Archive dans mai 2023

« Le Management de la vertu. La diversité en entreprise à New York et à Paris » : de la difficulté d’aller au-delà du symbole

Le livre. C’est une fonction récente, qui a émergé dans les organigrammes des grandes entreprises à la fin des années 1980 aux Etats-Unis, au début des années 2000 en France. Le poste de manageur de la diversité a connu dans les deux pays une institutionnalisation rapide au sein des sociétés, « pressées par le droit et la morale de lutter contre les discriminations ». Mais dans le même temps, cette mission qui portait de grandes ambitions (valoriser les différences, attirer les talents, conquérir de nouveaux marchés…) a rapidement montré ses fragilités et ses limites opérationnelles.

La sociologue Laure Bereni a décidé de mener une enquête au long cours sur ces manageurs de la diversité. Elle a rencontré une centaine d’entre eux dans les années 2010, dans les régions d’affaires de New York et de Paris. Son ouvrage, Le Management de la vertu (Les Presses de Sciences Po), se propose de révéler les contradictions de leur fonction, et la complexité de leur « travail d’équilibriste ».

Leur mission principale est des plus délicates : « Travailler la frontière entre le monde de l’entreprise et la société. » Il s’agit de « permettre aux [organisations] d’échapper à l’image d’identités purement économiques fermées sur elles-mêmes et imposer celle d’un monde des affaires encastré dans la société et soucieux du bien commun ». Une tâche « exaltante et malaisée », note l’auteure, dans un contexte où le rapport de l’entreprise au monde extérieur apparaît particulièrement ambivalent. Les sociétés présentent leur programme de diversité comme étant des initiatives volontaristes, proactives. En réalité, elles sont « fortement déterminées par le droit et l’action publique ».

Une « quête permanente de légitimité »

Dans le même temps, les organisations, si elles souhaitent « coopter les enjeux sociaux », déploient moult efforts pour gommer toute trace de politisation de la diversité. « Les manageurs de la diversité ne cessent d’expliquer la diversité à des collègues qui la confondent avec ce qu’elle n’est pas : une politique de promotion des minorités, l’affirmation de valeurs politiques controversées, une question de conformité légale ou encore un enjeu éthique. »

Au-delà, Mme Bereni se penche sur les moyens alloués aux manageurs de la diversité. De toute évidence, ils sont trop faibles. Quand bien même ils le souhaiteraient, ces derniers « n’ont pas les armes pour s’attaquer aux discriminations et inégalités en tout genre qui structurent les organisations ». Les résultats sont donc loin des ambitions.

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La réforme du RSA suscite inquiétudes et scepticisme

La première ministre, Elisabeth Borne, présente la feuille de route du gouvernement pour les trois prochains mois, à l’Elysée, le 26 avril 2023.

Une réforme de l’assurance-chômage à l’automne 2022. Un hiver rythmé par les défilés contre celle des retraites. En ce printemps, le gouvernement se penche sur une autre réforme, celle du revenu de solidarité active (RSA). Promesse de campagne d’Emmanuel Macron, le projet a été confirmé par la première ministre, Elisabeth Borne, mercredi 26 avril, lors de la présentation de sa feuille de route pour les « cent jours d’apaisement » voulus par le chef de l’Etat après l’éruption sociale des derniers mois. Pas sûr, toutefois, que le projet de loi « plein-emploi », qui doit être présenté par l’exécutif début juin, et qui portera la transformation de Pôle emploi en France Travail et, donc, la réforme du RSA, apporte la quiétude recherchée.

Si les contours précis du texte ne sont pas encore connus, le rapport France Travail remis par le haut-commissaire à l’emploi, Thibaut Guilluy, au ministre du travail, Olivier Dussopt, le 19 avril, donne de sérieuses indications sur son contenu. Le gouvernement souhaite que France Travail soit la « porte d’entrée pour l’ensemble des personnes en recherche d’emploi », et notamment les 2 millions de bénéficiaires du RSA. Aujourd’hui, seulement 42 % d’entre eux sont inscrits à Pôle emploi. L’objectif affiché est d’améliorer l’accompagnement des allocataires, qui peut se révéler particulièrement défaillant dans le système actuel, alors que 18 % d’entre eux (environ 340 000 personnes) « ne sont pas orientés vers un organisme d’accompagnement », selon le rapport.

C’est pour corriger cette situation que le gouvernement souhaite conditionner le versement du RSA à une quinzaine d’heures d’activité par semaine, dans une logique de « droits et devoirs ». Le dispositif doit être un des leviers de l’exécutif dans son objectif d’atteindre le plein-emploi pour 2027 – un taux de chômage autour de 5 %, contre 7,2 % aujourd’hui. En janvier 2022, la Cour des comptes avait critiqué les mauvais résultats du RSA en matière de retour à l’emploi. « Au total, sept ans après l’entrée au RSA (…), seuls 34 % en sont sortis et sont en emploi – et parmi ceux-ci, seul un tiers est en emploi de façon stable », notait la juridiction dans son rapport.

« Effet d’annonce »

Mais plusieurs voix font part de leurs doutes et de leur inquiétude à l’égard du projet gouvernemental. « Ça coûterait une fortune de donner de quinze à vingt heures d’activité à chaque allocataire du RSA », prévient Michaël Zemmour. L’économiste estime qu’une telle mesure n’est qu’un « effet d’annonce pour dire qu’on va remettre des gens au travail ». Dans son rapport, Thibaut Guilluy compte sur un investissement de 2,3 milliards à 2,7 milliards d’euros pour la période de 2024 à 2026.

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« Pour changer le travail, il faut écouter les travailleurs »

Quel responsable d’entreprise oserait affirmer ne pas écouter ses salariés ? Ce principe semble être une évidence. En réalité, au-delà de la courtoisie, l’observation montre que c’est loin d’être le cas. Dans les enquêtes conduites par Secafi sur les conditions de travail, le résultat est clair d’une entreprise à une autre.

A l’assertion « lorsqu’il y a un changement dans mon travail, je peux donner mon avis », environ 60 % des travailleurs répondent « oui ». A la question « mon avis est-il pris en compte ? », le score descend à 30 %. Lors des processus d’information-consultation du comité social et économique sur les projets de transformations du travail, l’employeur considère comme un succès que son projet sorte inchangé du dialogue social.

Pour organiser le travail de la manière la plus efficace, un excellent principe à prendre en compte est « c’est celui qui fait qui sait ». Pourtant, une armée de concepteurs, de fabricants de procédures consacre un temps considérable à expliquer aux travailleurs ce qu’ils doivent faire. Le « one best way » taylorien [soit la meilleure façon de produire] est toujours là, en plus sophistiqué.

Lutter contre les tâches inutiles au travail

La faiblesse des gains de productivité fait débat. L’observation des situations de travail montre à quel point celles-ci sont encombrées de tâches inutiles : traçabilité, reporting [communication des données], justification de toutes sortes, autant de tâches sans valeur ajoutée pour le client ou pour l’usager.

Une infirmière peut passer jusqu’au tiers de son temps, comme le démontrent les observations de Secafi, devant son ordinateur à transcrire ce qu’elle a fait, pourquoi elle l’a fait, comment elle l’a fait, au lieu d’être aux côtés des patients, avec du temps pour les comprendre, échanger avec eux, leur expliquer les soins proposés.

Je ne dis pas que toutes ces règles doivent être supprimées. Mais, parce qu’elles ont été conçues très loin de ceux qui les mettent en œuvre, elles sont lourdes, redondantes, nuisibles à la qualité du travail et au bien-être des travailleurs.

Plaider pour un changement de paradigme

Dans les usines qui produisent en continu, on est surpris de la préférence exprimée parfois pour les postes de nuit. L’éventuelle prime de nuit n’est pas la seule explication. Lorsque l’on sait observer le travail et écouter les travailleurs, on sait le plaisir qu’ils ont à travailler entre eux, loin des fonctions supports et des injonctions bureaucratiques présentes en journée.

Ces observations plaident pour un changement de paradigme : on ne peut plus changer le travail sans le faire avec les intéressés eux-mêmes. La proposition récente d’inclure « l’écoute des travailleurs » comme premier principe de prévention doit être adoptée.

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Les collectifs d’indépendants, un juste milieu entre salariat et travail en free-lance

En mars 2021, Fred Lizée a cofondé, à Nantes, le collectif Away We Go, qui rassemble aujourd’hui une quarantaine d’indépendants, majoritairement autoentrepreneurs, dans les métiers du tourisme. « L’objectif était de mutualiser nos réseaux et expertises à la sortie du Covid, pour proposer de nouveaux services aux entreprises du secteur, qui ont du mal à embaucher et commencent à s’intéresser aux indépendants », explique ce chef de produit.

Ces dernières années, les regroupements d’indépendants comme celui-ci se multiplient, sous des statuts variés : association, société par actions simplifiée, coopérative… Dans une étude publiée en janvier avec la banque en ligne Shine, la plate-forme Collective estime qu’il existe 35 000 collectifs d’indépendants en France à ce jour, dont 10 000 se revendiquent comme tels.

Pour Jean-Yves Ottmann, chercheur en sciences du travail et coordinateur scientifique du Laboratoire Missioneo, le développement de ces nouvelles formes de travail est lié à l’« émergence de nouveaux métiers de la prestation intellectuelle, qui se sont structurés grâce aux outils numériques ». La technologie et le développement (24 % des collectifs selon l’étude Shine-Collective), la communication (16 %) et le conseil sont parmi les secteurs les plus représentés.

« Combattre la solitude »

Pour Yannick Fondeur, chercheur au Conservatoire national des arts et métiers, qui a notamment analysé un collectif de free-lances dans le numérique : « Il y a deux objectifs au départ, se partager des opportunités de missions, ainsi que faire équipe et avoir des compétences complémentaires. » Jean-Yves Ottmann identifie, lui, trois raisons : « politique, avec un rejet du salariat et des organisations traditionnelles ; psychologique, avec une volonté de quitter la solitude ; et pragmatique, pour accéder à des ressources et missions auxquelles on ne peut pas accéder tout seul ».

Cinquante-cinq pour cent des indépendants qui ont rejoint un collectif l’ont fait pour « combattre la solitude du free-lancing », selon l’étude Shine-Collective. En se réunissant, les free-lances cherchent aussi à mutualiser certaines dépenses : facturation, documents commerciaux, site Web, formations… « On a recréé ce qui nous plaisait dans l’entreprise et qu’on avait perdu en devenant indépendantes : travailler ensemble, avoir des gens sur qui compter », estime Louise Racine, cofondatrice de Lookoom, collectif spécialisé en identité de marque sur le numérique, qui fédère aujourd’hui 200 personnes.

Lire aussi le premier article de la série : Article réservé à nos abonnés L’essor du travail indépendant en entreprise bouscule le management

En assemblant des compétences complémentaires, les indépendants peuvent surtout réaliser des missions plus ambitieuses, réservées jusqu’alors aux agences : 83 % des indépendants disent avoir rejoint un collectif pour « travailler sur des projets de plus grande envergure ». Par exemple, construire à plusieurs un site de A à Z pour un client.

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L’Europe fait-elle encore rêver les étudiants ?

Madeleine Bourguet, 18 ans, étudiante française en droit à l'Université Complutense de Madrid, dans le cadre d'un échange avec la Sorbonne, le 23 avril 2023.

Etudes en immersion, colocation internationale, vie nocturne et horaires décalés : « On dirait un cliché tiré du film L’Auberge espagnole, mais c’est mon quotidien depuis septembre », s’amuse Madeleine Bourguet, 18 ans. La jeune fille effectue les deux premières années de son double diplôme de droit franco-espagnol à l’université Complutense de Madrid, en partenariat avec la Sorbonne. Pourquoi s’envoler si tôt du nid familial et de France ?

« Mon lycée de secteur Marie-Curie à Sceaux [Hauts-de-Seine] proposait une section binationale pour passer un “bachibac” (contraction de bachillerato et baccalauréat). J’y ai développé mon goût pour la culture espagnole. Logiquement, j’ai voulu poursuivre sur cette lancée en suivant une formation bilingue en droit. » Les deux dernières années de son cursus sont prévues à Paris. « Mais je compte bien travailler plus tard dans des entreprises d’envergure européenne », confie Madeleine, dont le témoignage a été recueilli pour La Nuit de l’Europe, organisée samedi 13 mai par Sciences Po Strasbourg en partenariat avec Le Monde.

Même évidence pour Lucas Nitzsche, 20 ans, en troisième année à Sciences Po Paris, après avoir passé deux ans sur le campus de Nancy avec la mineure Union européenne. De par ses origines franco-allemandes, le Strasbourgeois a l’Europe dans ses gènes. Il a aussi cultivé cette affinité naturelle en optant pour un baccalauréat à option internationale. En terminale, il a rejoint le mouvement Jeunes Européens-France, dont il dirige aujourd’hui la revue Le Taurillon. « Avec nos publications en sept langues, nous essayons de susciter le débat auprès de nos trois millions de lecteurs, explique Lucas, qui vit son engagement comme une école de la démocratie européenne. Si je m’oriente vers le journalisme, conclut-il, ce sera pour exercer partout en Europe. »

Les plus passionnés tombent souvent dans la potion très jeune, à l’instar de Madeleine, Lucas ou Pauline Chetail. Cette dernière s’est engagée au Parlement européen des jeunes au lycée et le dirige aujourd’hui depuis le siège berlinois. « Présente dans trente-six pays, notre association sensibilise collégiens, lycéens et apprentis aux valeurs européennes. Nos grands regroupements leur permettent de dialoguer sur les enjeux-clés de la paix et de la démocratie, de la justice ou du climat. »

De quoi susciter des vocations précoces. « Les trois quarts des adhérents repèrent, à ces occasions, des zones géographiques où ils aimeraient travailler plus tard, au-delà de leurs frontières nationales », ajoute la trentenaire, qui a elle-même expérimenté ce parcours. Après un master en gouvernance européenne, Pauline a exercé à Londres, à la University College London, puis à Bruxelles, au sein du think tank Bruegel, pour faire du fund-raising (« collecte de fonds »), avant de s’installer à Berlin et de diriger l’association.

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Le Forum économique mondial chiffre à 14 millions les pertes nettes d’emplois dans le monde d’ici à 2027

Un robot humanoïde en démonstration au Consumer Electronics Show de Las Vegas (Etats-Unis), le 5 janvier 2022.

A l’instar de chaque innovation, l’intelligence artificielle (IA) alimente les craintes de destruction d’emplois. Alors que le programme ChatGPT suscite l’intérêt du grand public et réveille l’appétit des investisseurs, le Forum économique mondial chiffre, dans une étude publiée lundi 1er mai, les pertes nettes d’emplois à 14 millions dans le monde au cours des cinq prochaines années (69 millions de créations et 83 millions de destructions), soit 2 % du total. Il anticipe que près d’un quart des salariés changeront de métier, principalement en raison de l’irruption des nouvelles technologies.

Les auteurs de l’étude fondent leurs estimations sur les informations collectées auprès de 803 entreprises du monde entier faisant travailler 11,3 millions de personnes. Les créations seraient les plus importantes dans les secteurs de l’éducation (+ 10 %), de l’agriculture (en particulier les conducteurs d’engins), alors que les destructions toucheraient surtout les tâches administratives, comme les services de compatibilité.

Ces derniers mois, les rapports se multiplient pour mesurer l’impact de l’IA sur l’activité. Dans une étude publiée fin mars, Goldman Sachs prévoit qu’aux Etats-Unis et en Europe, zones les plus touchées, près des deux tiers des emplois sont « exposés à un certain degré d’automatisation par l’intelligence artificielle ». Un quart d’entre eux pourraient être automatisés. La banque d’investissement américaine ajoute que, grâce à la seule augmentation de la productivité, le produit intérieur brut annuel de la planète pourrait s’envoler de 7 % ces dix prochaines années.

En collaboration avec l’université américaine de Pennsylvanie, OpenAI, la société qui développe ChatGPT, prédit que pour 19 % des métiers, en particulier ceux dont les salaires sont les plus élevés, au moins la moitié des tâches seront affectées par l’intelligence artificielle dite « générative ». « Le potentiel lié à de nouvelles découvertes, les changements de comportement et l’évolution technologique peuvent tous avoir une influence sur la précision et la fiabilité des prévisions », précisent toutefois les chercheurs.

« Gains d’efficacité »

Ces estimations sont fragiles et incertaines, tant l’adoption des nouvelles technologies est imprévisible. Dans son rapport, le Forum économique mondial constate que « les entreprises introduisent l’automatisation dans leurs opérations à un rythme plus lent que prévu » par rapport à ce qu’il anticipait en 2020. Les auteurs évoquent une automatisation à deux vitesses. « Si le remplacement du travail physique et manuel par des machines a ralenti, le raisonnement, la communication et la coordination − autant de traits qui confèrent à l’homme un avantage comparatif − devraient être davantage automatisés à l’avenir », écrivent-ils.

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Hollywood : la grève est déclarée chez les scénaristes

Lors d’une précédente grève du syndicat des scénaristes, à Hollywood, le 20 novembre 2007.

La crise couvait au royaume du cinéma et du divertissement. C’est à présent une réalité : des milliers de scénaristes de télévision et de cinéma américains vont se mettre en grève après l’échec des négociations avec les principaux studios et plates-formes – comme Netflix ou Disney – qui portaient sur une hausse de leurs rémunérations.

Les membres du conseil d’administration du puissant syndicat des scénaristes, la Writers Guild of America (WGA), « agissant en vertu de l’autorité qui leur a été conférée par leurs membres, ont voté à l’unanimité en faveur d’un appel à la grève » qui prendra effet après minuit (9 heures mardi, heure de Paris), a tweeté, lundi 1er mai tard dans la soirée la WGA. Cette grève devrait entraîner l’interruption immédiate des émissions à succès, comme les late-night shows (talk-shows de fin de soirée), et retarderait de manière importante les séries télévisées et films dont la sortie est prévue cette année.

Le dernier mouvement social d’ampleur à Hollywood remonte à la grève des scénaristes qui avait paralysé l’audiovisuel américain en 2007-2008. Ce conflit de cent jours avait coûté 2 milliards de dollars au secteur.

Les scénaristes réclament une hausse de leur rémunération et une plus grande part des bénéfices générés par le streaming, alors que les studios affirment devoir réduire leurs coûts en raison de pressions économiques.

Les salaires stagnent, voire baissent

« Tout le monde a l’impression qu’il va y avoir une grève », avait déclaré à l’Agence France-Presse sous couvert de l’anonymat un scénariste pour la télévision basé à Los Angeles. En jeu, « un accord qui va déterminer la manière dont [les scénaristes sont] rémunérés » pour le streaming, aussi bien aujourd’hui qu’à l’avenir, avait-il ajouté.

Les scénaristes affirment avoir du mal à vivre de leur métier, leurs salaires stagnent, voire baissent en raison de l’inflation, alors que leurs employeurs font des bénéfices et augmentent les salaires de leurs dirigeants. Ils estiment n’avoir jamais été aussi nombreux à travailler au salaire minimum fixé par les syndicats, tandis que les chaînes de télévision embauchent moins de personnes pour écrire des séries de plus en plus courtes.

L’un des principaux désaccords porte sur le mode de calcul de la rémunération des scénaristes pour les séries diffusées en streaming, qui, sur des plates-formes comme Netflix, restent souvent visibles pendant des années après avoir été écrites. Depuis des décennies, les scénaristes perçoivent des « droits résiduels » pour la réutilisation de leurs œuvres, par exemple lors des rediffusions télévisées ou des ventes de DVD. Il s’agit soit d’un pourcentage des recettes engrangées par les studios pour le film ou l’émission, soit d’une somme fixe versée à chaque rediffusion d’un épisode.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés « Netflix retrouve des abonnés, mais pas vraiment la croissance »

L’impact de l’intelligence artificielle en question

Avec le streaming, les auteurs reçoivent chaque année un montant fixe, même en cas de succès international de leur travail, comme pour les séries La Chronique des Bridgerton ou Stranger Things, vues par des centaines de millions de téléspectateurs dans le monde entier. La WGA, qui défend les quelque 11 000 scénaristes du pays, réclame la revalorisation de ces montants, aujourd’hui « bien trop faibles au regard de la réutilisation internationale massive » de ces programmes. Elle veut également évoquer le futur impact de l’intelligence artificielle sur le métier de scénariste.

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Les studios, représentés par l’Alliance des producteurs de cinéma et de télévision (AMPTP), relèvent que les « droits résiduels » versés aux scénaristes ont atteint un niveau record de 494 millions de dollars (450 millions d’euros) en 2021, contre 333 millions dix ans plus tôt, en grande partie grâce à la forte augmentation des emplois de scénaristes, liée à la hausse de la demande en streaming.

Après avoir été dépensiers ces dernières années, lorsque les diffuseurs concurrents ont cherché à augmenter le nombre d’abonnés à tout prix, les patrons affirment désormais être soumis à une forte pression de la part des investisseurs pour qu’ils réduisent leurs dépenses et fassent des bénéfices. Et ils nient prétexter des difficultés économiques pour renforcer leur position dans les négociations avec les scénaristes.

« Pensez-vous que Disney licencierait 7 000 personnes pour le plaisir ? », a déclaré une source proche de l’AMPTP, qui représente environ 300 producteurs et les grands studios. Selon elle, « il n’y a qu’une seule plate-forme qui soit rentable à l’heure actuelle, et c’est Netflix ». L’industrie du cinéma « est également un secteur très concurrentiel ».

Le Monde avec AFP

Emploi : abandon de poste, la vraie-fausse démission ?

Droit social. Le seul avantage d’une loi nouvelle serait-il de remplacer des inconvénients connus par des inconvénients inconnus ? La loi sur le « fonctionnement du marché du travail » du 21 décembre 2022 a voulu dissuader le salarié voulant rapidement quitter son entreprise, mais sans démissionner, d’abandonner délibérément son poste afin d’être licencié pour faute grave, ce qui lui ouvrait les droits à l’assurance-chômage.

Cette pratique banalisée (beaucoup des partants sont rapidement embauchés ailleurs, mais l’Unédic a enregistré 75 000 ouvertures de droits en 2022) laisse TPE et PME face à de lourds problèmes d’organisation et, souvent, des salariés en grande difficulté.

Depuis le décret du 17 avril 2023, le salarié parti volontairement sans justification est réputé démissionnaire, s’il ne reprend pas le travail dans les quinze jours qui suivent la réception de la mise en demeure envoyée par l’employeur, sans avoir de motif légitime. La privation d’emploi devenant alors volontaire, il perd ses droits aux allocations de chômage. Voulant renforcer la dissuasion, le décret invite l’employeur à rappeler au salarié qu’il est alors débiteur du préavis de démission.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Chômage : les chiffres restent stables au dernier trimestre de 2022

Des salariés ont donc renoncé à l’abandon de poste, au profit de fautes classiques (comme celle de « grave insubordination », par exemple) aboutissant au même résultat : un licenciement pour faute grave.

Eviter tout contentieux

Mais, côté employeur, la nouvelle procédure est-elle la seule qui soit possible ? Non. Comme aujourd’hui, il peut d’abord, en l’absence de travail, cesser de payer le collaborateur. Toujours lié par son contrat de travail, ce dernier ne peut (officiellement) pas travailler ailleurs. Et, au-delà du classique arrêt maladie, la situation est difficilement tenable à terme.

Est-il interdit de licencier « à l’ancienne », en qualifiant l’abandon de poste de faute grave ? D’un point de vue financier, l’un des buts était de soulager l’Unédic, qui évalue à plus de 530 millions d’euros par an les « moindres dépenses » en régime de croisière. Et le principe « les règles spéciales dérogent aux règles générales » milite également en ce sens.

Mais rien dans la loi ni dans le décret ne répond à la question. En revanche, le questions-réponses mis en ligne le 18 avril par le ministère du travail précise : « Si l’employeur désire mettre fin à la relation de travail (…), il n’a plus vocation à engager une procédure de licenciement pour faute. » La valeur d’un tel questions-réponses est fort importante pour les praticiens, mais elle est proche de zéro devant un juge.

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« L’enseignement supérieur privé est le secteur rêvé pour des investisseurs à la recherche d’un rendement généreux »

Pour Julien Jacqmin, professeur associé à Neoma Business School, « il sera difficile de faire l’économie d’une régulation plus stricte que celle en vigueur actuellement » concernant les formations privées à but lucratif qui, pour satisfaire leurs actionnaires, tirent profit de la faible qualité de l’information à la disposition de certains étudiants.