A « Marie Claire », la crainte de « l’ubérisation » des métiers de la presse écrite

A « Marie Claire », la crainte de « l’ubérisation » des métiers de la presse écrite

Est-ce la situation au Journal du dimanche, qui lui a fait l’effet d’ « un parpaing dans la figure » ? Ou les craintes exprimées l’hiver dernier par les rédactions du Parisien ou des Echos au sujet de leur indépendance ? « Je ne sais pas pourquoi, mais là, ça ne passe plus, confie une journaliste de Marie Claire. Peut-être parce qu’on n’a plus rien à perdre. » Au mensuel féminin, le probable licenciement de deux secrétaires de rédaction (des journalistes chargés notamment de monter les pages) lève un mouvement de protestation comme on ne se souvient pas en avoir connu.

Dévoilée en janvier, la décision de mettre un terme à leur activité afin de l’externaliser a provoqué la constitution de la première Société des journalistes (SDJ) de l’histoire du titre créé en 1937, un bras de fer entre la direction et les représentants des salariés, ainsi que la tenue de plusieurs assemblées générales. « Nous réprouvons cette décision unilatérale de la direction et nous nous interrogeons sur la pertinence de sacrifier deux postes (sur un total de six dans le groupe) pour équilibrer les comptes de l’entreprise », s’insurge la SDJ dans un communiqué le 12 septembre.

Dès le prochain numéro, pourtant, le travail sera sous-traité par l’agence Com’Presse, basée à Astaffort, dans le Lot-et-Garonne. Outre les deux salariés rattachés à Marie Claire, quatre secrétaires de rédaction travaillant pour d’autres titres du groupe (Avantages, Cosmopolitan, et Marie Claire Maison) sont également convoqués, à partir du vendredi 15 septembre, à des entretiens préalables à leur licenciement. L’économie annuelle attendue avoisinerait les 265 000 euros, selon des chiffres qui circulent en interne. « Nous dénonçons cette décision qui préfigure l’ubérisation de tous les métiers de la presse écrite », conclut le communiqué de la SDJ.

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« Un tiers de la masse salariale a déjà disparu »

Ce n’est pas la première fois que le magazine, qui compte trente-cinq journalistes aux rédactions Print et Web ainsi que plus d’une vingtaine de pigistes réguliers, regarde partir des collègues sans espoir de les voir remplacés. « C’est le dixième petit plan en dix ans, un tiers de la masse salariale a déjà disparu », assure Françoise Feuillet, la déléguée syndicale SNJ-CGT – en dessous de dix salariés visés par un licenciement, l’entreprise n’est pas tenue de déclencher de plan de sauvegarde de l’emploi.

D’après les chiffres de l’Alliance pour les chiffres de la presse et des médias, Marie Claire s’écoulait à 286 867 exemplaires en 2022, accusant une baisse de 3,75 % sur un an. Or selon des journalistes, les ventes de ces quatre derniers mois seraient en hausse par rapport à l’année précédente. « On a conscience que la presse ne va pas bien, on n’est pas des idiots, reprend la syndicaliste. Mais quand on prend toute une profession pour l’externaliser, comment croire que nous aurons, à l’arrivée, la même qualité ? » La rédaction craint qu’à terme, le service de la maquette ne soit, lui aussi, confié à une entreprise extérieure – un processus de sous-traitance de certaines fonctions déjà expérimenté par Les Inrocks ou Psychologies Magazine.

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