« La faute d’un dirigeant risque d’impacter plus ou moins sévèrement son entreprise, selon son profil, autoritaire ou prestigieux »
Tribune. L’ex-ministre de la transition écologique et solidaire François de Rugy aura démissionné pour rien : ses dîners étaient aussi professionnels que nécessaires pour tenir son rang de président de l’Assemblée nationale (on ne l’imaginerait tout de même pas commander des plateaux-repas pour ses visiteurs !). Les dépenses pour le logement de fonction étaient aussi justifiées. La pression publique l’aura emporté sur les faits.
Etonnamment, on n’a pas plus évoqué, même au Parlement européen, le CV approximatif de Ursula Von der Leyen qui fit scandale en 2015. On n’a pas évoqué non plus l’implication pour négligence de la future présidente de la Banque centrale européenne, Christine Lagarde, dans l’affaire Tapie. A l’époque non plus, elles ne furent pas inquiétées. Ici, la compétence a pris le dessus face à des « fautes » ambiguës. Là-bas, non.
Selon les cas, la carrière de certains dirigeants s’arrête net pour des écarts qu’on pardonne à d’autres. Lorsque, en 2009, deux candidats de Barack Obama aux postes de secrétaire au Trésor et à la santé furent mis sur la sellette pour des oublis dans leurs impôts, personne ne comprit pourquoi l’un fut nommé (Timothy Geithner) tandis que l’autre (Tom Daschle) dut se retirer.
Diriger en dominant est commun au règne animal
On devient dirigeant par le prestige (en partageant son savoir-faire, ses compétences) ou par la domination (en s’imposant par l’intimidation, par la coercition ou la peur). Diriger en dominant est commun au règne animal (Two ways to the top : Evidence that dominance and prestige are distinct yet viable avenues to social rank and influence. Cheng, J. T Journal of Personality and Social Psychology, 104 (1), 2013). On évite des conflits sans fin pour les ressources, les partenaires sexuels, etc., qui sont d’un coût élevé pour la survie de l’espèce.
Diriger par le prestige est, en revanche, unique à l’homme : une communauté survit mieux en organisant efficacement la diffusion des compétences du plus brillant individu, c’est-à-dire en lui donnant le pouvoir. Les dirigeants populistes, agressifs, à l’éthique douteuse sont un exemple de la voie « domination » pour arriver au pouvoir. Elle a du succès quand les électeurs ont le sentiment de ne plus avoir leur destin en main, en période d’incertitude (mutation technologique, mondialisation). Ils préfèrent un profil autoritaire qui décide pour eux, d’après une expérience menée en 2017 (When the appeal of a dominant leader is greater than a prestige leader Hemant Kakkar and Niro Sivanathan, PNAS, 2017 11).