Décentralisation des fonctionnaires à la compagne
Devant la crise sociale des « gilets jaunes », Gérald Darmanin vent « déconcentrer » les services de l’Etat des villes vers les zones plus rurales.
Ce pourrait être un passage de sortie du grand débat. Le gouvernement se prépare à larguer une vague de décentralisation de services de l’Etat : d’ici deux ans, un certain nombre d’entre eux seront amenés des grandes villes vers les zones rurales.
La décision a certainement été lancée avant l’action des « gilets jaunes ». C’est en juillet 2018 que le premier ministre, Edouard Philippe, a sollicité au gouvernement de lui faire « les propositions les plus ambitieuses possible pour donner un nouvel élan à la déconcentration ». Mais cette décision pourra présenter fort opportunément comme un message envoyé aux « gilets jaunes » et aux habitants des campagnes qui se sentent isolés.
Depuis l’été, les choses ont avancé, particulièrement à Bercy. En visite dans le Limousin du 20 au 22 mars, Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics, a éclairci aux élus locaux qu’il a aperçus qu’il comptait bien « remettre des agents dans les zones rurales et faire maigrir les grosses métropoles », à débuter par la région parisienne, parce que, dans ces dernières, « il y a peut-être trop d’agents des finances publiques ».
A ce niveau, au moins une « dizaine » de services nationaux seront déplacés. Mais la réflexion est en cours et la liste finale sera probablement plus longue. Plusieurs centaines d’agents seront concernés, au bas mot. « La dématérialisation permet de traiter ici de choses qui se passent à Lille », a déclaré le ministre, en amenant qu’il faudrait au préalable s’assurer que les infrastructures, la fibre optique particulièrement, suivent. De nombreux services sont concernés : il pourrait s’agir, par exemple, des services de facturation, de la publicité foncière, du cadastre ou encore du contrôle fiscal sur pièces…
Cette volonté de rééquilibrage entre villes et campagnes n’est pas nouvelle. Elle a commencé dans les années 1960, mais certains gouvernements en ont fait un axe solide. C’est le cas de celui d’Edith Cresson (1991-1992), qui avait jeté le processus et appuyé le départ de plusieurs milliers de postes vers la province en s’attaquant à des symboles comme l’Ecole nationale d’administration (transférée à Strasbourg).
« Frustration »
Gérald Darmanin, ancien maire de Tourcoing (Nord), invite fréquemment que les écoles nationales des douanes ont été délocalisées, en 1993, de Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine), vers Tourcoing et La Rochelle. « Neuilly-sur-Seine n’avait pas besoin de cela pour avoir des emplois et le loyer coûtait cher », ajoute M. Darmanin. Une décennie plus tard, le gouvernement Raffarin (2002-2005) a poursuivi le mouvement, en amenant notamment le Centre national de documentation pédagogique dans le Poitou. Mais cette décentralisation ne s’était pas bien passée, les agents s’y étant ardemment opposés.