A l’Hôtel Ibis Batignolles, la longue lutte des femmes de chambre

A l’Hôtel Ibis Batignolles, la longue lutte des femmes de chambre

Des femmes de chambre de l’Hôtel Ibis Batignolles manifestent devant le siège du groupe hôtelier Accor, à Paris, le 17 octobre 2019, pour réclamer de meilleures conditions de travail.

Il faut aller au bout d’une impasse qui débouche sur le boulevard de Clichy, dans le 17e arrondissement de Paris, puis entrer dans un petit bâtiment sans se fier à l’inscription « Sud Rail » sur son fronton, et descendre au sous-sol, guidé par des bruits de voix, pour les trouver. Dans ce local prêté étaient rassemblées, mardi 22 septembre, des femmes de chambre et des gouvernantes de l’hôtel tout proche, l’Ibis Batignolles, dont la lutte est entrée dans son quinzième mois. Assises autour de Tiziri Kandi, animatrice syndicale de la CGT des hôtels de prestige et économiques (HPE), qui les soutient depuis le début de leur grève, le 17 juillet 2019, elles se réunissaient pour faire le point sur le combat le plus long mené dans l’hôtellerie et les actions à venir.

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Elles sont 17 femmes de chambre, deux gouvernantes et un équipier, tous africains (sur une équipe de 40 personnes), dans cette bataille contre le géant de l’hôtellerie, Accor, opérateur de l’hôtel Ibis Batignolles, et contre le sous-traitant du nettoyage, STN, leur employeur. La grève a été suspendue le 16 mars 2020, quand l’hôtel a fermé. Leur employeur les a placées en activité partielle. Elles le sont toujours. L’hôtel a rouvert le 1er septembre.

Outre leur embauche directe par l’hôtel pour en finir avec le dumping que permet la sous-traitance, leurs revendications portent sur une prime de panier de 7,24 euros par jour, équivalente à celle du personnel recruté directement par l’hôtel, une revalorisation de leurs qualifications, une diminution des cadences, ainsi qu’un paiement réel et décent à l’heure.

« On nous exploite parce que nous sommes noires »

« Sur nos contrats de travail, il y a des horaires, mais, en réalité, nous sommes payées à la chambre, ce qui est illégal », explique Rachel Keke, embauchée en 2003 comme femme de chambre et devenue gouvernante en 2019. « Selon les jours, on doit faire 30 à 40 ou 50 chambres dans la journée, souligne Sylvie Kemissa, une femme de chambre. Si on refuse, si on se plaint, on est mutées. Ce qui nous oblige à faire des heures supplémentaires qui ne sont pas payées. »

Seule la demande d’une pointeuse a été acceptée, en novembre 2019, à la suite d’un contrôle de l’inspection du travail, le 3 août précédent

« Femme de chambre, rappelle Rachel Keke, c’est un métier très dur. Moi, j’ai eu un accident du travail en 2019, en tirant un lit. A force de répéter les mêmes gestes, j’ai eu une tendinite. D’autres souffrent du syndrome du canal carpien, du dos. » Les femmes de chambre sont rémunérées 10,30 euros brut de l’heure. « On nous exploite parce que nous sommes noires, estime Mme Keke. Ils se disent qu’on sait pas lire ni écrire. Et c’est vrai, pour la majorité d’entre nous, qu’on ne connaît pas nos droits. Pourquoi n’y a-t-il presque aucune femme blanche dans notre métier ? » Une plainte pour discrimination raciale est d’ailleurs en préparation.

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LJD

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