Chômage: les partenaires sociaux ouvrent le dossier délicat des intermittents

Pour leur troisième séance de négociations sur l’assurance-chômage, le patronat et les syndicats vont aborder, le mercredi 28 novembre, un dossier qui a donné des sueurs froides à de nombreux ministres de la culture et à de multiples responsables de festival : les annexes 8 et 10 du régime d’indemnisation des demandeurs d’emploi, qui prévoient des règles spécifiques pour les intermittents du spectacle. Les organisations d’employeurs et de salariés, représentatives au niveau interprofessionnel, sont censées se mettre d’accord sur la feuille de route à transmettre aux partenaires sociaux des professions concernées, pour que ces derniers discutent ensuite de nouvelles dispositions applicables aux intermittents : le document de cadrage a vocation à préciser les « objectifs », notamment en matière de « trajectoire financière ».

Le sujet est très sensible pour une raison simple : le gouvernement veut que les conditions d’indemnisation des chômeurs – toutes catégories confondues – soient revues, de manière à économiser entre 3 et 3,9 milliards d’euros en trois ans. Dès lors, toute la question est de savoir quelle sera l’ampleur des efforts demandés par les partenaires sociaux nationaux aux intermittents.

L’an passé, vers les 120 000 personnes ont perçu, au moins une fois, une prestation, au titre des annexes 8 et 10, selon l’Unédic – l’association paritaire qui gère le régime d’assurance-chômage. Au premier trimestre 2018, les allocations versées aux intermittents dépassaient les cotisations versées par ceux-ci de 934 millions d’euros. Ce solde entre dépenses et recettes s’est légèrement amélioré, puisqu’il était un peu plus important en 2015 (– 1 milliard d’euros). Autrement dit, quelque 66 millions d’euros d’économies ont été dégagées, grâce à l’accord conclu en avril 2016 par le patronat et les syndicats du monde du spectacle, à propos des modalités d’indemnisation des intermittents.

Mesures douloureuses

Mais ce résultat n’est pas conforme aux buts qui avaient été fixés à l’époque par les partenaires sociaux, à l’échelon interprofessionnel : ils avaient en effet mentionné, dans leur document de cadrage, des économies « qui ne pourront pas être inférieures à 105 millions d’euros ». La feuille de route évoquait même un tour de vis beaucoup plus énergique (185 millions d’économie), tout en ouvrant la voie à un coup de pouce de l’Etat (de 80 millions d’euros).

Comment sera contrôlée l’égalité hommes-femmes dans les entreprises ?

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« L’obligation de résultat sera contrôlée par une série d’indicateurs précis, avec un délai de mise en œuvre de trois ans, soit le 1er mars 2022 pour les entreprises de plus de 250 salariés, ou le 1er mars 2023 pour toutes les entreprises de plus de 50 salariés. »
« L’obligation de résultat sera contrôlée par une série d’indicateurs précis, avec un délai de mise en œuvre de trois ans, soit le 1er mars 2022 pour les entreprises de plus de 250 salariés, ou le 1er mars 2023 pour toutes les entreprises de plus de 50 salariés. » Matt Herring/Ikon Images / Photononstop

Afin de combattre les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes, la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel impose aux entreprises d’au moins cinquante salariés de prendre « en compte un objectif de suppression des écarts de rémunération entre les femmes et les hommes » (cf. le nouvel article L. 1142-7 issu de cette loi).

L’obligation de résultat sera contrôlée par une série d’indicateurs précis, avec un délai de mise en œuvre de trois ans (soit le 1er mars 2022 pour les entreprises de plus de 250 salariés, ou le 1er mars 2023 pour toutes les entreprises de plus de 50 salariés). Chaque année, l’employeur devra publier ses indicateurs pouvant totaliser jusqu’à 100 points, avec un seuil fixé à 75, pour éviter la sanction financière.

En effet, à l’expiration du délai de trois ans, tout écart salarial injustifié entre les femmes et les hommes pourra être sanctionné par une pénalité financière égale au maximum à 1 % de la masse salariale, à moins que l’entreprise, compte tenu des difficultés rencontrées et des efforts déployés par elle, se soit vu accorder un délai supplémentaire d’un an pour se mettre en conformité.

Retour de congé maternité

Un décret à paraître (annoncé pour la mi-décembre) doit encore définir les modalités et la méthodologie à retenir. La ministre du travail en a dévoilé quelques points jeudi 22 novembre en avant-première. Les indicateurs ont ainsi été présentés, d’une part pour les entreprises de plus de 250 salariés et d’autre part pour les entreprises de 50 à 250 salariés, attribuant chacun un nombre de points précis. L’idée est la suivante : plus les entreprises seront performantes sur les indicateurs, plus elles obtiendront de points.

Pour les entreprises de plus de 250 salariés, les cinq indicateurs retenus sont les suivants :

– La résorption totale de l’écart de rémunération par âge et poste comparable permet d’obtenir 40 points. Des distinctions par âge sont prévues (moins de 30 ans, entre 30 et 40 ans, entre 40 et 50 ans, les plus de 50 ans). Après avis du comité social et économique, pour apprécier le poste comparable, la classification de branche ou celle agréée par le ministère du travail pourra être utilisée ; à défaut, l’entreprise pourra se référer aux quatre catégories socioprofessionnelles : ouvriers, employés, techniciens et agents de maîtrise, ingénieurs et cadres. L’indicateur compare les rémunérations moyennes des femmes et des hommes, incluant les primes de performance et les avantages en nature. Pour obtenir 40 points, l’entreprise doit atteindre 0 % d’écart de salaire entre les femmes et les hommes, selon l’âge et le poste.

General Motors va réduire le nombre de ses employés de 15 %

Le premier constructeur automobile américain, General Motors (GM), a annoncé lundi 26 novembre la suppression de 15 % du nombre de ses employés. L’objectif est d’économiser 6 milliards de dollars d’ici à la fin 2020. Pour ce faire, le constructeur va cesser la production l’année prochaine sur sept nouveaux sites, dont Oshawa au Canada, précise un communiqué de l’entreprise. A fin décembre 2017, le dernier décompte disponible, GM employait 180 000 personnes dans le monde.

« Les mesures que nous prenons ajourd’hui nous permettent de poursuivre notre transformation pour être plus agiles, résistants et profitables », a affirmé la PDG, Mary Barra, citée dans le communiqué. « Nous sommes conscients du fait qu’il nous faut anticiper sur les changements du marché et les goûts des consommateurs pour que notre entreprise soit bien positionnée pour connaître le succès sur le long terme ». Les investisseurs ont apprécié la nouvelle : l’action GM s’envolait de 6,8 % à 18 heures.

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Le management devrait être réduit d’un quart

Le premier ministre canadien, Justin Trudeau, a exprimé sa « profonde déception » après l’annonce de la fermeture de l’usine d’Oshawa au Canada. « Depuis des générations, les travailleurs de GM sont le cœur et l’âme d’Oshawa », ville située à une soixantaine de kilomètres à l’est de Toronto (Ontario), a indiqué M. Trudeau sur son compte Twitter. « Nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour aider les familles visées à se remettre sur pied. Hier, j’ai parlé à Mary Barra [PDG] de GM pour lui exprimer ma profonde déception à l’égard de la fermeture de l’usine. »

Outre le site d’assemblage d’Oshawa, en Ontario, General Motors veut cesser les activités sur quatre sites aux Etats-Unis ainsi que deux autres en dehors de l’Amérique du Nord en 2019.

GM avait déjà annoncé précédemment la fermeture l’année prochaine de l’usine de Gunsan en Corée. Parmi le personnel supprimé, General Motors s’attaque en particulier au management qui devrait être réduit d’un quart pour alléger le processus de décision.

General Motors a aussi indiqué que ces actions allaient peser sur les performances financières du dernier trimestre de 2018 et le premier de 2019. Le montant de la charge exceptionnelle s’élèvera de 3 à 3,8 milliards de dollars.

La croissance des salaires n’a jamais été aussi faible depuis 10 ans

Dans une usine textile chinoise.
Dans une usine textile chinoise. – / AFP

Le rapport de l’Organisation internationale du travail (OIT) consacré aux salaires résonne d’une manière particulière, après un week-end marqué par les mobilisations sociales des « gilets jaunes » et les manifestations contre les violences et les discriminations à l’encontre des femmes.

Deux constats majeurs dominent en effet l’édition 2018-2019, publiée lundi 26 novembre. La croissance mondiale des salaires n’a jamais été aussi faible depuis dix ans, « bien en dessous des niveaux d’avant la crise financière mondiale » de 2008, souligne l’OIT. Et les différences salariales entre femmes et hommes restent à un niveau « inacceptable », soit environ 20 % de moins pour les femmes.

« L’écart de rémunération entre hommes et femmes représente aujourd’hui l’une des plus grandes manifestations d’injustice sociale, et tous les pays devraient essayer de mieux comprendre ce qu’il cache et de progresser plus rapidement vers l’égalité entre les sexes », estime Guy Ryder, le directeur général de l’OIT, qui réunit les représentants des gouvernements, des employeurs et des syndicats de salariés de 187 Etats membres.

Le constat, fondé sur l’étude de données portant sur 80 % des salariés dans le monde, rend peu probable le fait d’atteindre l’une des cibles fixées par les Objectifs de développement durable (ODD) des Nations unies – adoptés en septembre 2015 par 193 pays –, à savoir parvenir, d’ici à 2030, à « un salaire égal pour un travail de valeur égale ».

La situation est bien sûr différente selon les pays. D’après les données de l’OIT, l’écart varie de – 34 % en défaveur des femmes à + 10,3 % aux Philippines, où elles seraient en moyenne mieux payées que les hommes. Cependant, les Etats où le salaire moyen des hommes serait inférieur à celui des femmes sont extrêmement rares – l’OIT cite le Panama, l’Equateur, l’Albanie ou la Tunisie. De fait, à l’échelle planétaire, la réalité salariale joue nettement en défaveur des femmes. En France, le différentiel serait de 16,3 %, contre 23,2 % au Royaume uni, 21,5 % en Allemagne ou 16 % aux Etats-Unis.

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La maternité, facteur d’inégalité

« S’il existe des disparités importantes d’un pays à l’autre, le rapport constate que, dans l’ensemble, le niveau d’instruction et les autres attributs professionnels n’expliquent que partiellement l’écart salarial entre hommes et femmes », écrivent les auteurs. Dans les pays à revenu élevé, l’instruction contribue en moyenne pour moins de 1 % à l’écart salarial, ce qui s’explique par un niveau d’instruction souvent supérieur pour les femmes, comparé à celui des hommes sur un même poste.

L’OIT étudie alors ce qu’elle appelle « la part inexpliquée de l’écart salarial ». « Les salaires des hommes et des femmes tendent aussi à être inférieurs dans les entreprises et les professions où la main-d’œuvre féminine est prédominante », analyse Rosalia Vazquez-Alvarez, économétricienne et spécialiste des salaires à l’OIT.

La maternité est un autre facteur d’inégalité salariale et le rapport montre que les mères perçoivent généralement des salaires inférieurs à ceux des femmes sans enfant à charge – cet écart pouvant aller jusqu’à 30 %, comme en Turquie. « Interruptions de carrière, réductions du temps de travail, moins bonne rémunération des postes permettant de concilier vie professionnelle et vie familiale, ou décisions de promotion stéréotypées à l’échelon de l’entreprise » font partie des facteurs ayant un impact sur le revenu des femmes.

S’il ne peut y avoir de réponse unique, l’OIT insiste néanmoins sur la nécessité de ne pas se contenter de mesurer ces écarts salariaux. Transparence sur les rémunérations, services adéquats de garde d’enfant, meilleur partage des tâches familiales… Les mesures sont nombreuses, qui permettraient d’atteindre l’égalité salariale. « Une action plus vigoureuse et décisive s’impose », conclut Guy Ryder.

Rémi Barroux

La santé mentale des actifs au travail est alarmante

« Au travail, les maladies mentales sont extrêmement fréquentes, mais toujours tabou. Plus on en parle, plus on banalise et facilite l’accès aux soins », souligne Raphaël Gaillard, le psychiatre président de la Fondation Pierre Deniker.

« Au travail, les maladies mentales sont extrêmement fréquentes, mais toujours tabou. Plus on en parle, plus on banalise et facilite l’accès aux soins », souligne Raphaël Gaillard, le psychiatre président de la Fondation Pierre Deniker.

Une femme qui passe plus d’une heure et demie dans les transports, traite énormément d’informations pour son travail, dans un espace organisé en flex-office (bureau non attribué), et qui aide un parent âgé, aurait bien besoin que son manageur veille sur elle, car elle est psychologiquement en difficulté.

Plus d’une personne en emploi sur cinq présente « une détresse orientant vers un trouble mental »

C’est ce que nous montre une étude épidémiologique de la Fondation Pierre Deniker pour la recherche et la prévention en santé mentale, publiée aujourd’hui, qui établit que plus d’une personne en emploi sur cinq (26 % des femmes et 19 % des hommes) présente « une détresse orientant vers un trouble mental ». Cette expression quelque peu absconse signifiant que seul le psychiatre est habilité à valider le trouble mental.

Un cinquième de la population active serait donc potentiellement malade ? « En 2018, les études épidémiologiques montrent qu’un Français sur cinq souffre de troubles mentaux. La dépression (de 7 à 10 % de la population), les troubles bipolaires (de 1,2 à 5,5 %, la schizophrénie (1 %) et les troubles du spectre de l’autisme (1 %) constituent les principales pathologies. La majorité d’entre elles font leur apparition entre 15 et 25 ans mais sont insuffisamment dépistées et traitées », confirment les professeurs Marion Leboyer et Pierre-Michel Llorca dans Psychiatrie : l’état d’urgence, paru en septembre chez Fayard. « Au travail, les maladies mentales sont extrêmement fréquentes, mais toujours taboues. Plus on en parle, plus on banalise et facilite l’accès aux soins », souligne Raphaël Gaillard, le psychiatre président de la Fondation Pierre Deniker.

Etat des lieux du risque de trouble mental

De nombreuses études sont publiées régulièrement sur l’épuisement professionnel et les risques psychosociaux (RPS). Le 22 novembre encore le cabinet Eleas prenait ainsi le pouls des salariés pour mesurer les effets des outils numériques qui perturbent l’équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle. Mais c’est la première fois qu’une étude a pour objectif de lier les deux grands champs que sont les risques psychosociaux et le trouble mental.

Recherche d’emploi et difficultés

Le groupe Divalto, éditeur de logiciels à destination des PME-PMI, se porte bien. En 2017, son chiffre d’affaires a presque atteint les 25 millions d’euros, en hausse de 18 %. Un résultat qui pourrait être supérieur, selon le président de Divalto, Thierry Meynle, si cette belle PME n’avait un problème de taille : le recrutement. Alors que l’entreprise cherche à embaucher une centaine de personnes au cours des deux à trois ans prochains afin d’accompagner son développement, il lui faut en moyenne six mois pour recruter un informaticien ou un intégrateur ! Une situation préjudiciable à l’entreprise – et, à grande échelle, un véritable handicap pour l’économie française.

« Nous sommes considérablement freinés dans notre développement par ce problème de ressources. Cela entraîne des retards pour nos clients, et il y a des affaires sur lesquelles nous n’allons pas… Nous estimons entre 10 % et 20 % la progression de chiffre d’affaires qu’on ne capte pas à cause de cela », affirme Thierry Meynle. Le groupe Divalto est loin d’être un cas isolé. « Aujourd’hui, c’est LE sujet dans notre secteur », souligne M. Meynle. « Selon les chiffres donnés par Syntec [fédération professionnelle qui rassemble 1 250 entreprises du secteur de l’ingénierie, du numérique, des études et du conseil], il ne manque pas loin de 100 000 informaticiens en France. »

L’informatique n’est pas l’unique métier concerné. Aussi étonnant que cela puisse paraître dans un pays qui comptait 3,4 millions de chômeurs fin septembre (chiffres de Pôle ­emploi), plusieurs secteurs ont du mal à recruter : l’industrie, la construction, le commerce, les services aux entreprises et aux particuliers – sans oublier l’agriculture, qui est toujours en recherche  régulière des bras pour les vendanges et autres récoltes, selon les données de Pôle emploi. Une situation qui pourrait laisser penser un peu rapidement qu’il suffirait aux chômeurs « de traverser la rue » pour trouver du travail, comme l’a affirmé Emmanuel Macron le 16 septembre à un demandeur d’emploi interloqué. Mais, sur le marché du travail, l’adéquation entre l’offre et la demande n’est pas une question de rue à traverser, mais plutôt de compétences.

« Nous n’avons plus de filières de formation dans notre métier »

Au total, d’après les estimations de Pôle emploi, ce serait entre 200 000 et 333 000 emplois (dont 110 000 à 181 000 emplois durables) qui n’auraient pas trouvé preneur en France en 2017. Dans neuf cas sur dix, ces recrutements n’ont pas abouti faute de candidats formés en nombre suffisant ou parce que les candidats ne disposaient pas d’une « technicité assez pointue ».

La formation interne, une réponse au manque de main-d’œuvre qualifiée

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Début octobre, une étude de Korn Ferry, un gros cabinet international de conseil en organisation, a semé un peu d’émoi dans l’univers feutré des grandes entreprises. Selon ce texte, d’ici à 2030, le marché mondial du travail pourrait manquer de 85,2 millions de talents, une pénurie anticipée par 23 % seulement des chefs d’entreprise en France. De plus, « 70 % des dirigeants français considèrent qu’il est plus facile pour eux de concevoir des stratégies autour des technologies et des autres actifs tangibles », ajoute l’étude, que d’aborder de front le problème des recrutements. Or, souligne Frédéric L’Héréec, associé principal chez Korn Ferry, « le besoin en compétences pour accompagner de nouvelles formes de travail sera de plus en plus fort ».

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Un enjeu managérial de taille pour les entreprises, qui vont non seulement devoir développer leur réputation et leur « marque employeur » sur le marché du travail, mais également accompagner les transformations en interne en formant mieux leurs collaborateurs. « Aujourd’hui, tout le monde cherche les mêmes compétences, ajoute Isabelle Lamothe, responsable de la pratique People and Organization de Capgemini Invent, un autre cabinet de conseil, mais il n’y a pas assez de gens pour satisfaire tous les besoins. Donc les entreprises cherchent une autre solution, par exemple en interne. » Selon cette experte de la transformation, c’est là « l’effet vertueux » de la pénurie de talents : faire progresser les salariés en place. « On commence de plus en plus à voir apparaître des passerelles et des dispositifs de mobilité à l’intérieur des entreprises auxquels on n’aurait pas pensé il y a quelques années. »

Changement de comportement des entreprises

Un constat confirmé par Vincent Donne, chez France Stratégie : « La pénurie de compétences a des conséquences sur le comportement des entreprises », dit-il. « Quand elles n’arrivent pas à recruter, elles développent des stratégies, par exemple en faisant des efforts de formation. »

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Autre moyen pour les entreprises de « contourner » la pénurie : développer des modes de collaboration innovants comme des contrats de mission, pour être accompagnées par des collaborateurs experts le temps d’un projet, ou le recours à des free-lances, particulièrement dans les domaines du numérique et du développement – donnant naissance au concept « d’entreprise étendue ».

Pour recruter des chauffeurs routiers, « on ne leur vend pas du rêve »

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Il faut du métier pour conduire un semi-remorque de 44 tonnes sur les routes départementales qui mènent à Saint-Laurent-sur-Gorre (Haute-Vienne). Dans ce bout de campagne limousine, les chaussées, bordées de champs et d’arbres, sont étroites. Sylvie Granet en sait quelque chose : elle les sillonne depuis trente-six ans. L’élégante blonde au regard perçant en avait 18 quand André Roulaud lui a confié les clés de son premier camion. C’est pour Laurence, sa petite-fille, que la conductrice parcourt aujourd’hui la France et l’Europe. « Ce travail, confie-t-elle au pied du monstre bleu qui lui sert si souvent de maison, on ne le fait pas parce qu’on n’a rien trouvé d’autre. Il faut aimer ça, être, sans doute, un peu sauvage. » Aussi, les vocations se font rares. Au point de provoquer régulièrement des pénuries de main-d’œuvre.

En 2017, reprise économique oblige, près de 10 600 emplois de chauffeur ont été créés, d’après l’Observatoire prospectif des métiers et des qualifications dans les transports et la logistique (OPTL). La même année, le secteur, tous postes confondus, a passé le cap historique des 700 000 salariés. Mais cela n’a pas suffi. Selon la Fédération nationale des transports routiers, près de 20 000 postes sont toujours à pourvoir.

Pour faire tourner ses soixante poids lourds, Laurence Roulaud a compris tôt qu’elle devrait diversifier ses canaux de recrutement. Intérim, job dating, forums… Avec une trentaine d’autres chefs d’entreprise, elle a également rejoint un groupement d’employeurs pour l’insertion et la qualification (GEIQ) qui forme, chaque année, des dizaines de chauffeurs et mécaniciens pour la Corrèze, la Creuse et la Haute-Vienne. Les intéressés passent de neuf à seize mois en alternance, le temps d’obtenir leur permis puis de se frotter au métier. Une formation entièrement prise en charge financièrement. Résultat : depuis 2011, 260 contrats de professionnalisation ont été signés.

Les chauffeurs disposent encore d’une vraie liberté

« Pour trouver des candidats, Le Bon Coin reste le moyen le plus efficace, mais Pôle emploi a aussi beaucoup amélioré son traitement des demandes, explique François Cenut, le directeur du GEIQ. L’objectif, c’est de détecter des gens qui ont envie de faire ça. On ne leur vend pas du rêve : dans le transport, on sait quand on part, pas quand on rentre. Il y a des découchés, des heures à attendre. Mais pour des jeunes sans diplôme, c’est un moyen de gagner de l’argent. Près de 2 000 euros net avec les primes, en moyenne. »

« Un risque financier peut exister pour le contribuable si l’employeur ne prélève pas l’impôt à la source »

Un employeur est passible d’une amende qui peut aller jusqu’à 80 %, en cas de rétention délibérée du prélèvement.
Un employeur est passible d’une amende qui peut aller jusqu’à 80 %, en cas de rétention délibérée du prélèvement. Pablo Blasberg/Ikon Images

Question à un expert

Que se passe-t-il si l’employeur ne prélève pas ou ne reverse pas la retenue à la source prélevée sur le salaire ?

Rappelons qu’avec la mise en place du prélèvement à la source (PAS), l’employeur va collecter l’impôt pour le compte du Trésor, et ce, en ponctionnant directement le salaire du collaborateur. Nous devrons nous habituer à recevoir un salaire net de l’impôt sur le revenu.
La question est alors, pour le salarié, de savoir s’il devra payer la retenue directement au Trésor si son employeur ne la reverse pas… Autrement dit, quel est le risque financier qui pèse sur lui ? Peut-il être responsable des agissements de son employeur ?

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La réalité veut que l’employeur soit le débiteur légal de la retenue. A ce titre, il est d’ailleurs passible d’une amende qui peut aller jusqu’à 80 %, en cas de rétention délibérée. Vous le voyez, le salarié est donc considéré comme ayant payé l’impôt et ne devra pas payer une deuxième fois cette charge fiscale.

Mais, nous ne pouvons écarter une seconde hypothèse. Celle où l’employeur n’a pas prélevé la retenue à la source. Ce risque pourrait notamment survenir en cas de procédure collective, procédure de sauvegarde ou redressement judiciaire. Dans ce contexte, le salarié a perçu un salaire brut. Il resterait redevable de l’impôt. Il lui incomberait alors de solder le montant fiscal dû pour s’acquitter de sa dette vis-à-vis de l’administration. La vigilance est donc de mise !

Olivier Rozenfeld (président de Fidroit)