A Saint-Denis, émotion autour de la « mutation-sanction » de six enseignants
Ils sont plusieurs dizaines à avoir bravé la pluie, vendredi 8 avril, devant les locaux des services départementaux de l’éducation nationale (DSDEN) de Seine-Saint-Denis, à Bobigny. Sous une forêt de parapluies, des professeurs de l’école Pasteur, gros établissement de Saint-Denis classée REP +, sont venus avec les parents d’élèves, quelques enfants et des collègues d’autres écoles « en soutien ». Quelques jours plus tôt, six enseignants (sur dix-neuf) de l’école Pasteur ont reçu une convocation à la DSDEN en vue d’une « mutation dans l’intérêt du service ». Ce déplacement contraint n’est pas une mesure disciplinaire, a insisté l’éducation nationale.
Mais l’équipe vit cette décision comme une injustice. Ce sont eux qui – « collectivement », insistent-ils – ont fait remonter les dysfonctionnements survenus dans leur école depuis la rentrée de septembre, marquée par l’arrivée d’une nouvelle directrice. Les enseignants interrogés précisent au Monde qu’il s’agissait, la plupart du temps, de problèmes logistiques et de sécurité imputables à la gestion de l’école.
Dans la foulée de ces signalements, une enquête administrative est diligentée. « On nous a demandé si on faisait les évaluations, mais rien sur les dysfonctionnements qu’on avait fait remonter », insiste une enseignante concernée par la procédure de mutation, qui, comme ses collègues, ne souhaite pas donner son nom. Il est vrai, reconnaissent les responsables locaux du syndicat SNUipp, que l’équipe de l’école est « engagée ». Elle fait partie de celles qui refusent de faire passer les évaluations de CP, « une démarche soutenue par les syndicats », souligne la secrétaire départementale du SNUipp, Catherine Da Silva.
Réputation de militance
A la mi-janvier, les enseignants de Pasteur ont également découvert, dans le journal d’extrême droite L’Incorrect, une enquête titrée « Gauchisme à l’école : le niveau monte », fondée sur le témoignage d’une directrice qu’ils reconnaissent comme la leur. Elle décrit une école noyautée par « un petit groupe de syndiqués SUD » qui « ne respecte pas la hiérarchie ». Selon nos informations, les adhérents de ce syndicat seraient en fait minoritaires, ce qui n’empêche pas l’école d’avoir acquis une solide réputation de militance – voire, selon une source qui ne souhaite pas être citée, d’être une école « qui a inventé ses propres règles ».
« Nous sommes attachés à la décision collective, indique une enseignante. Mais nous avons toujours respecté notre hiérarchie. Ce que cette directrice voulait, c’était se comporter en cheffe, en ne tenant pas compte de nos décisions. » Dans les textes, un directeur d’école n’est – pour l’instant, car le statut pourrait évoluer – pas un chef d’établissement. Il a pour mission d’animer l’équipe éducative, mais n’a pas d’autorité hiérarchique sur les enseignants.
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