Archive dans février 2023

Les salariés de l’habillement, en dépit des suppressions d’emplois, peinent à mobiliser leurs députés

Les syndicats se mobilisent contre la réforme des retraites. Au sein des enseignes d’habillement, les représentants du personnel défendent vigoureusement l’emploi. Partout. Car le licenciement des 2 100 salariés de Camaïeu, au lendemain de la fermeture des 511 magasins de l’enseigne d’habillement, début octobre 2022, a créé une onde de choc. Après s’être répandue dans les galeries marchandes et les rues commerçantes, où les employés de boutiques se soucient du sort de leurs voisins, elle se manifeste maintenant sur Facebook.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Camaïeu, Go Sport, André, Kookaï… Pourquoi le secteur de l’habillement traverse une crise profonde

Le réseau social regorge de comptes de syndicats et de salariés, où les internautes échangent sur l’état de santé de leur entreprise. « Nos dirigeants n’ont pas trouvé le financement nécessaire à leur offre », prévient ainsi la CGT San Marina, dans un post publié le 6 février. « Quelle tristesse », répond une des employés. Un autre préfère une photo du naufrage du Titanic, pour illustrer le risque de liquidation qu’encourt l’enseigne de chaussures.

Toujours sur Facebook, fin janvier, la CGT Pimkie a publié un chiffre : − 26 % de chiffre d’affaires en décembre 2022 « par rapport au budget », avant de s’interroger « sur les solutions que vont trouver [les] futurs nouveaux actionnaires pour faire mieux que les anciens ». Les Mulliez, propriétaires de l’enseigne depuis sa création, ont décidé de vendre à un consortium de fabricants. Ces derniers envisageraient déjà de supprimer entre 400 et 500 emplois et de fermer 100 magasins.

Un seul rendez-vous

L’onde de choc Camaïeu a aussi atteint d’autres filiales de la Financière immobilière bordelaise, qui détenait l’enseigne d’habillement depuis juillet 2020. Les élus de Gap et Go Sport manifestent désormais côte à côte. Samedi 4 février, à Paris, rue Tronchet, ils étaient une trentaine à bloquer l’accès au magasin de Gap. Pour deux heures seulement, afin de limiter le manque à gagner.

Les salariés de cette enseigne d’origine américaine s’inquiètent de leur sort, quelques semaines après la cession de ses 21 magasins à Go Sport pour 38 millions d’euros. Ceux de l’enseigne d’articles de sport (2 160 personnes) appellent les pouvoirs publics à la vigilance lors du processus de cession de Go Sport, placé en redressement judiciaire le 19 janvier.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Go Sport en redressement judiciaire : les salariés satisfaits, mais inquiets d’une éventuelle « casse sociale »

L’intersyndicale a sollicité des entretiens avec Fanta Berete, députée suppléante d’Olivia Grégoire (Renaissance), ministre déléguée chargée des PME et du commerce, Fabien Roussel, député du Nord et secrétaire national du Parti communiste français, François Ruffin, député (La France insoumise, LFI) de la Somme, et Elisa Martin, députée (LFI) de l’Isère, département dont relève l’enseigne, dont le siège social est situé à Sassenage.

Il vous reste 13.42% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

« Le Mythe de l’entrepreneur » : la face cachée de la Silicon Valley

Le livre. Où a débuté l’irrésistible success story de nombreux entrepreneurs de la Silicon Valley ? Dans un garage. C’est là, par exemple, que Steve Jobs,va vivre l’acte fondateur de sa carrière : durant l’été 1976, il y produit avec son ami Steve Wozniak les premiers ordinateurs Apple I.

L’ascension qui va suivre n’en est que plus saisissante : « Du dénuement à l’abondance, du garage à la multinationale, les médiations s’évanouissent. Ne reste que la performance de l’entrepreneur héroïsé », explique Anthony Galluzzo, maître de conférences à l’université de Saint-Etienne. Dans son essai Le Mythe de l’entrepreneur (La Découverte, 232 pages, 20,5 euros) l’auteur décrypte de façon méthodique la fabrique des célébrités entrepreneuriales américaines − et tout particulièrement celle du cofondateur d’Apple − et défait, pièce après pièce, l’imaginaire qui nous est proposé.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés « Steve Jobs, Elon Musk… Les patrons de la tech s’inscrivent dans la longue tradition du mythe de l’entrepreneur américain »

Il montre que cette construction, ce storytelling, repose sur certains invariants qui font de l’entrepreneur un produit-star, marketé jusqu’à l’excès : « La précocité, la fêlure originelle, les origines modestes, la rébellion fondatrice. » Il est un créateur situé au-dessus des contingences matérielles (« la vie de Steve Jobs ne se trouve pas sur les terres de la production mais dans le ciel des idées »), doté d’une vision, sorte de « techno-prophète » qui « décrivait ce à quoi allait ressembler le futur ». Mais c’est aussi un génie créatif altruiste : celui qui va incarner la marche vers le progrès et « donn[er] à l’humanité les outils de sa prospérité ».

De génie à accapareur

Au fil des pages, l’auteur se plaît à changer le point de vue de l’observateur, réalisant plans larges et contrechamps pour mieux souligner les manquements de ces belles histoires. Il nous montre que, selon où l’on se positionne, Steve Jobs passe de génie à accapareur, que « Apple est moins le ‘‘créateur’’ de l’iPod que son assembleur ». Avec le logiciel iTunes, l’entrepreneur aurait « sauv[é] la musique des ravages du piratage », a-t-on entendu. C’était surtout le moyen pour Apple de saisir une opportunité de marché.

Ce faisant, M. Galluzzo met en lumière ce que le récit officiel occulte. Derrière l’image d’Apple, phare de l’humanité, on distingue une entreprise en quête de rentabilité qui délocalise une partie de sa production chez un sous-traitant, Foxconn, où les conditions de travail sont dénoncées. On comprend par ailleurs que, derrière le créatif tenant de ses « keynotes », ses conférences-spectacles, Jobs est aussi un patron et un homme d’affaires.

Il vous reste 33.28% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Camaïeu, Go Sport, André, Kookaï… Pourquoi le secteur de l’habillement traverse une crise profonde

A Strasbourg, le 24 janvier 2017.

C’est l’heure de vérité. Trois ans après la fermeture provisoire, en mars 2020, des magasins d’habillement pour lutter contre l’émergence de la pandémie de Covid-19, nombre d’enseignes de mode risquent de définitivement tirer le rideau. C&A ouvre le bal des mauvaises nouvelles de 2023. L’enseigne d’habillement a fermé les portes de deux de ses trois magasins parisiens, boulevard Haussmann et rue de Rivoli, mardi 7 février.

Lire aussi : L’enseigne Go Sport est placée en redressement judiciaire

Faute de repreneurs à la barre du tribunal, San Marina, placé en redressement depuis septembre 2022, est menacé de liquidation judiciaire, lors d’un jugement attendu le 10 février. L’enseigne exploite 163 magasins et emploie 680 personnes. Les salariés de Go Sport (2 160 employés), Kookaï (320 personnes), Burton (600) et André (280) sont, eux aussi, dans l’expectative. Leur employeur a été placé en redressement judiciaire ou, pour Burton, en procédure de sauvegarde.

La crise du secteur n’est pas nouvelle. Elle a débuté en 2015, estime Gildas Minvielle, directeur de l’observatoire économique de l’Institut français de la mode (IFM). L’année est « alors un point de bascule », se rappelle cet expert. Les chaînes d’habillement qui, sous le diktat de fonds d’investissement ou de la Bourse, chez Brice, Etam, La Halle ou Camaïeu, ont participé à construire la France des 800 centres commerciaux, mettent fin à leur course au mètre carré et cessent d’ouvrir à tout-va des magasins.

Et c’est précisément à cette date que de nouveaux acteurs entrent dans une phase accélérée d’expansion, comme Primark, avec ses magasins de 5 000 m², les déstockeurs type Action ou Zeeman et, bien entendu, les sites de vente en ligne, dont l’américain Amazon et l’allemand Zalando.

Lire aussi Article réservé à nos abonnés Zalando, le fabuleux destin de la petite start-up de Berlin

Depuis, les chaînes d’entrée de gamme, qui avaient auparavant pris la place des détaillants indépendants, souffrent de cette sourde concurrence. La fréquentation des galeries marchandes et des rues commerçantes s’effondre. En dépit des dénégations des foncières qui exploitent les centres commerciaux dans l’Hexagone, dont Unibail-Rodamco-Westfield ou Klépierre, « la baisse est tendancielle depuis dix ans », estime Procos, association de commerçants, en chiffrant à 30 % la chute de leur fréquentation depuis 2016.

Des fermetures appelées à « se poursuivre »

Car les Français ne font plus autant de lèche-vitrines. Les plus jeunes clientes boudent les boutiques Pimkie, Kookaï, Naf-Naf et autres Camaïeu qui ont habillé leurs mères. Et elles se convertissent en masse à la vente en ligne, notamment sur les sites étrangers, ou se ruent sur la seconde main. Le marché de la chaussure est aussi laminé par l’avènement des Foot Locker, Courir et autres sites de vente de sneakers.

Il vous reste 72.04% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Disney perd des abonnés sur sa plate-forme de streaming et licencie 7 000 employés

La plate-forme Disney + a perdu 2,4 millions d’abonnés pendant les trois derniers mois de l’année 2022 et le géant du divertissement a annoncé qu’il allait supprimer 7 000 emplois. C’est la première fois depuis le lancement du service de streaming, fin 2019, que Disney + ne gagne pas des millions de nouveaux spectateurs au cours du trimestre écoulé. Celui-ci compte désormais 161,8 millions d’abonnés dans le monde.

En tout, d’après son communiqué de résultats trimestriels publié mercredi 8 février, le groupe Disney a réalisé un chiffre d’affaires de 23,5 milliards de dollars (21,9 milliards d’euros) d’octobre à décembre 2022, mieux qu’espéré par les analystes. Le géant du divertissement a surtout rassuré les marchés avec des pertes opérationnelles moins élevées qu’attendu pour ses plates-formes de streaming (Disney +, ESPN + et Hulu), à 1 milliard de dollars pour la période d’octobre à décembre 2022.

Mais le groupe a aussi annoncé la suppression prochaine d’environ 7 000 emplois. « Bien que ce soit nécessaire pour faire face aux difficultés actuelles, je ne prends pas cette décision à la légère », s’est justifié Bob Iger lors d’une conférence téléphonique. Selon son rapport annuel 2021, le groupe employait 190 000 personnes dans le monde au 2 octobre de cette année-là, dont 80 % à temps plein. Son titre décollait de 8 % lors des échanges électroniques après la clôture de la Bourse de New York.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Le royaume désenchanté de Disney : crise de gouvernance et parcours boursier calamiteux

Le retour de Bob Iger

« Nous pensons que le travail que nous faisons pour transformer notre entreprise autour de la créativité, tout en réduisant les dépenses, va amener de la croissance durable et de la rentabilité pour nos activités de streaming », a déclaré M. Iger, cité dans le communiqué. Disney lui a demandé en novembre 2022 de reprendre le poste de directeur général qu’il avait laissé à Bob Chapek en 2020, après quinze ans à ce poste, afin de redonner de l’élan à l’entreprise.

Champion de l’image familiale et policée de Disney, il fait, depuis, face aux problèmes de rentabilité des plates-formes – notamment Disney +, lancée en grande pompe avant son départ – mais aussi à un bras de fer politique en Floride, où se trouve l’un des parcs d’attractions de Disney parmi les plus visités au monde.

Les relations entre le gouverneur de Floride, Ron DeSantis, et Disney se sont dégradées quand Bob Chapek s’est prononcé publiquement contre une loi promue par le gouverneur, qui interdit d’enseigner en Floride des sujets en lien avec l’orientation sexuelle à l’école primaire.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés L’ancien patron de Disney, Bob Iger, signe son grand retour aux manettes du groupe

Nouvelles formules d’abonnement

Les plates-formes de streaming ont connu des croissances flamboyantes pendant des années, encore amplifiées par la pandémie, avant d’être rattrapées par la crise économique. « La croissance des abonnés ne sera pas linéaire à chaque trimestre », avait prévenu en novembre 2022 Christine McCarthy, directrice financière de Disney, alors que la plate-forme star venait de gagner 12 millions d’abonnés en un trimestre.

Netflix, le vétéran et leader du secteur, a connu un premier semestre difficile en 2022, perdant près de 1,2 million d’abonnés, avant de rebondir à l’automne puis à l’hiver. La plate-forme compte plus de 230 millions d’abonnés payants mais son bénéfice net annuel a baissé de 12 %, à 4,5 milliards de dollars.

Les applications de streaming font le même constat que des réseaux sociaux comme Snapchat, Facebook ou Instagram : les gains en utilisateurs ne se traduisent plus automatiquement en gains financiers. Netflix et Disney ont donc lancé en décembre 2022 de nouveaux abonnements moins chers, avec de la publicité, pour attirer encore plus de spectateurs et, surtout, diversifier leurs sources de revenus.

Celui de Disney + coûte 7,99 dollars par mois, tandis que son abonnement de base sans publicité est passé à 10,99 dollars aux Etats-Unis. D’ici à la fin de 2023, la nouvelle formule devrait rapporter plus d’un milliard de dollars de recettes publicitaires aux Etats-Unis, selon les chiffres du cabinet Insider Intelligence.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Le fondateur de Netflix quitte la direction opérationnelle après une année très difficile

Le Monde avec AFP

« Un énorme choc » : à Paris, le centre de soins René-Laborie menacé de fermeture

L’entrée du Centre de santé mutualiste René-Laborie, en décembre 2011.

« Une longue série d’improvisations et de fuite en avant » : dans un courrier envoyé en interne, le 8 février, aux salariés du centre de santé mutualiste René-Laborie, les élus du comité social et économique (CSE) de l’établissement n’ont pas de mots assez durs pour qualifier la gestion de leur direction, responsable, selon eux, de sa mort annoncée.

Situé au cœur du 2e arrondissement parisien, cet établissement, qui accueille principalement des professionnels de la presse et de la communication, est entré en cessation de paiement le 1er février. Afin de statuer sur le sort de ce centre de santé, géré par la mutuelle uMEn, une audience au tribunal judiciaire est programmée le jeudi 9 février. Une possible liquidation menace de laisser sur le carreau les cent trente-cinq salariés du centre, fréquenté par environ 75 000 personnes par an.

« Ça a été un énorme choc » : pour cette salariée comme pour ses collègues, rien, ou presque, ne laissait présager un tel fiasco. Sur le site du centre de soins, les offres de recrutement pour des postes de dentiste, de gynécologue, de dermatologie… n’ont toujours pas été retirées. « Quand le commissaire aux comptes a déclenché l’alerte le 22 novembre 2022, personne ne s’est vraiment inquiété », vitupère ce membre du CSE qui, comme les autres salariés interrogés par Le Monde, a préféré rester anonyme. Ses patients paient le prix des difficultés traversées par l’établissement : « Comme des fournisseurs ne sont plus payés, j’ai des patients qui ne reçoivent plus leurs prothèses ».

Déficit d’un à deux millions d’euros par an

« On nous disait que la mutuelle participerait au comblement des déficits, qu’ils rechercheraient de nouveaux partenaires. Mais ils n’en ont pas trouvé », déplore un de ses collègues. Aux yeux des élus du personnel, le début de la fin remonte à la sortie de la mutuelle uMEn du giron du groupe Audiens, en 2017, pour des questions de gouvernance.

Selon des délégués syndicaux, le centre de soins a alors connu, dès la première année, un déficit à hauteur d’un à deux millions d’euros par an, pour un chiffre d’affaires annuel d’environ dix millions. « En cinq ans, on a eu cinq directeurs. On a 34 % de turn-over chez nous : c’est dire s’il y a des problèmes de gestion », ironise le membre du CSE.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Grande Sécu : « Les acteurs mutualistes promeuvent un modèle vertueux, non lucratif et démocratique »

En vrac, le courrier adressé au personnel par les élus du CSE fustige des achats auprès de « fournisseurs non compétitifs ou sans mise en concurrence », des « recrutements inappropriés », des primes versées sans véritable justification et un « manque d’anticipation » concernant la gestion de l’établissement. Le centre « a continué son train de vie dispendieux dans l’espoir de trouver des partenaires… sans résultat ». Sollicitée, la direction du centre de soins n’a pas souhaité s’exprimer.

Il vous reste 25.55% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Retraites : la discrétion du gouvernement sur les retombées économiques de la réforme

Le gouvernement joue-t-il au cachottier sur la réforme des retraites ? Son projet vise à rétablir l’équilibre financier des régimes de pension, pris dans leur globalité, mais il aura d’autres incidences, au-delà de ce périmètre, sur lesquelles le pouvoir en place ne s’épanche guère. Plusieurs experts le déplorent, y voyant un manque de transparence préjudiciable à la qualité du débat.

Lire aussi Article réservé à nos abonnés Retraites : la difficile évaluation des effets d’un relèvement de l’âge légal

Au cœur de la controverse, il y a la mesure-phare qui repousse de 62 à 64 ans l’âge légal de départ tout en accélérant la mise en application de la « loi Touraine » de janvier 2014 sur l’allongement de la durée de cotisation pour avoir droit au taux plein. Ce double mécanisme va produire des « effets puissants », comme le souligne Antoine Bozio, directeur de l’Institut des politiques publiques. « Il joue comme un “choc d’offre de travail”, en maintenant sur le marché de l’emploi un nombre accru de personnes disponibles pour exercer une activité, développe-t-il. A terme, cela stimule la croissance et engendre, par conséquent, des recettes fiscales et des rentrées de cotisations supplémentaires. »

L’exécutif a, bien évidemment, connaissance de cette donnée-là. Elle figure d’ailleurs dans le « Rapport sur les objectifs et les effets du projet de réforme des retraites », qui équivaut à une étude d’impact rendue publique le 23 janvier. Dans le seul champ du système de retraites, le projet devrait rapporter, en 2030, 17,7 milliards d’euros d’économies brutes – c’est-à-dire sans tenir compte des dépenses prévues par ailleurs (revalorisation des petites pensions, etc.). Si on élargit la focale à « l’ensemble des finances publiques », le « rendement » pourrait être « encore supérieur ». De combien ? La réponse est renvoyée dans une note de bas de page qui tient en trois lignes : selon un document de la direction du Trésor de janvier 2022, « la hausse de recettes hors retraites » serait égale à 0,6 point du produit intérieur brut (PIB) au bout de dix ans, dans l’hypothèse où l’âge légal de départ est accru de deux ans.

Deux méthodes distinctes

L’information est jugée un peu maigre par des spécialistes de la matière. « Il est surprenant de constater que, dans l’étude d’impact, il n’y a quasiment aucune indication sur les retombées macroéconomiques d’un recul de l’âge d’ouverture des droits, confie M. Bozio. Cette omission est regrettable. » Dans une tribune récemment publiée par Le Monde, Michaël Zemmour, maître de conférences à l’université Paris-I, se montre encore plus sévère : il trouve que le rapport publié le 23 janvier est « indigent » et « lapidaire », s’agissant de l’estimation des conséquences de la réforme.

Il vous reste 61.15% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

L’enseigne de chaussures André à nouveau placée en redressement judiciaire

La chaîne André, déjà placée en redressement judiciaire en 2020, emploie 280 salariés.

Nouveau déboire pour le chausseur André. Début février, le tribunal de commerce de Nanterre a placé en redressement judiciaire l’entreprise 1Monde9, qui détient l’enseigne historique depuis 2020, a appris l’Agence France-Presse (AFP) mercredi 8 février, confirmant une information du média économique en ligne L’Informé.

L’entreprise 1Monde9 a déclaré la cessation de ses paiements le 27 janvier et a demandé l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire, ce qui a été fait le 2 février, selon le jugement du tribunal. 1Monde9, basée à Puteaux, dans les Hauts-de-Seine, emploie, selon ce document, 280 salariés et revendique un chiffre d’affaires hors taxes annuel d’un peu moins de 31 millions d’euros. Le tribunal de commerce de Nanterre a fixé une prochaine date d’audience au 30 mars à 10 heures, pour « statuer s’il y a lieu sur la poursuite d’activité ».

C’est déjà à la barre d’un tribunal de commerce que l’enseigne avait été reprise par François Feijoo en juillet 2020, ne gardant que cinquante-cinq magasins (sur 180 points de vente alors) et treize affiliés. Son plan de reprise prévoyait alors le licenciement d’un peu moins de 200 emplois.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Kookaï et Pimkie, deux enseignes d’habillement dans la tourmente

André, enseigne plus que centenaire, avait été la première entreprise de la distribution à avoir été placée en redressement judiciaire en raison de la crise du Covid-19, qui avait laissé ses magasins fermés pendant de longs mois. Elle était auparavant détenue par le site de vente en ligne Spartoo, et, avant cela, par l’ancien fleuron du textile français Vivarte, qui s’appelait d’ailleurs à l’origine Groupe André.

André fait partie de la longue liste d’enseignes ayant appartenu au groupe Vivarte aujourd’hui confrontées à des difficultés financières, comme la société Kookaï, également placée en redressement judiciaire début février.

Le Monde avec AFP

BNP Paribas sans transition entre résultats record et inquiétudes sur les effectifs

Devant une agence BNP Paribas, en août 2011.

Drôle de journée pour BNP Paribas, mardi 7 février. Contrainte en matinée, pour cause de manifestation contre la réforme des retraites, de remplacer par une visioconférence la présentation de ses résultats annuels prévue dans ses locaux historiques parisiens, BNP Paribas a été de nouveau contrariée, quelques heures plus tard, plusieurs syndicats dénonçant un projet de réduction d’effectifs au sein de la filiale spécialisée dans le crédit à la consommation.

Quelque 921 postes seraient concernés en France, sur un total d’un peu plus de 5 000. Aucun départ contraint, s’est engagée la direction, au cours d’une première réunion avec les représentants du personnel, mardi. Environ 680 personnes pourraient profiter d’un plan de départ volontaire, dit-on de source syndicale, le reste se voyant proposer des transferts vers d’autres activités du groupe. « Sur le papier, c’est très beau, mais il va falloir être très attentif », dit un représentant des salariés, au tout début de ce processus de discussion, qui devrait s’étaler sur au moins trois mois.

BNP Paribas Personal Finance, que les Français connaissent surtout par l’intermédiaire de la marque Cetelem, « engage la transformation et l’adaptation de ses activités », résume le groupe, qui justifie cette évolution par la remontée rapide des taux d’intérêt, par la pression exercée par le taux d’usure (le taux maximal de prêt autorisé en France), mais aussi par l’évolution des usages de ses clients, que l’inflation contraint à des arbitrages budgétaires de plus en plus fréquents.

« Nous ne nous désengageons pas, nous nous recentrons »,

Ce contexte a pesé sur les résultats de la branche en 2022, son bénéfice avant impôt ayant reculé de 4,6 %, à 1,121 milliard d’euros. Sur le seul quatrième trimestre, son produit net bancaire (l’équivalent du chiffre d’affaires dans le secteur) a diminué de 0,9 %, à 1,28 milliard d’euros, tandis que ses frais de gestion augmentaient de 4,1 % par rapport aux trois derniers mois de 2021.

La réorganisation de la division ne concerne pas uniquement la France, puisqu’elle porte sur un recentrage sur la zone euro, le Royaume-Uni et les pays scandinaves, au détriment des Etats dans lesquels elle dispose de positions moins favorables. La filiale bulgare a, par exemple, été cédée, fin 2022, à Eurobank. Ce changement de modèle réduit les besoins de fonctions de support en France, et justifie donc les réductions d’effectifs envisagées, explique le groupe dirigé par Jean-Laurent Bonnafé.

Lire aussi : BNP Paribas boucle une année exceptionnelle et affiche un bénéfice record de 9,5 milliards d’euros en 2021

« Nous ne nous désengageons pas, nous nous recentrons », a souligné ce dernier, mardi, en présentant aux analystes financiers des résultats annuels au beau fixe, marqués par un bénéfice net en hausse de 7,5 %, à 10,2 milliards d’euros, le plus important jamais engrangé par le groupe, pour un produit net bancaire de 50,4 milliards (+ 9 %). Des performances qui permettent à la première banque de la zone euro de relever ses objectifs de croissance des profits pour la période 2023-2025.

Il vous reste 12.62% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

« Avant l’“index seniors”, apprendre à les recruter »

Carnet de bureau. Le ton gouvernemental est monté toute la semaine pour insister sur l’importance de changer le regard et surtout les pratiques du monde du travail à l’égard des seniors. L’« index seniors » « va montrer les entreprises qui ont de bonnes pratiques ou pas », a déclaré la première ministre, Elisabeth Borne, jeudi 2 février sur France 2.

Le surlendemain, le ministre du travail, Olivier Dussopt, envisageait d’être « coercitif » face aux entreprises récalcitrantes, en évoquant la possibilité de sanction, « jusqu’à 1 % de la masse salariale ». Pour l’instant, seule la non-publication de l’index est soumise à sanction, pas l’absence de progrès sur l’emploi, ce que dénoncent les syndicats.

La question de l’emploi des seniors, qui aurait dû être un préalable à la réforme des retraites, est loin d’être résolue. Le maintien en emploi des plus de 55 ans a certes évolué depuis le report de l’âge de départ à la retraite de 60 à 62 ans : l’ouverture des droits a été décalée progressivement de mi-2011 à début 2017. Le taux d’emploi des 55-64 ans est ainsi passé de 39,7 % en 2010, à 52,1 % en 2018, selon le ministère du travail. Mais les entreprises, qui ont appris à conserver les seniors, n’ont toujours pas appris à les embaucher.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Emploi des seniors : le double discours des recruteurs

« C’est en voyant qu’on luttait contre toutes les discriminations sauf celle des seniors que j’ai lancé l’idée en 2019 de la création d’un “index seniors” sur le modèle de celui de l’égalité professionnelle femmes-hommes », se souvient Benoît Serre. Pour le vice-président de l’Association nationale des DRH, « il faut certes travailler sur les charges sociales pour réussir à générer un intérêt économique à recruter des seniors, mais il y a avant tout un sujet de crainte de l’employeur et des manageurs ». L’âge reste le premier facteur de discrimination sur le marché du travail.

Des salariés plus âgés et plus experts qu’eux

Au-delà du coût des seniors, il y a une difficulté à intégrer dans l’organisation un candidat qui a un long passé professionnel derrière lui et dont le profil est associé à la fin de carrière, et donc à la sortie plutôt qu’à l’entrée dans l’entreprise.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Pourquoi le recrutement de salariés « seniors » est encore difficile

Les employeurs redouteraient de recruter des seniors, d’une part car ils ne savent pas jusqu’à quand ils resteront, ni comment les projeter dans le temps pour des raisons de santé ou d’adaptation, et d’autre part parce que les manageurs de proximité craignent d’avoir des salariés difficiles à manager, car à la fois plus âgés et plus experts qu’eux. « Un manageur de 35 ans a du mal à se tourner vers un senior. Il se méfie de l’intrusion. Il y a une aspiration du management intermédiaire à rester dans l’entre-soi. Si les seniors étaient revalorisés dans l’entreprise, on éliminerait ce sentiment d’intrusion », estime Antoine Morgaut, président d’Aktan, cabinet de conseil spécialisé dans la réflexion prospective sur l’innovation.

Il vous reste 17.06% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Emploi : les apprentis du supérieur, un vivier de candidats pour les métiers du numérique

« En une décennie, la part des apprentis inscrits dans l’enseignement supérieur est passée d’à peine 28 % de l’effectif global fin 2011, à plus de 57 % fin 2021 ». Au centre de formation des apprentis d’Orange (Vaucluse), en 2020, qui forme des jeunes sur des parcours en lien avec la cybersécurité, le cloud ou la data-analyse.

La transformation numérique de toutes les activités dope la croissance des entreprises du numérique et les oblige à recruter en nombre pour assurer les nouveaux projets. Mais elles peinent à satisfaire leurs besoins en la matière faute d’un nombre suffisant de candidats. Et, quand elles embauchent des ingénieurs juniors, elles doivent les former à leurs outils et à leurs méthodes, ce qui ne les rend pleinement opérationnels qu’après plusieurs mois.

L’alternance apporte une solution à ces problèmes ; de fait, c’est devenu pour ces entreprises un véritable canal de recrutement. En moyenne, les apprentis, qui sont presque exclusivement âgés de 16 à 29 ans, représentent entre 5 % et 15 % de leurs embauches annuelles, voire jusqu’à 25 % pour certains groupes comme, par exemple, la société d’ingénierie et de conseil en technologie Alten – elle recrute quatre cents personnes par an pour ses fonctions support, dont cent alternants.

S’ils avaient accès à l’apprentissage depuis la fin des années 1990, les étudiants postbac prisaient peu ce mode de formation en alternance. Depuis la réforme de l’enseignement supérieur, qui a harmonisé les diplômes à l’échelle européenne avec le cycle licence-master-doctorat (LMD) au milieu des années 2000, ils optent en nombre pour ces formations, et ce jusqu’au master 2, aussi bien en écoles de commerce ou d’ingénieur qu’en universités. En une décennie, la part des apprentis inscrits dans l’enseignement supérieur est passée d’à peine 28 % de l’effectif global fin 2011, à plus de 57 % fin 2021.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Apprentis ou stagiaires : la préoccupation des entreprises est de les attirer et de les fidéliser

Bien que cela représente un investissement important pour les entreprises, qui paient une partie des frais de scolarité et rémunèrent les apprentis, elles y trouvent largement leur compte, et les aides durant la période de Covid-19 ont aussi contribué à un effet d’aubaine.

« C’est un vrai levier pour recruter des juniors. Pendant un à trois ans entre l’entreprise et l’école, ils acquièrent de l’expertise, de la pratique et, au terme de leur apprentissage, ils connaissent l’entreprise et ses outils », souligne Emmanuel Legros, directeur du recrutement France chez Capgemini. En 2022, la société a embauché, en France, plus de neuf mille personnes, dont mille alternants.

Un rôle d’ascenseur social

Ce constat positif est généralement partagé par les alternants. Thiziri Hadji, jeune ingénieure logiciel, a été embauchée par Capgemini en décembre 2022 après y avoir effectué un stage en fin de master 1 et accompli son année de master 2 en alternance à l’université de Nantes. « Je travaille sur le même projet que celui sur lequel j’ai commencé en stage, et avec le même tuteur. Ça m’a permis de prendre mes marques dans l’équipe, de devenir autonome sur les différents outils avant même d’avoir mon diplôme. Surtout, ça m’a changé la vie car je n’ai plus eu besoin de travailler le soir en restauration rapide », confie la jeune femme.

Il vous reste 51.44% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.