Réformer l’entreprise : mission impossible ?

Réformer l’entreprise : mission impossible ?

« L’Entreprise ou la réforme impossible », de Pierre Bourlange, Edilivre, 2019, 300 pages, 27 euros.
« L’Entreprise ou la réforme impossible », de Pierre Bourlange, Edilivre, 2019, 300 pages, 27 euros.

Le Livre. C’est une spécialité qui nous poursuit depuis Turgot. Entre 1774 et 1776, le contrôleur général des finances n’avait pas pu libérer l’économie car ses propositions étaient combattues par la noblesse. Le rapport administratif sur l’économie et les difficultés de la réalisation des propositions de réformes est depuis un genre littéraire à succès : les thèses économiques prennent une place de plus en plus importante dans la production éditoriale.

Le nœud de l’intrigue est, tout au long de ces différents textes, la recherche d’une issue au problème cornélien de la direction d’entreprise, de son animation, de sa pérennité et surtout de l’intégration du citoyen dans l’entreprise, sans priver le patron de son autorité, tout en offrant aux syndicats plus de responsabilités.

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Le succès est garanti, puisque les 16 millions de salariés des entreprises privées sont concernés, et les résultats de vente de ces rapports administratifs ont parfois de quoi faire pâlir nombre d’écrivains de romans, note Pierre Bourlange. « L’attente est forte, mais souvent déçue, car les réformes annoncées peinent à se concrétiser face aux conservatismes », constate pourtant le chercheur associé à l’Idhes (laboratoire Institutions et dynamiques historiques de l’économie et de la société) dans L’Entreprise ou la réforme impossible.

Bloch-Lainé, Attali

Depuis 1936, les tentatives à l’initiative de l’Etat d’organiser, de dynamiser et de réformer les entreprises ont été nombreuses. « Les moments d’une nécessaire réforme sont activés, provoqués par des événements politiques, économiques, sociétaux qui déclenchent une tentative de réforme ponctuée par un rapport intelligent, complet mais souvent sans effet. »

Les principaux moments de cristallisation d’un besoin de réforme ont eu lieu face au fascisme en 1936, à la Libération en 1945 sous l’impulsion du Conseil national de la Résistance (CNR), puis en 1963, date du premier rapport qui fait référence, sous un mode institutionnel, celui de François Bloch-Lainé.

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Les propositions de Jacques Attali, en 2007 et 2010, interviennent avant et après la crise systémique de 2008. Les années 2015-2017 apportent leur lot annuel de réformes sous la direction de Manuel Valls. Si elle a permis des avancées sociales, cette addition de textes donne surtout le « sentiment d’une impossible rencontre entre le patronat, les salariés et l’Etat en faveur de l’entreprise ».

Le modèle du nord de l’Europe

La rapidité des évolutions frappe aujourd’hui les modèles de production et d’organisation mis en place au début du XXe siècle, dans un monde désormais tourné vers la réalisation immédiate du désir. Mais les rapports sociaux n’évoluent pas à la même vitesse qu’Internet. « Les salariés doivent faire face à ces changements contraints, ils se trouvent déclassés du fait de diplômes non adaptés, mais aussi dans l’impossibilité de valoriser un savoir-faire disqualifié. »

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