Amazon : « aux Etats-Unis, ce n’est plus l’Etat-providence, mais l’“entreprise-nounou” »

Amazon : « aux Etats-Unis, ce n’est plus l’Etat-providence, mais l’“entreprise-nounou” »

Centre de distribution d’Amazon, à Staten Island, à New York, en février 2019.

Pertes & profits. Qui a dit que la révolution numérique ne créait pas d’emplois ? Sûrement pas Amazon, qui n’en finit pas de gonfler ses effectifs. A la fin de l’année 2019, l’entreprise revendiquait 750 000 salariés dans le monde. A la fin de 2021, elle devrait dépasser le million et demi d’employés. Deux fois plus en deux ans. Mardi 14 septembre, elle a annoncé qu’il lui en fallait 125 000 de plus pour ses entrepôts américains. Sans compter les 55 000 personnes qu’elle cherche pour ses autres activités, comme l’informatique, le cinéma, les satellites et autres ; ni même les saisonniers qu’elle embauche en plus pour passer le cap des ventes de Noël.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Amazon : Jeff Bezos laisse un groupe aussi puissant que critiqué

Avec 1,34 million d’employés, dont 950 000 aux Etats-Unis, la société est le deuxième employeur américain derrière la chaîne de distribution Walmart (2,3 millions). A ce train-là, elle pourrait bien la rattraper rapidement. La société fondée par Jeff Bezos en 1994 ouvre désormais un entrepôt par jour dans le pays, 100 sur le seul mois de septembre. On pourrait bien sûr arguer que ces créations brutes d’emplois ne tiennent pas compte des destructions qu’elles occasionnent dans les magasins de toutes les villes du pays. Cela est vrai, mais ne se retrouve pas dans les chiffres globaux. Il existe aujourd’hui 10 millions d’emplois à pourvoir sur l’ensemble du territoire, pour 9,5 millions de chômeurs. Une situation qui ne s’était pas vue depuis vingt ans.

Concurrence écrasée

Face à une telle pénurie, largement due à la vigueur de la reprise et aux aides octroyées aux ménages durant la crise, les employeurs jouent des coudes pour attirer les candidats. Et, dans ce domaine, Amazon aussi écrase la concurrence. Le salaire moyen d’embauche dépasse maintenant les 18 dollars (15,20 euros), alors que le minimum dans l’entreprise est de 15 dollars et de 12 dollars chez Walmart. Il offre en plus l’assurance-santé, paye les frais de scolarité des étudiants et accorde un bonus de 1 000 à 3 000 dollars. Ce n’est plus l’Etat-providence, mais l’« entreprise-nounou », qui rappelle les riches heures du paternalisme d’après-guerre.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi « Quand Amazon accuse de partialité Lina Khan, la présidente de l’Autorité de la concurrence américaine »

Il faut dire que ces employés, qui remplissent des cartons à longueur de journée, valent de l’or. Sans eux, impossible de fournir le client à temps, qui partira immédiatement à la concurrence. Les conséquences financières seraient catastrophiques. Alors, on lâche le lest nécessaire. C’est la raison pour laquelle les syndicats ne parviennent toujours pas à franchir la porte de ces entrepôts. Mais, à la différence de l’Etat-providence, la générosité de l’entreprise est provisoire et directement indexée sur le marché du travail. Que celui-ci se détende, ce qui arrivera, et les nouveaux prolétaires de la logistique retourneront à leur condition ingrate.

Avatar
LJD

Les commentaires sont fermés.