois pas, ou tardivement, en raison d’un service postal défaillant dans le pays d’accueil. D’autres expliquant ne pas avoir d’adresse postale (villes sans noms de rue, dans certaines contrées, par exemple) ou rencontrer des difficultés pour se déplacer en raison d’une maladie.

Lire aussi Comment réussir sa retraite à l’étranger

Ils ont finalement eu gain de cause avec le lancement, en novembre, d’une procédure unifiée et dématérialisée. En pratique, chacun recevra désormais une fois l’an un certificat de vie valable pour tous les régimes, par mail ou via son « compte retraite » en ligne. Comme avant, il devra se rendre dans les bureaux d’une autorité locale compétente en la matière (ambassades, consulats, mairies, police, etc. : les services habilités varient selon les pays d’accueil, la liste pour chacun est consultable sur le site de l’Union retraite ou du régime général).

Il devra ensuite renvoyer le document scanné ou photographié via la messagerie de son compte retraite. L’ancienne procédure postale demeure possible, le certificat peut toujours être reçu et renvoyé par courrier.

Lire aussi Quel taux de CSG pour les retraités ?

Le formulaire est pour l’heure disponible en anglais, portugais, espagnol et italien. D’autres langues devraient être ajoutées au printemps 2020, prioritairement l’arabe, peut-être aussi l’allemand, le polonais, le turc et le néerlandais, nous a indiqué l’Union Retraite, précisant avoir procédé fin octobre à une première fournée d’envois de certificats uniques, à 180 000 retraités.

« Le service étant progressivement mis en place au dernier trimestre 2019, il est possible que certains assurés reçoivent plusieurs demandes de leurs régimes pour justifier de leur existence en 2019 », prévient toutefois l’organisme dans un communiqué.

« C’est une avancée majeure », se réjouit Anne Genetet, députée des Français de l’étranger et auteure en 2018 d’un rapport sur la mobilité internationale des Français, dans lequel elle pointait du doigt les difficultés que posait la démarche du certificat de vie. Certes, la procédure nécessitera toujours de se déplacer pour faire tamponner son certificat par une autorité habilitée du pays d’accueil, mais cette rencontre « en face à face d’un tiers identifié de confiance par les régimes français reste indispensable pour éviter les fraudes », justifie M. Bonnet.

Bientôt la fin du certificat de vie pour certains pays ?

L’autre bonne nouvelle, c’est que pour certains pays d’expatriation européens, le renvoi annuel du certificat d’existence ne sera bientôt plus du tout requis grâce à des échanges automatisés d’information sur les décès entre la Caisse nationale d’assurance-vieillesse (CNAV), qui gère le régime général français, et certains régimes étrangers. Si ces organismes se tiennent réciproquement au courant des décès survenus dans leur pays, les retraités n’ont en effet plus besoin de prouver qu’ils sont en vie…

Ces échanges d’informations sont d’ores et déjà effectifs avec l’Allemagne, la Belgique et le Luxembourg, ce qui signifie que pour ces pays, la CNAV ne demande plus à ses retraités de produire de certificats d’existence. Des conventions ouvrant la voie à de tels échanges ont également été signées avec l’Italie, la Suisse, les Pays-Bas et l’Espagne mais ne sont pas encore effectives. Ils devraient l’être en 2020 ou début 2021, selon le régime.

Lire aussi Retraite : quelle fiscalité pour vos pensions en cas d’expatriation ?

Mieux encore : la CNAV peut désormais partager ces données avec les autres régimes français. Pour les retraités installés dans les pays concernés par ces conventions, plus aucun certificat de vie ne sera donc a priori réclamé à terme par aucun régime.

Pour rester à la page, les géants de l’agroalimentaire croquent dans les start-up

Par

Publié aujourd’hui à 10h17, mis à jour à 14h04

En 2016, Danone croque une part de Michel et Augustin. Une petite marque qui a réussi à se glisser dans les rayons des supermarchés avec ses cookies, ses yaourts à boire, ses biscuits apéritifs ou sa mousse au chocolat. Une entrée discrète, sur la pointe des pieds, dans le capital de la start-up des « trublions du goût », comme les deux fondateurs, Augustin Paluel-Marmont et Michel de Rovira, aiment à se définir.

Mais un changement de cap pour le géant de l’agroalimentaire français, dirigé par Emmanuel Faber, plus habitué à orchestrer de riches fusions. A cette occasion, il dévoile un nouveau modèle avec la création de Danone Manifesto Ventures, un outil de prise de participation dans des start-up du secteur. Trois ans plus tard, en octobre 2019, le leader mondial du yaourt annonce son quinzième investissement : une entrée au capital de la société californienne Forager Project, spécialisée dans les produits bio et végétaux.

Danone n’est en rien un exemple isolé. PepsiCo, Mondelez, General Mills, Coca-Cola, Tyson Foods ou Kraft ont annoncé, tour à tour, la création de véhicules d’investissement ou d’incubateurs. Une volonté des grands groupes de s’abreuver à la source jaillissante des « foodtech », ces petites structures qui secouent le marché agroalimentaire. « Nous avons vu arriver un foisonnement de jeunes entreprises. Cette effervescence entrepreneuriale vient d’un changement profond des consommateurs depuis vingt ans », affirme Laurent Marcel, directeur général de Danone Manifesto Ventures.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi « Les difficultés de Kraft Heinz viennent détruire quelques totems américains »

Le succès de Yuka

Partout sur la planète les populations deviennent plus sensibles au contenu de leur assiette, à l’impact de leur alimentation sur leur santé, voire sur l’environnement. Et prennent leurs distances avec les grandes marques. De nouvelles attentes qui s’illustrent par le succès en France de l’application Yuka, devenue une boussole pour les clients en quête de repères nutritionnels dans les magasins.

« Une révolution de l’alimentation », selon M. Marcel, qui favorise l’émergence de projets entrepreneuriaux désireux de capter ces marchés où les notions de naturalité, de proximité, de qualité nutritionnelle, de bien-être animal dominent. Ou qui sont prêts à innover pour inventer de nouveaux modes de distribution.

Lire le décryptage : Le Nutri-Score et Yuka bousculent l’agroalimentaire

« Soit on voit ces start-up comme des concurrents, soit comme un moyen d’étoffer son écosystème »

« La question s’est posée de savoir comment se positionner. Soit on voit ces start-up comme des concurrents, soit comme un moyen d’étoffer son écosystème », analyse M. Marcel. Ce dernier explique ainsi le choix de la création du Danone Manifesto Ventures avec une dotation de 200 millions d’euros et un objectif de 20 à 25 prises de participation d’ici à 2020. La même réflexion a conduit Kellogg’s à créer Eighteen94 Capital, ou General Mills, 301 Inc.

Accenture consacre 1 milliard de dollars par an à la reconversion de ses salariés

« Comme beaucoup d’autres entreprises conseils, Accenture est aux premières loges de la révolution technologique. »
« Comme beaucoup d’autres entreprises conseils, Accenture est aux premières loges de la révolution technologique. » Ingram / Photononstop

Dorian Twiggs, 36 ans, venait tout juste de déménager de Detroit à Charlotte, en Caroline du Nord. Son nouvel employeur, le cabinet de conseil Accenture, l’avait placée dans une banque, afin de vérifier si tous les documents nécessaires pour décrocher des prêts immobiliers étaient réunis. Cela faisait onze ans qu’elle travaillait dans la finance et elle connaissait bien son métier. Mais cinq mois après son arrivée, son chef l’a prévenue : son activité allait être automatisée. Accenture réduisait ses effectifs. « J’étais choquée », avoue la jeune femme.

Comme beaucoup d’autres entreprises conseils, Accenture est aux premières loges de la révolution technologique. L’intelligence artificielle (IA), les secrets du machine learning (« l’apprentissage automatique »), l’Internet of things (« Internet des objets »), ses ingénieurs connaissent. Car ce sont eux qui installent ces outils chez leurs clients. Ils voient de suite les conséquences : un certain nombre d’emplois vont disparaître. Un rapport de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) publié en mars 2018, a étudié l’impact des nouvelles technologies dans trente-deux pays. Conclusion : 48 % des postes seront partiellement automatisés.

Heureusement pour Mme Twiggs, Accenture n’avait aucune intention de la laisser tomber. Quelques années plus tôt, son défunt dirigeant Pierre Nanterme (1959-2019) avait senti le vent tourner et décidé que les économies réalisées grâce à l’IA seraient réinvesties dans la formation des collaborateurs. « C’est une approche volontaire. Nous parions sur nos salariés, dit Ellyn Shook, la responsable des ressources humaines. Nous savons qu’ils sont ambitieux et qu’ils ont une grande envie d’apprendre. » Accenture dépense près d’1 milliard de dollars (904 millions d’euros) par an dans ces différents programmes. Depuis trois ans, les 480 000 employés du groupe ont suivi 70 millions d’heures de cours.

Maintenant chef d’équipe

Tout commence par un bilan. L’entreprise qui se veut « transparente » identifie les postes en danger. Des conseillers d’orientation discutent avec les intéressés de l’évolution de leurs métiers. Ils regardent ensemble quels postes voisins sont en grande demande. Ils étudient les envies des personnels et les formations nécessaires pour devenir opérationnels. Ellyn Shook ne lésine pas sur les moyens : camps d’entraînement intensifs, cours en ligne fournis par les prestataires SAP, Workday, Salesforce… stages pratiques avec des professionnels. « Coupler un étudiant avec quelqu’un d’expérimenté est essentiel », explique-t-elle. Par exemple, « après avoir suivi une formation sur la blockchain, on intègre notre employé dans une équipe qui l’emmène chez les clients ».

La violence vient de l’organisation

« Les insultes et les pressions psychologiques (humiliations, dénigrements, menaces) sont les violences les plus fréquemment constatées, suivies par les atteintes à l’activité professionnelle. »
« Les insultes et les pressions psychologiques (humiliations, dénigrements, menaces) sont les violences les plus fréquemment constatées, suivies par les atteintes à l’activité professionnelle. » Otto Dettmer/Ikon Images / Photononstop

Chronique « Carnet de bureau ». La Cour de cassation a confirmé le 23 octobre le licenciement pour faute grave d’un cadre d’Airbus qui, lors d’un programme de team building, voulait forcer un salarié à marcher pieds nus sur du verre brisé. Le salarié, après être sorti en larmes, a « été obligé de donner les raisons de son refus », précise l’arrêt. Il a décidé d’exercer son droit d’alerte, qui a abouti au licenciement du manageur.

Un rescapé du Bataclan, salarié de Publicis, est en arrêt maladie et en attente d’une décision le 21 janvier 2020. Il a saisi les prud’hommes, après un nouveau choc : sur son lieu de travail, il s’est retrouvé « nez à nez avec un terroriste de pacotille », dans une simulation d’attentat organisée par son employeur.

Marche forcée sur du verre pilé pour booster la motivation, kalachnikov dans le couloir pour tester la sécurité… la violence au travail est « un risque systémique », révèle l’Institut national d’études démographiques (INED, « Violences et rapports de genre », à paraître en mars 2020). Derrière les initiatives coupables des auteurs, l’organisation a sa part de responsabilité.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Risques psychosociaux : les obligations de l’employeur

L’enquête de l’INED, menée auprès de 17 333 personnes (45,6 % d’hommes, 54,4 % de femmes) de 41,3 ans en moyenne, a recensé les violences sur le lieu de travail, leurs fréquences, leur gravité, les circonstances et les caractéristiques des victimes et des agresseurs(euses). Les salariés des affaires Airbus et Publicis pourront s’y reconnaître.

Insultes, pressions, violences

L’enjeu est d’importance. Au cours des douze mois précédant l’enquête, 20,1 % des femmes et 15,5 % des hommes ont été victimes d’au moins un fait de violence. Grosso modo, un salarié sur cinq aurait subi au moins une insulte ou des pressions psychologiques, une atteinte à son activité de travail, une violence physique ou sexuelle.

Les insultes et les pressions psychologiques (humiliations, dénigrements, menaces) sont les violences les plus fréquemment constatées, suivies par les atteintes à l’activité professionnelle : sabotage, mise à l’écart, injonction de tâches inutiles, d’horaires injustifiés, ou changement inapproprié de lieu de travail. Près de 80 % des victimes témoignent de violences multiples, confirmant le risque systémique.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi « Pour un droit humain universel contre la violence au travail »

« Pour les insultes et pressions psychologiques (…), les auteurs appartiennent avant tout à la hiérarchie », indique l’INED. Fournisseurs, public et clients sont davantage impliqués dans les violences physiques. Mais les subordonnés sont rarement mis en cause, « ce qui inscrit bien la violence au travail comme une forme d’expression et de maintien des rapports de force », analysent les deux chercheuses, la sociologue Sylvie Cromer et la psychologue Adeline Raymond. La surreprésentation parmi les victimes des plus jeunes (20-29 ans), des contrats précaires et des fonctionnaires établit le lien entre violence et subordination.