En Savoie, la famille Rittaud, fine lame de la boucherie depuis quatre-vingts ans
René Rittaud finit patiemment de détacher le gras des morceaux de viande dans la marmite de choucroute. Depuis l’ouverture du magasin, à 7 h 30, l’imposante cocotte mijote dans le spacieux laboratoire de la boucherie de Fourneaux (Savoie). Ses 78 ans et des soucis de santé ne l’ont pas résolu à déposer son tablier. Voilà plus de cinquante-cinq ans qu’il a déménagé dans ce village proche de Modane la boucherie que ses parents, Joanny et Paulette, avaient fondée, en 1945, en Haute-Savoie.
Il l’a à son tour transmise, en 2004, à son fils Lionel et à sa belle-fille Mathilde, tout en continuant à les aider. En 2012, Alexis, le fils aîné du couple qui, à 10 ans, « venait déjà aider à préparer des saucisses », a rejoint l’entreprise. Sur quatre générations, les quatre-vingts ans d’histoire de cette lignée de bouchers racontent l’évolution de la profession, du petit commerce et d’habitudes de consommations.
Quand Joanny, décédé depuis, ouvre sa propre boucherie en 1945, la France est en pleine reconstruction économique. « A l’époque, ils pouvaient ouvrir un magasin et juste en vivre », relate Lionel. « Il y avait moins de contraintes de charges, de réglementation, d’emprunt que maintenant », estime celui qui a appris très jeune le métier auprès de son père et de son grand-père.
Lorsque René et sa femme Josiane emménagent, à la fin des années 1960, à Fourneaux, ils vivent au-dessus de la boutique, lèvent le rideau de leur commerce à 5 heures, restent ouverts le midi et le dimanche matin. Avec Joanny, ils utilisent leur journée de repos du lundi pour aller récupérer les bêtes chez les éleveurs du coin et s’occuper de leur abattage. « Si on ne s’arrêtait pas boire un coup, les gars n’étaient pas contents ! », se rappelle René.
Lionel, 52 ans, a gardé l’habitude d’aller rencontrer les éleveurs. Il rentre tout juste ce 28 septembre 2023 d’une randonnée à vélo dans la vallée de la Maurienne sur un itinéraire choisi en fonction des troupeaux à voir. Le boucher aime aller observer sur place comment se portent les animaux et prendre le pouls de l’éleveur.
Son quotidien de boucher est pourtant bien différent de celui de ses aïeuls. Sa petite entreprise est passée, en vingt ans, de trois à neuf salariés, se fait maintenant livrer directement les carcasses de viande qui sont découpées sur place, et reste fermée deux jours par semaine, le dimanche et le lundi. « Mon père et mon grand-père ne pensaient et ne vivaient que pour le travail, se rappelle Lionel. Nous aussi, mais vie de famille et vie professionnelle sont deux lieux distincts. »
Il vous reste 70% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.