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Une bergère obtient la reconnaissance de sa fracture en accident du travail après un an de procédure

Un troupeau de moutons près du col du Glandon, dans les Alpes françaises, le 21 août 2018.

C’est un cas représentatif des conditions de travail de certains travailleurs ruraux, en particulier les bergers, souvent contraints d’arriver sur le lieu de leur contrat avant que celui-ci démarre. Dès lors, qui est responsable si une blessure survient à ce moment-là ? « Il s’agit d’un accident de vie privée », s’est d’abord vu répondre J. par la sécurité sociale agricole (MSA) des Alpes-du-Nord, le 31 août 2023. La bergère espérait pourtant voir la fracture de sa cheville, survenue deux mois plus tôt en arrivant sur son lieu de travail, un alpage de Haute-Savoie, reconnue comme accident du travail.

Lire l’enquête | Article réservé à nos abonnés Les morts au travail, une hécatombe silencieuse en France

Son employeur l’avait convoquée la veille du début de son contrat d’un mois. Du village le plus proche à la cabane qui devait lui servir de logement de fonction, il faut compter quarante minutes de route sur une piste très escarpée, praticable uniquement avec le véhicule tout-terrain de l’employeur. Ils ont rendez-vous dans l’après-midi pour y monter ensemble, acheminant du même coup le matériel et les vivres nécessaires, avant l’arrivée des brebis, le lendemain.

Mais voilà que la trentenaire se blesse en arrivant sur l’alpage, dès sa descente du véhicule. Diagnostic, posé par un certificat médical le jour même, en date du 3 juillet 2023 : « Fracture luxation trimalléolaire », soit une triple fracture au niveau de la cheville et du tibia, entraînant une interruption temporaire de travail de quatre-vingt-dix jours.

« Travail dissimulé »

Seulement le contrat de travail, lui, ne démarre que le lendemain, le 4 juillet. Quand elle reçoit la déclaration d’accident du travail, la MSA signifie donc en deux lignes à la salariée son refus de prise en charge au titre d’un accident du travail d’une blessure survenue la veille du début officiel de son activité. La mutuelle précise cependant la possibilité de contester cette décision devant la commission de recours amiable.

C’est ce que va faire la jeune femme, avec l’aide précieuse de la CGT qui, dans deux courriers à la commission, va faire valoir « des éléments de contextes déterminants quant aux conditions de prise de poste des bergers d’alpage », estimant le cas de J. « loin d’être isolé ».

« Dans l’écrasante majorité des cas, les bergers sont contraints de travailler un ou plusieurs jours avant le début de leur contrat de travail, donc sans rémunération ni protection sociale », écrit le syndicat des gardiens et gardiennes de troupeaux CGT, qui dénonce la « généralisation » de ce « travail dissimulé ». Cela, pour prendre connaissance de la montagne « en vue de l’établissement d’un plan de pâturage », installer « le matériel de contention » des bêtes, remettre en fonction les équipements essentiels (eau, électricité), prendre possession des lieux en y apportant ses affaires…

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En France, du mieux sur le front de la productivité

Devant l’une des agences de France Travail (anciennement Pôle emploi), à Paris, le 19 septembre 2024.

L’économie française ne réserve pas que de mauvaises surprises. Au contraire de la situation budgétaire du pays, qualifiée de « très grave » par le nouveau premier ministre, Michel Barnier, la productivité horaire, mise à mal par la pandémie de Covid-19, semble donner quelques signes de rétablissement.

Sur douze mois, entre le deuxième trimestre 2023 et le deuxième trimestre 2024, cette donnée, qui mesure la valeur ajoutée produite en fonction du nombre d’heures travaillées, a progressé de 1,3 %, indique Eric Heyer, directeur du département analyse et prévision de l’Observatoire français des conjonctures économiques. Un « rythme bien supérieur à celui de l’avant-crise ». Les années précédant la crise sanitaire, la productivité croissait, en effet, d’environ 0,9 % par an.

La crise liée à la pandémie, avec les confinements et autres arrêts de production industrielle, puis les désordres d’approvisionnement liés à la guerre en Ukraine ont fait chuter la production. Or, dans le même temps, le marché du travail, soutenu par le chômage partiel, les aides aux entreprises et le fait que les sociétés conservent leurs effectifs en attendant la sortie de crise, a permis de soutenir les créations d’emplois. L’apprentissage, de son côté, poursuivait son essor.

Inexplicable

Entre fin 2019 et le deuxième trimestre 2024, l’économie nationale a gagné 1,1 million d’emplois. Beaucoup plus que ce qu’on aurait obtenu si la productivité était restée la même qu’avant la crise : l’économie n’aurait dû gagner « que » 129 000 emplois supplémentaires. Soit, résume M. Heyer, 980 000 emplois « de trop » par rapport à la croissance du pays.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés La chute de la productivité en France, un mystère et des conséquences

A la sortie du Covid-19, le bilan était inquiétant : les économistes chiffraient les pertes de productivité à 5 % environ sur la période comprise entre mi-2019 et mi-2023. Une partie de cette baisse s’explique par la « rétention » de main-d’œuvre, l’apprentissage et la baisse de la durée du travail, mais une autre partie est inexplicable, selon les économistes. Elle correspondait à 480 000 créations d’emplois.

Cependant, ce chiffre a été révisé à la baisse : « Selon les comptes nationaux publiés en mai, le produit intérieur brut a été un peu supérieur à ce qui avait été initialement évalué par l’Insee, et on a eu plutôt moins de créations d’emplois », explique Matthieu Lemoine, économiste à la Banque de France. « Au total, pendant cette période, la productivité s’est donc moins dégradée que ce que l’on pensait. »

La partie « inexpliquée » ne représente plus que 285 000 emplois, concentrés dans deux secteurs, l’industrie pour 200 000 emplois environ, et la construction. Cette situation devrait être transitoire : « Lorsque l’activité va répartir ces branches, ces entreprises vont utiliser cette main-d’œuvre disponible et n’auront pas à embaucher », explique Eric Heyer. Et ce « surplus » d’emplois sera alors résorbé.

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Les repentis de la reconversion professionnelle : « On s’attend à vivre une autre vie, mais la désillusion est totale »

Stéphanie plaque tout en 2021. A l’approche de la cinquantaine, elle envoie valser son boulot de fonctionnaire et ses vingt-huit ans de mariage. « J’ai lancé mon divorce en même temps que ma rupture conventionnelle », plaisante la Rémoise, qui préfère garder l’anonymat. Cette mère de deux enfants quitte son emploi aux ressources humaines payé au smic, laissant les désaccords avec sa hiérarchie sur son bureau. « Ma cheffe me harcelait et j’avais envie d’un métier artistique. Par exemple, tatoueuse ou fleuriste. Je souhaitais un job passion qui me donne la force de me lever le matin ! », résume cette quinquagénaire touche-à-tout. Son CAP de fleuriste en poche, l’apprentie découvre peu à peu l’envers du décor : des patrons maltraitants, des tâches répétitives et une précarité grandissante.

A plusieurs reprises, les enseignes lui claquent la porte au nez. « Tous les bons postes étaient pris, et ceux qui restaient se trouvaient dans des grosses chaînes avec beaucoup de turnover », confie-t-elle. Dès qu’elle décroche un contrat, les missions se résument aux livraisons, à la manutention et au ménage. « En entretien, un employeur me disait qu’il fallait réceptionner les colis des clients sur notre pause déjeuner. Je lui ai répondu que je n’étais pas postière ! », s’emballe la Champenoise au caractère bien trempé.

Celle qui voulait « toucher de la fleur » et « confectionner des bouquets » enchaîne les déconvenues. Elle cherche maintenant à récupérer son ancien métier. « Ce n’est pas facile, car j’ai un gros trou dans mon CV », soupire Stéphanie, qui vit avec 580 euros mensuels d’allocation de solidarité spécifique. Regrette-t-elle sa bifurcation ? « J’essaie de le prendre bien, en me disant que c’était une expérience. »

Difficile d’admettre l’échec quand on est inondé de récits positifs sur les changements de vie. Sourire aux lèvres, tradeurs et assureurs expliquent dans les médias comment ils ont troqué leur costume contre une blouse ou un tablier. « Déjà, dans les années 1990, on parlait de ces cadres qui plaquaient tout pour ouvrir des chambres d’hôtes. Chaque époque a ses stéréotypes et, maintenant, on a rajouté une dimension écologique », souligne Jean-Laurent Cassely, journaliste et essayiste qui écrit sur les modes de vie. Si ce phénomène n’est pas nouveau, il n’est plus, selon lui, réservé aux cols blancs : « C’est devenu courageux de suivre sa passion. Et cette injonction au bonheur dans le travail, si elle existe depuis longtemps dans les classes privilégiées, se diffuse dans toute la société. »

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Le Rassemblement national veut interdire l’embauche d’un étranger en cas de candidature d’un Français

La cheffe de file des députés du Rassemblement national (RN), Marine Le Pen, lors de la rentrée des parlementaires RN, à Paris, le 14 septembre 2024.

Réserver les emplois aux Français : la promesse figure en bonne place dans le programme du Front national, devenu le Rassemblement national (RN), depuis plus de quarante ans. « Un million de chômeurs, c’est un million d’immigrés de trop ! La France et les Français d’abord ! », affichaient, dès 1978, les troupes de Jean-Marie Le Pen. Sa fille Marine a, depuis, pris les rênes et renommé le parti d’extrême droite, sans renoncer à l’application de la « préférence nationale » au monde du travail. « Le Français est chez lui, justifiait-elle, en 2021. Il faut permettre aux employeurs de donner en priorité accès à l’emploi à un Français. »

Si le RN propose cette mesure de longue date, jamais la discrimination à l’embauche n’avait été aussi explicitée par ses promoteurs que lors de la rentrée 2024. Le fascicule programmatique du RN destiné aux entreprises, présenté le 14 septembre, ne se contente pas de rappeler un principe : « Appliquer la priorité nationale, à compétences égales, pour l’ensemble des postes à pourvoir en France. » Le document en précise les modalités d’application, à destination des employeurs : « Il sera nécessaire d’inscrire la nationalité parmi les critères de choix d’un candidat, sachant que la règle de nationalité s’applique déjà dans une large part de la fonction publique d’Etat. » Le RN précise dans sa brochure que l’embauche d’étrangers ne serait « naturellement » pas interdite s’agissant d’« étrangers présentant des compétences rares et nécessaires à la prospérité de l’économie française ».

En 2017, Marine Le Pen comptait favoriser le recrutement des Français par la création d’une « taxe additionnelle sur tout nouveau contrat d’employé étranger ». Une idée reprise dans une proposition de loi déposée en janvier par le député de l’Oise Alexandre Sabatou, signée par la quasi-totalité des parlementaires RN, visant à majorer les cotisations patronales afférentes au contrat de travail d’un étranger, hors ressortissant de l’Union européenne (UE).

Logique inversée

Le parti d’extrême droite ne vise désormais plus la dissuasion, par l’augmentation du coût de travail d’un extracommunautaire, mais la contrainte, par l’insertion d’un critère de nationalité à l’ouverture de chaque emploi privé. « A compétences égales, l’employeur devra recruter le Français plutôt que l’étranger », résume Jean-Philippe Tanguy, auteur du programme économique. Le député de la Somme confirme le caractère obligatoire de la « priorité nationale ». Le Français s’estimant lésé lors du recrutement bénéficierait d’une forme de « droit opposable ». « L’administration ne fera pas d’enquête sur chaque embauche, précise le parlementaire. Mais une personne pourra saisir la justice pour discrimination si elle juge qu’un étranger a été injustement recruté à sa place. L’employeur devra prouver qu’aucun Français ne s’est proposé. »

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Amazon revient sur le télétravail, à contre-courant des entreprises françaises

« En observant ces cinq dernières années, nous continuons de penser que les avantages d’être tous ensemble au bureau sont importants », a écrit Andy Jassy, PDG d’Amazon, dans un message interne diffusé lundi 16 septembre. A partir du 2 janvier 2025, les 300 000 employés des services administratifs du géant du e-commerce, qui pouvaient jusqu’alors télétravailler deux jours par semaine (contre trois avant 2023), ne le pourront plus du tout.

« Même nos manageurs n’étaient pas au courant », réagit un salarié français d’une filiale étrangère du groupe. « C’est une mesure drastique, difficile à comprendre sur le plan environnemental et social. Des collègues seniors qui habitent très loin de leur lieu de travail commencent déjà à regarder ailleurs. » « Cela va pousser certains à faire des sacrifices − plus de temps dans les transports, de longues journées − et cela risque de mener à des surmenages encore plus intenses », s’inquiète une autre salariée française, aux Etats-Unis.

Le géant américain n’est pas le seul à serrer la vis sur le travail à distance : début septembre, le cabinet de conseil PwC a enjoint à ses 26 000 salariés au Royaume-Uni de passer au minimum trois jours par semaine au bureau ou chez leurs clients à partir de janvier 2025. Trois jours par semaine au bureau, c’est aussi ce qu’a imposé Ubisoft, l’entreprise de jeux vidéo, à ses 18 000 salariés, mardi 17 septembre.

En France, renégocier sans réduire

Ce recul du télétravail est visible dans les entreprises internationales qui cherchent à réguler une pratique qui s’est approchée, aux Etats-Unis, du 100 % télétravail. En France, la pratique du travail à distance est moins ancienne et s’est surtout formalisée à la suite de la crise sanitaire due au Covid-19, avec des chartes ou des accords d’entreprise. Selon l’Institut national de la statistique et des études économiques, 18,8 % des salariés français ont télétravaillé au moins un jour par semaine en 2023. Deux jours par semaine est le rythme le plus fréquent.

Les entreprises qui avaient signé un accord triennal en 2021 sont pour certaines en train de faire leur bilan et de le renégocier. « Ça n’évolue pas dans une logique de réduction, mais plutôt de pertinence de l’organisation pour mettre fin à un système parfois pas très clair, affirme Benoît Serre, vice-président de l’Association nationale des directeurs des ressources humaines et DRH du Boston Consulting Group. Certaines entreprises interdisent de l’accoler aux vacances, ou attribuent aux salariés un nombre de jours par semestre plutôt que par semaine pour mieux s’organiser. »

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La Fédération des intervenants en risques psychosociaux a recensé près de 250 enquêtes de harcèlement en 2023

247 : c’est le nombre d’enquêtes sur le harcèlement sexuel et moral diligentées en 2023 par des membres de la Fédération des intervenants des risques psychosociaux (Firps) à la demande des directions d’entreprise ou des comités sociaux et économiques (CSE), a révélé le 17 septembre, la fédération qui publiait ce jour son guide des bonnes pratiques pour gérer les situations de harcèlement (« Faire face aux situations de harcèlement. Retours d’expérience, repères méthodologiques et recommandations »).

Tout concourt à l’inflation du phénomène : la médiatisation des affaires qui crée un effet #metoo, les campagnes de prévention qui mettent au jour de nouveaux cas, la mise en place dans les grandes entreprises de cellules d’écoute qui contribue à libérer la parole, sans oublier la loi du 17 janvier 2002 qui a fait entrer le harcèlement moral dans le code du travail.

Plus récemment enfin, le législateur a soutenu cette inflation, analyse François Cochet, le président de la Firps. D’abord, par le plafonnement des indemnités prud’homales (le « barème Macron » de 2017), car il « incite certains plaignants à invoquer le harcèlement » dans la mesure où « sa reconnaissance par le tribunal permet d’échapper au barème ».

Réseau d’alerte

Ensuite, les ordonnances réformant le code du travail ont fusionné et centralisé les instances représentatives du personnel sous prétexte de simplifier le dialogue social.

Mais, ce faisant, « certaines entreprises ont été privées d’un réseau d’alerte au plus près du terrain ». Composé de délégués du personnel sur site, ce réseau faisait remonter les problèmes aux services des ressources humaines qui pouvaient intervenir avant que les choses ne s’enveniment. Les DRH doivent désormais s’en passer, tout comme des responsables RH de proximité dont le nombre a été, par ailleurs, réduit chez certains employeurs.

Lire aussi | Article réservé à nos abonnés « La notion de harcèlement moral s’est galvaudée avec le temps »

Conséquence de cette double attrition, selon la Firps ? Les organisations n’ont plus les moyens de traiter dès leur émergence les difficultés exprimées par les salariés ou les manageurs. « Or l’absence de solutions rapides aggrave des difficultés parfois mineures et les revendications qui en découlent finissent par s’exprimer avec le vocabulaire du harcèlement », poursuit François Cochet.

Dans ce contexte, la Firps entend avec son guide aider les parties prenantes (employeurs et représentants du personnel) à affronter des situations de harcèlement plus nombreuses et complexes.

Des entretiens de qualification

Les employeurs doivent en effet prendre garde à ne pas lancer prématurément d’enquêtes ciblées. « Un harcèlement peut en fait renvoyer à d’autres problèmes liés au management, à l’organisation du travail, à des conflits interpersonnels… », rappelle Isabelle Tarty, vice-présidente de la Firps. Les trois quarts des demandes d’enquêtes qui leur sont faites ne réunissent pas les critères constitutifs du harcèlement sur le plan juridique (répétition, impact sur la santé, atteinte à la dignité…).

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« Il est encore possible de transformer les hôpitaux en des lieux attractifs où il fait bon travailler »

Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), il manquerait en Europe quelque 1,8 million de professionnels de santé. Une pénurie alarmante, qui affecte non seulement la qualité des soins mais aussi la satisfaction et la rétention des équipes médicales et soignantes.

De fait, les établissements de santé européens sont aujourd’hui à la croisée des chemins, pour ne pas dire à un point de rupture… et ce n’est pas seulement une question de financement.

L’étude menée récemment par BearingPoint dans six pays européens auprès de directeurs d’établissements et d’un panel de trois cents professionnels de santé le confirme : le problème réside aussi dans des organisations et une culture managériale souvent obsolètes qui doivent être reconsidérées, tant elles s’avèrent incapables d’attirer et de retenir les jeunes professionnels de santé.

Même les étudiants animés d’une forte vocation hésitent désormais à s’engager dans des études longues et exigeantes, et redoutent de se retrouver dans des structures où la charge de travail est écrasante et les méthodes de management archaïques.

Engagement et autonomie

Pourtant, des solutions existent, qui ont déjà prouvé leur efficacité. Au vu des enjeux, il est donc grand temps de s’inspirer de ces initiatives pour transformer nos hôpitaux en profondeur.

En France, le centre hospitalier de Valenciennes (Nord) implique désormais les pôles et services médicaux dans 90 % des processus de gestion de l’établissement, avec pour effet de renforcer leur engagement et leur autonomie. De fait, longtemps frustrés par un management jugé trop centralisé, les professionnels de santé trouvent dans cette nouvelle approche l’opportunité de participer activement aux décisions qui affectent leur travail au quotidien, comme des recrutements ou des achats.

Ce modèle de gouvernance décentralisé répond donc mieux aux besoins des patients tout en valorisant les compétences du corps médical et soignant, avec à la clé un environnement de travail plus motivant et collaboratif. Cela semble une évidence, mais ce qui devrait être la règle fait encore figure d’exception.

La collaboration avec les patients reste aussi clé dans l’amélioration de l’engagement des professionnels de santé, car elle permet d’assurer un bon alignement entre leurs valeurs et la culture de l’organisation.

Equilibre entre vies professionnelle et privée

Ainsi, les Hôpitaux universitaires de Genève ont mis en place le « programme 3P » (Patients, Professionnels et Grand Public) pour développer une culture partenariale dans l’ensemble des projets de transformation organisationnelle et technologique. Le projet place le patient au cœur des innovations de l’établissement. Il se sent alors pleinement acteur de son parcours de soins, et les soignants trouvent là un sens renouvelé à leur mission.

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Qui sont les « slasheurs-cueilleurs », qui alternent réunion Teams le matin et récolte de courgettes l’après-midi ?

Une fois retrouvée la routine du bureau, il arrive que l’on se sente comme un plant de tomates en mal de photosynthèse. Ce qui nous manque, même confusément, ce n’est pas tant le farniente et le spritz de 16 heures que le contact avec la nature, ce sentiment de faire partie d’un tout vibrant que les univers climatisés rendent parfois difficile à éprouver. On se plaît alors à rêver, en se disant que l’on se lancerait bien dans le maraîchage ou l’élevage de chèvres. Mais, par peur de lâcher son douillet CDI, on finit par réorienter fissa ses préoccupations nourricières vers la cantine (de toute façon, c’est trop short pour espérer faire pousser un panais d’ici à 12 h 45).

La vie dans le tertiaire repose sur une abstraction cardinale du rapport à la subsistance : pendant que l’on travaille pour gagner sa vie (métaphoriquement, s’entend), on délègue à d’autres le soin de s’occuper des moyens concrets permettant de maintenir à flot nos variables physiologiques. Cette répartition des tâches est aujourd’hui remise en cause par un certain nombre de jeunes actifs. Ils veulent à la fois la visio de 11 heures (pour découvrir quel fond d’écran Martin a choisi) et cueillir la courgette de 17 heures (parce qu’il est bon de savoir ce qu’on mange : « Ce soir, ratatouille bio !  »).

Un site lancé en 2024, qui recense et encourage ce type d’expérience, a trouvé une terminologie charmante pour qualifier ces profils émergents : les « slasheurs-cueilleurs ». Référence à nos ancêtres chasseurs-cueilleurs et aux slasheurs, qui exercent plusieurs activités professionnelles en même temps. Adepte du planning hybride, les slasheurs-cueilleurs ont pour particularité d’avoir un pied aux champs, un pied dans le tertiaire. Ils sont maraîcher/banquier ; vigneron/consultant en stratégie ; éleveuse/rédactrice freelance…

Eleveuse de poules et rédactrice Web

Comme il l’expliquait récemment au Parisien, c’est en constatant que de nombreux agriculteurs ont une activité parallèle que Julien Maudet, jeune polytechnicien travaillant dans le conseil et investi une partie de la semaine dans un projet de cidrerie, a eu l’idée, avec Nicolas Baleynaud et Lola Dubois, d’encourager la démarche inverse en lançant le site Slasheurs-cueilleurs.fr. Objectif : aider les actifs du tertiaire à embrasser une activité agricole en leur proposant des ressources (suggestion de formations, conception d’un projet professionnel hybride, etc.) et en mettant en lumière l’expérience de ceux qui s’y sont essayés.

Comme Cécile Cardeillac, éleveuse de poules pondeuses dans le Gers et rédactrice Web en télétravail. « Votre site Web est en friche ? Confiez-moi la rédaction de vos contenus ! (Garantis sans coquilles) », propose-t-elle, avec humour, sur son profil LinkedIn. Ici, l’activité de service permet d’amortir les chocs inhérents à l’élevage, comme lorsque la grippe aviaire vient plomber le cheptel, et de tempérer une activité agricole parfois dure et peu rémunératrice. Quant aux 600 pondeuses, elles exigent un soin qui invite à relativiser les urgences artificielles de nos mondes numériques : « C’est le vivant », témoigne Cécile, comme pour résumer une nécessité de se réancrer.

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Plongée dans la foule anonyme des dépôts de bilan : « Le plus dur est d’avouer notre échec »

Dans la brasserie du restaurant gastronomique Marius, en procédure de sauvegarde, à Pornic (Loire-Atlantique), le 11 septembre 2024.

« Je n’ai plus rien pour vivre, j’y ai investi beaucoup d’argent personnel », se tourmente Virgile Mulac. Pour l’entrepreneur de 44 ans, le couperet est tombé le 31 juillet : sa start-up, Sysalp, spécialisée dans la construction de distributeurs de vrac et vieille de deux ans, a été placée en liquidation judiciaire par le tribunal de commerce de Grenoble. Depuis, le fondateur vit « sur [ses] économies » et doit « trouver un travail en urgence ».

Ses machines de vrac censées être installées dans les magasins de la grande distribution n’ont pas eu le succès escompté. « L’inflation a tout ruiné, les consommateurs ont délaissé le bio et le vrac. Forcément, les grandes enseignes ne nous commandaient pas de produits », explique M. Mulac. Alors qu’il a réalisé 115 000 euros de chiffre d’affaires en 2023, grâce à ses premiers essais en magasin, la start-up n’a généré « quasiment aucun revenu en 2024 ».

En juin, il tente de faire appel à des investisseurs, sans succès, la période estivale étant peu propice aux levées de fonds. S’il a fait le « deuil de ce qu’aurait pu devenir l’entreprise », il espère que Sysalp trouvera un repreneur rapidement.

Une « conjoncture ralentie »

Comme cette start-up, ce sont 5 800 sociétés qui ont été déclarées en cessation de paiements en juillet, c’est-à-dire dans l’incapacité de rembourser leurs dettes. Les défaillances ont augmenté de 25,2 % sur un an, d’après les données de la Banque de France. « C’est le mois de juillet le plus lourd de notre histoire », affirme Thierry Millon, directeur des études du cabinet Altares.

Et la vague ne fait qu’enfler depuis des mois. En août, le nombre de défaillances était encore en hausse de 23,8 % sur un an et de 6 % par rapport à la moyenne enregistrée entre 2010 et 2019, selon de la Banque de France. Et, sur un an, le nombre grimpe à 62 893 entreprises.

Selon Altares, « trois quarts des défauts » concernent des structures de moins de trois salariés, mais le phénomène s’accélère dans les entreprises de l’échelon supérieur. Les défaillances « augmentent deux fois plus vite que la moyenne » pour les petites et moyennes entreprises (PME) de 50 à 99 employés. En cause, selon le cabinet, une « conjoncture ralentie » et un « rattrapage d’une partie des défauts évités pendant la crise sanitaire ». L’accumulation des confinements et des crises inflationniste et immobilière ont fragilisé les plus petites sociétés, laissant plusieurs milliers de salariés sur le carreau.

Lire aussi le décryptage | Article réservé à nos abonnés Les entreprises françaises en difficulté, des emplois menacés

Le bâtiment et l’immobilier sont les secteurs les plus touchés par les défaillances. Au deuxième trimestre, 4 350 entreprises de construction ont été placées en redressement judiciaire (poursuite d’une activité possible) ou en liquidation judiciaire (fin totale de l’activité). Au 30 juin, 30 000 salariés ont perdu leur travail depuis le début de l’année. « Le nombre de permis de construire a chuté de 30 % en trois ans, c’est dramatique », se désole Olivier Salleron, président de la Fédération française du bâtiment (FFB). La hausse des « prix de l’énergie » et des « taux des crédits » ont fortement « handicapé » le secteur, notamment dans la construction de logements neufs.

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