Archive dans 2023

L’argot de bureau : qui n’est pas « charrette » ?

« Ce dossier est à boucler pour quand ?

Pour hier !

– Peux-tu répondre au client ASAP [as soon as possible, “dès que possible”] ? »

Face à ce genre de poncifs du monde du travail, qui exigent une réactivité immédiate, les salariés ont eux aussi développé des mécanismes de protection : « La barque est déjà bien chargée » ; « je suis sous l’eau » ; « je suis overbooké » ; « j’ai la tête dans le guidon »… L’une d’entre elles symbolise cette saturation : « Je suis charrette. »

Brandis comme un totem d’immunité, ces trois mots sont en général sans équivoque, surtout s’ils sont accompagnés d’une mine grave et d’un secouage de tête : je ne pourrai pas répondre à cette nouvelle sollicitation professionnelle, car je suis déjà débordé par ce que j’ai à faire. Si l’on veut être précis, être charrette, c’est être sous pression, en retard à l’approche d’une date limite.

L’expression a particulièrement essaimé dans les sphères adeptes d’une culture du « surtravail », et où le temps professionnel est dicté par des rendus de projets : cabinets de conseil, agences de publicité… Et cabinets d’architectes, biberonnés à ce mot légendaire depuis leurs études. Dans les écoles, on parle même d’une « culture de la charrette », que l’on peut qualifier de burn-out estudiantin permanent.

Pourquoi une charrette ? Il faut remonter au XIXe siècle : à l’époque, les étudiants de la section architecture de l’Ecole des beaux-arts travaillent en groupes, sous la direction d’un maître d’atelier. Le cursus est couronné par un rendu final : un vendredi, à douze heures tapantes, les futurs diplômés doivent remettre à temps tous leurs supports de travail à un jury, réuni à huis clos dans la prestigieuse salle Melpomène du Palais des beaux-arts.

Au rythme des pavés cabossés

Problème : les ateliers sont disséminés partout dans Paris, et le temps manque. Le fruit de leur travail est aussi précieux que volumineux : de gigantesques croquis réalisés au lavis et à l’encre noire tendus sur un panais, une sorte de châssis. Aidés par les plus jeunes de l’atelier, devenus porteurs d’un jour, les retardataires prennent alors l’habitude de lancer des convois exceptionnels à l’aide de petites voitures à bras, d’habitude vouées au transport de bois ou de charbon… Les fameuses charrettes.

La légende dit même que certains terminaient leur travail dans la charrette : au rythme des pavés cabossés de l’époque, il y a fort à parier que ce n’était pas la meilleure idée. Avec les décennies, ce marathon des « archis » devient un élément de folklore : en 1926, un Charett Club voit même le jour, et organise quelques courses de charrettes entre ateliers. La tradition des charrettes traversant Paris s’arrête en 1968, quand les Beaux-Arts sont scindés en plusieurs entités.

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Casino : à Saint-Etienne, colère et inquiétude des salariés, avant une semaine décisive

Lors d’un rassemblement à Saint-Etienne, à l’appel de l’intersyndicale de Casino, le 17 décembre 2023.

Micro en main, débout sur les marches de l’hôtel de ville de Saint-Etienne, Nathalie Devienne entame son discours, en tenant sa feuille d’une main tremblante. « Il est venu le temps des explications… Nous sommes viscéralement attachés à notre entreprise, depuis tant d’années… », déclare la porte-parole de l’intersyndicale (FO, CGT, UNSA, CFE-CGC, CFDT). Soudain, les larmes coulent. Encouragée par ses camarades, la secrétaire générale du syndicat FO poursuit d’une voix chevrotante, comme si toute l’émotion de la foule passait par sa voix brisée. La syndicaliste résume les sentiments multiples qui agitent les effectifs du groupe Casino, en cette froide matinée du dimanche 17 décembre. Elle dénonce « les stratégies incohérentes », « les nombreuses alertes venues du terrain » et, surtout, le sentiment de « trahison » qui prédomine.

Près de 2 000 personnes ont répondu à l’appel de l’intersyndicale, rassemblées devant le siège social de Casino, avant de défiler jusqu’à l’hôtel de ville. Salariés, retraités, familles, élus, toute la population est dans l’expectative, partagée entre colère et résignation, avant une semaine décisive. Une réunion de la direction avec les syndicats est prévue mardi 19 décembre, la veille d’une réunion des créanciers, appelés à se prononcer sur le plan de restructuration du groupe aux 50 000 salariés en France.

Sur les 400 magasins sous enseigne Casino, 291 hypermarchés et 53 Géant seraient cédés, répartis entre plusieurs repreneurs, sans aucune précision sur les conséquences sociales. Quelque 18 000 personnes seraient concernées. Le groupe développé par Jean-Charles Naouri possède plus de 9 000 magasins, dont beaucoup d’établissements de proximité (Petit Casino, Vival, Sherpa, Spar), mais aussi les enseignes Monoprix, Naturalia, Franprix.

« On est sidérés en voyant le groupe se disloquer »

« Nous sommes dans le flou le plus total. Nous ne savons pas ce que va devenir notre emploi. Tout ce que nous savons, nous l’apprenons dans la presse », déplore Nelly Berthet, 46 ans. Embauchée dans le quartier stéphanois de Monthieu en 1998, le premier Géant de l’histoire de Casino, la quadragénaire travaille désormais au siège du groupe, qui compte 2 000 salariés, en face de la gare de Châteaucreux. « Nous ne pouvons pas nous projeter. On aimerait entendre des bonnes nouvelles, on est plutôt sidérés en voyant le groupe se disloquer. On n’osait pas imaginer que cela puisse arriver un jour », ajoute Pascal Gomez, 51 ans, vingt-trois ans de carrière, venu manifester avec sa fille.

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Les pistes d’Olivier Dussopt pour le plein-emploi

Le ministre du travail Olivier Dussopt, à l’Assemblée nationale, à Paris, le 12 décembre 2023.

La route vers le plein-emploi passe par l’édiction de règles plus exigeantes pour les actifs. Dans un entretien au quotidien Les Echos du vendredi 15 décembre, Olivier Dussopt a annoncé un « acte II de la réforme » du marché du travail. Alors que le taux de chômage est remonté à 7,4 % au troisième trimestre – loin des 5 % visés par Emmanuel Macron – , le ministre du travail estime nécessaire d’« accélérer la mise en œuvre » des changements effectués au début du quinquennat. Une prise de parole qui fait écho à celles, récentes et en cascade, de Bruno Le Maire, son collègue chargé de l’économie. Le Parlement devrait être saisi au premier semestre 2024.

Tout en se gardant d’« évoquer des mesures précises », M. Dussopt confirme que certaines des pistes évoquées début décembre par M. Le Maire sont à l’étude. Ainsi en va-t-il « du délai de contestation en justice » des licenciements, qui est de douze mois actuellement, soit un des plus importants en Europe, selon M. Dussopt. « C’est trop long » et « cela peut freiner les embauches », considère le ministre du travail, mais il ne va pas jusqu’à proposer un quantum, alors que M. Le Maire, lui, suggérait de ramener ce délai à deux mois.

Sur le sort des seniors privés d’emploi, M. Dussopt prend implicitement ses distances avec M. Le Maire. Le locataire de Bercy avait plaidé pour que la durée d’indemnisation des chômeurs de plus de 55 ans soit abaissée, de manière à l’aligner sur celle des autres, moins favorable. M. Dussopt, de son côté, semble laisser entendre que cette durée de versement de l’allocation resterait inchangée, mais applicable pour les plus de 57 ans, afin de « s’adapter à la réforme des retraites », qui a décalé de deux ans l’âge légal de départ. De même, l’âge à partir duquel les chômeurs peuvent continuer à être indemnisés jusqu’au moment où ils ont droit à une pension à taux plein « doit passer de 62 à 64 ans ».

S’agissant de la rupture conventionnelle, M. Dussopt pense que le gouvernement doit « la préserver », mais en y apportant des retouches. Elle est « parfois utilisée pour les salariés de 58 ou 59 ans comme une forme de préretraite qui ne dit pas son nom ». Dès lors, il faut « trouver un moyen d’empêcher cet effet d’aubaine qui pénalise l’emploi des seniors ».

« Volonté d’ingérence »

De façon très succincte, le ministre du travail exprime le vœu d’améliorer « le dialogue social, qui est difficile à mettre en œuvre quand il n’y a pas de syndicats dans l’entreprise ». Un problème très sensible puisque l’enjeu est d’identifier des représentants du personnel, dans des sociétés de petite taille, qui puissent négocier sans être sous l’influence de la hiérarchie. M. Dussopt a également fait part de son souhait de « doubler » le nombre de contrôles des chômeurs. Enfin, interrogé sur le financement de la protection sociale, il a prononcé une phrase intrigante à propos de la réforme des retraites promulguée à la mi-avril : elle « préserve notre système (…) par répartition mais elle n’éteint pas tous les débats et les réflexions qui restent devant nous ». Comme s’il voulait instiller l’idée que le dossier pourrait revenir sur le devant de la scène d’ici à 2027.

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« Nous ne sommes pas voués à être remplacés par des machines, aussi “intelligentes” soient-elles »

Serons-nous remplacés par des machines à mesure que se déploient ChatGPT et les autres systèmes d’intelligence artificielle générative (IAG) ? Les premières annonces de licenciements massifs, « officiellement » justifiés par le coût moindre des solutions algorithmiques, inquiètent à juste titre : le progrès technologique nous fait-il revivre cent ans plus tard la désertification des campagnes, les salariés d’aujourd’hui faisant écho aux paysans d’hier ?

Une partie de la réponse semble malheureusement cachée dans la question : oui, les transformations technologiques modifient la structure du travail, et une transition mal effectuée peut se révéler dramatique pour les générations (et les écosystèmes) qui la subissent.

Elle peut toutefois s’accompagner en filigrane de très forts progrès sociaux, d’une baisse de la pauvreté et des inégalités, d’un renforcement des libertés individuelles et des loisirs. Qui souhaiterait réellement que notre structure économique et sociale soit encore celle de la IIIe République ? Soixante pour cent des métiers d’aujourd’hui n’existaient pas en 1945, et 85 % de la croissance de l’emploi est liée aux progrès technologiques.

Une simple adaptation

Nous ne sommes pas voués à être remplacés par des machines, aussi « intelligentes » soient-elles. Une étude de l’université de Pennsylvanie et d’OpenAI a montré que si 80 % des emplois peuvent être affectés par le déploiement de l’IAG, des grands modèles de langage ou de génération d’image, en réalité, au sein de ces emplois, en moyenne seules 10 % des tâches effectuées sont concernées.

La plupart des métiers ne connaîtront qu’une simple adaptation, potentiellement très positive : selon une expérimentation de la Harvard Business School sur les consultants du Boston Consulting Group, les employés peuvent, grâce à l’IAG, accomplir 12 % de tâches supplémentaires, 25 % plus rapidement, avec une amélioration de 40 % de la qualité. Ces résultats ne se limitent pas aux travailleurs dits « cognitifs ».

Une étude récente de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), à laquelle le Metalab de l’Essec a contribué pour la partie française, a montré que tous les secteurs sont touchés par l’IA, y compris le secteur manufacturier : les opérateurs de chaînes de montage bénéficient par exemple grandement, dans leur travail de maintenance, de la qualité des prédictions de pannes fournies par l’IA.

Une entreprise à vision très court-termiste, ou « myope », pourrait en déduire qu’il est possible, grâce à l’IAG, de faire mieux avec moins de monde, et donc procéder à des licenciements.

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Les conditions de travail sont « globalement moins bonnes » en open space

Les open spaces − ou bureaux paysagers, en français − sont censés améliorer la productivité grâce à une meilleure communication entre salariés, et réduire les coûts immobiliers par un aménagement plus rationnel des espaces. Revers de la médaille, ils sont accusés, depuis leur irruption en France dans les années 1990, de dégrader la qualité de vie professionnelle.

La direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques du ministère du travail (Dares), qui recense 3,2 millions de salariés français évoluant dans ce type d’aménagement en 2019, soit 13 % du total, abonde en ce sens. L’institution vient de publier un volet, consacré aux open spaces, issu de son étude triennale sur les conditions de travail, qui portait sur 7 306 salariés en emploi de bureau. Parmi eux, deux sur cinq sont concernés par les bureaux paysagers. Il en ressort que les conditions d’exercice de ce mode de travail demeurent « globalement moins bonnes » que celles des salariés opérant dans des bureaux classiques, quand bien même les écarts sont souvent minimes.

Ainsi les salariés en open space sont-ils soumis à une plus grande intensité du travail et à plus de contraintes, 39 % d’entre eux (contre 33 % en bureau classique) étant soumis à au moins trois contraintes de rythme parmi huit (dépendance immédiate vis-à-vis du travail d’un ou de plusieurs collègues, normes de production ou délais à respecter en une heure ou en une journée au plus, contrôle ou suivi informatisé…). Ils sont moins nombreux à se sentir capables (61 %, contre 70 % pour leurs homologues en bureau classique) et à avoir envie (46 %, contre 57 %) de faire le même travail jusqu’à la retraite, et plus nombreux à avoir déclaré un arrêt maladie (hors maternité) au cours des douze derniers mois précédant l’enquête (34 %, contre 27 %).

Risques psychosociaux « plus élevés »

« Ce phénomène pourrait s’expliquer (…) par une exposition au bruit et aux virus plus importante en open space et par des risques psychosociaux plus élevés, (…) liés par exemple au manque d’autonomie », soulignent Tiphaine Do et Audrey-Rose Schneider, autrices de l’étude. Ces points noirs se trouvent à peine contrebalancés par le fait que les salariés en open space travaillent plus souvent dans des locaux moins vétustes et bénéficient, grâce à la proximité physique, d’un meilleur soutien de leurs collègues (92 %, contre 86 % en bureau classique).

Faut-il, alors, enterrer l’open space avant qu’il ne nous tue, comme l’affirmait un livre paru en 2008 (L’open space m’a tuer, de Thomas Zuber et Alexandre des Isnards, Livre de Poche) ? Ce serait aller vite en besogne. D’abord, il ne faut pas confondre corrélation et causalité : certains motifs d’insatisfaction évoqués dans l’étude tiennent manifestement moins aux open spaces qu’à la nature des métiers qui s’y exercent et y sont surreprésentés.

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A France 24, la grève prolongée et une motion de défiance votée

Appelés à la grève depuis mercredi contre une modification des plannings de travail, des salariés de la chaîne internationale France 24 ont voté, jeudi 14 décembre, une motion de défiance à l’égard de leur direction, a appris l’Agence France-Presse (AFP), auprès de la CGT à l’origine du mouvement.

La motion de défiance contre la directrice Vanessa Burggraf a recueilli jeudi 56 % des voix, de source syndicale. Plusieurs de ses adjoints ont également été sanctionnés, lors de ce scrutin auquel ont participé 337 salariés. « Cette motion n’appelle pas de réaction de la direction », a fait savoir la directrice à l’AFP, « compte tenu de l’ampleur de la réforme et des incertitudes sur les personnes habilitées à prendre part au vote ».

Selon la direction de la chaîne, il y a 3,7 % de grévistes et « quelques impacts sur les chaînes française, anglaise et arabe ». Elle poursuit les discussions avec les syndicats CFDT, CFTC, FO et SNJ, qui ont pour leur part déposé un préavis de grève pour le 16 janvier.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Un préavis de grève déposé par tous les syndicats à France 24

Opposition à la réforme du planning « menée au pas de charge »

Selon la CGT, les salariés subissent « recrutements en CDI sous pression, attribution des nouveaux cycles en toute opacité, suppressions de vacations, calendrier intenable ». Le syndicat s’élève contre une réforme des plannings « menée au pas de charge », qui doit être mise en œuvre en février.

Cette réforme, qui fait suite à un premier mouvement de grève en 2021 contre la pénibilité et le recours excessif aux pigistes, a fait l’objet d’une procédure d’information-consultation d’avril à fin novembre.

Les demandes de moyens supplémentaires de la CGT « représenteraient un coût de près de 2 millions d’euros qui mettrait en péril l’équilibre financier » de la chaîne, selon un document de la direction consulté par l’AFP.

France 24 propose quatre chaînes mondiales d’information continue (en français, en anglais, en arabe et en espagnol), émettant 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 dans 522 millions de foyers sur les cinq continents.

Elle propose ses programmes depuis la fin de 2006 et appartient au groupe France Médias Monde, avec Radio France international.

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Le Monde avec AFP

Le projet de loi pour le plein-emploi validé pour l’essentiel par le Conseil constitutionnel, après le recours de la gauche

Le Conseil constitutionnel a validé, jeudi 14 décembre, l’essentiel du projet de loi sur le plein-emploi, mais a émis des réserves et censuré des dispositions autorisant un partage d’informations au sein du réseau France Travail. L’institution avait été saisie par des députés de gauche sur ce texte adopté mi-novembre par le Parlement. L’obligation d’au moins quinze heures d’activités hebdomadaires pour les bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA) était notamment ciblée par les élus de gauche.

Dans un communiqué, le Conseil constitutionnel explique qu’il émet des réserves, notamment sur le fait que cette durée « devra être adaptée à la situation personnelle et familiale de l’intéressé », mais que les griefs sur la constitutionnalité « doivent être écartés ».

Concernant le régime de sanctions applicables au demandeur d’emploi en cas de manquement à ses obligations, également contesté, les membres du Conseil constitutionnel estiment que les dispositions « ne méconnaissent pas les principes de légalité », mais ils invitent le pouvoir réglementaire à « veiller au respect du principe de proportionnalité des peines ».

Lire aussi la tribune : Article réservé à nos abonnés RSA : « Stigmatiser les pauvres ne mène pas au plein-emploi »

Censure sur le partage d’informations

Le Conseil constitutionnel a, en revanche, censuré des dispositions autorisant les personnes morales constituant le réseau pour l’emploi à partager entre elles certaines informations.

Listant les personnes morales autorisées à partager ces données au sein du réseau (Etat, régions, missions locales mais aussi organismes publics ou privés de placement…), le Conseil relève que le législateur « a permis que des données à caractère personnel, y compris de nature médicale, soient communiquées à un très grand nombre de personnes », sans « qu’aucune garantie n’encadre ces transmissions d’informations ».

Le Conseil constitutionnel « déduit de tout ce qui précède que ces dispositions portent une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et les déclare donc contraires à la Constitution ».

Ce texte sur le plein-emploi fixe le cap d’un taux de chômage à 5 % d’ici à 2027, à atteindre par un accompagnement renforcé des personnes les plus éloignées de l’emploi.

Le Monde avec AFP

Le régime de garantie des salaires se dote d’un nouveau directeur après une crise interne

Ebranlé par l’affaire des faillites d’entreprises, le régime de garantie des salaires semble peu à peu s’extraire de la zone de turbulences. Alors qu’un directeur intérimaire est aux commandes depuis février, ce système de protection sociale vient de recruter son nouveau responsable : Antonin Blanckaert, actuellement en poste à la Caisse nationale d’assurance vieillesse. Il devrait entrer en fonction au tout début du mois de janvier 2024. Restée confidentielle jusqu’à présent, sa désignation résulte d’une décision du patronat, qui a donné lieu à des débats au sein du Medef mais aussi entre mouvements d’employeurs.

Connue sous l’acronyme AGS, l’Agence de garantie des salaires est l’organisme qui permet aux salariés d’entreprises insolvables de continuer à être payés, avec le concours de mandataires judiciaires (chargés de verser les sommes dues). Il est gouverné par une association exclusivement patronale, tout en étant rattaché, sur le plan opérationnel, à l’Unédic, la structure paritaire qui gère l’assurance-chômage.

Depuis presque cinq ans, le régime AGS est au cœur d’un pugilat rythmé par de multiples rebondissements. Peu après l’arrivée à sa tête de Houria Aouimeur, en tant que directrice nationale, plusieurs plaintes ont été déposées en 2019 à la suite de soupçons de malversations mettant en cause l’ancienne équipe de responsables et des mandataires judiciaires. L’enquête pénale, toujours en cours, a été confiée au juge d’instruction Vincent Lemonier. L’une des principales questions à laquelle doit répondre le magistrat est de savoir si des détournements de fonds ont été commis aux dépens du régime AGS : c’est l’affaire des faillites d’entreprises.

Vote unanime

A la fin 2022, Mme Aouimeur a, à son tour, été pointée du doigt, pour d’autres faits. Son employeur – en l’occurrence l’Unédic – lui a notamment reproché des frais de bouche et de déplacement exorbitants et d’avoir méconnu les règles de passation des marchés publics. A la fin février 2023, elle a été licenciée pour faute lourde – décision qu’elle conteste devant les prud’hommes, s’estimant victime de représailles pour avoir mis au grand jour le scandale des sociétés insolvables.

Depuis son éviction, Mme Aouimeur a été remplacée, de façon provisoire, par Rémy Mazzocchi, un cadre de l’Unédic. En parallèle, un cabinet de chasseurs de tête a été missionné afin de trouver un « vrai » directeur pour le régime AGS. Parmi les noms inscrits sur la liste des prétendants, deux ont émergé : M. Blanckaert et M. Mazzocchi, chacun d’eux ayant des partisans au sein du Medef. Le premier était soutenu par Christian Nibourel, le président de l’association patronale gouvernant l’AGS. Le second bénéficiait de l’appui de Jean-Eudes Tesson, le vice-président de l’Unédic. Finalement, c’est donc M. Blanckaert qui l’a emporté, le 1er décembre, à l’issue d’un vote unanime du bureau de l’association patronale, moins une abstention (celle de Michel Picon, membre de l’Union des entreprises de proximité).

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Une directive européenne ouvre la porte à la requalification massive des travailleurs des plates-formes comme Uber ou Deliveroo

Le député européen roumain Dragos Pislaru (Renew Europe) et l’eurodéputée italienne Elisabetta Gualmini (Socialistes et démocrates), lors d’une conférence de presse, mercredi 13 décembre, à Strasbourg.

« C’est un accord historique. C’est la première fois que nous créons un cadre de droits sociaux pour des millions de travailleurs en Europe, qui sont parmi les plus précaires », résume Elisabetta Gualmini, eurodéputée sociale-démocrate italienne et rapporteuse d’une directive visant à renforcer les droits des travailleurs indépendants des plates-formes (Uber, Deliveroo…).

Mercredi 13 décembre, les négociateurs du Conseil de l’Union européenne et du Parlement sont arrivés à un accord. Ce texte prévoit notamment une « présomption de salariat », censée faciliter les démarches pour les individus qui souhaitent être considérés comme salariés.

Aujourd’hui, c’est à l’autoentrepreneur de prouver qu’il existe un lien de subordination entre lui et la société qui le paie. Depuis 2018, de nombreux chauffeurs VTC ou livreurs à vélo ont obtenu leur requalification en justice, partout en Europe. La directive cherche à harmoniser le statut de ces travailleurs atypiques à l’échelle du continent.

5,5 millions de personnes seraient concernées

Cet accord intervient deux ans après la première version du texte. Dans leur première proposition, les eurodéputés souhaitaient obtenir une présomption simple, signifiant que n’importe quel travailleur pouvait être reconnu salarié en en faisant la demande. « Ces indépendants ont les inconvénients du statut de salarié sans en avoir les avantages (congés payés, salaire minimum), estime Leïla Chaibi, eurodéputée française (La Gauche au Parlement européen) et vice-présidente de la commission de l’emploi et des affaires sociales du Parlement. Nous voulions nous rapprocher du modèle espagnol, qui impose le salariat pour les livreurs de repas. »

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Les conditions de travail des livreurs à vélo et VTC se dégradent

Finalement, si un travailleur veut être considéré comme salarié, il devra correspondre à deux indicateurs parmi cinq – qui pourraient encore être légèrement modifiés, selon Mme Chaibi : « Si la rémunération est fixée par la société, si cette dernière supervise les performances de travail par un moyen électronique, si elle détermine l’allocation des missions, si elle limite la possibilité du travailleur de constituer son propre portefeuille de clients et si elle limite sa possibilité d’organiser librement son travail. » Contrairement aux procédures actuelles, c’est la société qui devra apporter la preuve que le travailleur est bien indépendant.

« Ce n’est pas trop mal de ne retenir que deux conditions, certains poussaient pour qu’il y ait davantage de critères, réagit Kevin Mention, avocat qui a obtenu en justice les requalifications de nombreux livreurs et chauffeurs. Déjà, le critère selon lequel c’est l’application qui gère le travail est quasi systématiquement rempli dans nos dossiers. » Selon le Parlement européen, 5,5 millions de personnes seraient concernées par au moins deux indicateurs sur cinq, sur un total de 28 millions de travailleurs de plates-formes sur le continent.

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