Archive dans 2024

Réussir la transformation numérique dépendra surtout de « la capacité des dirigeants d’entreprise à prendre les bonnes décisions pour ne pas se faire distancer »

Depuis que l’apparition de ChatGPT a rendu tangible la puissance de l’intelligence artificielle (IA) et sa capacité de transformation, nombreux sont ceux qui s’inquiètent de son impact sur l’économie et la société. Si cette « intelligence » nous dépasse, un tsunami détruira peut-être nos métiers et nous rendra inutiles. Si, au contraire, nous savons la conduire, elle nous accompagnera vers de nouveaux horizons, comme un copilote complétant notre humanité.

On pense parfois que la réponse à cette question viendra de nos capacités individuelles à nous adapter, et des capacités collectives à nous transformer et à accompagner les perdants de cette transformation.

Prendre les bonnes décisions

En réalité, elle tient surtout à la capacité des entreprises et de leurs dirigeants à prendre les bonnes décisions pour ne pas se faire distancer. Dans le cas contraire, nous risquons une crise similaire à celle que la sidérurgie a connue après la deuxième guerre mondiale et qui a entraîné tant de malheurs dans les régions industrielles françaises comme dans la Rust Belt, la « ceinture de la rouille » des Grands Lacs américains. Mais cette nouvelle « désindustrialisation » toucherait alors le secteur des services, qui sont aujourd’hui le moteur principal de notre économie.

Pour évaluer la situation des données numériques et de l’IA en France, Verian (ex-Kantar Public) et l’Essec Metalab for Data, Technology & Society réalisent depuis 2020, en partenariat cette année avec Claranet, des enquêtes annuelles pour la French Tech Corporate Community, anciennement Mission interministérielle pour les grands groupes. Nous évaluons la perception des métiers, des emplois et des formations par les responsables des activités numériques et des ressources humaines des grandes entreprises françaises. Nous en constatons ainsi les progrès et les faiblesses.

En 2024, ces responsables ont pour la plupart pris la mesure de la révolution en cours : 69 % répondent que l’exploitation et la gestion de la donnée occupent une place centrale ou très importante dans leur activité, soit un gain de 19 points en deux ans. La prise de conscience est enfin généralisée, avec 87 % des répondants affirmant que leurs dirigeants sont très sensibilisés aux enjeux des données numériques (leur collecte, leur analyse et leur gouvernance), et 70 % indiquent que leur entreprise s’est emparée des problématiques de l’IA générative ou ont commencé à mettre des actions en place.

Etonnamment, alors que les responsables se donnent un satisfecit – 39 % pensent être plus avancés que leurs concurrents dans la gestion et l’usage des données, 19 % seulement pensent être en retard –, cette autosatisfaction ne semble pas nécessairement mener à une stratégie clairement définie. En effet, 50 % des entreprises éprouvent encore des difficultés à évaluer leurs besoins de recrutement.

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« Avec la loi pour le plein-emploi, le risque de déstabilisation de l’offre de garde d’enfants est grave »

L’enfer est pavé de bonnes intentions. En voulant créer un service public de la petite enfance et 200 000 places d’accueil supplémentaires pour les enfants, le gouvernement a fait voter une loi qui va déstabiliser la garde d’enfants dans tous les territoires. Nous, maires, présidents d’intercommunalités, élus locaux, appelons le gouvernement à revoir la loi pour ne pas fragiliser un système déjà en difficulté.

Cette loi pour le plein-emploi, plutôt que de répondre aux difficultés du secteur, tente de réorganiser le service public de la petite enfance en obligeant chaque commune à s’en charger. Or, la plupart du temps, les communes ne s’en occupent pas seules : les maires agissent collectivement dans le cadre de leur intercommunalité (communauté de communes, agglomération ou métropole). Ils le font pour mieux répartir l’offre de garde sur le territoire et en améliorer la qualité en mutualisant les moyens. C’est une garantie pour permettre aux familles de tout un bassin de vie d’avoir accès à un accompagnement et à une solution de garde.

Cela, la loi n’en tient pas compte. Conséquence : en 2025, les intercommunalités pourraient se retrouver dans l’impossibilité d’agir en matière de petite enfance et les maires se retrouveront isolés et seuls pour répondre aux demandes des familles et des professionnels. Comble de l’ironie, elles n’auront pas non plus de moyens supplémentaires pour le faire.

Que risque-t-il de se passer en 2025 ? Les maires, en particulier des petites communes, seront incités à concéder le service public de la petite enfance à des acteurs privés à but lucratif. Aujourd’hui, quelques grandes centrales nationales se partagent ce marché. Elles sont plus guidées par la rentabilité que par l’intérêt général et sont souvent plus chères pour les familles. Comment parler dans ce cadre de « service public » comme s’en targuent les ministres successifs chargés des solidarités ?

Un vœu pieux

Le risque de déstabilisation de l’offre de garde d’enfants est grave. Pour le prévenir, les communes et les intercommunalités pourraient devoir délibérer en urgence, avant le 1er janvier 2025, afin de préserver ce qui est déjà en place. Mais, , jusqu’à présent, l’Etat n’a pas su nous expliquer quand, comment et sur quoi ces délibérations devront porter. La loi a été trop mal rédigée et laisse des vides juridiques que les ministères eux-mêmes ne savent pas combler. La colère gronde dans nos communes et dans nos intercommunalités.

Nos politiques de petite enfance sont en danger, et il est urgent de changer la loi. Nos familles ne peuvent pas se payer le luxe d’une désorganisation de la garde d’enfants. N’ajoutons pas du chaos au chaos : une famille sur deux – surtout les plus précaires – ne dispose pas de solution d’accueil, il manque 10 000 professionnels de la petite enfance et 40 % des assistantes maternelles en exercice seront parties à la retraite en 2030. Dans ce contexte, l’objectif du gouvernement de créer 200 000 places d’accueil d’ici à 2030 ne sera qu’un vœu pieux.

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Peut-on porter des claquettes-chaussettes à la DRH ?

En entreprise, il arrive que l’exceptionnel devienne le standard (malheureusement, cette règle ne concerne pas la généralisation du treizième mois à tous les mois de l’année). C’est le cas, par exemple, en matière d’habillement. Connue sous le nom de casual Friday, la décontraction vestimentaire qui, le vendredi, autorisait les salariés à venir sans nœud coulant autour du cou s’est d’abord développée durant les années 1980 au cœur de la Silicon Valley, avant de se massifier.

Symbole d’une mise à mal des vieilles normes, cette décontraction vestimentaire, signe de la prise de pouvoir des ingénieurs informatiques et de leur culture sur le reste de la société, avait d’ailleurs des avantages pratiques : lorsque l’on passe quatre-vingts heures par semaine à coder, mieux vaut être dans un vêtement molletonné, plus pratique qu’un costume étriqué pour improviser une sieste sur un coin de canapé.

Après Steve Jobs, c’est Mark Zuckerberg qui a porté jusqu’à son point d’incandescence ce style informe, faisant exploser tous les codes corporate en matière d’habillement. Tee-shirt invariablement gris, jean pas super bien coupé et claquettes de piscine : ce look typique du gars qui sort les poubelles permet en réalité de ne pas avoir à gaspiller de ressources cognitives inutiles (pff, choisir comment s’habiller, quel intérêt ?) quand on peut les employer à révolutionner nos modes de sociabilité – pas forcément en bien, d’ailleurs. Tout ça pour dire qu’au fil du temps le casual Friday s’est mué en casual everyday (« décontracté tous les jours ») : l’exception est devenue la règle.

Des lignes rouges floues

Les confinements, le travail hybride et les canicules à répétition sont venus affermir ce mouvement qui tend à faire de nous des Big Lebowski d’open space. D’après une étude pour International Workplace Group publiée en août 2023, 50 % des salariés américains portent des sweats à capuche au bureau, 44 % des vêtements transparents et 42 % des jeans troués. Birkenstock, minishort, maillot du Stade brestois, yoga pants : les lignes rouges entre le portable et l’importable sont désormais difficiles à déterminer, variant en fonction de l’entreprise et des circonstances. Passer un entretien d’embauche avec un tee-shirt de Mötley Crüe n’est pas une très bonne idée, mais cela pourra s’avérer bénéfique si vous êtes graphiste ou créatif.

Bien que le look formel traduise encore un statut élevé, la bonne nouvelle, c’est qu’on peut désormais occuper une position hiérarchique avec des Gazelle aux pieds. Mais est-il possible pour autant de venir travailler à la DRH en claquettes-chaussettes ? Si chacun est libre de s’habiller comme il le souhaite, dans la mesure où il arbore une tenue décente, l’employeur peut néanmoins imposer certaines restrictions justifiées par des impératifs de sécurité ou des questions d’image.

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« La Kakistocratie ou le pouvoir des pires » : comment l’incompétence se glisse au sommet des entreprises

S’il a traversé les siècles, c’est en 2018 que le terme « kakistocratie » a été réellement mis en lumière. Aux Etats-Unis, alors qu’un conflit ouvert oppose Donald Trump et l’ex-directeur de la CIA John Brennan, ce dernier écrit à l’ancien président américain : « Votre kakistocratie s’effondre. » Plusieurs articles de presse reprendront par la suite l’expression, jugée particulièrement adaptée à la manière de gouverner de M. Trump.

De quoi la kakistocratie est-elle le nom ? Le recours au grec ancien nous donne la clé : kakistos est le superlatif de kakos, « mauvais », kratos signifie « pouvoir ». La kakistocratie désigne ainsi « la direction par les incompétents ». Dénoncé dans la sphère politique, le phénomène s’observe également dans le monde de l’entreprise. C’est tout l’objet du dernier ouvrage de la chercheuse en sciences du management Isabelle Barth, La Kakistocratie ou le pouvoir des pires (Editions EMS).

Le sujet a été, jusqu’alors, peu étudié par la recherche en gestion, et se révèle difficilement quantifiable. Pour autant, l’autrice, en réunissant de nombreux témoignages, nous donne à voir ses multiples manifestations. Elle propose ainsi une plongée au cœur des organisations, au plus près des collectifs de travail, là où peuvent s’exprimer au quotidien des travers humains qui, souvent, restent méconnus hors des murs de l’entreprise.

Pourquoi des kakistocraties parviennent-elles à se mettre en place dans un monde économique exigeant, dont les acteurs sont engagés dans une course continue à la performance ? Quels sont les biais qui permettent aux incompétents de se hisser au sommet de la hiérarchie ? Mme Barth distingue plusieurs origines à cette « gouvernance par les médiocres ».

Affecte les salariés

Elle se penche tout d’abord sur les critères de recrutement ou de promotion de certaines entreprises, où les corps constitués, les diplômes, voire les « clans » sont parfois privilégiés, favorisant l’entre-soi. Un entre-soi qui peut être également familial. L’autrice évoque ainsi « ces PME où le fondateur ‘‘case’’ peu à peu ses enfants aux différents postes de direction ». Autre faille, dans la fonction publique, où « on évolue par concours, sur des critères qui n’ont rien à voir avec les exigences des postes », note Léo, agent de l’administration publique cité dans l’ouvrage.

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Isabelle Barth dénonce également l’attitude de décideurs qui vont influer sur les mobilités internes pour pallier leur propre incompétence. La « trappe à compétents » est un classique du genre, note-t-elle : « Un chef de service, un manager (…) va garder à tout prix dans son équipe l’expert, l’hypercompétent, favorisant la promotion des moins compétents. » Leïla, qui travaille dans le secteur de la recherche, confirme : « Je suis plantée depuis des années à une fonction sans avenir car je porte le service à bout de bras. Mon patron le sait bien, et il me bloque. » Autre biais : la peur de la concurrence. Le manager va « s’entourer de ‘‘moins bons’’ qui ne feront pas d’ombre » et qui, parfois, lui seront redevables.

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Le pari de Beaumanoir qui reprend Quiksilver et six autres marques de vêtements de glisse en difficulté

L’empire familial continue de grossir. Sept marques du spécialiste des sports de glisse Boardriders passent sous le contrôle du français Beaumanoir (La Halle, Cache Cache, Bonobo, Caroll…) pour une durée de quinze ans dans « vingt pays » de l’Europe de l’Ouest, précise la direction du groupe.

Si Quiksilver, Billabong, Roxy, DC Shoes, Element, RVCA et VonZipper restent la propriété du groupe américain Authentic Brands Group, leur exploitation sera désormais assurée par le géant breton. Validé par l’Autorité de la concurrence, l’accord signé mardi 4 juin et communiqué mercredi 5 juin, prévoit que Beaumanoir gère « le design des pièces, la production et la distribution » de ces marques de glisse en Europe de l’Ouest.

Une bonne nouvelle entachée par un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) qui vise à supprimer les postes de 164 collaborateurs au siège de Saint-Jean de Luz (Pyrénées-Atlantique). Cette opération « menée directement par Boardriders », souligne Beaumanoir, prévoit également la création de 44 emplois. « Il y a 120 postes nets supprimés », calcule la direction, avant de préciser que « l’ensemble des emplois en magasins est sauvegardé », soit un millier de postes. L’entreprise bretonne, qui emploie 15 000 personnes dans le monde, insiste sur l’absence de lien entre ce PSE et les « négociations avec le Groupe Beaumanoir ».

Plusieurs plans sociaux

Le siège de Boardriders Europe, qui compte aujourd’hui 563 employés, restera à Saint-Jean-de-Luz, au Pays basque, dans ses locaux historiques. Il ne « sera pas rapatrié à Saint-Malo » (Ille-et-Vilaine) où Beaumanoir est basé, a promis son patron.

A Saint-Jean de Luz, commune réputée pour son bassin d’emploi dans le secteur de la glisse, le maire Jean-François Irigoyen qualifie le rachat des marques d’« un mal pour un bien ». Depuis plus de dix ans, la société a été éprouvée par plusieurs plans sociaux, sans jamais réussir à redresser la barre. Après 38 suppressions de postes en 2013, elle a subi un nouveau plan de restructuration en 2016, puis 136 licenciements en 2019. Plus récemment, la perte nette de Boardriders a plongé, passant, d’après le site d’information financière sur les entreprises Pappers, de 4 millions d’euros en 2022 à 112 millions d’euros en 2023.

« Nous sommes passés par une période très compliquée, de 2016 à 2023, a résumé Nicolas Foulet, président de Boardriders pour la zone Europe au quotidien Sud-Ouest. On s’est recroquevillé sur nous-mêmes. Avec le groupe Beaumanoir, on va réinvestir les centres-villes que nous avions quittés. »

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« La discrimination envers les immigrés prive les économies de bienfaits potentiels en matière d’innovation »

Sur l’intégration des migrants, deux grands modèles s’opposent. L’un préconise l’assimilation culturelle, tandis que l’autre, prévalant plus souvent dans les pays anglo-saxons, est plus tolérant aux différences culturelles et ne se soucie guère des signes extérieurs de religion ou de culture. De ces deux modèles, lequel est le plus efficace sur le plan économique ?

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L’attitude des populations hôtes vis-à-vis des migrants n’a pas seulement un coût social et psychologique pour les migrants, elle présente aussi un coût économique important. Un coût économique pour les migrants, bien évidemment, aussi bien sur le marché de l’emploi, où ils peuvent se voir refuser une embauche, que sur le marché du logement, où la discrimination de certains bailleurs envers les immigrés augmente le coût de leur accès au logement.

Mais la discrimination a aussi un coût pour l’économie tout entière parce qu’elle génère de l’inefficacité économique. En empêchant les migrants d’occuper des postes pour lesquels ils sont pourtant qualifiés, elle prive les économies de bienfaits potentiels en matière d’innovation, par exemple. En contraignant au chômage des individus pourtant parfaitement qualifiés pour des emplois à pourvoir, elle renchérit le coût du travail, et donc l’inflation, tout en faisant peser l’indemnisation du chômage sur les finances publiques.

Mesure de l’hostilité locale

Que coûtent à l’économie les attitudes hostiles des populations locales ? L’intégration culturelle des migrants mène-t-elle automatiquement à leur intégration économique ? Pour répondre à ces questions, trois chercheurs ont étudié la vague d’immigration de 1,6 million de réfugiés, principalement syriens, irakiens et afghans, entrés en Allemagne entre 2015 et 2018 (« Scared Straight ? Threat and Assimilation of Refugees in Germany », Philipp Jaschke, Sulin Sardoschau et Marco Tabellini, NBER Working Paper, nᵒ 30381).

Les auteurs mesurent l’hostilité locale de la population par un indice incluant le nombre d’attaques contre des mosquées, le nombre de manifestations d’extrême droite, le vote pour des partis d’extrême droite, des données d’enquêtes mesurant les attitudes vis-à-vis des migrants, le nombre de mariages entre Allemands et migrants, ainsi que des mesures historiques de xénophobie (pogroms antijuifs et part du vote pour le Parti nazi en 1933).

Pour mesurer l’intégration culturelle, les auteurs comparent les réponses de 8 000 migrants et de 30 000 natifs dans plusieurs vagues d’enquêtes d’opinion entre 2016 et 2018. Selon les auteurs, des réponses plus similaires entre migrants et natifs au fil du temps sur des questions portant sur la possibilité de faire confiance aux gens, la nécessité de se venger ou, au contraire, de retourner une faveur, l’intérêt pour la politique, mais aussi le type et la quantité de loisirs consommés, suggèrent une convergence culturelle. L’intégration économique est, elle, plus simplement mesurée par les différences en matière d’emploi et de salaire.

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Pacte de la vie au travail : après leur brouille, les partenaires sociaux reprennent le dialogue dans une ambiance glaciale

Rétablir le son et l’image. Lundi 3 juin au soir, les dirigeants des huit principales organisations d’employeurs et de salariés se sont réunis au siège de Force ouvrière (FO), à Paris, pour essayer de renouer les fils du dialogue, presque deux mois après avoir échoué à conclure « un nouveau pacte de la vie au travail ». Si le rendez-vous s’est bien passé, selon le témoignage de plusieurs participants, le redémarrage des discussions s’avère tout de même laborieux. La brouille du mois d’avril – avec, au cœur des discussions, le thème-clé du compte épargne-temps universel (CETU) – a laissé des traces entre représentants des travailleurs et des chefs d’entreprise, mais aussi au sein même du patronat.

« Il était important que nous nous reparlions », résume Patrick Martin, le président du Medef. Les échanges de lundi soir « ont été francs et directs », poursuit son homologue de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), François Asselin. Une litote pour suggérer que les protagonistes se sont dit leurs quatre vérités, « après la séquence pas très glorieuse autour du “nouveau pacte de la vie au travail” ». L’issue infructueuse des pourparlers, le 10 avril, « m’avait donné la gueule de bois durant plusieurs jours et je l’ai dit, lundi soir, aux interlocuteurs patronaux », complète Frédéric Souillot, le numéro un de FO.

La rencontre entre partenaires sociaux a donc permis de faire le point sur ce revers. « Mais je ne suis pas certaine que tout le monde en tire vraiment les mêmes enseignements », confie Marylise Léon, secrétaire générale de la CFDT. « Tout le monde prétend avoir été attaché à ce qu’un accord aboutisse, mais tout le monde n’a pas accompli l’effort nécessaire pour que ce soit le cas », juge-t-elle, en ciblant implicitement le Medef et la CPME. Cyril Chabanier, le président de la CFTC, pense, lui, que « c’est collectivement que nous n’avons pas été bons ». Un avis partagé par M. Asselin.

Exclu de « repartir sur les bases actuelles »

La manière dont ont été menées les tractations est elle-même remise en question, notamment du côté syndical. « Il y a eu un problème de pilotage », considère le président de la CFE-CGC, François Hommeril, en regrettant que le patronat n’affiche pas de « mandat clair pour négocier » et ne fasse « aucune concession ». Pour M. Chabanier, il n’est plus possible d’avoir des discussions « qui durent cinq mois, dont quatre où il ne se passe rien ». Il exhorte chacun de « se dire les choses tout de suite » : « Ça nous fera gagner du temps et de l’énergie. »

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JO 2024 : les entreprises partenaires veulent profiter de l’événement pour souder leurs troupes

Elle a encore des étoiles plein les yeux. Le 13 mai, Feten Ben Amor, salariée de Sanofi, a porté la flamme olympique sur le parcours de Millau, dans l’Aveyron. Elle fait partie des dix mille porteurs de flamme – dont 294 salariés de Sanofi – qui traversent la France du 8 mai jusqu’au 26 juillet. « C’était franchement incroyable, extraordinaire, magique !  », s’enthousiasme la jeune femme. « Pendant mon relais, j’ai eu le sentiment d’être dans un monde parallèle. L’émotion monte, les battements de cœur s’accélèrent », raconte-t-elle, reconnaissante à son entreprise de lui avoir permis de vivre un moment d’une telle intensité.

Car, au-delà de la visibilité mondiale offerte aux produits et aux services des entreprises partenaires, « les Jeux olympiques [JO] sont une aubaine pour fidéliser les salariés et créer du lien autour d’un sujet positif et plutôt consensuel », explique Julien Pierre, maître de conférences à la faculté des sciences du sport de Strasbourg.

« Nous souhaitons faire vivre une expérience exceptionnelle à nos collaborateurs et renforcer la cohésion interne à travers le sport, confirme Eve Zuckerman, directrice des partenariats Paris 2024 pour le groupe Carrefour. Nous voulons faire des Jeux un projet d’entreprise pour tous. D’ailleurs, notre slogan officieux est “ce sont vos Jeux”. » Ce partenariat est une première pour l’enseigne de grande distribution, qui compte 150 000 salariés en France.

« Notre partenariat n’a pas d’enjeu marketing ou commercial, précise quant à lui Mathieu Giraud, responsable du partenariat Paris 2024 chez Sanofi. Notre objectif est de mobiliser l’interne et de faire de l’événement un relais d’engagement grâce aux valeurs des JO et du sport : résilience, performance, diversité, équité et inclusion. » Carole Sottel, DRH de la Caisse d’épargne Ile-de-France, dit regretter « le prisme trop souvent anxiogène quand on parle des JO. Ne boudons pas notre plaisir. C’est un événement rare dont il faut faire un moment de fête et de fierté pour nos salariés ». Un sentiment qu’elle illustre à travers le Belem, le trois-mâts de la Fondation Caisse d’épargne, qui a transporté la flamme olympique d’Athènes à Marseille.

Organisation de jeux dans les Jeux

Volontaires, relayeurs de la flamme, marathoniens, équipiers ou spectateurs, les entreprises partenaires multiplient les possibilités de participation : « En tout, ce sont plus de 8 000 salariés de Sanofi qui sont impliqués dans les Jeux [l’entreprise compte 80 000 salariés dont 20 000 en France], précise Mathieu Giraud. L’engouement est fort, et le programme très fédérateur. » Chez Carrefour, 3 500 candidatures ont été déposées pour 500 places de volontaires. Sept cents salariés sur les 4 500 de la Caisse d’épargne Ile-de-France sont directement impliqués dans les Jeux.

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La place des seniors en entreprise reste à inventer

Carnet de bureau. Peut-on refonder le contrat social ? Les réformes des retraites ont augmenté le taux d’emploi des seniors : un nombre significatif de seniors partent plus tard qu’initialement prévu, tandis que les générations suivantes deviennent seniors à leur tour.

Depuis 2010, le taux d’emploi des 55-59 ans et des 60-64 ans n’a cessé de progresser. Comme la réforme de 2010, celle de 2013, en repoussant l’âge de départ à la retraite de 62 à 64 ans, produira probablement le même effet. La note de l’Urssaf publiée le 31 mai indique que 107 100 postes ont été créés en un an dans la catégorie des 55 ans ou plus, un chiffre en hausse de 3,2 %.

Le maintien en emploi des seniors est un objectif politique régulièrement rappelé dans les études de suivi des politiques publiques, comme dans une note, publiée en 2022 par l’Institut Montaigne, en préambule de la réforme des retraites. Elle liste les leviers à actionner pour se rapprocher du taux d’emploi des autres pays de l’Union européenne (62,4 % en moyenne, contre 56,9 % en France). Car le report de l’âge de départ à la retraite ne suffit pas à maintenir en emploi. Toutes les conditions de travail et tous les métiers ne favorisent pas l’emploi durable. Et, une fois qu’ils sont sortis de l’entreprise, l’âge freine sérieusement le retour des seniors au salariat.

Les entreprises sauront-elles éviter les incitations aux départs collectifs des seniors ? Depuis cinquante ans, elles n’ont pas su le faire. Aux mécanismes de préretraite des années 1970 ont succédé les plans de départ sous diverses formes dans les années 1980 puis 1990, jusqu’au plus récent, l’accord sur les fins de carrière (notamment des cheminots) signé le 22 avril par la SNCF – au grand dam du ministre de l’économie, Bruno Le Maire, qui y voit un contournement de la réforme des retraites.

« Poursuivre en free-lance »

Pourtant, le Club Landoy dédié à la « révolution démographique » veut y croire. Fondé en 2019 par Sibylle Le Maire (sœur cadette du ministre), il annonçait, le 29 mai, avoir réuni 136 entreprises signataires d’une charte d’engagement envers leurs collaborateurs et collaboratrices de 50 ans et plus, ainsi que la création d’un index senior. « Il faut un choc de prévention. Chacun doit se demander ce que veut dire vivre jusqu’à 100 ans », déclare la fondatrice.

La question qui se pose est : quelles entreprises sont prêtes à s’engager réellement au maintien des seniors en emploi et comment ? « Celles qui n’ont pas le choix, car elles sont confrontées à des besoins de compétences non couverts, beaucoup de PME, d’ETI », répond Sibylle Le Maire, qui, dans le même temps, reconnaît qu’« aujourd’hui le Club [Landoy], ce sont de grandes entreprises publiques et privées ». Mais des start-up aussi. « Ça s’imposait, dans cinq ans la moitié de notre comité exécutif aura plus de 50 ans », avance Vincent Huguet, cofondateur, avec Hugo Lassiège, de Malt, une plate-forme d’emploi qui aide les entreprises à trouver des free-lance pour développer leurs projets.

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