Archive dans novembre 2023

Handicap : l’accessibilité numérique, un tremplin pour l’emploi ?

En France, 1,1 million de personnes handicapées travaillent, mais 450 000 restent sans emploi.

Sous-titrages, synthèse vocale, commandes visuelles… Les outils numériques de compensation facilitent le quotidien des personnes en situation de handicap. Grâce à des applications ou des logiciels, elles peuvent désormais lire, regarder un film, se déplacer, communiquer. Mais pour ce qui est des services numériques proposés par les entreprises et les administrations, le niveau d’accessibilité est « déplorable » en France, constate Luce Carevic, du cabinet Access42, qui les accompagne depuis dix ans dans la mise en place et le suivi de leur politique d’accessibilité.

Résultat, il reste difficile pour les personnes en situation de handicap de s’intégrer dans le marché du travail. « Les outils numériques n’ont pas permis de développer notre insertion professionnelle autant que nous l’espérions, en raison du manque d’accessibilité des contenus et des services numériques. Nous sommes exclus de franges entières de la société », déplore Manuel Pereira, non-voyant, responsable du pôle accessibilité à l’association Valentin-Haüy, qui agit en faveur de l’autonomie des personnes déficientes visuelles.

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En effet, en France, si 1,1 million de personnes handicapées travaillent, plus de 450 000 autres restent sans emploi. Leur taux de chômage est presque deux fois plus important que celui de la population générale (12 % contre 7 %). Elles sont aussi davantage concernées par l’illectronisme, qui touchait 15,4 % de la population en 2021 selon l’Insee, et elles sont nombreuses à se heurter à la dématérialisation des services publics. Une situation qui entrave leur route vers l’emploi.

Une situation absurde

Pourtant, certains métiers du numérique, en tension, offrent de nombreuses possibilités. Responsable cybersécurité, analyste de trafic, chargé de référencement, ingénieur cloud et réseaux… D’ici à 2027, 230 000 postes seront à pourvoir dans ce domaine. « La plupart aboutissent à un CDI, les conditions de travail sont attractives, et pourtant, l’an dernier, 85 000 sont restés vacants », regrette Françoise Farag. La présidente de la commission inclusion de Numeum, l’un des syndicats professionnels du secteur, souligne : « La situation est absurde : deux mondes se côtoient sans se rencontrer ou si peu, alors qu’ils pourraient s’enrichir mutuellement. Il faut que cela change ! »

Les solutions sont plurielles. D’abord, il est essentiel d’augmenter le niveau de formation des personnes en situation de handicap. « Elles ont tendance à s’autocensurer, car le secteur requiert un niveau bac + 2 à bac + 5, voire plus. Il faut donc les aider à oser se diriger vers ces études », exhorte Françoise Descamps-Crosnier, présidente du Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP). L’enjeu est d’autant plus important que même des métiers traditionnels – comme garagiste, imprimeur ou cariste – nécessitent de maîtriser des outils numériques.

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L’ordre des médecins exprime « sa profonde inquiétude » sur le projet d’installation d’espaces de télémédecine dans les gares SNCF

L’ordre des médecins a vivement critiqué, lundi 20 novembre, le projet de la SNCF d’installer des espaces de télémédecine dans ses gares, lui conseillant plutôt « d’améliorer la desserte ferroviaire des territoires les plus enclavés » pour attirer des professionnels de santé.

« L’ordre des médecins ne peut qu’exprimer sa très profonde inquiétude » face au projet d’implantation de la SNCF d’espaces de télémédecine dans environ trois cents gares, d’ici à 2028.

« Cette proposition va détourner des professionnels de santé, qui seront ainsi moins disponibles pour exercer dans les territoires les plus vulnérables », a notamment pronostiqué l’ordre des médecins, qui dénonce également un nouveau pas vers la « financiarisation » du système de santé.

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Lutter contre les déserts médicaux

La SNCF a déclaré, vendredi, vouloir déployer des espaces de télémédecine pour lutter contre les déserts médicaux dans environ trois cents gares d’ici à 2028. Ces espaces de 15 mètres carrés doivent être installés au début dans des bâtiments modulaires fournis par Loxamed, une filiale du groupe Loxam (location de matériel de chantier). Celle-ci a conçu des modules spécialisés dans le soin, utilisés notamment pendant la crise sanitaire pour faire du dépistage.

La SNCF a déclaré qu’un infirmier serait toujours présent sur place, et que chaque patient « sera examiné à distance par un médecin exerçant sur le territoire français ». Loxamed prévoit de s’adresser aux unions régionales des professionnels de santé (URPS) pour trouver les infirmiers et les médecins libéraux qui prendront en charge la télémédecine.

Le syndicat de médecin UFML (Union française pour une médecine libre) a, lui aussi, vivement dénoncé l’initiative de la SNCF et de Loxamed, y voyant un nouvel exemple de développement d’une « médecine low cost très lucrative » pour les entreprises.

« Il ne peut y avoir de bonne médecine faite de consommation presse-bouton à distance d’un médecin qui ne connaît pas le patient », a critiqué le syndicat.

Le Monde avec AFP

Handicap : le numérique les a propulsés vers l’emploi

Code, développement Web, logiciels de bureautique : après une formation au numérique, ces trois personnes éloignées de l’emploi ont réussi leur réinsertion professionnelle.

Fanny Codecco-Grando, 46 ans : « Je découvre ce que c’est que d’être intégrée dans une équipe »

« Il y a quatre ans, je ne savais pas taper une ligne de code », confie Fanny Codecco-Grando, aujourd’hui développeuse full stack à la Société générale, à la Défense (Hauts-de-Seine). Elle est à la fois capable de réaliser le design d’un site ou d’une application Web (front end) et de coder son fonctionnement (back end). En alternance pendant encore un an, cette ancienne illustratrice, titulaire d’une maîtrise en lettres et civilisation russes, a découvert tardivement, après des années de mal-être et un burn-out, qu’elle était atteinte de troubles autistiques et dyslexiques. C’est un enseignant, lors d’une formation en informatique qu’elle suivait pour se reconvertir dans le développement Web, qui pointe chez elle des symptômes caractéristiques. « Effondrée, mais consciente que cela touchait juste », elle passe des examens médicaux qui confirment les suppositions. Elle obtient sa reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH), quitte sa formation et s’inscrit à OpenClassrooms. Cette entreprise à mission, créée en 2013, vise à rendre l’éducation accessible à tous. L’école propose de nombreux cours en accès libre et gratuit, ainsi que des programmes certifiants pour les métiers du numérique, 100 % en ligne. Fanny trouve la formule idéale. Inscrite à Pôle emploi, elle accède à des séances de coaching et à des sessions de job dating organisées par l’Association pour l’emploi des cadres (Apec). C’est grâce à la mission handicap de cette dernière qu’elle candidate à la Société générale pour son poste actuel. Avec succès. « Pour la première fois de ma vie professionnelle, je découvre ce que c’est que d’être intégrée dans une équipe, de ne pas être harcelée ou mise sur la touche. C’est plutôt cool, je savoure », sourit-elle.

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Yassine Hadjel, 24 ans : « Les outils d’IA sont une vraie bénédiction pour moi »

« L’informatique m’a toujours permis de compenser mes grosses difficultés d’écriture et de lecture. Mais même les machines n’acceptent pas les fautes d’orthographe, lance Yassine Hadjel, 24 ans, atteint de dyslexie et de dysorthographie. Les outils d’intelligence artificielle tels que les chatbots ou ChatGPT sont une vraie bénédiction pour moi : ils me permettent enfin de rédiger des documents sans fautes. » Titulaire d’un brevet des métiers d’art en graphisme et décors, il poursuit avec un bachelor de développeur Web au sein de l’Ecole multimédia, à Paris, avant de décrocher une formation gratuite d’un an de technicien supérieur services et réseaux au sein de l’association Konexio. Cette dernière aide les personnes en situation de fragilité à s’approprier les outils numériques, de la phase de prise en main à l’apprentissage d’un métier. Yassine Hadjel est maintenant en alternance en tant que technicien réseaux chez Infodis, une entreprise parisienne de prestations numériques, jusqu’en juillet 2024.

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Abandons de poste : entre faux licenciement et vraie démission, le flou juridique demeure

Droit social. Un employeur peut-il aujourd’hui licencier pour faute un salarié ayant volontairement abandonné son poste, alors que la loi du 21 décembre 2022 puis le décret du 17 avril 2023 ont prévu une procédure spécifique conduisant à une présomption simple de démission ? Qualification donc opposée au classique licenciement pour faute, devant permettre à l’Unédic, l’association paritaire qui gère l’assurance-chômage, de réaliser à terme 380 millions d’euros d’économies annuelles.

Cette évolution avait aussi pour but de dissuader certains départs impromptus, de la même manière que l’indemnité de fin de contrat du contrat à durée déterminée veut inciter le travailleur précaire à rester jusqu’au terme.

Dissuasion réussie ? Surprise des chiffres : cette loi aurait atteint son but dès avant son décret d’application ! Ce dernier date du 17 avril : or le nombre de licenciements pour faute grave ou lourde était au deuxième trimestre 2023 inférieur de 30 % à celui du deuxième trimestre 2022, selon l’enquête du ministère du travail publiée le 31 octobre 2023, concluant : « Ce repli intervient dans un contexte de promulgation de la loi introduisant la présomption de démission pour abandon de poste. » On avait en effet du mal à comprendre une telle chute des comportements fautifs, a priori indépendants de la conjoncture.

Situation complexe

Mais, selon l’Unédic, la moitié des abandons serait réalisée en accord avec l’employeur, dont 23 % suggérés par lui : la frontière est donc poreuse entre licenciement arrangé, abandon de poste accepté et rupture conventionnelle. Il ne fait d’ailleurs aucun doute que l’exceptionnel succès de cette dernière est d’abord dû au bénéfice des allocations-chômage, réglées par l’Unédic : le mode de rupture du contrat dépend souvent de l’accès ou non à celles-ci.

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Reste que, côté entreprise, la situation est aujourd’hui doublement compliquée. Certes, les règles spéciales dérogent aux règles générales. Mais l’article R. 1237-13 semble la laisser libre de son choix : « L’employeur qui entend faire valoir la présomption de démission doit lui adresser une lettre…  » : jusqu’à pouvoir choisir la procédure de la présomption de démission pour M. A. qui s’en trouvera privé d’allocation, mais licencier pour faute grave Mme B. qui pourra donc en bénéficier ?

C’est l’un des arguments développés par la CGT, FSU et Sud, qui ont contesté la légalité du décret devant le Conseil d’Etat, le Conseil constitutionnel ayant cependant estimé que ces dispositions ne méconnaissaient pas le principe d’égalité.

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Handicap : le numérique, un vivier d’emplois à exploiter

Certaines entreprises du numérique prévoient des postes de travail adaptés, comme ce téléagrandisseur dans une société de télémarketing.

Lucie Russeil, 41 ans, a toujours aimé l’informatique. Alors, quand de graves ennuis de santé contraignent cette assistante de direction à se reconvertir, elle pense rapidement à emprunter cette voie. D’autant que sa conseillère Pôle emploi, ambassadrice du numérique dans son agence, la dirige vers le programme DéClics numériques, de Diversidays. Ce programme d’une quarantaine d’heures, sous forme d’ateliers en ligne, vise à montrer aux demandeurs d’emploi et aux personnes en reconversion toutes les possibilités de recrutement et de formation dans ce secteur. 15 % des demandeurs d’emploi ainsi accompagnés depuis juillet 2020 sont handicapés, revendique l’association.

« C’est exactement ce qu’il me fallait. J’ai compris que je pouvais me lancer, même avec mon seul bac, sans parler l’anglais et malgré mon handicap », raconte celle qui, ensuite, a suivi une formation de sept mois de concepteur designer UI (interface utilisateur). Aujourd’hui webmaster conceptrice, elle met la dernière main à la création de sa microentreprise, qui ouvrira en janvier prochain. « Il me sera plus facile de m’organiser sans être salariée, pour gérer en parallèle les contraintes liées à mon état de santé. »

A l’instar de Lucie Russeil, en 2022, « 4 000 demandeurs d’emploi en situation de handicap se sont formés à un métier numérique », explique Aymeric Morin, adjoint au directeur général adjoint chargé de l’offre de services de Pôle emploi. Cela représente 6 % des personnes porteuses de handicap entrées en formation. Sur les 945 000 emplois dans ce secteur en 2022, près de 10 %, soit 85 000, étaient alors non pourvus, rappelle l’Institut Montaigne dans sa note « Mobiliser et former les talents du numérique » (mai 2023). Les métiers de développeur, de technicien informatique, de spécialiste systèmes, réseaux et sécurité, de consultant en management et de consultant après-vente constituent le top 5 de ceux qui recrutent le plus, d’après l’Observatoire prospectif des métiers et des qualifications.

Mise en situation

« Le numérique est le plus dynamique des secteurs d’emploi en matière de création et de publication d’offres. Cette tension sur les recrutements représente une opportunité pour les personnes handicapées », commente Johan Titren, directeur diversité et inclusion du groupe Adecco. « C’est un levier pour négocier avec les entreprises l’élargissement de leurs publics », appuie Aymeric Morin, qui se réjouit de disposer d’une palette d’outils pour les accompagner sur ce chemin de la diversité, comme le financement des formations avant embauche ou les périodes de mise en situation professionnelle, utiles pour faire tomber les préjugés.

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OpenAI : de hauts cadres menacent de partir si le conseil d’administration ne démissionne pas

Trois jours après le limogeage surprise de son patron, Sam Altman, la colère gronde dans les rangs d’OpenAI. La plupart des cadres dirigeants de la start-up d’intelligence artificielle encore en poste ont réclamé la démission de l’ensemble du conseil d’administration, faute de quoi ils se disent prêts à quitter l’entreprise, selon une lettre publiée lundi 20 novembre par plusieurs médias américains.

Ces prises de position surviennent après un week-end tumultueux : le conseil d’administration d’OpenAI, symbole de l’intelligence artificielle générative depuis le lancement de ChatGPT, il y a un an, a créé la surprise vendredi en annonçant le renvoi avec effet immédiat de Sam Altman à la suite d’« une procédure d’examen délibératif du conseil, qui a conclu qu’il n’avait pas toujours été franc dans ses communications avec le conseil, faisant entrave à sa capacité à remplir ses responsabilités ».

Plusieurs responsables de l’entreprise fondée fin 2015 ont depuis annoncé leur démission, en particulier le président du conseil d’administration Greg Brockman. Ce départ est « le seul moyen d’avancer et de défendre la mission d’OpenAI », a écrit le conseil d’administration (CA) dans une note envoyée à ses employés dimanche soir, selon un article du New York Times diffusé dans la nuit de dimanche à lundi.

Quelque 500 employés menacent de quitter le groupe

Selon plusieurs médias, quelque 500 des 770 employés d’OpenAI auraient menacé de quitter le groupe en cas de refus des administrateurs de renoncer à leur mandat. Pour les responsables qui ont signé la lettre adressée au conseil d’administration, le débarquement de Sam Altman « met en péril » le travail effectué par les équipes d’OpenAI.

« Votre conduite a apporté la preuve que vous n’aviez pas les compétences pour superviser OpenAI », ont écrit les douze dirigeants de la société, parmi lesquels le numéro deux, Brad Lightcap, et la responsable technique Mira Murati.

Plus surprenant, figure dans la liste Ilya Sutskever, responsable scientifique, qui est lui-même membre du conseil d’administration. En outre, plusieurs médias américains ont rapporté que cet administrateur aurait joué un rôle-clé dans le limogeage de Sam Altman.

Séisme dans la Silicon Valley

L’éviction vendredi de Sam Altman, superstar et cofondateur d’OpenAI, à l’origine de la plate-forme d’intelligence artificielle ChatGPT, a provoqué un séisme dans la Silicon Valley (Californie), dont il était devenu en un an l’une des principales figures.

« Il est clair que le processus et la communication autour du retrait de Sam [Altman] ont été très mal gérés, ce qui a gravement entamé la confiance » dans OpenAI, a écrit sur X son remplaçant par intérim, Emmett Shear, cofondateur de la plate-forme de streaming vidéo Twitch qu’il a dirigée jusqu’en mars. Celui-ci s’est engagé pour les trente prochains jours à réaliser un audit indépendant sur les raisons de ce départ et à « réformer l’équipe de direction (…) pour en faire une force capable d’obtenir des résultats pour nos clients ».

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La structure de gouvernance d’OpenAI donne une importance renforcée au conseil d’administration, car il dépend d’une société à but non lucratif, qui chapeaute OpenAI, entité au statut social différent (à but lucratif mais limité). Dans leur lettre, les cadres reprochent également aux administrateurs d’avoir remplacé Mira Murati quelques heures seulement après sa désignation pour succéder à Sam Altman. Ils ajoutent que le conseil a déclaré aux équipes que laisser OpenAI se dissoudre serait « cohérent au regard de sa mission ».

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Le Monde avec AFP

Accidents du travail : Olivier Dussopt remet la réforme de l’indemnisation à plus tard

Le ministre du travail, Olivier Dussopt, et la première ministre, Elisabeth Borne, lors d’une séance de questions au gouvernement, à l’Assemblée nationale, le 14 novembre 2023. 

Le gouvernement et les partenaires sociaux ont trouvé un nouveau thème de discorde : la réforme de l’indemnisation des accidents du travail et des maladies professionnelles. Olivier Dussopt, le ministre du travail, vient de repousser les propositions communes qui lui ont été soumises sur ce dossier par les syndicats et le patronat, au motif qu’elles présentent un « risque constitutionnel » et posent de sérieux problèmes « en termes d’opérationnalité ». « Désinvolture », soupire Isabelle Mercier, secrétaire nationale de la CFDT. « C’est décourageant », renchérit Eric Chevée, vice-président de la Confédération des petites et moyennes entreprises. La refonte du dispositif, qui aurait dû être approuvée par le Parlement cet automne, est reportée sine die.

Au cœur du différend, il y a l’article 39 du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2024, qui figurait dans la version initiale du texte. L’objet de cette disposition était de transposer dans notre corpus législatif des orientations arrêtées par les syndicats et le patronat dans un accord national conclu le 15 mai. Ceux-ci avaient, entre autres, demandé au pouvoir en place de prendre des mesures pour contrer certains effets d’une nouvelle jurisprudence de la Cour de cassation, datée du 20 janvier, très favorable aux victimes d’accidents du travail en cas de « faute inexcusable » de l’entreprise et susceptible de déboucher sur une multiplication des contentieux. Une judiciarisation accrue que les partenaires sociaux voulaient éviter.

Dans le PLFSS présenté fin septembre en conseil des ministres, l’article 39 était donc censé mettre en musique la volonté des organisations de salariés et d’employeurs. Mais les syndicats ont estimé que la copie du gouvernement n’était pas conforme à leurs attentes, notamment parce qu’elle plafonnait l’indemnisation en cas de « faute inexcusable » de l’entreprise. Une critique également formulée par deux autres acteurs ayant pignon sur rue : l’Association nationale de défense des victimes de l’amiante (Andeva) et la Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés (Fnath). Le patronat, de son côté, ne partageait pas ces appréciations.

« Travaux d’analyse »

Face à de telles divergences, M. Dussopt a décidé, le 18 octobre, de retirer l’article 39 du PLFSS tout en invitant les partenaires sociaux à rouvrir des discussions sur ce sujet. Ce qu’ils ont fait quasi immédiatement. Après plusieurs réunions, les représentants des travailleurs et des chefs d’entreprise ont réussi à s’entendre, le 13 novembre, sur une réécriture de l’article 39, le but étant qu’elle soit réintroduite dans le PLFSS en cours d’examen au Parlement. Cette nouvelle mouture prévoit de renvoyer la question des dédommagements pour faute inexcusable à « des travaux d’analyse [qui] doivent être engagés » par la commission des accidents du travail et des maladies professionnelles dans laquelle siègent les organisations de salariés et d’employeurs.

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« Que sait-on du travail ? » : les entreprises ne peuvent, seules, résorber les inégalités subies par les personnes en situation de handicap

51 % : la moitié des personnes limitées par un problème de santé depuis au moins six mois et âgées de 15 à 64 ans étaient en emploi en 2021 contre 70 % des personnes valides, selon l’enquête Emploi de l’Insee. Le taux de chômage de cette catégorie, qui correspond à l’indicateur global de limitation d’activité (GALI), atteignait, de son côté, 13 % contre 8 % pour les valides. Dans leur contribution au projet de médiation scientifique « Que sait-on du travail ? » du Laboratoire interdisciplinaire d’évaluation des politiques publiques (Liepp), diffusé en collaboration avec les Presses de Sciences Po sur la chaîne Emploi du site Lemonde.fr., les chercheuses Anne Revillard, Célia Bouchet et Mathéa Boudinet dressent un état des lieux de l’insertion des handicapés dans les entreprises.

Après avoir précisé que le travail pouvait lui-même créer du handicap chez les salariés, par l’entremise d’accidents du travail et de maladies professionnelles, les autrices constatent que, malgré une plus grande tolérance des entreprises et de réels progrès dans la volonté politique de les intégrer en situation de travail réel, de nombreux obstacles persistent.

Moins présentes dans le monde du travail, les personnes handicapées occupent aussi des emplois moins qualifiés – à 55 %, ce sont des ouvriers et des employés contre 44 % dans la population valide –, et travaillent plus souvent à temps partiel. A profil socioprofessionnel égal, « il existe des écarts de rémunération de plusieurs centaines d’euros entre les personnes en emploi qui ont grandi avec des limitations visuelles ou auditives fortes et les personnes valides ».

Une bonne partie des personnes concernées sont pauvres : d’après une étude datant de 2011, une personne sur cinq ayant grandi avec un handicap perçoit moins de 10 000 euros par an de revenus du travail. Cette proportion atteint 38,7 % pour les individus atteints de limitations cognitives fortes.

Les profils de personnes en situation de handicap sont très hétérogènes, notamment quant à leur nature et leur moment de survenue. Les handicapés de naissance et les porteurs de handicap psychique ou de limitations visuelles fortes sont bien plus souvent au chômage.

Ces constats s’expliquent par deux catégories de causes : le défaut d’accessibilité à l’échelle de la société ou de l’entreprise (manque de matériel adapté, inadaptation des transports, des bâtiments…), et la stigmatisation qui persiste à toutes les étapes de la vie.

Il existe des politiques publiques envers les entreprises et les institutions, qui ont en partie fait leurs preuves : elles sont notamment obligées d’embaucher 6 % de salariés ou d’agents handicapés, à défaut de quoi elles doivent s’acquitter d’une contribution financière. Malheureusement, en 2021, ce taux d’emploi direct n’est que de 3,5 % dans les entreprises privées et publiques, et de 5,4 % dans la fonction publique.

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« Handicap, inégalités professionnelles et politiques d’emploi »

[Comment se porte l’inclusion des personnes en situation de handicap au sein des entreprises ? Anne Revillard est professeure associée en sociologie à Sciences Po, directrice du Laboratoire interdisciplinaire d’évaluation des politiques publiques (Liepp) et membre du Centre de recherche sur les inégalités sociales (CRIS). Ses recherches portent sur l’articulation entre droit, action publique et transformations contemporaines des systèmes d’inégalités liées au genre et au handicap. Célia Bouchet est docteure en sociologie, affiliée au Centre de recherche sur les inégalités sociales (CRIS) et au Laboratoire interdisciplinaire d’évaluation des politiques publiques (Liepp) de Sciences Po. Sa thèse, soutenue en 2022, porte sur les positions socio-économiques des personnes ayant grandi avec un handicap. Mathéa Boudinet est doctorante en sociologie au Centre de recherche sur les inégalités sociales (CRIS) de Sciences Po. Sa thèse porte sur l’emploi des personnes handicapées, les politiques publiques et l’articulation entre genre et handicap, et elle a également mené une recherche sur le milieu protégé de travail.]

Qu’est-ce que le handicap, et quels liens avec le travail ?

Le handicap a longtemps été compris comme un problème individuel, caractéristique des personnes ayant un corps « défaillant » : une jambe en moins, des yeux qui ne voient pas ou peu, etc. Depuis une cinquantaine d’années, cette conception médicale a largement été remise en cause, dans les sciences sociales mais aussi dans la société en général, sous l’effet des mobilisations des personnes handicapées elles-mêmes. Cette conception a ainsi été progressivement remplacée par un « modèle social du handicap », qui met l’accent sur les causes sociales des désavantages que rencontrent les personnes handicapées : par exemple, le manque d’accessibilité des infrastructures et les stéréotypes sociaux.

À travers le monde, les définitions politiques du handicap ont partiellement évolué dans cette direction. En France, la loi du 11 février 2005 définit le handicap comme « toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un trouble de santé invalidant ».

Handicap et travail ont des liens complexes. D’une part, le travail (au sens de travail rémunéré) peut être producteur de handicap, et certains emplois le sont plus que d’autres. Selon l’enquête « Conditions de travail » de la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares), en 2019, 46 % des ouvriers et des ouvrières sans qualification estimaient que le travail avait une influence négative sur leur santé, contre 30 % des cadres et professions intellectuelles supérieures.

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L’argot de bureau : le « talent nurturing » ou le refus de se reposer sur ses lauriers

« Le talent, ça n’existe pas. Je crois qu’avoir envie de réaliser un rêve, c’est le talent. Tout le restant, c’est de la sueur, c’est de la transpiration, c’est de la discipline. » En écoutant ce passage d’une interview télévisée de Jacques Brel en 1971, on se dit qu’il aurait eu tout le potentiel pour enchaîner les conférences sur la motivation au travail, seul en scène, devant un parterre de chefs d’entreprise.

Le talent n’existe pas ? Mais alors, n’y a-t-il pas une petite contradiction lorsque les entreprises utilisent ce terme à longueur de journée pour désigner leurs salariés, dont elles attendent un travail et un investissement de chaque instant ? Le dictionnaire, lui, nous dit bien que le talent est quelque chose d’inné, que c’est une aptitude remarquable…

Les cadres ne s’y trompent pas : 56 % d’entre eux considèrent le talent « comme une ressource rare et non évolutive », selon une étude publiée le 13 novembre par Jean Pralong, professeur en gestion des ressources humaines à l’école de management EM Normandie. Une grande partie des travailleurs interrogés s’excluent de cette catégorie, car ils n’ont pas le niveau de diplôme suffisant, ou jugent leur carrière trop hachée.

C’est le cabinet McKinsey qui a introduit le terme « talent » dans le monde des ressources humaines (RH), dans les années 1990, classant les salariés en trois catégories – les meilleurs, ceux qui donnent satisfaction, et les moins bons – et appelant à se focaliser sur les premiers, car ce seraient les seuls qui apportent réellement de la valeur. L’étude du chercheur met en évidence que les RH se sont heureusement éloignés de cette vision élitiste.

Ils ont trouvé la parade avec une nouvelle expression : le « talent nurturing ». Cela signifie, en français, « la capacité à nourrir les talents ». L’univers du recrutement, qui s’est comme souvent inspiré du marketing, est le premier à s’être emparé de ce vocable : le « nurturing » consiste à tenir au courant des candidats que l’on n’aurait pas recrutés sur un poste, en leur proposant des informations sur l’entreprise. En jargon RH, on parle d’« entretenir le vivier candidats ».

L’entreprise comme « mère nourricière »

Pour les salariés déjà dans la boîte, la gestion des talents est censée démontrer la volonté des employeurs à prêter attention à tous, et pas seulement aux meilleurs. Jenny Gaultier, directrice générale du Mercato de l’emploi, un réseau de consultants en recrutement, date l’usage du nurturing de la période du Covid-19 : « L’idée est que l’entreprise est un peu la mère nourricière, elle doit nourrir ses collaborateurs pour qu’ils restent, c’est devenu plus important que d’en attirer de nouveaux. » Cela prend différentes formes, selon elle : « La formation, faire participer les collaborateurs à des projets qui influent sur les directions que prend l’entreprise, ou encore toutes les formes de flexibilité nouvelles (congés menstruels, semaine de quatre jours). »

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