la bonne santé des stages d’orthographe
Alors qu’on écrit de plus en plus au bureau, les formations « anti-fautes » sont en plein elan. Elles réplique à un tabou.
C’est un collègue qui lui a déclaré : « Fais attention à l’orthographe, la direction est à cheval sur ça, même de la part des informaticiens. » Yacine, 22 ans, a été embauché dans une administration publique comme assistant logistique. Il écrit aussitôt de plus de en plus de courriels, « au moins vingt par jour », et vise toujours sur les accords des participes passés et sur la conjugaison. « Je voyais les petits points qui soulignaient les mots que j’orthographiais mal. Je m’appliquais, mais sans succès. J’ai même pensé à me payer un cours du soir pour progresser. »
C’est que, depuis son BTS de commerce en alternance, plus accoutumé à l’oral ou aux textos écrits en abrégé, Yacine a oublié l’habitude d’écrire. Ses collègues lui ont donc recommandé de faire une demande de formation pour être plus « en adéquation » avec la culture de l’entreprise. Il a demandé les ressources humaines, qui lui ont offert une remise à niveau en orthographe, un stage payé par l’entreprise.
« Nous nous sommes téléphoné, elles se sont baissées, nous nous sommes souri, ils se sont reconnus »…
Comme Yacine, deux autres travailleurs suivent cette après-midi de mars une formation destinée pour les « réconcilier » avec l’orthographe. Dans une salle blanche et impersonnelle de la Grande Arche, à la Défense (Hauts-de-Seine), Yacine, Jessica et Amelle font les exercices d’accord du participe passée. « Nous nous sommes téléphoné, elles se sont baissées, nous nous sommes souri, ils se sont reconnus », des phrases ordinaires mais d’une complexité réelle, et qu’ils doivent accorder convenablement à un rythme soutenu.
Quand l’un d’eux fait une erreur, le formateur le calme : « A ceux qui se sont moqués de vous quand vous leur avez parlé de ce stage, demandez comment ils écrivent “Nous nous sommes téléphoné”, et voyez les réponses. Il n’y a rien de plus dur en français », décalre Bernard Fripiat, un Belge rieur, écrivain, coach en entreprise, acteur de théâtre, l’antimodèle du grammairien académique.
Il a mis au point depuis deux décennie une méthode joueuse pour se réconcilier avec l’orthographe, et anime des stages de remise à niveau pour le compte de l’organisme de formation Demos. Selon lui, « la demande est en pleine croissance ».