Doit-on mettre fin aux ruptures conventionnelles ?

Dans son programme pour l’élection présidentielle de 2017, Emmanuel Macron promettait d’indemniser les démissions afin de fluidifier le marché du travail. Cette proposition traduisait la volonté d’augmenter la « flexicurité », en prenant notamment exemple sur les politiques de l’emploi en vigueur dans les pays scandinaves. L’objectif de ces politiques est de pouvoir facilement mettre fin aux emplois improductifs, faciliter les transitions professionnelles et les réallocations de main-d’œuvre, tout en garantissant aux salariés une assurance-chômage généreuse et de bonnes perspectives de formation et de requalification.

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Totalement à rebours des propositions de 2017, il est aujourd’hui question, recherche d’économies oblige, de raboter le dispositif de rupture conventionnelle créé en 2008 avec la même philosophie : permettre aux salariés de quitter leur emploi en gardant leur droit à l’assurance-chômage si leur employeur est prêt à leur payer une indemnité de départ. La rupture conventionnelle semble victime de son succès : près d’un demi-million de salariés l’utilisaient en 2024, pour un coût de 9 milliards d’euros.

La difficulté à évaluer un dispositif de rupture à l’amiable avec droit au chômage tient à ce que les exemples d’abus et le coût pour les finances publiques sont immédiatement visibles, alors que les bénéfices indirects pour le marché du travail sont beaucoup plus difficiles à quantifier. On dispose néanmoins de quelques éléments.

D’abord, les économistes Cyprien Batut et Eric Maurin ont montré que l’objectif de fluidification a bien été atteint : le taux global de ruptures augmente de près de 20 % après la mise en place du dispositif en 2008. Dans le même temps, les embauches augmentent également, mais dans une moindre mesure, ce qui induit aussi une légère réduction de l’emploi total.

Coûts et bénéfices

Mais pour quels gains en matière de productivité et d’efficacité ? Selon une représentation, aujourd’hui répandue, d’un marché du travail comme un problème d’appariement entre besoins des entreprises et compétences des salariés, les réallocations devraient être source d’efficacité accrue. Tout simplement parce que ce sont les salariés les moins bien appariés qui devraient partir à la recherche d’emplois plus productifs et rémunérateurs.

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Pour les jeunes en situation de handicap, un difficile chemin vers l’emploi

Alexandre Bisson, 21 ans, atteint d’un handicap cognitif dû à un trouble du spectre autistique, dans la cuisine d’un restaurant où il est apprenti pâtissier, à Paris, le 17 février 2023.

Une foule de jeunes gens, CV en main, s’amasse dans la grande salle de la mairie du 15e arrondissement de Paris, où se déroule un Forum emploi handicap, vendredi 7 novembre. Thomas (les personnes interrogées n’ont pas souhaité donner leur nom de famille), 24 ans, vient postuler comme commis de cuisine chez Ducasse. « Il a déjà une expérience de trois ans, il est sérieux et motivé mais aura toujours besoin d’accompagnement », explique son père, venu avec lui.

Derrière lui, Christophe, 19 ans, cherche une alternance pour son CAP de cuisine. Trop tard pour cette année, mais il a pu déposer son CV. La plupart des candidats présents bénéficient d’une reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH). Comme Laurine, 23 ans, qui a des problèmes de dos et qui cherche un premier emploi de juriste. « Dans un forum spécialisé, c’est plus simple, car on sait que les entreprises sont handi-accueillantes. Quand j’ai fait des stages et des alternances, j’attendais d’avoir signé le contrat pour demander un siège ergonomique et un peu plus de télétravail. »

Car le handicap peut faire peur aux recruteurs, comme le raconte Gabrielle, 22 ans, qui veut devenir animatrice en Ehpad et qui choisit de mentionner sa RQTH lors de ses candidatures. « J’ai eu quatre entretiens sans suite. Une fois, on m’a dit que je ne saurais pas gérer le stress des personnes âgées, c’est de la discrimination. »

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NovAsco, l’histoire d’un fiasco industriel français

Des croix devant le siège de NovAsco, à Hagondange (Moselle), le 17 novembre 2025.

Un nuage noir assombrit le ciel d’Hagondange (Moselle) lundi après-midi 17 novembre. Dépités, les syndicats alimentent leur brasier de pneus alors que le mot « gâchis » est sur toutes les lèvres et les pancartes. Vieille de trois ans, leur usine ne sera jamais centenaire. La chambre commerciale du tribunal de Strasbourg vient de prononcer son jugement. Ascometal n’est plus.

Célèbre pour sa production d’acier haut de gamme prisé des constructeurs automobiles, le fleuron de la sidérurgie française n’a pas survécu à son quatrième redressement judiciaire en onze ans. Des quatre sites qui constituaient encore ce groupe rebaptisé NovAsco par son dernier repreneur, il n’en reste plus qu’un. Sans surprise, la justice a opté pour une cession partielle et n’a retenu que l’offre minimaliste d’un collectif d’industriels mené par la PME ardennaise Métal Blanc. Elle ne concerne que le seul site de Leffrinckoucke (Nord), près de Dunkerque, où 144 des 160 postes devraient être conservés. L’acier qui va l’alimenter viendra probablement de Chine. Tout un symbole.

Les trois autres font l’objet d’une liquidation judiciaire. La casse sociale est énorme avec la perte de 549 emplois, sur les 693 que comptaient encore NovAsco fin octobre. Si ce n’est pas une surprise du côté du siège mosellan, les salariés confient tout de même leur amertume aux médias nationaux présents en masse pour assister à l’enterrement.

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Claire’s France : la justice valide deux offres de reprise, la moitié des salariés conservée

Devant une boutique Claire’s, à Paris, le 8 janvier 2025.

Le tribunal des activités économiques de Paris a validé vendredi deux offres de reprise partielle de la marque Claire’s en France, placée en redressement judiciaire fin juillet, ont annoncé lundi 17 novembre à l’Agence France-Presse (AFP) les avocats des représentants du personnel.

Quelque 450 salariés sur 830 seront repris par deux sociétés, la grande majorité par le vendeur de bijoux fantaisie June, qui a obtenu pour dix ans l’exploitation de la marque Claire’s, et une trentaine de salariés par le vendeur espagnol de coques de téléphone La Casa de las Carcasas, ont détaillé les avocats.

Un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) a déjà été ouvert pour les salariés qui ne sont pas concernés par la reprise, avec un licenciement qui se profile pour la grande majorité d’entre eux. June reprendrait également autour de 140 magasins sur les quelque 240 points de vente existants de Claire’s, et La Casa de las Carcasas 3 magasins, pour y vendre ses accessoires de téléphone. Parmi les magasins non repris, certains Claire’s ont déjà fermé définitivement leurs portes.

Difficultés aussi de la maison mère aux Etats-Unis

La justice avait ouvert à la fin de juillet une procédure de redressement judiciaire pour Claire’s France, marque surtout connue pour ses petits bijoux, piercings et autres accessoires à destination des adolescents. « Les premiers projets de reprise début septembre étaient très bas » en termes d’emplois sauvegardés, a estimé Me Eve Ouanson. « Celles d’aujourd’hui, qui ont le mérite de sauver la moitié des emplois, sont un moindre mal. »

La direction justifiait la procédure de redressement judiciaire par la baisse continue des ventes en magasin depuis plusieurs années, accélérée par les droits de douane américains sur les produits chinois, auxquels Claire’s recourt massivement. Mais selon les derniers comptes publiés, Claire’s France avait dégagé 1,3 million d’euros de bénéfice net entre la fin de 2023 et la fin de 2024, et 0,8 million lors de l’exercice précédent.

L’enseigne Claire’s n’est pas en difficulté qu’en France : sa maison mère aux Etats-Unis s’était déclarée en faillite en août avant d’être reprise par un fonds d’investissement. La filiale espagnole de Claire’s s’est également déclarée en cessation de paiements en septembre.

Les représentants du personnel ont signalé au début de septembre à la justice des faits qu’ils qualifient d’« irrégularités graves dans la gestion de la société », accusant la maison mère américaine d’avoir « vidé les caisses » par des « flux financiers » entre les nombreuses filiales du groupe. « Il y a toujours un flou autour de ces flux », a estimé Me Khaled Meziani, également avocat des représentants du personnel.

Le Monde avec AFP

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« Pour faire face à l’IA qui menace l’emploi, il faut un nouveau partage du coût salarial »

Le 28 octobre, le géant Amazon annonçait la suppression prochaine de 14 000 emplois, rendue possible par l’utilisation de l’intelligence artificielle (IA). Pour la même raison, la banque Goldman Sachs vient d’informer ses équipes qu’ils doivent s’attendre à une nouvelle vague de suppressions d’emplois cette année. D’une façon plus générale, près de la moitié des entreprises disent avoir déjà réduit leurs effectifs à cause de l’IA, selon une étude du groupe Adecco.

Cette nouvelle technologie produira les mêmes effets que les précédentes : une augmentation de la productivité qui réduit les coûts pour l’ensemble des consommateurs au prix de la disparition de certains métiers et de nombreuses entreprises, ce que l’économiste Joseph Shumpeter appelait la « destruction créatrice ». Les innovations précédentes telles que le machinisme, le travail à la chaîne, la robotique, la bureautique et le big data ont détruit des emplois faiblement qualifiés. Cette nouvelle révolution s’en prend désormais à des emplois intellectuels.

Il serait vain de rejeter par principe cette innovation capable, comme les précédentes, de nous assurer une meilleure qualité de vie. Cependant, cela ne peut pas se faire au détriment des travailleurs et de notre cohésion sociale. Or les précédentes innovations ont détruit des emplois qui n’ont été que partiellement retrouvés. Le chômage de masse reste une réalité et de plus en plus de personnes ont les plus grandes difficultés à vivre des revenus de leur travail. L’IA ne fera qu’aggraver une situation déjà critique.

Afin de faire face, il nous faut repenser les règles du jeu en matière d’emploi. Aujourd’hui, chaque entreprise supporte seule le coût salarial. Nous proposons d’instaurer une nouvelle règle selon laquelle ce coût serait partagé : l’entreprise n’en assumerait qu’une partie, tandis que le reste serait pris en charge collectivement par l’ensemble des autres entreprises. Un tel mécanisme créerait un puissant levier d’incitation à l’embauche et entraînerait une forte augmentation des offres d’emploi.

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Assurance-chômage : les partenaires sociaux réclament l’abandon du projet de réforme lancé par François Bayrou

Le ministre du travail, Jean-Pierre Farandou, à l’Elysée, à Paris, le 14 octobre 2025.

Le message adressé à Sébastien Lecornu est bref et pressant : il invite « solennellement » le premier ministre à enterrer le très controversé projet de réforme de l’assurance-chômage qui avait été lancé durant l’été par le précédent gouvernement. C’est le sens de la lettre commune que lui ont adressée, dans la soirée du vendredi 14 novembre, les principaux acteurs sociaux – à l’exception du Medef, qui n’a pas souhaité s’associer à la démarche. Tout porte à croire que le locataire de Matignon va donner une suite favorable à cette requête.

Sur l’en-tête du courrier, révélé par l’AFP et que Le Monde s’est procuré, figurent les logos des cinq principaux syndicats – CFDT, CFE-CGC, CFTC, CGT, FO – et de deux mouvements patronaux : la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) et l’Union des entreprises de proximité (U2P). Ces sept organisations réclament « le retrait de la lettre de cadrage » qui leur avait été envoyée, le 8 août, par François Bayrou, alors premier ministre.

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Comment l’étude scientifique de l’islam est progressivement sortie de l’ombre depuis les attentats djihadistes de 2015

Autrefois fleuron de la recherche française, l’islamologie a connu un décrochage à partir des années 1980. Les attaques de 2015 ont obligé les pouvoirs publics à se remobiliser dans ce domaine de la connaissance. Si la discipline a depuis retrouvé des couleurs, la rémission reste précaire pour ce sujet académique, mais aussi très politique.

Emploi et handicap : un testing révèle des discriminations lors du recrutement

Ce n’est pas une surprise, plutôt la confirmation chiffrée d’une discrimination persistante, à quelques jours de la 29e Semaine européenne pour l’emploi des personnes en situation de handicap, qui commence lundi 17 novembre. « On arrive à prouver de façon statistique qu’elles ont moins de chances et qu’elles restent pénalisées », résume Naomie Mahmoudi, maîtresse de conférences en sciences économiques à l’université Claude-Bernard Lyon-I. Elle a réalisé, avec Marion Goussé, professeure d’économie à l’Ecole nationale de la statistique et de l’analyse de l’information, une étude qui démontre qu’à profil égal, les réponses positives d’un recruteur baissent de près de 50 % lorsque la candidature mentionne un handicap physique, et peuvent même être divisées par quatre avec un CV vidéo.

Ce « testing », mené à l’initiative de l’association APF France Handicap, consistait à répondre à près de 2 000 annonces réelles, pour des postes de secrétaire-réceptionniste ou d’assistant comptable, avec quatre profils fictifs de candidates : l’une en fauteuil roulant, l’autre avec un appareil auditif, la troisième cumulant les deux et la dernière ne présentant aucun handicap.

Dès la mention d’un handicap dans la candidature, le taux de réponse positive passait de 27,6 % à 22 %, soit un décalage de 5,6 points, avec un écart plus significatif (8,6 points) pour les réceptionnistes que pour les comptables (2,8 points). « Le contact avec le public peut être un problème pour les recruteurs, qui anticipent les préjugés des clients », considère Marion Goussé. Lorsque le handicap n’était mentionné que dans la lettre de motivation, cet écart était réduit, ce qui suggère qu’elle n’est peut-être pas lue attentivement. En revanche, l’ajout d’un CV vidéo, lorsqu’il est visionné, amplifie nettement le décalage, qui atteint 50 points entre le taux de réponses positives reçues par une jeune femme sans handicap visible et une autre en fauteuil et avec un appareil auditif. « Avec la vidéo, on se rapproche de ce qui pourrait avoir lieu au moment de l’entretien », estime Mme Mahmoudi.

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Le travail vu d’Europe : 18 % des travailleurs de l’Union européenne affirment qu’un programme informatique suit leur activité de manière extensive ou partielle

La déferlante du numérique dans la vie professionnelle franchit une nouvelle étape avec l’intelligence artificielle (IA) générative et les programmes informatiques : des algorithmes qui suivent, contrôlent et évaluent l’activité des travailleurs. Ce sont justement ces deux aspects quel’étude 2024 d’Eurofound entreprend d’explorer.

L’IA générative a beau susciter des débats passionnés sur la manière dont elle va révolutionner le monde du travail, son usage demeure très limité : seulement 12 % des actifs de l’Union européenne affirment l’utiliser au moins occasionnellement dans un cadre professionnel, constate Eurofound.

Mais ce chiffre pourrait être minoré, explique le sociologue du travail Arnaud Mias, de l’université Paris-Dauphine : en effet, selon une étude conjointe de l’Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique (Inria) et de la direction générale du travail (DGT), « l’écrasante majorité des usages professionnels de l’IA relèverait en France du “Shadow AI”, à savoir un usage clandestin d’un outil non validé par la direction ». Il est possible qu’une partie des répondants, et pas seulement en France, omettent donc de signaler cet usage.

De larges disparités

Quoi qu’il en soit, de larges disparités émergent entre pays, dessinant une nouvelle forme de fracture numérique : au moins 20 % des travailleurs en Suède, en Belgique, aux Pays-Bas, au Danemark et jusqu’à 25 % au Luxembourg y recourent, mais le taux d’utilisation tombe à moins de 6 % en Grèce, en Italie, au Portugal et en Roumanie.

Avec 9 % d’utilisateurs, la France occupe une position intermédiaire, loin derrière l’Allemagne (18 %) à laquelle elle se plaît à se comparer. Cette hiérarchie renvoie notamment au poids respectif, dans ces différents pays, des secteurs et métiers du tertiaire fortement utilisateurs d’IA (recherche, finance, droit, numérique…), avance Arnaud Mias.

Eurofound constate en outre un recours variable par âge et par genre. Par rapport aux précédentes vagues de l’enquête, où les jeunes actifs adoptaient plus vite les innovations que leurs aînés, le score des 16-29 ans (15 %) est équivalent à celui des 30-54 ans, mais les 55-64 ans décrochent, avec seulement 9 % d’usagers.

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Le chômage absent des débats, malgré une légère hausse

Des ouvriers à bord du « MSC World Asia », paquebot en construction à Saint-Nazaire (Loire-Atlantique), le 12 novembre 2025.

Qui s’intéresse encore aux chiffres du chômage ? S’il a longtemps été l’alpha et l’oméga des discours politiques, cet indicateur a presque disparu de l’agenda des différents partis. Il n’en a quasiment pas été question lors des élections législatives de 2024, par exemple. Il n’y a pas si longtemps encore, la baisse du chômage faisait pourtant l’actualité. En 2022, pendant la campagne présidentielle, Emmanuel Macron avait fait du plein-emploi − un taux de chômage autour de 5 % de la population active − un objectif à atteindre pour 2027.

Cette époque paraît désormais bien lointaine. La situation économique s’est dégradée et l’ambition s’est envolée depuis plusieurs mois. Les dernières données publiées par l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), jeudi 13 novembre, viennent confirmer la tendance. Au troisième trimestre, on compte 44 000 chômeurs de plus en France (hors Mayotte), au sens du Bureau international du travail (BIT), par rapport aux trois mois précédents, pour un total de 2,4 millions de personnes. Le taux de chômage, lui, augmente légèrement, en atteignant 7,7 % de la population active − 0,1 point de plus par rapport au deuxième trimestre, pour lequel l’Insee a un peu rehaussé son estimation (de 7,5 % à 7,6 %). Sur un an, la hausse est de 0,3 point.

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