« Capital contre travail : le retour ? »

« Capital contre travail : le retour ? »

[Comment les salariés réagissent-ils à l’irruption de logiques actionnariales dans leurs entreprises ? Pierre François est sociologue et directeur de recherche au CNRS, au Centre de sociologie des organisations. Il utilise les outils de la sociologie économique pour rendre compte des transformations du capitalisme contemporain, et en particulier de ses dynamiques de financiarisation. Il travaille plus spécifiquement sur les grandes entreprises françaises et sur leurs dirigeants. Il codirige la chaire PARI (programme de recherche sur l’appréhension des risques et des incertitudes), qui analyse les transformations du monde assurantiel européen. Il a récemment publié une Sociologie historique du capitalisme, avec Claire Lemercier, à La Découverte (2021) et Financiariser l’assurance, aux Presses de Sciences Po (2021). Théo Voldoire est mathématicien, statisticien et sociologue en formation, étudiant en master à l’université Paris-Dauphine, Sciences Po et l’ENS Ulm. Ses travaux méthodologiques portent sur l’inférence écologique et l’imputation de données manquantes, l’inférence causale sur des effets hétérogènes et l’analyse statistique de séquences. Il réalise des applications en sociologie économique, sociologie des organisations et sciences politiques, et travaille en particulier sur l’effet des restructurations de l’actionnariat des sociétés sur la trajectoire d’emploi de leurs salariés.]

A-t-on assisté, au cours des quarante dernières années, à une nouvelle phase de l’affrontement du capital et du travail ? Si l’on s’intéresse à la situation aux Etats-Unis, la réponse est sans ambiguïté positive, et l’issue de cet affrontement est très favorable au capital.

D’un côté, en effet, le pouvoir du capital s’est spectaculairement réaffirmé, comme en témoigne la montée en puissance des acteurs financiers, et notamment des investisseurs institutionnels, dans l’actionnariat des plus grandes entreprises, ou celle des dirigeants issus des fonctions financières dans la direction exécutive des groupes (Michael Useem, 1996 ; Dirk M. Zorn, 2004).

Le partage de la valeur s’est lui aussi profondément modifié, et les actionnaires (et les dirigeants) en captent une part sensiblement accrue (William Lazonick et Mary O’Sullivan, 2000). Les entreprises, enfin, ont été elles aussi réorganisées dans un sens davantage conforme aux vœux des actionnaires financiers (Gerald Davis et al., 1994), comme en témoigne le mouvement de concentration sur la « compétence centrale » constaté depuis le début des années 1980, qui est l’un des symptômes classiques de la financiarisation des sociétés.

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LJD

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