Carlos Ghosn, Tom Enders et les abus des rétributions des directeurs

Carlos Ghosn, Tom Enders et les abus des rétributions des directeurs

Alors que le sentiment d’inégalité sociale n’a jamais été aussi actif, il est urgent que les sociétés redonnent du sens aux sommes qu’ils accordent aux dirigeants.

 Comme dans une partie de Monopoly cauchemardesque, Carlos Ghosn a appris, jeudi 4 avril, qu’il va revenir en prison pour s’être personnellement enrichi au détriment de Nissan, alors que, la veille, Renault avait déclaré qu’elle va lui verser l’ensemble des éléments de sa rétribution pour 2018. Remarquant« des atteintes aux principes éthiques », le conseil d’administration du constructeur français a pris ses responsabilités. C’était bien le minimum, face aux menace qui s’accumulent sur le versement de plusieurs millions d’euros pour le patron déchu.

Une autre fois, les salaires extravagantes des PDG font débat. La période qui précède les assemblées générales d’actionnaires révèle son lot de salaires exagéré, qui ne sont pas toujours proportionnelles aux résultats et aux talents des dirigeants. Le cas Ghosn était hors catégorie au regard de pesanteur des faits qui lui sont reprochés. Les directeurs de Renault ont réagi en conséquence. Dont acte.

D’autres cas restent en hésitation, même si, leur nature n’a rien à voir. Les pertes substantielles de TechnipFMC en 2018 n’ont pas gêné Thierry Pilenko, le directeur du groupe parapétrolier, de prétendre pour son départ à 14 millions d’euros. Le 2 avril,Le Monde révélait que Tom Enders pourrait bénéficier d’un parachute doré de 36,8 millions d’euros, alors qu’il s’apprête à quitter la présidence d’Airbus sur un bilan mitigé.

Dans un ballet bien rodé, les remédias font les gros titres, les experts de la direction font les gros yeux, les membres du gouvernement s’indignent, le Medef averti les directeurs, les conseils d’administration essaie d’expliquer l’inexplicable. Malgré les efforts d’autorégulation des associations patronales, malgré le durcissement législatif, les dérapages continuent.

Une conception du capitalisme

Airbus comme TechnipFMC se retranchent derrière le fait que leur siège social est situé, pour l’un aux Pays-Bas, pour l’autre au Royaume-Uni, et que, en l’espèce, la loi française sur l’encadrement des saliresne s’applique pas. N’est-il pas temps justement d’obliger les groupes cotés à Paris de tous se conformer aux mêmes règles ?

Au-delà de la question de la localisation, on assiste à une vaste hypocrisie, qui consiste à entassé des clauses de non-concurrence – artificielles du fait de l’âge des dirigeants – avec de généreuses retraites chapeaux. Curieuse composition du capitalisme, qui consiste à changer l’entreprise en Etat-providence. Le gouvernement réfléchit à plafonner ces retraites. C’est louable. Mais ne doutons pas de la créativité des entreprises pour trouver d’autres moyens de poursuivre l’escalade depuis que le système s’est financiarisé.

Avant, les patrons étaient des salariés qui, pour confortablement rémunérés qu’ils étaient, n’avaient pas vocation à faire fortune. Aujourd’hui, ils sont à la fois directeurs et actionnaires, décisionnaires et propriétaires, dès lors, comme on dit à Wall Street, « the sky’s the limit » (« le ciel est la limite »).

Cependant, la limite pourrait s’imposer de façon brutale. Les salaires disproportionnées deviennent de moins en moins tolérables, alors que le sentiment d’injustice sociale n’a jamais été aussi vif et que la cohésion de la société est gravement fragilisée. Il est urgent que les actionnaires et les conseils d’administration redonnent du sens aux sommes qu’ils donnent aux dirigeants avant que le système ne se grippe pour de bon.

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LJD

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