« La Vérité sur les troubles psychiques au travail » : de l’urgence de « libérer la parole »
« L’anxiété, la dépression, la sensibilité au stress, mes variations émotionnelles, l’hypersensibilité, sans compter les troubles cognitifs (concentration, attention et mémoire), sources d’épuisement et de fatigue. » Fabienne égraine la longue liste de ses « fragilités ».
Exposée à de nombreux troubles psychiques, la quinquagénaire explique qu’elle doit, en conséquence, s’investir quotidiennement dans « deux boulots : d’une part ma mission de responsable d’une base de connaissances ; d’autre part, la gestion de mes émotions et de ma fatigue afin d’assurer au mieux ma présence au travail. C’est une tâche importante sur le savoir-être ». Une tâche épuisante également, mais qui lui permet de « trouver son équilibre » et de vivre son parcours professionnel.
Au fil des pages de l’ouvrage de la sociologue Claire Le Roy-Hatala, La Vérité sur les troubles psychiques au travail (Payot, 304 pages, 21 euros), Fabienne côtoie Lise et ses « tempêtes émotionnelles », Laurence qui ne veut « pas être réduite à [sa] pathologie ». Ou encore Yohanes, qui vit « un monde s’effrondr[er] » lorsqu’un « diagnostic de maladie mentale » fut posé sur lui, considérant alors qu’il ne pourrait « plus faire confiance à [son] cerveau ».
Différents témoignages et autant de focalisations internes offerts par l’autrice au lecteur, pour mieux saisir les pathologies mentales et le rapport au travail des personnes en souffrant. C’est le premier objectif de Mme Le Roy-Hatala à travers son essai : expliquer, avec un souci pédagogique constant, ce que recouvre la maladie, déconstruisant les idées reçues, cherchant à « dissiper les peurs » sur un sujet tabou au travail – et souvent caché par ceux qu’il touche.
Sentiment d’exclusion
Elle montre ainsi l’invisible : le sentiment d’exclusion des salariés, leurs stratégies du quotidien pour dissimuler la maladie (tel ce cadre supérieur qui rentre chez lui à la pause méridienne pour se reposer, prétextant des déjeuners à l’extérieur pour ne pas manger avec ses collègues), leurs efforts, aussi, pour retrouver le chemin du travail après une crise.
Ce faisant, l’autrice souhaite « libérer la parole » sur cet « impensé organisationnel ». Parce que l’absence de communication complexifie considérablement l’intégration des personnes touchées. Et parce que le sujet implique, à ses yeux, une réelle prise de conscience, alors qu’un grand nombre d’entreprises est concerné, souvent sans le savoir. « Treize millions de personnes sont touchées par des troubles psychiques invalidants (…) et 20 % considèrent que ces troubles ont un impact sur leur vie professionnelle », rappelle Mme Le Roy-Hatala, qui précise que ces mêmes troubles sont « responsables de 35 % à 45 % de l’absentéisme au travail », selon Santé publique France.
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