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Ne plus trahir nos désirs

« Fonctionner ou exister ? », de Miguel Benasayag. Editions Le Pommier, 140 pages, 14 euros.

Livre. « Du berceau au cercueil, on désire être évalué, pour mieux éviter d’exister, pour essayer d’être des machines performantes », constate Miguel Benasayag. Cette tendance n’est pas réservée aux petits employés ou ouvriers, bien au contraire : « Tout le monde est invité, toute sa vie, à se vivre comme un bilan de compétences », estime le philosophe, qui, lors de ses passages à l’université, a pu constater « qu’un tel n’allait pas écrire un article qui ne concernerait pas exactement son domaine, par peur de représailles », et que le doctorat, le postdoc et la carrière sont là pour servir le curriculum, et non les affinités ou les curiosités électives. « Ainsi les gens qui réussissent dans l’élite ne vivent-ils souvent pas non plus : ils font bien attention à fonctionner », regrette l’auteur de Fonctionner ou exister ?

Psychanalyste et chercheur en épistémologie, Miguel Benasayag travaille sur l’hybridation entre le vivant, la culture et les artefacts créés par « le consortium constitué par les nanotechnologies, les biotechnologies, l’informatique et les sciences cognitives ». Comment canaliser et accompagner cette hybridation ? Comment ne pas écraser ce qui, du vivant et de la culture, en fait la singularité ?

Dans La Singularité du vivant (Le Pommier, 2017), il proposait un modèle organique permettant de comprendre ce qui, du vivant et de la culture, n’était pas réductible à des machines. Dans son nouvel essai, il s’attelle à identifier cette différence comme ce qui distingue le « fonctionnement » de l’« existence », et dénonce les travers d’une époque où le fonctionnement colonise l’existence, non sans conséquences tragiques.

Sous couvert d’« entertainment », nos sociétés nous habituent de plus en plus à supporter, voire désirer, des vies disciplinées dans un monde numérique, des vies pour lesquelles notre quotidien est préordonné. Alors…

Comment réagir à une agression entre salariés ?

Dès qu’il a été informé des faits fautifs, l’employeur doit « prendre les mesures immédiates propres à les faire cesser ».
Dès qu’il a été informé des faits fautifs, l’employeur doit « prendre les mesures immédiates propres à les faire cesser ». Philippe Turpin / Photononstop

Question de droit social. Dans cette petite société d’expertise-comptable, l’animosité entre M. X et M. Z est connue de tous : ces deux collègues ne s’adressent plus la parole depuis des années. Mais le 29 juillet 2013, M. Z est agressé verbalement par M. X, puis le 11 décembre verbalement et physiquement, selon ses dires.

A la suite de son licenciement pour inaptitude en 2015, M. Z assigne son employeur pour « manquement à l’obligation légale imposant à l’employeur de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ». A ce titre, la cour d’appel de Nîmes lui octroie 3 000 euros de dommages-intérêts.

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S’ensuit un pourvoi de l’employeur, qui rappelle que, huit jours après le premier incident, il avait organisé une réunion avec les deux protagonistes, où M. X avait présenté ses excuses. Et après la seconde altercation, il avait adressé un sévère courrier à M. X, lui ordonnant de cesser tout comportement agressif.

Mais le 17 octobre 2018 la Cour de cassation a rejeté le pourvoi : « Bien qu’ayant eu connaissance des répercussions immédiates causées sur la santé de M. Z par une première altercation avec l’un de ses collègues, des divergences de vues et des caractères très différents voire incompatibles des protagonistes et donc du risque d’un nouvel incident, la société n’avait pris aucune mesure concrète hormis une réunion le lendemain de l’altercation et des réunions périodiques de travail concernant l’ensemble des salariés ; elle n’avait ainsi pas mis en place les mesures nécessaires permettant de prévenir ce risque, assurer la sécurité du salarié et protéger sa santé physique et mentale. »

Des « mesures immédiates »

Maladie grave en entreprise : comment éviter la double peine pour le salarié

« La peur de se retrouver hors du corps social peut d’ailleurs pousser certains malades qui le peuvent à dissimuler leur pathologie. »

Nathalie Vallet-Renart aime citer ces vers de Verlaine pour décrire l’état d’esprit d’une salariée retrouvant le chemin du travail après une période de traitement : « Ni tout à fait la même, ni tout à fait une autre ». Pour la directrice générale de l’association Entreprise et cancer, qui a elle-même été touchée par la maladie en 2010, l’épreuve transforme en profondeur ceux qui y ont été confrontés. « On prend conscience de sa vulnérabilité, de la possibilité de sa mort. Cela oblige à reconsidérer ses priorités de vie et notamment la question du lien au travail. » C’est ce qu’elle nomme « l’effet cancer ».

Marie (le prénom a été modifié) l’a aussi ressenti. Cette trentenaire, cadre au service achats d’une multinationale, a dû s’éloigner deux ans de son bureau, enchaînant un congé de maternité et le traitement d’un cancer du sein. Revenue voici un an en mi-temps thérapeutique, elle reconnaît aujourd’hui qu’elle « voit les choses différemment. J’ai appris à faire le tri, à distinguer ce que je jugeais essentiel ou pas. J’avais envie auparavant de faire carrière… Cela me semble désormais un peu futile. Et je pense être capable de dire “stop” si le travail demandé ne me semble pas réaliste ».

Comme Marie, nombre de salariés touchés par une maladie grave assurent que cette épreuve a questionné en profondeur leur rapport à l’entreprise. Une relation complexe avec l’organisation, mêlant prise de distance, mais aussi, dans le même temps, attachement au quotidien professionnel. Marie reconnaît ainsi avoir été satisfaite de reprendre le travail, pour « retrouver un cadre, un lien social, la vie normale en somme ». « Quand vous sortez du milieu professionnel, vous n’êtes “plus rien”, votre utilité sociale disparaît », justifie Mme Vallet-Renart.

« Crainte d’être mis à l’écart »

En 2002, une sclérose en plaques a obligé Jocelyne Nouvet-Gire à quitter son emploi de greffière. « Cela…

Ascoval, Jean Caby, Froneri… l’industrie du Nord est à la peine

A l’usine Jean Caby de Saint-André-Lez-Lille (Nord), le 28 juin.

Ce mercredi, le tribunal de grande instance de Strasbourg a repoussé sa décision sur l’aciérie nordiste Ascoval, accordant de fait un délai de cinq semaines au repreneur Altifort pour tenter de boucler son dossier et sauver cette usine sidérurgique, qui emploie 281 salariés.

Mardi 6 novembre, le directeur de cette aciérie de Saint-Saulve, près de Valenciennes (Nord), se disait « confiant » après des mois d’incertitude. « Le travail a repris lundi comme prévu et, sur la recherche de nouveaux clients, on avance », confiait Cédric Orban, juste après s’être entretenu avec un prospect indien. Il y a dix jours à peine, les salariés en grève bloquaient leur outil de travail, écœurés par l’attitude de Vallourec, propriétaire d’Ascoval à 40 %. Le groupe, qui a affiché une perte de 307 millions d’euros au premier semestre 2018, a jusqu’ici refusé de soutenir l’offre de reprise du franco-belge Altifort.

Après une forte médiatisation, le dossier Ascoval fait désormais partie des sujets brûlants de Bruno Le Maire. La semaine dernière, le projet de reprise proposé par Altifort a été jugé « solide » par le ministre de l’économie même s’il reste à confirmer le carnet de commandes, consolider le plan de financement et convaincre les banques de participer. Le président de la République a lui-même déclaré lundi dans la presse qu’il « peut y avoir un avenir pour le site Ascoval ». Le président de la région des Hauts-de-France reste prudent. Ancien agent d’assurances, d’un naturel méfiant, Xavier Bertrand a pour habitude de dire : « Tant que ce n’est pas signé, ce n’est pas fait. »

Le maintien de l’industrie, un combat permanent

Ne pas crier victoire d’autant que d’autres dossiers régionaux rappellent que le maintien de l’industrie est un combat permanent. A Beauvais (Oise), les salariés de Froneri (ex-Nestlé) ont appris le 10 octobre que leur usine fermerait ses portes en mars 2019. « C’est un coup…

Pourquoi faut-il se méfier des choix par défaut

« Le Biais comportementaliste », de Henri Bergeron, Patrick Castel, Sophie Dubuisson-Quellier, Jeanne Lazarus, Etienne Nouguez, Olivier Pilmis, Editions Les Presses de Sciences Po, 124 pages, 14 euros.

Livre. En Californie, en 1998, après que la ville de La Verne a informé 120 ménages chaque jour pendant un mois du nombre de foyers recyclant ses déchets dans leur quartier, le volume de recyclage a augmenté de 19 %. C’est ce qu’on appelle un « nudge », littéralement « un coup de coude » [une sorte de « coup de pouce »], pour inciter un individu ou un groupe d’individus à adopter un comportement voulu.

Les économistes comportementaux ont ainsi identifié une trentaine de biais cognitifs – la volonté de se conformer à une norme reconnue de tous, la préférence du choix par défaut, etc. – à partir desquels peuvent être élaborés des « nudges » pour les mettre au service des politiques publiques : de la santé, de l’éducation, etc. Dans Le Biais comportementaliste, un précis de théorie économique, six chercheurs du centre de sociologie des organisations de Sciences Po analysent l’essor de l’économie comportementale et ses dangers pour la société.

Cinq Prix Nobel

L’essor est indéniable tout comme la reconnaissance internationale : l’économie comportementale qui fait l’objet de plusieurs rapports de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) à partir de 2015 peut se prévaloir de cinq Prix Nobel. Depuis les premiers textes fondateurs de la fin des années 1970, les différentes approches ont été progressivement dominées par une économie comportementale « complémentaire à l’économie classique ».

Effet de mode ? Innovation politique ? L’économie comportementale séduit de plus en plus, et se diffuse dans un nombre de pays toujours plus grand. Après la création en 2010 par David Cameron d’une « Nudge Unit » au Royaume-Uni, ce fut au tour des Etats-Unis de Barack Obama en 2014 de créer la Social and Behavioral Sciences Team. L’unité américaine est chargée de concevoir des outils d’action publique pour la santé, la justice, la défense, le travail, etc. Canada, Allemagne, Pays-Bas, Danemark,…

Sécurité des accès informatiques

Quel est le Graal pour un pirate informatique ? Infiltrer l’Active directory de Microsoft, C’est à dire la base de données gérant les authentifications et les droits informatiques des usagers sur le réseau de l’entreprise.

« C’est le cœur d’une infrastructure informatique. Si un pirate en prend le contrôle, il dispose alors de toutes les clés et a accès à absolument tous les secrets de l’entreprise « , explique Emmanuel Gras, le responsable de 33 ans et fondateur d’Alsid avec Luc Delsalle.

Les deux jeunes ingénieurs ont mis en œuvre leur expérience opérationnelle acquise à l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi) pour créer leur start-up en juin 2016. Au sein de l’agence de cybersécurité, ils ont analysé en détail les modes opératoires des cyberattaquants pour mieux les contrer. Les dernières failles sont détectées en temps réel et peuvent être colmatées grâce à des mises à jour téléchargeables depuis le cloud.

Cette démarche pratique séduit les très grandes entreprises qui disposent de milliers de postes informatiques à protéger. Parmi ses clients : Sanofi, Vinci énergies, Airbus Helicopters, Lagardère … Son service, payé sous forme d’abonnement annuel en fonction de la taille du réseau sécurisé, protège ainsi plus de 2 millions d’usagers dans le monde. De quoi lui assurer un chiffre d’affaires qui dépasse  1 million d’euros pour l’exercice 2018.

En 2017, la société a levé 1,5 million d’euros, ce qui lui a permis d’embaucher et d’avoir une équipe d’une quinzaine de personnes. Le développement international est déjà commencé avec l’ouverture de bureaux en Asie (Hongkong, Malaisie et Japon). En outre, deux poids lourds de la cybersécurité, Thales et Orange Cyberdéfense, revendent sa solution. Début 2019, Alsid présentera la version 2.0 de son logiciel qui vise à réduire le temps de réaction pour détecter une cyberattaque.

La nouveauté                                             

La solution ajustée par la société Alsid, est un système de détection de cyberattaque vu de l’angle du pirate cherchant le point faible pour accéder à la base de données des comptes informatiques. Elle n’exige pas de logiciel intrusif aucun privilège d’accès au système informatique de l’entreprise.

 

La direction d’Air France ne veut rien lâcher à ses pilotes

Philippe Evain, président du Syndicat national des pilotes de ligne (SNPL).

Les directions passent mais les négociations salariales ne changent pas ! Benjamin Smith, le nouveau PDG d’Air France KLM, qui a aussi pris la casquette de patron d’Air France, semble s’être glissé dans les traces de ses prédécesseurs. La fermeté était toujours de rigueur à l’ouverture, lundi 5 novembre, des discussions catégorielles. Pour ce premier rendez-vous avec les organisations de pilotes, Air France a choisi la politique de la douche froide. « La direction nous a annoncé qu’il n’y avait pas d’enveloppe pour les négociations avec les pilotes », déplore Philippe Evain, président du Syndicat national des pilotes de ligne (SNPL).

La posture de la direction est peut-être liée au refus du SNPL, accompagné de la CGT, de signer, à la mi octobre, l’accord salarial proposé aux syndicats. Face aux représentants des navigants, la direction a indiqué qu’elle souhaitait parvenir à « un accord à coût nul », pointe M. Evain. Air France veut obtenir « un accord équilibré pour l’entreprise », qui ne lui coûte rien, ajoute le responsable syndical. La direction de la compagnie ne souhaite accorder d’augmentation que si, en contrepartie, les pilotes sont d’accord pour faire de nouveaux efforts capables « de générer des économies pour le même montant », détaille le SNPL.

L’idée d’avoir à financer une éventuelle augmentation de leur rémunération, comme l’exige la direction, ne fait pas bondir de joie le syndicat des pilotes. Il rappelle que ces derniers ont déjà été mis à forte contribution. « En juillet 2017, nous avons signé un accord dans le cadre du plan Trust Together, qui prévoyait 4 % d’économie », se souvient M. Evain. Un effort payant pour la compagnie, qui y avait gagné « 40 millions d’euros de mesures de productivité et d’efficacité économique », ajoute le président du SNPL.

Arrière-pensées

Face au refus des pilotes de payer pour être augmentés, la direction a proposé, indique le SNPL,…

Vivarte met en vente San Marina, Minelli et CosmoParis

Que restera-t-il de Vivarte ? Au lieu du simple « recentrage » annoncé, le groupe de distribution de chaussures et de vêtements va-t-il finir entièrement vendu par morceaux ? C’est ce que redoutent les syndicats après l’annonce, lundi 5 novembre, de la mise en vente de trois réseaux supplémentaires, San Marina, Minelli et CosmoParis. Au total, ces enseignes de chaussures implantées en centre-ville emploient plus de 1 500 personnes et comptent 612 boutiques, pour un chiffre d’affaires d’environ 270 millions d’euros. « Elles feront l’objet de trois processus distincts » de cession, précise la direction.

Initialement, ces réseaux devaient rester au cœur de l’ex-empire André, aux côtés de Caroll et de La Halle. Mais « la dégradation du marché de la chaussure a été plus forte qu’anticipé, ce qui nous amène à modifier notre périmètre », a expliqué Patrick Puy, président de Vivarte. Exit donc San Marina, Minelli et CosmoParis, trois marques dont la vente devrait permettre de récupérer un peu d’argent pour faire face aux prochaines échéances financières.

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Le marché de la chaussure a baissé de 3,5 % en un an

Le groupe détenu en LBO (achat par endettement) par un consortium de fonds d’investissement a certes déjà négocié avec ses créanciers en 2017, et sa dette a été ramenée à quelque 400 millions d’euros. Ce fardeau reste néanmoins élevé alors que le groupe a perdu 305 millions d’euros en 2017, et que les clients font défaut : le marché de la chaussure a baissé de 3,5 % en un an, celui de l’habillement a chuté de 5 % depuis le début de l’année.

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Désormais, le groupe entend officiellement « se concentrer sur la Halle et Caroll », qui représentent 80 % de son chiffre d’affaires. Deux enseignes seulement, pour un groupe qui en comptait il y a quelques années encore une quinzaine, dont André, Kookaï, Chevignon, Naf-Naf, Pataugas et Besson.

Selon les syndicats, le démantèlement risque de ne pas s’arrêter là. Une fois bouclée la fusion en préparation de la Halle aux vêtements et de la Halle aux chaussures, la future entité pourrait être vendue à son tour en 2019, de même que Caroll, avance la CGT. Ces deux cessions « ne sont pas d’actualité », répond la direction, en insistant sur les investissements prévus dans ces deux réseaux. Peut-être une simple question de temps.