Archive dans mai 2023

Vers des remplaçants professionnels ?

Droit social. Le contrat de travail à durée indéterminée à plein temps et s’inscrivant dans une relation directe de subordination entre employeur et salarié est la norme de la relation de travail. Il confère d’importantes protections aux travailleurs, mais est aussi utile aux employeurs, qui peuvent s’appuyer sur une main-d’œuvre stable, mettre à profit et maintenir à leur service le talent de cette dernière, tout en exerçant leur autorité et autres prérogatives patronales pour diriger et organiser le travail de leurs salariés.

Pourquoi créer un contrat à durée déterminée (CDD) multi-remplacement ? Le CDD est un contrat de travail par lequel un employeur recrute un salarié pour une durée limitée, se démarque de  l’« emploi typique » en ce qu’il engendre par essence une plus grande précarité du salarié. Les entreprises y recourent car il présente l’avantage de prendre fin sans formalité, par son seul terme ou la réalisation de son objet, tel le retour du salarié malade remplacé.

Le législateur français a fait du CDD un mode exceptionnel d’embauchage et en a subordonné drastiquement le recours à des cas précis, tout en limitant sa durée et ses possibilités de renouvellement. La comparaison internationale (Bernd Waas, Guus Heerma van Voss, Restatement of Labour Law in Europe vol II : Atypical Employment Relationships, Hart Publishing, 2020) montre que le formalisme qui accompagne ce type de contrat est important en droit français.

Original à plus d’un titre

La législation nationale est également de plus en plus complexe : le CDD est devenu un outil des politiques d’emploi. S’appuyant sur le postulat jamais vérifié qu’une législation contraignante est défavorable à l’emploi en particulier pour les personnes dont l’insertion dans le marché du travail est la plus difficile, les règles dérogatoires et les règles spéciales se sont multipliées : on a vu fleurir, les CDD jeunes, les CDD seniors et celui réservé aux salariés agricoles âgés, les CDD de transition, les contrats d’insertion ou de réinsertion professionnelle, les CDD de mission, les CDD de travaux urgents nécessités par des mesures de sécurité, les emplois saisonniers, le contrat vendange, celui relatif aux emplois pour lesquels il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée, le CDD pour les sportifs professionnels, etc.

L’article 6 de loi « portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein-emploi » de décembre 2022 est venu ajouter à ce millefeuille de règles un nouvel assouplissement. Alors que l’article L. 1242-2 du code du travail impose de conclure un nouveau CDD à chaque mission de remplacement, les entreprises ont été autorisées à procéder au remplacement de plusieurs salariés absents, simultanément ou successivement, au moyen d’un seul CDD multi-remplacement.

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Manque d’infirmières et pénurie de médecins, la santé scolaire en crise

« La santé scolaire est en train de s’effondrer ! », martèle Gwenaëlle Durand, secrétaire générale du SNIES-UNSA, l’un des deux syndicats des infirmières scolaires. Cette organisation appelle, avec le SNICS-FSU, à une marche blanche, mardi 23 mai, pour « sauver la santé à l’école ». Les deux syndicats demandent, entre autres, la création de 15 000 postes, une revalorisation salariale et une formation spécifique sanctionnée par un master.

« Il est temps que nos revendications soient prises en compte, sinon on va se retrouver dans une situation catastrophique », s’alarme Mme Durand.

Un système pas à la hauteur : tel était, aussi, le ton du rapport d’information de la commission des finances sur la « médecine scolaire et la santé à l’école », présenté le 10 mai, devant l’Assemblée nationale, par le député (Renaissance) de l’Essonne Robin Reda. Ce document met en évidence des « besoins grandissants » – avec la montée en puissance de l’école inclusive, qui nécessite une individualisation des parcours scolaires, la crise sanitaire et le mal-être des élèves qui s’accroît – et la difficulté du système de santé scolaire à y répondre, en raison d’un « manque de personnel ».

Disparités géographiques

En dix ans, le nombre de médecins scolaires a chuté de 20 %. En 2023, il y aurait environ 900 médecins scolaires pour 60 000 établissements et plus de 12 millions d’élèves. « Depuis plusieurs années, le rendement du concours oscille entre 30 % et 50 % », faute de candidats en nombre suffisant, avance le ministère de l’éducation nationale. L’effectif des infirmières et infirmiers, lui, reste stable, à environ 7 700, mais le taux de rendement au concours qui s’élevait à 100 % en 2018 s’est dégradé. En 2022, il a manqué 58 candidats admis au concours pour 395 postes offerts, constate le rapport.

Lire aussi notre synthèse (2022) : Article réservé à nos abonnés L’interminable crise de la médecine scolaire

Des disparités importantes existent selon les territoires. « La carte de la pénurie de médecins scolaires recoupe celle des déserts médicaux et s’ajoute à la crise d’attractivité, au sens large, de l’éducation nationale », précise M. Reda. Le rapport cite les chiffres de la Cour des comptes qui établissait, en 2018, que le nombre moyen d’élèves par équivalent temps plein (ETP) de médecin de l’éducation nationale, dans chaque département, était compris entre 6 464 élèves dans le Lot et 99 370 en Dordogne. Pour les infirmières et infirmiers, la Cour des comptes avait noté un nombre d’élèves par ETP allant de 680 dans le Cantal à plus de 2 000 à Mayotte. Au niveau national, les moyennes se situeraient à 12 800 élèves par médecin et 1 303 élèves par infirmier.

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Informatique : le secteur bancaire manque de spécialistes du cobol

Qui connaît le cobol ? De moins en moins d’informaticiens, apparemment… Le coboliste est une espèce en voie d’extinction : les développeurs maîtrisant ce code informatique partent peu à peu à la retraite. Pourtant, derrière un retrait d’argent au distributeur, la réservation d’un vol d’avion, la déclaration d’un sinistre ou l’impression d’un ticket de caisse en grande distribution, un programme rédigé en cobol tourne en continu.

Pour assurer le maintien des logiciels, les banques et les assurances se disputent les services des codeurs encore capables d’interpréter le précieux langage. « Si vous en avez un sous le coude qui cherche du travail, dites-le-nous ! », glisse, sous couvert d’anonymat, un cadre informatique d’une grande banque française, sans que l’on puisse distinguer si c’est une boutade ou une réelle offre d’emploi.

Créé en 1959, le COmmon Business Oriented Language (langage commun axé sur les affaires) a été inventé pour simplifier l’interconnectivité entre les ordinateurs de plusieurs constructeurs informatiques. Adopté par le Pentagone, ce langage se diffuse peu à peu dans les entreprises américaines, avant de conquérir dans les années 1960 les banques et les assurances européennes, rassurées par sa fiabilité.

Téléphone à cadran

Soixante-quatre ans plus tard, un rapide tour sur les sites de recrutement dévoile une véritable chasse au développeur cobol. La Banque postale, le groupe Covéa, réunissant notamment les marques MAAF, MMA et GMF, ou encore la BPCE inondent la Toile d’offres d’emploi mentionnant dès le titre la maîtrise indispensable du fameux code. « Je continue de recevoir des propositions d’embauche », affirme Thierry Longer, développeur cobol à la retraite depuis deux ans.

Comme des milliers d’informaticiens du XXᵉ siècle, ce baby-boomeur a été formé à ce langage lors de ses études. « C’était le seul code qu’on nous enseignait puisque c’était le seul utilisé », se remémore-t-il. Depuis une quinzaine d’années, aucune université française ne l’enseigne encore à ses étudiants. « Mais on leur apprend à apprendre, justifie-t-on au secrétariat d’un IUT parisien. C’est un code simple à utiliser. »

Simple en apparence, mais complexe à maîtriser entièrement. D’autant plus que parler de cobol à un jeune développeur, c’est montrer un téléphone à cadran à un adolescent accro à son smartphone. Au mieux, il sourira ; le plus souvent, il vous regardera avec de grands yeux ébahis.

Les nouvelles générations de codeurs préfèrent se tourner vers des langages plus en vogue comme le JavaScript ou le Python. « Le cobol, ce n’est pas sexy », admet Cyril Coquilleau, formateur cobol depuis six ans. Des lettres rouges et vertes sur un fond noir, « on a l’impression de coder sur Minitel », ajoute-t-il. Passé de mode, le langage est renommé par les jeunes développeurs en Completely Obsolete Business Oriented Language (« langage axé sur les affaires complètement obsolète »).

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Dans l’aéronautique, la sous-traitance se prépare à la hausse des cadences de production

Sur la chaîne de montage d’un Airbus A350, à Colomiers (Haute-Garonne), près de Toulouse, le 9 décembre 2022.

Pour l’aéronautique, si le coup d’arrêt du printemps 2020 a été brusque, la reprise, elle, est précipitée. Il y a trois ans, la pandémie de Covid-19 avait immobilisé le transport aérien : tous les avions, ou presque, ne pouvaient décoller et les chaînes de fabrication tournaient au ralenti. Mais, résilient, le secteur, dopé par la reprise du trafic aérien en 2021 et 2022, s’est relevé. En Occitanie, la chaîne d’approvisionnement​ respire​​ de nouveau​,​ au rythme des réacteurs​, car quand Airbus, le moteur de l’économie régionale, va, c’est toute une filière (770 entreprises et 75 000 salariés, intérim compris) qui repart.

Début mai, l’avionneur européen a annoncé augmenter les cadences de production de son best-seller, l’A320, passant de soixante-cinq appareils par mois fin 2024 à soixante-quinze par mois en 2026. « Cette annonce est un bon signal », se félicite Christian Cornille, président de Mecachrome, un fabricant de pièces de structures et de moteurs d’avion. « Il est plus réjouissant de s’occuper d’un plan de croissance que d’un plan de restructuration​. »

​Cependant, cette reprise de l’activité est contrariée par le manque de​ disponibilité de certains alliages d’aluminium ou d’aciers Inox.​ « Au-delà du volume, le problème est la question de la capabilité », relève M. Cornille. « Certains fournisseurs se sont restructurés et spécialisés dans des typologies de titane et d’acier et choisissent à qui livrer la matière première. Parfois, ils ne le font pas en notre faveur. » En conséquence, la ligne de fabrication des​ cônes avant des moteurs d’avion de l’usine du groupe implantée à Aubigny-sur-Nère (Cher) s’est mise à l’arrêt quinze jours, en février. « Notre client, Safran, a dû utiliser ses stocks », note M. Cornille.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés La sous-traitance aéronautique partagée entre prudence et espoir

A cette contrainte s’ajoutent d’autres difficultés financières qui pèsent sur la trésorerie des entreprises. L’envolée des prix des matières premières et la hausse des coûts de l’énergie surviennent au moment où la sous-traitance doit rembourser des prêts garantis par l’Etat contractés lors de la crise sanitaire. Cette conjonction de facteurs fragilise, de bout en bout, toute la chaîne de fabrication, occasionnant un décalage des calendriers de production​ et, in fine, des livraisons de pièces.

« Notre trésorerie a fondu. Nous n’avons plus rien », observe Sabrina Dos Santos, présidente de l’entreprise Vidal (usinage de précision des pièces pour les trains d’atterrissage), installée à Saint-Martin-du-Touch, un quartier de Toulouse. « Nous sommes à un stade où, si nous n’acceptons pas les prix imposés, nous produisons à perte. »

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L’argot de bureau : le « shadow comex », parole aux jeunes (mais pas trop)

L’Argot de bureau.

Imaginez un monde où un concours d’éloquence étudiant remplace l’élection présidentielle, où les parodies « jeunes » des Nations unies remplacent la véritable organisation internationale, où l’âge moyen des membres de l’Académie française est radicalement divisé par quatre, et où les meilleures équipes sportives laissent la place à la réserve de leurs centres de formation. Et si l’on donnait subitement aux jeunes le pouvoir dont ils hériteront (peut-être) dans vingt ou trente ans seulement ?

Dans les entreprises, de telles réunions existent, sans toutefois être vouées à remplacer les cadres décisionnaires : ce sont les « shadow comex » (ou « shadow codir », selon les cas). Comme leur nom l’indique, ces groupes de personnes agissent dans l’ombre des comités exécutifs ou de direction.

Leur fonctionnement s’inspire directement des « shadow cabinets » que les partis d’opposition britanniques ont l’habitude de créer avec leurs députés pour copier-coller un gouvernement, et où chaque membre observe en miroir l’action du véritable ministre, pour mieux le critiquer. En entreprise, c’est peu ou prou la même chose, à la différence que l’âge fait foi pour entrer : les membres du shadow comex ont moins de 30 ou 35 ans, dans la plupart des cas.

La pratique a émergé à partir de 2015, dans le cadre d’une avalanche de communications des entités souhaitant se montrer à l’écoute des millennials : Pernod Ricard, Havas, Adecco, Banque de France… Et particulièrement AccorHotels, qui a beaucoup mis en lumière son comité… pourtant censé rester dans l’ombre : il était alors constitué de treize cadres de moins de 35 ans, de sept nationalités et de métiers différents, pour introduire un nouveau souffle face au constat que les innovations dans l’hôtellerie (Booking, Airbnb) étaient le fait de jeunes.

Un statut cosmétique

Ce format − au nom digne d’un groupe de punk londonien des années 1980 − vise à impliquer les moins expérimentés dans les décisions des entreprises, en leur offrant une tribune. Il s’agit aussi de dépoussiérer l’image qu’ils pourraient se faire de la direction d’une entreprise, réputée froide, exclusivement masculine et de plus de 50 ans.

Ce comité de l’ombre doit porter des fruits grâce à sa fonction consultative. Questionné sur le même ordre du jour que le vrai « comex », il est invité à remettre en question sincèrement les orientations stratégiques. A ce propos, Engie Ineo a justement baptisé « comité challenger » le sien, en 2015. De l’ombre vient la lumière : on attend aussi de ce comité une fonction de laboratoire à idées, très souvent sur les sujets numériques, pour s’adapter à l’évolution des outils et des usages. « Tenez, vous qui êtes jeunes, qui s’y connaît en “TicTac”, pour que l’on puisse investir ce terrain ? Ma fille est accro… »

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La Grande Récré joue son avenir au tribunal

Un magasin La Grande Récré, à Marseille, le 12 décembre 2021.

Qui prendra le contrôle de La Grande Récré ? Le tribunal de commerce de Paris doit examiner, lundi 22 mai, les offres de reprise de la chaîne de magasins de jeux et de jouets, de ses 950 salariés et de ses 350 points de vente, dont 97 magasins intégrés en France. Le groupe King Jouet, en lice pour un rachat partiel, a annoncé, mercredi 17 mai à l’Agence France-Presse, renoncer à son offre, laissant le champ libre à JouéClub. Le tribunal auditionnera lundi les candidats, mais tranchera à une date ultérieure. La liste des repreneurs potentiels n’a pas été officialisée. Y figurent également l’enseigne de chaussures Chaussea et peut-être Jour de Fête, une entreprise spécialisée dans les déguisements et les articles de décoration.

« Nous sommes les seuls à proposer une offre de reprise globale », a estimé Jacques Baudoz, président de JouéClub, après le retrait de King Jouet. L’enseigne, qui s’appuie sur 290 magasins, propose de reprendre 90 % du réseau intégré de La Grande Récré, les 50 contrats de franchise, les « corners » dans d’autres enseignes (Casino, Total…) et garantit la continuité d’exploitation de la marque. Parmi ses arguments : la préservation de « plus de 1 000 emplois directs et indirects » et le fait que La Grande Récré ait été « un ancien membre de la coopérative JouéClub » de 1986 à 1994. Il en était même devenu l’un des plus gros adhérents.

Surtout, JouéClub conserverait l’enseigne La Grande Récré, afin, précise M. Baudoz, de « garder une diversité dans les enseignes que fournisseurs et consommateurs apprécient ». Les emplacements des magasins étant complémentaires, « nous serions présents dans toute la France et dans tous les formats [urbain, périphérie, centres commerciaux], souligne-t-il. C’est d’ailleurs un point qui nous a fait nous intéresser au dossier ». Cela pourrait en outre faciliter un passage devant l’Autorité de la concurrence. De son côté, Chaussea (près de 500 points de vente), a indiqué avoir « déposé une offre sur un certain nombre de magasins » pour être « transformés en Chaussea », sans plus de précisions.

En quête d’un actionnaire de remplacement

Comme l’ensemble des biens de consommation, ce marché a souffert en 2022. Les ventes de jouets ont reculé de 2,6 %, mais ces chiffres sont à comparer avec une croissance record de 3,3 % en 2021, alimentée par la crise sanitaire, lorsqu’il fallait occuper les enfants. Pour les professionnels, il ne s’agirait donc que d’un effet de rattrapage, dans la mesure où les variations annuelles oscillent entre plus ou moins 3 % depuis plus de vingt ans.

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Ces « salariés boomerangs » qui retournent dans leur ancienne entreprise

Un nouveau départ : c’est en ces termes que Nolwenn, 30 ans, parle de son retour chez Michelin. Pourtant, elle avait déjà travaillé pour l’entreprise sept ans auparavant. « J’étais très bien, mais j’avais eu envie de reprendre des études, ce qui n’était pas possible chez eux. Je suis donc allée chez la concurrence, qui m’offrait la possibilité de faire une alternance. » A la fin de ses études, Nolwenn signe un CDI dans l’industrie automobile. Lorsqu’elle démissionne de son poste, en janvier 2022, elle pense tout de suite à recontacter son ancien employeur. « A 30 ans, j’en avais assez des désillusions. Je trouvais fatigant de devoir à chaque fois me réintégrer dans un nouvel environnement. J’avais envie de travailler avec des gens que je connaissais déjà. » La jeune femme revient, mais cette fois à un poste de cadre. Selon elle, son expérience passée dans l’entreprise est un vrai plus. « Comme j’ai commencé tout en bas, quand je m’adresse aux salariés, je sais de quoi je parle, et ils me respectent pour cela », explique-t-elle.

Selon une étude du réseau LinkedIn parue en février, les salariés qui reviennent dans leur ancienne entreprise n’étaient que 1,75 % en 2019, contre 2,38 % en 2022. Une tendance qui reste donc très minoritaire, mais qui, pourtant, intrigue. Michael Obadia, fondateur du cabinet de recrutement Upward, confirme : « C’est un phénomène marginal, mais qui nous frappe parce qu’avant, ça n’arrivait tout simplement jamais. Il y a encore deux ou trois ans, il était impossible de proposer à nos clients des anciens salariés. Aujourd’hui, la porte n’est pas du tout fermée. » Des retours qui s’expliquent, selon lui, par un turnover bien supérieur des salariés. « Aujourd’hui, les entreprises peinent à recruter, et les salariés ont la main. Ce qui fait qu’ils n’hésitent pas à quitter des postes confortables quand on leur propose mieux ailleurs, quitte à revenir. » La relation entre employeur et salariés serait aussi devenue plus neutre : « Aujourd’hui, le “offboarding”, c’est-à-dire le départ des salariés, est mieux géré dans l’entreprise. Les cadres restent en moyenne deux ou trois ans dans un poste, ce qui fait que les deux côtés n’ont pas eu le temps de s’attacher l’un à l’autre. Dès lors que le départ s’est fait sans drame, le retour peut avoir lieu sereinement », précise Michael Obadia.

Lire la chronique de Pierre-Yves Gomez : Article réservé à nos abonnés Phénomène de « grande démission » : L’effet boomerang de la gestion individualisée des performances

Mais si les difficultés actuelles de recrutement rendent les employeurs plus susceptibles d’ouvrir leur porte à ces salariés dits « boomerangs », il reste quelques règles à respecter pour réussir un retour gagnant. La première étant de revenir à un poste qui prenne en compte l’expérience passée ailleurs.

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Pourquoi l’économie de la France tient bon (malgré tout)

Fluctuat nec mergitur. L’économie française pourrait faire sienne la devise de Paris en cette année 2023. Battu par les flots des crises successives depuis trois ans, le pays ne sombre pas. Comme si elle ne voulait pas se résoudre au déclin que promettent les Cassandre depuis des décennies, la France fait preuve d’une résilience inattendue, même si ses faiblesses structurelles persistent et, pour certaines d’entre elles, se sont aggravées. Sous les pavés des blocages liés à la réforme contestée des retraites, beaucoup d’indicateurs économiques restent bien orientés.

Cet article est tiré du « Hors-Série Le Monde : 40 cartes pour comprendre comment va la France » 2023. Ce hors-série est en vente dans les kiosques ou par Internet en se rendant sur le site de notre boutique.

Comme le confie au Monde le patron d’une grande banque d’affaires, « l’idée que la situation peut tourner à la catastrophe n’est dans aucune tête chez les investisseurs. Pour eux, c’est une crise à la française, comme le pays en a connu d’autres ». Le juge de paix pour les marchés financiers, c’est le fameux « spread », l’écart de rendement entre ­l’emprunt d’Etat français à dix ans et son équivalent allemand. Et, sur ce plan, c’est le calme plat.

Pourtant, rien n’aura été épargné à l’économie française : crise pandémique, pénuries de composants perturbant la production, flambée des prix de l’énergie, guerre en Ukraine, inflation, remontée des taux d’intérêt et maintenant crise sociale et politique. Malgré ces tumultes, la France continue à créer de l’emploi, contre toute attente.

Le pays du chômage de masse aurait-il commencé sa mue ? Trop tôt pour le dire mais, quoi qu’en pensent les sceptiques, la proportion de Français en emploi n’a jamais été aussi élevée. Selon la « photographie du marché du travail en 2022 » publiée par l’Insee, 68,1 % des personnes âgées de 15 à 64 ans occupent un poste. Du jamais-vu depuis 1975, date à laquelle l’organisme de statistiques a commencé à mesurer cette donnée. Pour la septième année d’affilée, le taux de chômage diminue, pour s’établir à 7,3 % en moyenne annuelle en 2022, soit 3 points de moins qu’en 2015. L’inversion de la courbe du chômage chère à François Hollande ne tient plus de l’incantation, c’est désormais une réalité.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Chômage : les chiffres restent stables au dernier trimestre de 2022

L’amélioration est aussi bien quantitative que qualitative. Globalement, la précarité recule, en matière de contrat de travail comme de temps de travail. Les embauches en contrat à durée indéterminée ont augmenté de plus de 20 % par rapport au niveau de la fin 2019. Le nombre de salariés à temps complet n’a jamais été aussi élevé (57 %), et la part des jeunes de 15 à 29 ans qui ne sont ni en emploi ni en formation diminue. Même si la France compte encore trois ­millions de chômeurs, le fait que le thème de l’emploi ait quasiment disparu du débat public constitue un bon indicateur de l’amélioration de la situation.

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A Saint-Etienne, le sort de Casino soulève de vives inquiétudes

Le siège social de Casino, à Saint-Etienne, le 28 octobre 2022.

Implanté en face de la gare de Châteaucreux, à Saint-Etienne, le siège mondial du groupe de distribution Casino proclame son slogan sur la façade de son immeuble design : « Forever ». Avec sa traduction française homophone : « #forts et verts ». La référence, intimement liée à l’histoire de la cité minière, fait allusion à la couleur du club de football légendaire et tient du mantra, en pleine période d’incertitude sur la reprise du Groupe Casino.

La couleur verte vient de l’adresse de sa première implantation, rue des Jardins. Au début du XXe siècle, le groupe a fondé l’Amicale des employés de la société Casino, en même temps qu’il multipliait les succursales. Le modèle social, inspiré des utopies de la révolution industrielle, prévoyait système de retraite et progression interne des carrières.

L’amicale est devenue la célèbre Association sportive de Saint-Etienne (ASSE), au panache inégalé et au stade mythique, portant le nom de Geoffroy Guichard, fondateur de la première épicerie Casino. Alors que l’équipe de football a été reléguée en deuxième division en 2022, Casino, perclus de dettes, peut-il sombrer ?

« Personne ne veut croire que Casino peut disparaître, tellement la marque est liée à l’histoire de la région. Mais les salariés sont inquiets. Nous n’avons aucune assurance que le siège du groupe ne soit pas dans la balance des négociations qui s’engagent », confie Guillaume Touminet. Le représentant syndical (CFDT) auprès de la direction Casino France a tiré le signal d’alarme il y a quatre ans.

Pour lui, la vente des murs des succursales a donné l’impression « que l’entreprise était vidée de sa substance pour augmenter les dividendes des actionnaires et rembourser les dettes des autres entités du groupe ». Allusion aux autres structures de l’empire de la distribution constitué par Jean-Charles Naouri à partir de 1992, avec l’absorption de Casino par la holding détenant Rallye, suivi des rachats des enseignes Monoprix, Franprix, Leader Price et Cdiscount.

Le syndrome Manufrance

« Le siège social a fondu, la direction des achats du groupe est à Vitry-sur-Seine [Val-de-Marne], la holding de M. Naouri et le siège de Monoprix sont aussi en région parisienne. Que fera le repreneur ? », s’interroge Guillaume Touminet. En réponse à ses inquiétudes, exprimées dans la presse locale, le syndicaliste a été convoqué en 2019 pour un entretien préalable à son licenciement, avec avertissement à la clé.

« Le tribunal des prud’hommes a sanctionné cette décision. J’ai aujourd’hui le sentiment qu’il faut de nouveau demander la vérité sur la situation réelle du groupe et sur les intentions de nos dirigeants. Dans le passé, personne n’osait imaginer que Manufrance pouvait couler du jour au lendemain, malgré les promesses de reprises », explique M. Tourminet. Le syndrome lié au groupe industriel, disparu en 1980 avec 1 800 salariés, touche encore les cœurs à Saint-Etienne.

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Le compte personnel de pénibilité, dit « compte professionnel de prévention », affiche un maigre bilan

Politique de l’emploi

[La politique de l’emploi s’appuie sur des dispositifs créés au fil des besoins, qui restent parfois méconnus longtemps après leur création. Quelle est leur efficacité contre le chômage ? Elle n’est pas toujours évaluée. « Le Monde » publie une série d’articles sur les aides à l’emploi, pour tenter d’estimer ce qu’on en sait – leur objectif initial, leurs résultats.]

L’objectif du dispositif

Instauré sous la présidence Hollande en 2015, le compte personnel de pénibilité a été créé pour « compenser » l’espérance de vie des travailleurs réduite par l’exposition aux risques liés à la pénibilité au travail. Relativement similaire au compte personnel de formation (CPF), il permet au salarié, exposé à certains facteurs de pénibilité au travail, de cumuler des points sur son compte afin de financer une formation pour une reconversion, un temps partiel sans baisse de salaire avant la retraite ou encore un départ plus précoce (au maximum deux ans avant l’âge légal de départ à la retraite).

Intitulée à l’origine « compte personnel de prévention de la pénibilité », ou C3P, il est devenu, en 2017, le compte professionnel de prévention, ou C2P, dans le cadre des ordonnances Macron. Quatre des dix critères de pénibilité, qui permettent de cumuler des points, ont alors été supprimés par les ordonnances : l’exposition à des agents chimiques dangereux, aux poussières et aux fumées, le port de charge lourdes, les postures pénibles et les vibrations mécaniques émises par des machines.

Les six critères qui demeurent sont : les activités exercées dans des milieux extrêmes (bruyants, sous très haute pression ou haute température), les tâches impliquant des gestes répétitifs ainsi que le travail en équipes alternées (en trois-huit, par exemple) et le travail de nuit.

Le fonctionnement

Un salarié exposé à un de ces critères cumule 4 points par année d’exposition (8 pour les salariés nés avant juillet 1956) et 8 points (16 pour les salariés nés avant juillet 1956) en cas d’expositions à plusieurs facteurs de risques avec un plafond de 100 points pour toute la carrière, à condition de dépasser certains seuils. La réforme des retraites introduit à ce niveau quelques assouplissements, qui doivent encore être confirmés par décret.

Lors de la présentation du projet de loi sur la réforme des retraites à l’issue du conseil des ministres, le 23 janvier, le ministre du travail, Olivier Dussopt, avait annoncé une « modernisation » du dispositif pour une « amélioration de la prise en compte de la pénibilité ».

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