De Enron à Wirecard, l’audit en question

« La profession est forcée de reconnaître que l’ingénierie financière et l’ingénierie juridique permettent de masquer, y compris aux auditeurs, les pires dérives. »

Entreprises Au début de l’été, en pleine pandémie, la société allemande Wirecard, spécialiste du paiement en ligne, emblème de la fintech, se déclarait en faillite et reconnaissait des erreurs massives dans ses comptes. Ce scandale rappelle celui de la plate-forme de négoce en énergie Enron, il y a vingt ans. On y retrouve l’engouement collectif pour l’innovation financière, la réussite rapide en Bourse, des profits spectaculaires, et puis… la chute brutale, quand il s’avère que les comptes étaient truqués !

D’où, aujourd’hui comme hier, la même question : comment de tels scandales sont-ils possibles, alors que les comptes sont régulièrement approuvés par les plus grandes entreprises d’audit comptable ? L’affaire Enron avait provoqué la disparition du cabinet Arthur Andersen. Aujourd’hui, c’est Ernst & Young qui est interrogé parce qu’il contrôlait Wirecard, depuis dix ans.

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Sur le papier, les choses semblent simples, toute entreprise qui fait appel à des investisseurs et à des marchés financiers doit faire contrôler sa comptabilité par des auditeurs dont la profession est réglementée dans chaque pays. Leurs conclusions ont un impact majeur sur la vie de l’entreprise. Or, ces scandales montrent que le travail d’audit est, paradoxalement, d’autant plus difficile que les entreprises jouent, à l’échelle mondiale, de toutes les ressources de l’innovation financière et du droit des sociétés.

Inextricable contrôle

Dans l’affaire Enron, le masquage des dettes était obtenu par la création de milliers de filiales s’échangeant des services et rendant inextricable le contrôle des facturations entre ces entités. De plus, entre la maison mère et les filiales, il était possible d’en appeler à des auditeurs différents, ce qui compliquait la consolidation des comptes. Accusé d’avoir participé à la fraude, le cabinet Arthur Andersen se saborde, mais, en 2005, il est innocenté par la Cour suprême des Etats-Unis, qui met en avant la difficulté à prouver la collusion avec Enron.

Depuis sa création, Wirecard a multiplié les acquisitions en Asie dont l’évaluation est particulièrement complexe. La firme crée simultanément des filiales qui déclarent une activité importante de services, tout en la sous-traitant à des tiers. Pourtant, les audits d’Ernst & Young restent bons et, en 2018, Wirecard entre en Bourse (DAX).

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En 2019, des alertes sont lancées par le Financial Times. Wirecard conteste et mandate KPMG, un autre grand auditeur, pour clore le débat. En avril 2020, en pleine épidémie, KPMG approuve les bilans de Wirecard, mais signale des difficultés pour contrôler l’écheveau asiatique. L’ambiguïté du constat affole la Bourse et, en juin, Wirecard reconnaît la banqueroute et des comptes défaillants. Les enquêtes pour fraude sont lancées et les dirigeants poursuivis.

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Moins de déplacements, plus de télétravail : la crise ancre de nouvelles habitudes en Ile-de-France

Dans un métro, à Paris, le 5 septembre 2020.

On s’est demandé, à la fin du confinement, ce qu’il resterait de cette période et si la pandémie de Covid-19 allait, à terme, changer notre quotidien. Une enquête du cabinet d’études Inov360, menée auprès de 3 850 Franciliens interrogés à trois reprises depuis juin, révèle comment de nouvelles habitudes prises au travail et dans les transports commencent à s’installer dans la durée.

Bien sûr, la crise n’est pas terminée, mais « les gens n’ont pas nécessairement envie d’un retour en arrière », décrypte Vincent Pilloy, cofondateur du cabinet, qui note notamment « une vraie rupture » pour les déplacements en Ile-de-France. « Le télétravail, la télémédecine, le téléconseil ne sont pas près de disparaître non plus, complète Jérémy Courel, économiste à l’Institut Paris Région, l’un des 22 organismes partenaires de l’étude. Et plus la crise dure, plus ces nouvelles pratiques vont s’ancrer. »

Avant, c’était le temps où l’on s’estimait heureux d’avoir deux vendredis par mois pour terminer de rédiger ses dossiers à la maison. Seulement 22 % des personnes interrogées pratiquaient le travail à distance. Or, le confinement a montré que le télétravail peut concerner un très grand nombre de Franciliens et que la pratique peut s’étendre, une fois la crise passée.

« Désaffection conjoncturelle pour les transports »

Début juillet, plus de la moitié des salariés (54 %) étaient toujours en télétravail. Au retour des grandes vacances, la tendance s’est légèrement inversée. Parmi les 53 % qui sont retournés au travail, 60 % n’avaient pas le choix car leur métier ne le leur permettait pas. Mais pour les salariés qui télétravaillaient encore – à raison de deux jours par semaine en moyenne –, la situation était plutôt appréciable. La quasi-totalité d’entre eux (91 %) plaident ainsi pour une alternance entre travail à la maison et travail au bureau. Et, dans l’idéal, ils aimeraient pouvoir être plus de deux jours par semaine à distance.

« Il y a un terreau très favorable au changement, un climat propice à la mise en place de solutions plus durables », analyse Vincent Pilloy, cofondateur du cabinet d’études Inov360

Cette généralisation du télétravail a considérablement modifié les déplacements en région parisienne : les Franciliens disent bouger beaucoup moins qu’avant. Près de la moitié (42 %) ont réduit leurs trajets domicile-travail. Et parmi ceux qui, avant, avaient des déplacements professionnels, 68 % y ont en partie renoncé. Même les trajets pour les loisirs ont chuté de plus de la moitié. Cette baisse des trajets habituels peut, en revanche, entraîner une hausse des déplacements de proximité en voiture.

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La motivation aussi efficace qu’une hausse de salaire?

Livre. Des sites sur lesquels les travailleurs peuvent noter la qualité de vie et les conditions de travail dans leur entreprise, comme Greatplacetowork ou Glassdoor, aux happiness officers (« chefs du bonheur »), qui ont fait leur entrée dans les effectifs ces dernières années, les initiatives visant à stimuler et mesurer le bien-être au travail se multiplient.

L’enjeu ne se limite pas à la sphère professionnelle, puisque l’emploi influence de nombreux aspects de la vie : santé, apprentissage, épanouissement et estime de soi, statut social, sentiment d’appartenance et identité sociale. « En somme, le bien-être au travail est un ingrédient essentiel à la satisfaction générale de la vie », résume Claudia Senik, professeure à Sorbonne Université et à l’Ecole d’économie de Paris, dans l’essai Bien-être au travail (Presses de Sciences Po).

L’ouvrage présente les leviers du bien-être au travail, dans les entreprises qui en font un objectif légitime pour accroître la productivité des travailleurs et les retenir.

Dans la première partie, l’auteur rappelle les principales mesures du bien-être issues de la recherche en sciences sociales : les risques psychosociaux, le capital social, les traits de l’organisation hiérarchique et la répartition des rémunérations.

Une deuxième partie analyse deux enquêtes relatives aux sources du bien-être : Reponse 2017, réalisée par le ministère du travail, et European Working Conditions Survey, conduite par Eurofound.

Ces deux enquêtes révèlent l’importance des facteurs organisationnels : l’autonomie, le climat social et les perspectives de progression. Ainsi, le fait de se sentir très motivé par son organisation produit le même effet qu’un doublement du salaire moyen. A l’inverse, le risque de santé produit le même effet qu’une réduction d’environ 60 % du salaire moyen.

Insatisfaction française

L’enquête européenne pointe également l’insatisfaction française : au sein des 32 pays européens étudiés, ce sont les Français qui s’estiment, en moyenne, les moins bien payés au regard du travail qu’ils fournissent. Un tableau similaire se dessine en ce qui concerne le fait d’être motivé par son organisation ou de se sentir bon dans son travail.

Les Français sont aussi plus réactifs que la moyenne des Européens à la plupart des dimensions de leur environnement de travail, notamment au climat social, à la conciliation travail-famille et à leurs perspectives de progression. On dispose désormais d’outils permettant de mesurer le bien-être au travail, et même d’identifier les cultures propres à chaque entreprise. « Si la mine d’informations détenues pouvait s’ouvrir davantage aux chercheurs, ceux-ci pourraient contribuer, en retour, à promouvoir le bien-être des salariés. »

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La reprise de l’économie française s’étiole et l’avenir reste incertain

Sur le Vieux-Port, à Marseille, le 28 septembre.

C’est dans un climat de double incertitude – incertitude sur l’évolution de l’épidémie elle-même et incertitude sur l’évolution des restrictions sanitaires – que les experts de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) ont livré, mardi 6 octobre, leurs analyses trimestrielles sur la conjoncture économique. Une prévision assortie de tous les conditionnels de rigueur, compte tenu du caractère extrêmement évolutif de la situation, mais qui repose sur un constat bien réel celui-là : la reprise s’étiole au fur et à mesure que le Covid-19 se propage, et tous les espoirs d’une reprise plus rapide que prévu se sont envolés.

Au troisième trimestre, l’activité économique se situe en retrait de 5 % par rapport à son niveau d’avant-crise, certes en « vif rebond » par rapport au point bas atteint durant le confinement, où le recul était d’environ 30 %. L’amélioration espérée au quatrième trimestre n’aura sans doute pas lieu : en septembre, les anticipations des entreprises pour les trois mois à venir se sont dégradées, en particulier dans le secteur des services, et se situent à leur niveau le plus haut depuis le début de la crise.

Un quatrième trimestre atone

Selon les enquêtes de terrain effectuées par l’Insee, une entreprise sur trois indique début octobre ne pas avoir de visibilité sur l’avenir. Les conjoncturistes tablent donc sur un quatrième trimestre atone : la croissance stagnerait sur les trois derniers mois de l’année. Le dynamisme de l’été – le PIB a crû de 16 % – permet donc à l’Insee de maintenir sa prévision de contraction du produit intérieur brut (PIB) à 9 % pour l’ensemble de l’année 2020. A condition toutefois qu’un « durcissement durable » des restrictions sanitaires ne vienne enrayer cette mécanique déjà fragile, a prévenu l’Insee.

En l’absence d’une reprise plus forte, il n’est pas de miracle à attendre du côté de l’emploi. Si les secteurs peu touchés par la crise continuent à embaucher modérément, l’hémorragie va se poursuivre dans l’hôtellerie-restauration, les services de transports, les loisirs, les services culturels… A la fin de l’année, quelque 840 000 emplois auront disparu par rapport à l’année 2019, dont 750 000 emplois salariés.

Dans la mesure où, parallèlement, les personnes qui étaient momentanément sorties du marché du travail pendant le confinement et la saison estivale redeviennent disponibles pour prendre un emploi, le chômage va remonter mécaniquement.

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« Le Figaro » va supprimer 60 postes

Imprimerie Riccobono à Tremblay-en-France, le 12 août 2020.

Un dernier comité social et économique avant l’été avait laissé deviner quelle serait la teinte de la rentrée au Figaro : elle serait sombre, marquée par un plan d’économies. De fait, les élus du groupe en connaîtront les nuances jeudi, lors d’un CSE extraordinaire ; mais un mail de Marc Feuillée, le directeur général du groupe (Le Figaro, Le Figaro Magazine, Le Figaro Madame, TV Magazine), envoyé vendredi 2 octobre, est d’ores et déjà venu éclairer les salariés sur les intentions de la direction.

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« Nous devons impérativement économiser quatre millions d’euros sur la masse salariale, ce qui représente environ 60 postes », écrit le dirigeant, promettant de « privilégier le dialogue social » et de rechercher « un accord qui permettrait une mise en œuvre équilibrée et comprise par toutes et tous ».

Sur la base du volontariat

De source syndicale, 24 postes seraient visés parmi les cadres et employés (documentation, communication, diffusion, etc.), 15 parmi les journalistes affectés à la réalisation (maquette, secrétariat de rédaction, service iconographique) et six rédacteurs : trois au service des sports, qui compte onze titulaires, et trois sur une vingtaine de journalistes au service culture, et plus particulièrement au Figaroscope, qui n’a pas reparu depuis le confinement. Quinze personnes pourraient en outre quitter l’entreprise sur la base du volontariat – peut-être sous forme de départs à la retraite. Enfin, « une soixantaine de pigistes serait également visée », ajoute Patrick Bele, délégué syndical SNJ.

« Nous devons agir le plus rapidement possible, pour faire face à la crise économique que rencontrent nos journaux, mais aussi investir encore plus dans nos contenus et le développement de notre offre digitale », justifie Marc Feuillée, contacté par Le Monde, rappelant les effets néfastes du confinement sur les rentrées publicitaires et les « pertes financières exceptionnelles causées par la liquidation de Presstalis ».

Dans sa communication interne, le dirigeant se félicite de dénombrer 200 000 abonnés numériques au Figaro à la fin de l’année, « mais ce n’est pas suffisant, tempère-t-il. Nous avons besoin d’investir pour atteindre le plus vite possible le cap des 300 000 abonnés numériques ». Entre 15 et 20 créations de postes, « principalement à la rédaction du Figaro » sont promises, ainsi que des investissements dans le marketing pour accompagner cet élan.

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L’usine du sucrier Cristal Union, à Erstein en Alsace, « est en sursis »

Les arrachages de betteraves viennent juste de démarrer en France. Avec un temps de retard, pour profiter des pluies abondantes capables de donner un petit coup de pouce à la plante assoiffée. En Alsace, aussi, l’usine sucrière d’Erstein (Bas-Rhin) s’apprête à accueillir la nouvelle récolte pour la broyer et la transformer en poudre blanche. Mais ce site de la coopérative Cristal Union est sous pression. Alain Commissaire, le directeur général du groupe sucrier, ne s’en cache pas. « L’usine d’Erstein est en sursis », déclare-t-il.

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En cause, le nombre de jours d’activité de ce site. Pour être compétitifs, les sucriers tentent d’accroître la durée d’utilisation de ces outils industriels très lourds en investissement. « Cette année, à Erstein, la durée de campagne devrait atteindre quatre-vingts à quatre-vingts-quatre jours. Il en faudrait quinze de plus », précise M. Commissaire. Pour atteindre cet objectif, il faut donc accroître le volume de betteraves livrées à l’usine. Or, en Alsace, pas question d’invoquer la jaunisse pour expliquer le manque de plantes. La maladie qui a touché durement les cultures de betteraves au sud de Paris a été bien moins virulente dans l’est de la France.

« Il faudrait 2 000 à 3 000 hectares supplémentaires »

« En Alsace, nous estimons la baisse de rendement cette année entre – 8 % et – 10 %, dont une partie liée à la sécheresse et l’autre à la jaunisse », explique Franck Sander, agriculteur à Ohlungen (Bas-Rhin) et président de la Confédération générale des planteurs de betteraves (CGB). Il s’agit bien plutôt d’une désaffection des agriculteurs alsaciens pour cette culture devenue moins rémunératrice après la fin des quotas sucriers européens en 2017. « Un temps, 7 000 hectares étaient cultivés en betteraves. Puis on a perdu 1 000 hectares », souligne M. Commissaire. Il ajoute : « Il faudrait 2 000 à 3 000 hectares supplémentaires. L’idée est de convaincre des planteurs allemands proches de la frontière et de l’usine » qui viendraient grossir les troupes des 600 planteurs alsaciens.

Le site d’Erstein a déjà subi le plan de restructuration dévoilé par Cristal Union en 2019. La coopérative, dont les comptes ont viré au rouge en 2018, plombés par la baisse du prix du sucre en Europe, a, en effet, décidé d’arrêter la production de deux de ses dix usines. La sucrerie de Bourdon, située à Aulnat dans le Puy-de-Dôme, et celle de Toury en Eure-et-Loir ont définitivement fermé leurs portes cet été. Dans le Bas-Rhin, c’est une partie de l’activité de conditionnement du sucre qui a été transférée à Bazancourt (Marne). A la clé, une suppression de 70 postes sur un total de 200. Sachant que la marque Erstein est avec Daddy l’un des fleurons de Cristal Union et que le début de l’histoire du sucre à Erstein remonte à 1893.

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« Le handicap psychique au travail ne doit plus être un tabou »

Les symptômes du handicap psychique sont autant de signaux d’alerte que les collaborateurs doivent apprendre à détecter.

Membre du conseil d’administration et responsable bénévole des programmes de sensibilisation des entreprises aux handicaps psychiques de l’association Clubhouse France, Lucie Caubel est également cofondatrice du salon de recrutement en ligne Hello handicap.

Dans la vie professionnelle, le handicap psychique est mal connu car il fait partie des handicaps invisibles, comment le définir ?

Méconnu hors de la sphère médicale, le handicap psychique est le plus tabou de tous les handicaps. En France, la loi ne reconnaît d’ailleurs son existence que depuis 2005. Pour mémoire, cette loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées définit le handicap dans toute sa diversité. Les troubles psychiques concernent les maladies comme la bipolarité, la schizophrénie, la dépression chronique, les troubles anxieux, les TOC, les phobies…

Ils se différencient des troubles mentaux, qui entraînent des déficiences intellectuelles et sont souvent dûs à une maladie de naissance. A contrario, la maladie psychiatrique n’altère pas les capacités intellectuelles de la personne. Elle se déclare, en général, entre 15 et 25 ans. Une personne sur cinq sera confrontée à ce type de troubles au cours de sa vie. La dépression frappe 2,5 millions de citoyens par an, c’est même la première cause d’arrêt maladie de longue durée et d’invalidité.

Quel est l’impact de l’épidemie de Covid-19 sur les questions de santé psychique au travail ?

La peur de la maladie génère du stress et de l’angoisse pour tout le monde, mais pour les personnes atteintes de handicap psychique, la période est souvent encore plus difficile à vivre. Certaines, par exemple, n’ont pas supporté l’isolement entraîné par le confinement et la mise en place du télétravail, et ont vu leurs symptômes s’aggraver. Pour d’autres, au contraire, le fait de travailler de chez elles les rassure. Quoi qu’il en soit, pour les employeurs, la question du maintien du lien avec les salariés prend une acuité particulière et demande une vigilance accrue.

Justement, quel regard portent les entreprises sur le handicap psychique, et la crise liée au Covid-19 fait-elle évoluer leur vision ?

La crise met encore plus en avant l’urgence de prendre en compte la santé mentale dans le pays, dans l’emploi et dans la société. Il faut un « plan santé mentale » comme il y a eu un « plan cancer ». Le sujet est encore approché sous le seul angle médical. Il faut pourtant d’urgence un changement des mentalités. Tout reste à faire : les entreprises en sont avec le handicap psychique au même stade qu’elles l’étaient avec le handicap visible il y a trente ans. Soyons clair : ces troubles leur font peur.

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Quand « les entreprises ne savent plus prédire le risque »

Tribune. La pandémie nous a appris quelque chose : en dépit des sommes colossales que nos entreprises consacrent à vouloir le maîtriser, elles ne savent plus prédire le risque. Elles échouent à réconcilier la rigidité des méthodes de gestion du risque et l’agilité indispensable pour être en capacité d’absorber les chocs imprévus. La planification traditionnelle, linéaire, ne fonctionne plus. Alors, posons la question : dans un monde marqué par la fréquence, l’imprévisibilité et la force des chocs extérieurs, doit-on encore prévoir le risque ?

Dans le nouveau contexte, acceptons de renoncer à « savoir » ce qui va se produire. Organisons plutôt la résilience, cette capacité non pas à cerner les risques à l’avance mais à réagir vite et bien, cette nouvelle qualité qui nous permettra d’adopter des comportements adaptés à un environnement changeant.

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Nos entreprises doivent nécessairement installer un corpus minimum de procédures centralisées et homogènes, mais doivent tout autant imposer l’autonomie de décision nourrie de l’intelligence des situations. Cette double piste est la clé du succès, voire de la survie, de nos entreprises.

L’impensable et pas seulement l’inattendu

Elles devront inventer une nouvelle diversité, authentiquement opérationnelle, pour faire émerger des talents internes d’un nouveau genre, capables de poser des diagnostics et d’apporter des réponses complexes. Les femmes et les hommes de l’entreprise réclameront et devront se voir octroyer un droit renforcé à l’initiative. C’est vital. Car oui, pour se protéger du risque, l’entreprise doit encourager la prise de risque.

Il existe des spécialistes. Ce sont les militaires. Eux savent que planification stratégique et discipline stricte sont les préalables indispensables à une prise de décision rapide, autonome, pertinente

Comment faire ? Avec quels outils ? Pour remplacer la prévision traditionnelle, probabiliste, du risque, nous avons besoin de collaborations innovantes pour explorer les différents mondes dans lesquels nous risquons de nous retrouver. Il est temps de prendre nos distances avec les calculs statistiques de fréquence et de gravité pour redécouvrir la puissance du « scénario planning », et commencer à prendre conscience des options stratégiques dont on ignore absolument tout aujourd’hui. Les scénarios doivent décrire des mondes différents et pas seulement des résultats différents dans le même monde. L’impensable, et pas seulement l’inattendu.

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Télétravail, StopCovid, masques : il faut « installer les mesures de lutte contre l’épidémie dans la durée »

L’application StopCovid, sur un smartphone, en juin.

La chercheuse italienne Vittoria Colizza dirige à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) un laboratoire spécialisé dans la modélisation des épidémies. Ses travaux sur les écoles, les stratégies de contrôle du virus, ou encore l’efficacité du contact tracing apportent un regard critique sur la réponse à l’épidémie. Pour contenir la seconde vague, elle appelle à la mise en place de mesures de long terme comme le télétravail.

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Quelle est la situation épidémique en France ?

L’un des indicateurs importants est le nombre d’hospitalisations, qui est une donnée plus fiable que le nombre de cas pour nous renseigner. La situation est inquiétante lorsqu’on a des niveaux assez élevés et une dynamique soutenue, comme observé en France dans les dernières semaines. On a bien une courbe exponentielle, mais la dynamique est plus lente que dans la première vague.

Les données d’hospitalisations jusqu’à la mi-septembre montraient un taux de reproduction, R, autour de 1,4-1,5 pour certaines régions. Cela correspond à un temps de doublement de l’ordre de onze à quinze jours, contre trois jours pour la première vague. Les dernières données semblent indiquer un ralentissement du taux de croissance de l’épidémie, qui reste à confirmer.

Vous parlez de temps de doublement, de croissance exponentielle, de R… Comment s’y retrouver ?

Ils racontent la même chose, mais de façon différente. Le R est plus facile à saisir car il y a un seuil de référence : au-dessus de 1, l’épidémie progresse, en dessous, elle régresse. Des études cognitives ont montré que le cerveau n’était pas vraiment capable de comprendre une croissance exponentielle. Le temps de doublement est une manière de l’éclairer. Si on a aujourd’hui 200 hospitalisations par jour à Paris, et si on ne fait rien, avec un temps de doublement de quinze jours, on en aura 400 dans deux semaines, 800 dans un mois et 1 600 dans un mois et demi, comme pendant le pic de la première vague.

Il est très important de bien communiquer sur ce qu’est une croissance exponentielle, car cela permet de comprendre pourquoi, même avec un petit nombre d’hospitalisations, il est urgent de prendre des mesures, sinon, en très peu de temps, le nombre de malades ne sera plus gérable par le système de santé.

Cependant, cette progression correspond à un scénario « où l’on ne ferait rien ». Or, nous ne faisons pas rien : mesures prises par le gouvernement, gestes barrières, changements de comportement dans la vie sociale…

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En six mois, le secteur de l’aéronautique a perdu la totalité des postes créés entre 2009 et 2019

C’est comme si d’un claquement de doigts les bénéfices de dix ans de prospérité avaient été éliminés ! En six mois de crise due au coronavirus, l’aéronautique, autrefois championne des créations d’emplois, est lourdement retombée dans le rouge.

Depuis la crise de 2009, les constructeurs de l’aéronautique comme Airbus, Safran ou Dassault avaient multiplié les embauches avec un solde net, avant la mi-mars, de 11 783 créations d’emplois. La survenue de la pandémie a complètement changé la donne. A la fin septembre, selon les données recueillies par l’observatoire Trendeo de l’emploi et de l’investissement publiées lundi 5 octobre, le secteur a enregistré une perte nette de 11 950 emplois. Si on ajoute les sous-traitants, on parvient même au chiffre de 13 354 postes supprimés.

« Le semestre Covid a effacé la totalité des gains en emplois » des dix années précédentes, s’exclame David Cousquer, créateur et gérant de Trendeo. Pire, selon l’état des lieux dressé par l’observatoire, « l’aéronautique est le secteur le plus touché avec le transport aérien, car l’impact du Covid-19 sur le trafic est annoncé partout comme devant durer au-delà de 2021 ».

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Il faut dire que les effets de la crise ont été aussi violents que soudains. Au premier trimestre, selon l’Insee, la France a perdu 492 000 emplois. Mais en pratique, cette vague de suppressions de postes et de licenciements est intervenue en moins de quinze jours. Juste après l’entrée en vigueur du confinement, le 17 mars. Avec comme premières victimes, les intérimaires qui représentent à eux seuls, selon l’Insee, 63 % des suppressions de postes.

7 712 suppressions d’emplois annoncées chez Air France

Frontières fermées, aéroports vides, compagnies aériennes à l’arrêt, les conséquences de la pandémie ont frappé de plein fouet et au premier chef les constructeurs d’avions et le transport aérien. Air France, avec 7 712 suppressions d’emplois annoncées, et Airbus, avec 5 797, occupent les deux plus hautes marches de ce triste palmarès des réductions d’effectifs déclarées depuis mars.

Dans l’aéronautique, la crise a touché aussi vite et aussi fort les gros donneurs d’ordre comme Airbus et Safran, que la myriade de petites sociétés qui composent la chaîne de sous-traitants. « Cela a été instantané. La chute a démarré dès mars. Nous avons perdu 30 % de notre chiffre d’affaires », se souvient Frédéric Bourgon, patron d’ADB, une petite entreprise tarbaise de quarante salariés spécialisée, notamment, dans le décolletage, le tournage et l’usinage de pièces de moteurs d’avions.

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