La fonderie européenne éprouve une année pénible

L’usine British Steel de Scunthorpe, dans le nord de l’Angleterre, le 21 mai.
L’usine British Steel de Scunthorpe, dans le nord de l’Angleterre, le 21 mai. Scott Heppell / REUTERS

Crispations commerciales, diminution manifesté de l’industrie automobile, désarrois liées au Brexit… Le secteur est sous tension.

British Steel en redressement judiciaire ; ThyssenKrupp en passe de annuler 6 000 postes après l’échec de sa liquidation avec Tata Steel ; ArcelorMittal qui prime sa production de près de trois millions de tonnes en Europe ; Ascoval ou Aperam qui communiquent les mesures de chômage partiel… Le fait est patent : la fonderie européenne traverse une phase difficile.

Au cours des quatre premiers mois de 2019, les artistes européens du secteur ont produit 2 % d’acier de moins qu’en 2018, soit 57 millions de tonnes, selon les données réunies par la World Steel Association. Sur l’ensemble de 2019, le marché de l’acier au sein de l’Union européenne (UE) devrait voir sa croissance freiner, avec une baisse attendue de la demande de 0,4 %, après une hausse de 3,3 % en 2018, d’après les dernières prévisions proclamées début mai par la fédération européenne Eurofer.

Du fait de l’accroissement des taxes américaines sur les importations d’acier, les excédents mondiaux se déversent aussitôt sur l’Europe. L’an dernier, les importations ont amélioré de 12,3 % pour évoquer 24 % du besoin européenne, contre 15 % dix ans plus tôt, souligne le lobby de l’acier. « Cependant, rappelons que l’Europe reste toujours une région qui exporte d’avantage qu’elle importe », précise un analyste. Les exportations ont crû de 0,6 % en 2018.

« Malgré les mesures de sauvegarde décidées par la Commission européenne, l’Europe est toujours assiégée, garantit Axel Eggert, le DG d’Eurofer. L’accès aux marchés des autres régions du globe a été bloqué par des mesures protectionnistes, et l’Europe devient la primordiale destination de la production excédentaire mondiale. » Alors que la plupart des régions de la planète enregistrent un retard de la production, celle-ci progresse de près de 10 % en Asie depuis janvier. Une partie est destinée à l’export.

Les pénuries du secteur découlent aussi de la forte réduction du secteur automobile, qui représente la deuxième issue (18 % de la consommation) de l’acier sur le Vieux Continent. Les baisses des ventes et les désarrois afférentes à une possible hausse des taxes sur les véhicules européens vendus aux Etats-Unis pèsent sur le marché.

Les carnets de commandes fondent

Pour Moody’s, les visions du secteur resteront orientées à la baisse au cours des douze à dix-huit prochains mois. A en croire l’agence de notation, la bonne tenue de la construction, premier preneur d’acier, permet de conserver un semblant d’espoir, mais ce secteur devrait pareillement freiner dans

La burn-out trace l’échec de l’assimilation de l’humain dans les conduites d’entreprises

« Les entreprises privées persistent à valoriser et renforcer par des primes et autres récompenses les comportements de surengagement et, ainsi, le développent selon un schéma tellement pavlovien. »
« Les entreprises privées persistent à valoriser et renforcer par des primes et autres récompenses les comportements de surengagement et, ainsi, le développent selon un schéma tellement pavlovien. » Joseffson/Westend61 / Photononstop

Le psychologue Patrick Charrier explique, que l’exploration du burn-out comme phénomène lié au travail dévie l’attention d’une réalité qui semble plus économique et politique que sanitaire.

La découverte du burn-out comme rareté lié au travail résonne, de toute évidence, comme une avancée significative, effectif venant faire fondement pour tous ceux qui douteraient encore que le travail peut, dans vraies conditions, consommer jusqu’à l’abattement des ressources vitales de l’individu. Cette reconnaissance par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) marque la trajectoire de l’évolution du burn-out, en faisant du travail la cause de ce syndrome.

Parions actuellement sur l’ouverture d’un débat long et tendu sur la réparation éclatante et trébuchante du dommage créé par le fait même du travail. Se répète ainsi une logique qui a prévalu sur la reconnaissance des accidents du travail et, plus notamment, des syndromes post-traumatiques après-guerre, laquelle a arrimé cette forme de peine psychique à la seule et insuffisante logique prudentielle et assurantielle. Il s’agit en quelque sorte d’aller à la recherche d’un coupable à qui présenter la facture !

Mais cette exploration du burn-out comme phénomène lié au travail dévie l’attention d’une réalité qui semble plus économique et politique que clairement sanitaire. Si le harcèlement datait l’époque des pathologies des relations au travail, le burn-out est à relier aux pathologies de la promesse. Ces marqueurs générationnels signent une évolution culturelle et politique dont le travail est à la fois l’origine et la suite.

Une variable d’adaptation

Par la contrition du marché de l’emploi, par la libéralisation à abus de l’économie et des marchés, par l’affaiblissement même de l’idée de métier pensé actuellement en compétences, le monde du travail fait du facteur humain la variable d’adaptation de ses organisations et de ses stratégies. Nombre d’entreprises, particulières ou publiques, font ainsi du surengagement de leurs salariés un principe structurel presque honorable de leur équilibre… par défaut d’autres moyens.

L’hôpital public, ainsi que les établissements sanitaires et sociaux qui s’épuisent à l’ombre du premier, compte sur le surengagement des agents et salariés pour balancer les arbitrages financiers qui priorisent la gestion financière face la qualité et l’humanité du soin ; les entreprises privées persistent à valoriser et affermir par des primes et autres primes les comportements de surengagement et, ainsi, le développent selon un schéma tellement pavlovien. Il est bien français de regarder que la promesse dirait quelque chose d’une forme de compétence.

Le climat social se raidit au « Midi Libre »

L’objectif de la direction est de créer une nouvelle dynamique et de rééquilibrer une rédaction passée de 186 à 150 postes de journaliste depuis le rachat de Midi Libre par le groupe La Dépêche du Midi, en 2015.
L’objectif de la direction est de créer une nouvelle dynamique et de rééquilibrer une rédaction passée de 186 à 150 postes de journaliste depuis le rachat de Midi Libre par le groupe La Dépêche du Midi, en 2015. GERARD JULIEN / AFP
Devant la réduction des effectifs et à une remise à plat de l’organisation, les journalistes du quotidien régional ont débrayé, mercredi 29 mai, pour exprimer leur mal-être.

« Climat mortifère », « état de stress permanent », « vieilles méthodes de management par la terreur »… Les mots élus par les journalistes de Midi Libre pour décrire l’ambiance au sein du quotidien du sud-ouest de la France retracent une situation sociale tendue. Et expliquent surtout pourquoi une partie des rédactions a décidé de se mettre en grève le temps d’une matinée, mercredi 29 mai.

A l’origine de ce débrayage, un plan de réaménagement devant conduire à 25 mutations jugées « contraintes » par les syndicats. L’objectif de la direction est de créer une nouvelle dynamique et de rééquilibrer une rédaction passée de 186 à 150 postes de journaliste depuis le rachat de Midi Libre par le groupe La Dépêche du Midi, en 2015. « Certaines de ces mutations satisfont les personnes concernées, mais la majorité sont acceptées de mauvaise grâce ou refusées », déclare Guy Trubuil, délégué SNJ.

« Midi Libre » a vu la charge de travail de ses équipes s’augmenter, surtout depuis que le quotidien a amorcé sa mutation digitale

Ce projet intervient alors que le journal régional éprouve depuis plusieurs années d’une santé financière délicate. Ses recettes publicitaires régressent, de même que sa propagation payée, en chute de 18 % depuis 2014, à 94 460 exemplaires. Résultat, son chiffre d’affaires a tombé de 3,6 millions d’euros ces deux dernières années, à 73,7 millions d’euros en 2018.

Contraint de diminuer ses effectifs, Midi Libre a vu la charge de travail de ses équipes s’opprimer, surtout depuis que le quotidien a amorcé son changement numérique. « En plus de faire un journal papier, on doit écrire plusieurs articles par jour sur le site et gérer les réseaux sociaux, déplore un journaliste. Les gens souffrent parce qu’ils ont le sentiment de ne plus pouvoir faire leur travail correctement. »

Les arrêts maladie se sont répandus au cours des derniers mois, accédant parfois le quart des effectifs dans certaines agences. La médecine du travail a été éclairée sur la recrudescence de ces « burn-out », précise-t-on du côté des syndicats. Les équipes demeurent marquées par le suicide d’un journaliste à Nîmes, en 2014. En accentuant « le manque d’informations fiables sur les causes de ce drame », le SNJ avait rappelé à l’époque, dans un communiqué, « avoir alerté la direction à son sujet et sur d’autres cas de souffrance au travail au sein de la rédaction ».

« Management autoritaire »

Selon plusieurs journalistes, le climat s’est dernièrement tendu davantage avec l’arrivée d’un nouveau rédacteur en chef, Olivier Biscaye, en septembre 2018. Certains d’entre eux lui accordent des visites fréquentes dans les rédactions, mais lamentent son « management autoritaire », et « un dialogue impossible » avec lui. « La menace est omniprésente dans son discours, même si elle est sous-jacente », ajoute un journaliste qui tient à rester anonyme.

 

Ce nouveau rédacteur en chef « a apporté un souffle à la rédaction sur la partie éditoriale, avec un vrai projet sur le numérique et la volonté de faire plus d’interviews au niveau national, ajoute M. Trubuil, du SNJ. Mais il fonctionne de manière têtue ».

  1. Biscaye avoue que le projet de changement qu’il a présenté à son arrivée « remet à plat l’organisation et les habitudes de travail », et, en ce sens, a pu engendrer « un climat de tensions et d’inquiétudes légitimes ». Ce plan de « reconquête », axé particulièrement sur le Web et la vidéo, reste obligatoire « face à la crise de la presse », ajoute le rédacteur en chef, qui assure être « à l’écoute et aux côtés des personnes en arrêt maladie, dont les situations sont variées ».

Avant de saisir les responsabilités de la rédaction de Midi Libre, Olivier Biscaye a employé la fonction de directeur des écritures du groupe Nice-Matin entre 2010 et 2014. Il avait fait l’objet de deux motions de défiance, en 2010 puis en 2014 (elle visait aussi l’actionnaire majoritaire GHM). Romain Maksymowycz, délégué syndical SNJ de Nice-Matin, se souvient d’un directeur « très intelligent », doté d’une « main de fer dans un gant de velours ». « Il comblait son manque d’expérience managériale par des crises autoritaires. »

Pour M. Biscaye, le « cap » escompté à Midi Libre porte déjà ses fruits, l’assistance du site Internet du journal ayant clairement augmenté en avril. « Si l’on ne veut pas que notre journal connaisse encore davantage de difficultés, il faut se remodeler, avec un projet qui fédère l’ensemble de la rédaction », termine-il.

10 ans de transformation numérique

Après s’être exigé dans le paysage du BPM en open source dès 2009, Bonitasoft a fait changer son offre et sa stratégie. Dix ans après, l’éditeur français se concentre sur les projets de changement numérique complexes des grandes entreprises. Pour compléter sa plateforme de BPM et développement low code sur la partie RPA, il s’est aussi adjoint à l’éditeur UIPath.

Bonitasoft aura 10 ans en Juin. L’éditeur français, qui a immergé ses premières racines du côté de l’Inria, s’est remarqué d’emblée en développant sa solution de BPM en open source. 10 ans plus tard, sa plateforme se concentre sur les projets de changement digital des grands comptes. A l’ère du low code, un vocable que Miguel Valdés-Faura, co-fondateur et PDG de Bonitasoft, manie avec circonspection, l’entreprise « aide les équipes métiers à faire évoluer leurs applications », nous a développé le dirigeant. Plus les entreprises clientes sont grandes, plus leurs projets sont complexes. « Là où nous sommes particulièrement bons, c’est lorsque nous accompagnons des équipes multidisciplinaires – architectes, développeurs, ergonomes, équipes métiers… – sur plusieurs géographies », annonce-il. Collaboration, agilité et progrès continue forment le terrain où Bonitasoft « excelle » actuellement, expose le PDG.

Lorsque la société s’est fondée, il y a 10 ans, elle a très vite développé son activité hors de l’Hexagone. L’international, « c’est évident aujourd’hui, ça l’était moins en 2009 », déclare Miguel Valdés-Faura qui a cofondé l’entreprise avec Charles Souillard, actuel directeur des opérations, et Rodrigue Le Gall, parti en 2015 sur d’autres projets. Dès le début, la start-up installée à Grenoble s’est vigoureusement capitalisée avec des levées précoces qui totalisent maintenant 28 M€ à travers 4 fonds français, Ventech, Auriga Partners, Serena et Bpifrance. Un coup d’œil dans le rétroviseur fait apparaître une croissance de Bonitasoft en deux phases. Une première phase d’hypercroissance sur le chiffre d’affaires, avec une forte amélioration aux Etats-Unis et en Amérique latine, s’est accompagnée des habituelles dégâts associées à ce schéma de développement. Sur la deuxième phase, la société est changée profitable, depuis 3 ans. Désormais, Bonitasoft veut annoncer la solidité financière qui « rassure les gros clients », tout en gardant son esprit start-up, nous a exposé Miguel Valdés-Faura. Il confie piloter l’entreprise un peu différemment ces deux dernières années. Objectif principal : soutenir les clients existants. Et de fait, le taux de rétention atteint actuellement 93%. Rien de surprenant à cette progression. Au début de son parcours, Bonitasoft a voulu tester différents marchés et types de clients. « Nous avions un taux de croissance énorme avec de nombreux petits comptes ». Or, les petits clients ont tendance à « churner », ajoute le PDG, passant d’un éditeur à l’autre suivant les projets. Avec l’expérience, l’éditeur français a donc creusé son sillon avec les grands comptes sur des projets critiques où il confirme sa pertinence. Ses priorités commerciales se cristallisent maintenant sur l’Europe et les Etats-Unis, les deux marchés de référence pour Bonitasoft, même si la société effectue continuellement 16% de son activité en Amérique latine à travers des partenaires locaux (le marché est complexe, chaque pays est différent).

L’approche low code, à aborder soigneusement

Sur l’approche low code, Bonitasoft se étal prudent. S’il la prétend, à l’instar des autres acteurs historiques du BPM, Miguel Valdés-Faura met les entreprises en garde. D’Outsystems à Mendix en passant par ServiceNow et Salesforce, tout le monde fait du low code, déclare-t-il. Mais il est risqué de laisser croire que le low code admet de se passer de développeurs. Prétendre que l’on peut mener un projet de changement numérique avec une banque en croyant que les équipes métiers vont concevoir l’application en low code, cela prête à sourire, pour le moins, souligne-t-il. « Oui, l’équipe métier va travailler avec l’équipe technique, mais c’est dangereux de prétendre que l’on peut parvenir sans développeurs ». Pour tout projet, Bonitasoft s’enquiert en préambule des profils techniques impliqués. Selon le niveau de criticité du chantier, l’éditeur préfère le refuser si le client veut s’y engager sans partenaire ni développeur. Ce qui peut se faire pour de petites applications métiers n’est pas acceptable pour des projets sophistiqués. « Inutile de donner de faux espoirs », déclare Miguel Valdés-Faura. S’il y a le moindre problème, l’image est mauvaise pour tout le monde, avance-t-il en appuyant sur le fait que Bonitasoft se concentre justement sur les projets complexes.

Entre les clients français de l’éditeur, il cite Crédit Agricole, Maif, Orange et plusieurs ministères. « Ces 4 modèles sont assez représentatifs de nos différents clients ». Les banques, assurances et opérateurs de télécommunications changent sur des marchés très concurrentiels où la priorité numéro 1 est de chiper des clients aux autres et de les retenir, d’où la nécessité d’une transformation numérique. « Quant au secteur public, c’est l’un des marchés historiques du BPM, surtout en Europe », interpelle le dirigeant.

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Devops et progrès des processus par l’IA

Quand on le questionne sur les particularités de Bonitasoft face à la très forte rivalité existant sur le marché du BPM, du low code et des projets de changement, le co-fondateur expose d’abord la démarche open source. Celle-ci permet de ne choisir qu’une partie de la plateforme et d’offrir une flexibilité au client. Le dirigeant cite ensuite l’extensibilité. « C’est un peu lié. Sur certaines applications que vous voulez customiser, on peut ajouter son code », déclare-t-il. « Nous outillons les équipes de développement et pas seulement les métiers ». Aux développeurs, Bonitasoft fournit à la fois une interface graphique simplifiée avec des fonctions « click and drag » et admet aux développeurs web certifiés d’ajouter leur propre code. « Et les deux équipes vont travailler ensemble au fil de l’eau ; c’est pour cela que c’est important que les équipes techniques participent au projet », souligne le PDG.

Autre point important : le développement fréquentatif et agile. « L’effet tunnel des projets, tout le monde en a assez », déclare Miguel Valdés-Faura. Les deux derniers composants, vendus indépendamment de la plateforme Bonita, se concentrent donc sur la livraison continue des applications, avec Continuous Delivery (BCD), et sur le progrès continu, avec Intelligent Continuous Improvement (ICI). Avec BCD, les équipes Devops peuvent « facilement et rapidement déployer un nouveau serveur Bonita, dans le cloud par exemple, et le scaler », explique le PDG. Le composant permet de gérer le cycle de vie des applications de façon itérative et de faire du versioning. « Tout est automatisé ». L’outil admet de tester les différentes versions et peut être intégré à l’outillage de test des développeurs. Le composant d’amélioration continue, Bonita ICI, s’appuie de son côté sur l’IA. Sa capacité à faire des prédictions vient aider les métiers à prendre des décisions pour faire évoluer certains processus. Dans une banque par exemple, en regardant les algorithmes de traitement des prêts depuis 2 ans, le composant peut persuader qu’il peut y avoir un problème avec telle ou telle demande de prêt. Cette avertissement pourra conduire à élaborer une nouvelle version qui redirigera ces demandes problématiques vers une autre équipe de la banque. Les métiers restent autonomes mais lorsque l’attention doit être modifiée, ils peuvent participer avec les développeurs, explique le dirigeant. « Plus le projet est complexe, plus on apporte de la valeur, c’est la réalité des gros projets et c’est une chose que nous avons apprise aussi au fil des années. On ne peut pas couvrir tous les projets pour toutes les entreprises », termine Miguel Valdés-Faura.

Sur le RPA, une complémentarité avec UIPath

Le RPA, Robotic process automation, est l’un des autres mots-clés souvent aperçus ces derniers mois qui ont vu la montée éclatante d’un éditeur comme UIPath avec lequel Bonitasoft a noué un partenariat il y a 18 mois. Avec le RPA, technique fort ancienne revenue en force sur le devant de la scène, il s’agit d’automatiser les tâches répétitives robotisées par logiciel. Ces solutions viennent compléter les plateformes des spécialistes du BPM tels que Bonitasoft. Le RPA agit sur des tâches et des évolutions existantes. La complémentarité avec le BPM intervient dès qu’il y a de la coordination et qu’il faut distribuer du travail entre différentes personnes. Le partenariat avec UIPath crée des occasions. Sur les projets de transformation, il faut repenser les processus avec le BPM, mais certaines étapes d’un processus global peuvent être confiées à un robot. « Dans les projets qui ne sont pas encore mûrs ou de court terme, les entreprises commencent par le RPA, quand les projets sont plus transverses, les deux technologies sont utilisées. Nous essayons d’adresser les clients ensemble ».

10 ans après, Bonitasoft assemble 80 salariés dont 65 sont en France – à Grenoble où se trouvent les équipes de R&D ou Paris – et 15 personnes à San Francisco. Un caractère toutefois. Même si l’entreprise a gardé ses bureaux, en réalité, « tout le monde peut travailler où il le souhaite », expose Miguel Valdés-Faura. Le télétravail est un terrain sur lequel l’éditeur est allé précautionneusement, petit à petit. Mais « la nouvelle génération a beaucoup d’attente sur l’équilibre entre vie privée et vie professionnelle », rappelle le PDG. « Nous demandons seulement un calendrier à jour et partageable et que l’organisation personnelle ne nuise pas au travail d’équipe ». Enfin, lorsque l’on interroge le dirigeant sur une incertaine introduction en bourse. « J’essaie de ne pas fermer les portes et je regarde différentes options dont celle-là. Mais ce n’est pas une priorité », fini-il.

Un an après la relance, la fin des rêves des ex-Whirlpool

Le site Whirlpool d’Amiens a été repris par WN, le 31 mai 2018.
Le site Whirlpool d’Amiens a été repris par WN, le 31 mai 2018. DENIS CHARLET / AFP

La société WN de Nicolas Decayeux, qui administre le site de 160 employés depuis le 31 mai 2018, doit être mise, mercredi, sous protection du tribunal de commerce d’Amiens.

Un an pour rien. C’est un peu la sensation, mardi 28 mai, des 160 salariés de Whirlpool repris le 31 mai 2018 par WN, la société de l’entrepreneur picard Nicolas Decayeux. L’entreprise doit être mise, mercredi, sous protection du tribunal de commerce d’Amiens. Tout un emblème pour cette usine dont la production a été installée en Pologne en 2017 et qui fut l’un des hauts lieux, au second tour de la campagne présidentielle de 2017, du duel entre Macron et Le Pen.

L’entreprise n’a plus assez de trésorerie, ayant payé les 2,5 millions d’euros soutenus par l’Etat, les 7,4 millions d’euros par Whirlpool ainsi que les fonds conduits par M. Decayeux. « Il me manque environ 4 millions d’euros. Je savais que ce serait difficile, mais tout a pris beaucoup plus de temps que prévu. »

« On nous promettait la mise en place de nombreux projets de développement, de production de véhicules électriques, de chargeurs de batterie ou encore d’une open factory [usine ouverte], déclare Frédéric Chantrelle, un ancien syndiqué de Whirlpool récemment révoqué. Mais de tout ça, il n’y a rien. Et les personnels sont désœuvrés. »

« On s’est fait rouler »

Sur 160 personnes, au mieux la moitié avait un peu de tâche. « Si certains étaient en formation, d’autres cherchaient à s’occuper en tondant la pelouse ou en lavant les voitures », peste un ancien de Whirlpool. « On s’est fait rouler », lâchait dernièrement à l’AFP Pascal Lefebvre, secrétaire adjoint (CFTC) du comité d’entreprise. « Rien ne sort de l’usine, la majorité des salariés sont en errance sur le site », additionnait Patrice Sinoquet, délégué CFDT.

« Je n’avais pas encore assez de travail pour tout le monde, mais cela se mettait en place. Les travailleurs ont profité de 14 000 heures de formation pour passer d’opérateurs sur ligne à des opérateurs polyvalents », déclare M. Decayeux. Alors que le site produisait des pylônes d’ascenseurs pour la société SSA ou quelques dizaines de casiers réfrigérés, les revenus n’étaient pas suffisants pour faire face aux dépenses. « On a des commandes de casiers prêtes à être annoncées », assurait lundi M.

Fin 2017, quand l’entrepreneur approche Whirlpool, il offre de ne retirer au départ que 50 personnes pour produire ses casiers frigorifiés. « A l’époque on m’a encouragé à développer un projet plus ambitieux allant jusqu’à 230 travailleurs, avec une diversification de productions… Depuis, nous avons bien bossé, mais nous n’avons pas été assez agiles. Nous ne baissons pas les bras et nous continuons à croire à la réussite de notre projet novateur. »

GE: Un problème pour les travailleurs et pour la ville de Belfot

Des employés travaillent sur une turbine à l’usine General Electric (GE) de Belfort, en février 2017.
Des employés travaillent sur une turbine à l’usine General Electric (GE) de Belfort, en février 2017. VINCENT KESSLER / REUTERS
Les travailleurs de General Electric ont exposé leur émotion et leur colère après l’annonce, par le groupe américain, de la cession de plus d’un millier de postes en France.

Chargé d’affaires dans la division gaz, Quentin (les prénoms ont été changés) ne mâche pas ses mots : « Les directeurs de GE Belfort sont des voyous. Durant des semaines, ils ont assuré ne rien savoir, ont prétendu que rien n’était fait. Qui peut les croire après la lecture du mail qu’on a tous reçu mardi matin [le 28 mai] ? »

Dans cet avis « mûrement réfléchi et préparé de longue date », déclare-t-il, la direction de General Electric expose aux employés ses raisons pour justifier « la réorganisation » des activités gaz en France (1 044 postes vont être retirés dans l’Hexagone, dont 792 pour la division gaz). « On y lit, par exemple, que les ventes du site de Belfort ont été divisées par deux entre 2017 et 2018, mais on n’a pas cessé de lui retirer des activités ! »

Il bout : « Je n’ai plus du tout confiance, ni dans les manageurs de GE ni dans les responsables politiques français », ajoute-t-il. « Larry Culp, PDG de GE, est venu en France début 2019. On sait que le président de la République, Emmanuel Macron, lui a sollicité de ne pas publier le plan social avant les élections européennes [du 26 mai]. Comme Bruno Le Maire, le ministre de l’économie et des finances, il était parfaitement au courant de ce qui se tramait ! »

Pour lui, la question est sitôt de savoir comment les près de 800 suppressions d’emplois dans la division gaz vont être déclinées service par service et sur la base de quels critères.

« Ne pas oublier la casse sociale chez les sous-traitants »

Magasinier dans la branche Power de GE Belfort, Marius ne travaillait pas mardi. C’est un collègue qui l’a prévenu par téléphone. « On s’y attendait, mais ça fout quand même les boules », déclare-t-il. « Je ne sais pas ce qui va se passer lorsque je reprendrai le travail. J’appréhende un peu, mais, de toute façon, il faudra bien y aller… »

Benoît, lui, il est dans la division nucléaire/charbon. Il se dit étonné par l’abondance des chiffres avancés. « Pour l’instant, notre branche n’est pas impactée, mais jusqu’à quand ? » Il adjoint, en évoquant l’effet domino : « Il ne faut pas oublier la casse sociale chez les sous-traitants, où 1 500 emplois supplémentaires devraient disparaître. Ça fait lourd pour Belfort. C’est une catastrophe pour les salariés et pour la ville. »

Plusieurs élus n’ont pas, non plus, manqué de réagir. Dans un avis commun, Damien Meslot, maire de Belfort et président du Grand Belfort, Marie-Guite Dufay, présidente de la Région Bourgogne-Franche-Comté, Cédric Perrin, sénateur du Territoire de Belfort, Michel Zumkeller et Ian Boucard, députés du Territoire de Belfort, Florian Bouquet, président du Département du Territoire de Belfort,  ont ainsi évalué qu’« il [s’agissait] d’une nouvelle épreuve pour la Cité du Lion, pour le bassin industriel du Nord Franche-Comté et plus largement pour la filière énergie en France (…) » Et de joindre : « Les engagements du géant américain, pris lors du rachat de la branche énergie d’Alstom, sont loin. Restent ceux pris par le gouvernement. »

 

La France face au ralentissement de l’économie européenne

Infographie Le Monde

Les agitations politiques n’y modifient rien : la courbe de l’accroissement française est, depuis juillet 2018, lisse comme un lac. Selon la dernière appréciation de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), diffusée mercredi 29 mai, le produit intérieur brut (PIB) s’est soutenu, au cours des trois premiers mois de l’année, à + 0,3 %. Un chiffre à peu près semblable à celui des deux trimestres précédents, et qui devrait se répéter encore au prochain.

L’économie française serait-elle contrainte à l’inertie ? Pas certainement, si l’on en croit l’Insee. La confiance des ménages, qui avait plongé à l’automne 2018, au plus fort de la crise des « gilets jaunes », s’est clairement redressée depuis janvier. En mai, l’indicateur qui la synthétise s’est uni de sa moyenne de longue période. Un seuil qu’il n’avait plus atteint depuis les 3 premier mois de 2018.

Les Français examinés sont beaucoup plus sereins qu’il y a quelques mois sur leur situation financière future et l’évolution de leur niveau de vie. Certes, on peine encore à en mesurer les effets sur la consommation, principal mécanisme de la croissance. Les achats de vêtements se sont repliés en avril, comme ceux des matériels de transport. En revanche, les dépenses alimentaires sont en hausse, « en particulier la consommation de viande et de produits transformés ».

Ces frémissements ne sont pas encore à la hauteur des bénéfices de pouvoir d’achat issus des mesures avisées, fin 2018, pour apaiser la colère sociale. Alors que l’achèvement a progressé de 0,4 %, le revenu disponible brut s’est apprécié de 1 % au premier trimestre. Il semble qu’une grande partie ait été épargnée. Une précaution sans doute nourrie par l’attente des résultats du grand débat.

« C’est normal, estime Patrick Artus, économiste en chef chez Natixis. Les baisses d’impôts, les primes, la revalorisation de certaines allocations n’étaient pas anticipées. Elles ont été stockées. » Il ne serait pas surprenant qu’il faille attendre la fin du deuxième trimestre avant de voir cet argent réintroduit dans l’économie.

« Les baisses d’impôts, les primes, la revalorisation de certaines allocations n’étaient pas anticipées. Elles ont été stockées »

Mais la fiscalité ne fait pas tout. L’emploi est un élément tout aussi capital pour la confiance. Or, le chômage continue à baisser. Lentement, mais sûrement, il a atteint, fin mars, 8,7 % de la population active, selon l’Insee, percevant son niveau de 2009. « C’est la surprise : le marché du travail donne aujourd’hui le sentiment d’être plus dynamique que la croissance, insiste Hélène Baudchon, prévisionniste chez BNP Paribas. Les recrutements et la progression des salaires sont plus que correctes. » Près de 66 400 créations de postes ont été notées en début d’année.

Cette tendance peut-elle durer ? « Quand on regarde le taux d’emplois vacants, tel qu’il est calculé par Eurostat, on se rend compte qu’il est actuellement à des niveaux historiquement en hausse, à environ 1,3 %, souligne Sylvain Broyer, économiste en chef chez S&P Global Ratings. On estime maintenant qu’il faut 0,8 % de taux de vacance pour que le chômage commence à baisser. On peut s’attendre à ce que les bonnes nouvelles continuent. »

Autre facteur d’optimisme : le climat des affaires reste assez dégagé, même s’il fléchit doucement dans le commerce de détail et les services, en mai. Il a retroussé la tête dans l’industrie. La production industrielle a augmenté de 1,1 % au premier trimestre. Mieux : la part de l’investissement productif (hors construction) dans le PIB est grimpée à 11 %. Un ratio plus élevé qu’en Allemagne, ce qui est une première depuis vingt-cinq ans.

« Il ne faut pas oublier l’injection dans leur trésorerie de près de 20 milliards d’euros supplémentaires, du fait de la transformation du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi en baisse de charges », déclare Hélène Baudchon. L’accroissement français pourrait en avoir encore un peu sous le pied.

« Un système très peu sensible aux variations »

En revanche les apparences, la monotonie des courbes n’est donc pas une mauvaise chose. Elle « illustre ce qu’on a pu appeler la troisième voie française : celle d’un système volontairement très peu sensible aux variations, déclare Sylvain Broyer. Statistiquement, cela peut ressembler parfois davantage à une économie administrée qu’à une économie de marché. Mais l’objectif de cette régulation est d’éviter de trop grosses fluctuations dans le revenu des ménages ».

Bien sûr, en cas de relance plein gaz à l’échelle mondiale, une telle force d’inertie rend la reprise dans l’Hexagone plus poussive. On l’a observé en 2009 et, plus récemment, en 2016. Mais la régulation a ses avantages : quand l’augmentation extérieure dérape, la tenue de route tricolore est généralement meilleure. C’est justement ce qui se dessine pour 2019.

D’après l’Organisation de coopération et de développement économiques, le PIB mondial est en phase de ralentissement. Il ne progresserait que de 3,2 % cette année, après 3,5 % en 2018. Plus brutal qu’attendu, le ralentissement est notamment perceptible sur le Vieux Continent. Et il pourrait s’aggraver si les tensions commerciales entre les Etats-Unis et la Chine poursuivaient leur escalade.

Dans un tel contexte, « on ne verra probablement pas d’augmentation franche côté français, reconnaît Sylvain Broyer. En revanche, le pays devrait échapper à la décélération massive que subissent l’Allemagne et l’Italie », davantage montrées aux aléas de la demande.

 

Les outils digitaux facilitent la requête des profils high-tech ?

Les outils digitaux facilitent la requête des profils multicompétents et parfois des cols bleus.

« Captation de candidatures sur les réseaux sociaux, ergonomie des sites carrières pour postuler en un clic, tri sophistiqué des candidatures : chaque détail compte pour brasser le plus large possible, puis être en capacité de choisir le meilleur »
« Captation de candidatures sur les réseaux sociaux, ergonomie des sites carrières pour postuler en un clic, tri sophistiqué des candidatures : chaque détail compte pour brasser le plus large possible, puis être en capacité de choisir le meilleur » QUENTIN HUGON

Les grandes sociétés se charment à tout ce qui leur offre des aboutissements pour gagner la « guerre des talents ». Captation de candidatures sur les réseaux sociaux, ergonomie des sites carrières pour postuler en un clic, tri minutieux des candidatures : chaque détail compte pour brasser le plus large possible, puis être en capacité de choisir le meilleur. « Les entreprises doivent aller vite dans les entretiens, la convocation, pour que l’expérience candidat soit bonne et pour garder leur attention, déclare Yves Grandmontagne, président du Lab RH, un groupe de start-up spécialisées dans les ressources humaines.

Impossible de nos jours pour une grande société de se contenter des méthodes traditionnelles d’embauche, que sont la publication d’annonces ou l’organisation de salons. « Il faut des solutions nouvelles », mentionne Vincent Mattei, directeur de l’acquisition des talents de Thales.

Pour découvrir les meilleurs ingénieurs, féminiser ses métiers ou encore envoler des experts en cybersécurité, le groupe électronique de défense s’appuie sur des start-up du digitale, qui augmentent ses canaux de recrutement : des forums virtuels de recrutement aux chatbots, en passant par des campagnes publicitaires sur les réseaux sociaux ciblées sur les candidats qui ne sont pas en recherche active. Outre les campagnes effectuées sur LinkedIn, l’ensemble de ces méthodes représenterait grosso modo un cinquième des recrutements du groupe.

Les grandes entreprises sont les plus grandes habituées de ce type de services. « Elles ont plus de besoins en embauche et une plus grande proximité avec la technologie », souligne Fariha Shah, directrice générale de Golden Bees, start-up spécialisée dans le ciblage publicitaire d’annonces d’emplois. Il s’agit surtout « de clients qui ont de gros besoins, avec plusieurs centaines de recrutements annuels », ajoute Thomas Allaire, fondateur de Jobijoba qui édite CV Catcher, un logiciel qui traduit les CV déposés par les candidats en « compétences », puis opère les appariements les plus pertinents.

Des profils multicompétents

Si son outil s’adresse éventuellement à tous, il sert d’abord à l’embauche de cadres ou des profils techniques comme dans l’informatique, où les employeurs déplorent des pénuries. Autre usage possible : absorber des compétences auxquelles ne correspondent que très peu de formations ou de certifications. L’exemple type est celui du data scientist, un oiseau rare que s’arrachent les entreprises. Il faut en effet « qu’il soit matheux, bon en statistiques, puisse faire du développement informatique et ait un sens du sujet qu’il traite », déclare Thomas Allaire.

Les théories des organisations

« Théories des organisations », de Jean-Michel Saussois, aux éditions La Découverte,126 pages, 10 euros.
« Théories des organisations », de Jean-Michel Saussois, aux éditions La Découverte,126 pages, 10 euros.

La tâche s’énonce compliqué lorsqu’il s’agit de faire le point non pas sur les suites comme formes évidentes, mais sur les théories qui les précèdent.

Une expérience aussi courante que celle de saisir son petit déjeuner en écoutant la radio mobilise en arrière-plan un grand nombre d’organisations : l’auteur de café et de céréales, le transporteur et les organisations productrices d’énergie, les organisations éducatives qui ont formé les manageurs, les ingénieurs, les journalistes et les techniciens, les organisations qui ordonnent les séquences publicitaires, l’organisation qui produit l’émission de radio, celle qui la diffuse, celle qui bâtie et entretient le réseau hertzien, celle aussi qui régule l’espace hertzien.

Expliquer les organisations matérielles par ce qu’elles font n’est alors pas très difficile. La tâche se dévoile, en revanche, plus complexe lorsqu’il s’agit de faire le point non pas sur les organisations comme formes concrètes, mais sur les théories qui les précèdent. C’est l’objectif que se donne Théories des organisations, de Jean-Michel Saussois une référence sur le sujet publié pour la première fois en 2007 et, pour sa troisième édition, en collection « Repères » en mars 2019.

Cinquante ans après leur création, où en sont les théories des organisations ? Trop d’études montrent que les organisations ne fonctionnent pas comme elles disent vouloir fonctionner. Le célèbre théoricien suédois des organisations Nils Brunsson avance plusieurs explications sur leur faible influence : en appuyant  sur l’action accomplie, le terrain devient trop vaste, ressemblant de l’étude des réseaux sociaux aux divisions sexuées au travail. Enfin, la critique est devenue essentiel et le fonds de commerce des théories devient alors la dénégation de la notion d’organisation. « L’opération de déconstruction devient le résultat de recherche », analyse Jean-Michel Saussois, qui s’interroge : si les théoriciens des organisations ne parlent plus d’organisation, qui va le faire ?

Distribution du savoir

Le livre débute alors par poser la question de la légitimité scientifique des théories des suites et expose la variété des méthodes pratiquées. Le docteur en sociologie se concentre de même sur une incertitude répétitive : celle d’utiliser ou non l’approche systémique pour étudier les organisations.

Actuellement, l’ambition des théoriciens n’est pas mince : il s’agit de « aménager une discipline autonome qui tiendrait par elle-même et qui ne serait plus le réceptacle des sciences humaines ou des sciences de l’homme et de la société », déclare le professeur émérite à ESCP Europe. En 1996, la Revue française de gestion osa poser une question contestataire : qu’est-ce que les sciences des organisations ont apporté aux sciences sociales comme le droit, l’histoire, la géographie, l’économie, les mathématiques ? « Retournement de perspective d’autant plus intéressant qu’une partie de la science économique est en train de se recomposer autour de la notion d’organisation. » Certains économistes apprennent les formes de distribution du savoir dans des structures, d’autres considèrent les réseaux comme nouvelles formes d’organisation. « Les initiatives se multiplient pour développer une approche qui ne délaisse pas les organisations comme objet de recherche. »

Dire merci est plus que jamais indispensable

« Moins de liens, moins d’attachement, moins de confiance, moins de coopération, moins de compréhension. D’où la nécessité grandissante de planifier les séances de feed-back pour dire ce qui n’a pu être compris. »
« Moins de liens, moins d’attachement, moins de confiance, moins de coopération, moins de compréhension. D’où la nécessité grandissante de planifier les séances de feed-back pour dire ce qui n’a pu être compris. » Wavebreak Media / Photononstop

Alors que les capacités comportementales sont de plus en plus vantées, on s’enferme d’objets digitaux, et l’on s’en sert au-delà du raisonnable.

Trois des parois de la salle d’accolement qui jouxte mon « espace de travail » sont totalement vitrées. Ce local est un bocal. On peut examiner les mœurs de ses occupants comme on le ferait de poissons rouges dans un aquarium. L’autre jour, j’ai eu la conséquence que ceux-ci jouaient aux cartes, pratique peu courante en un tel lieu. Je faisais certainement erreur. Ce que chacun tenait entre les mains, à hauteur de visage, n’était pas un ensemble de rois, reines, valets ou as de pique, mais un téléphone portable.

Le cas est extrême. Dans la plupart des réunions, on pianote, certes, mais pas tous en même temps. Il n’empêche. Comme le craignent Valérie Julien Grésin et Yves Michaud, dans leur livre Mutation numérique et responsabilité humaine des dirigeants (Odile Jacob, 238 p., 24,90 €), « la communauté humaine ne risque-t-elle pas de devenir un assemblage d’automates débrayables ? ». Ainsi que le « capital humain » et les « soft skills », c’est-à-dire les compétences comportementales, sont de plus en plus vantés, on s’entoure d’objets numériques, et l’on s’en sert au-delà du raisonnable. Ces outils aux immenses atouts ne sont alors plus utilisés de façon optimale, puisqu’ils dégradent les relations humaines.

Certes, comme le mentionne Dominique Turcq, sociologue, consultant, créateur de l’Institut Boostzone, « les outils de communication ont ouvert des possibilités inédites de rapprochement avec d’autres personnes, d’autres idées ». Et, de ce fait, « la société exige de nouvelles proximités » (Travailler à l’ère post-digitale. Quel travail pour 2030 ?, Dunod, 288 p., 25 €). En entreprise, on vante l’action collective.

Esprit ailleurs

Mais toute technologie étant habile du meilleur comme du pire, celle qui nous joint des autres quand elle est utilisée avec équilibre nous en éloigne durement et subrepticement, par addiction. La qualité de présence, la communication entre les êtres s’en perçoivent. Les signaux visuels transmis par un regard, un visage, une posture, cette communication non verbale n’est plus perçue.

Or, « à défaut de présence, les liens se distendent », définit Valérie Julien Grésin. Ce truisme – loin des yeux, loin du cœur – semble négligé, ou peut-être jugé non pertinent, quand des individus sont physiquement présents mais intellectuellement éloignés, comme leur esprit est ailleurs.