Archive dans 2022

Des négociations salariales s’engagent pour les agents de la Sécurité sociale

Les syndicats la réclamaient depuis de nombreux mois. Mardi 6 septembre, une négociation sur les salaires des agents de la Sécurité sociale doit s’engager à la demande du gouvernement. Le but de l’exercice est d’accroître la valeur du point, qui sert de référence pour calculer les rémunérations, et d’accorder ainsi une hausse aux quelque 155 000 personnes travaillant dans les 300 organismes de droit privé du régime général. Une mesure de ce type n’avait pas été prise depuis 2017.

Les discussions sont pilotées par Isabelle Bertin, la directrice de l’Union des caisses nationales de Sécurité sociale (Ucanss) – une structure qui représente les différents employeurs (Assurance-maladie, caisses d’allocations familiales, Urssaf, etc.). Avant même le début des échanges, l’exécutif a annoncé la couleur en évoquant une majoration de même ampleur que celle mise en œuvre, à compter du 1er juillet, dans la fonction publique : soit + 3,5 %. A l’Ucanss, on souhaite que le dialogue aboutisse rapidement sur des décisions applicables « à l’automne ». L’entourage de Mme Bertin ajoute qu’il communiquera sur le coût d’un tel geste « lorsque le montant de la revalorisation sera connu ».

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D’autres dispositions avaient déjà été mises en place, cette année, pour améliorer la fiche de paye des agents de la « Sécu », comme le rappelle un communiqué commun diffusé le 2 septembre par quatre ministères (comptes publics, santé, solidarité, travail) : augmentation « pour les 30 000 salariés les plus faiblement rémunérés », « intéressement exceptionnel » de 200 euros pour l’ensemble des équipes.

Pouvoir d’achat sapé

Le fait que des tractations commencent est commenté positivement par plusieurs syndicats. Nadine Leclerc, de la CGT, y voit une « avancée », qui récompense la mobilisation de son organisation. Au nom de la CFDT, Florence Puget se dit également ravie face à l’initiative du gouvernement. FO, par la voix de Laurent Weber, se montre plus circonspecte : « Parler de négociations n’est pas juste, puisqu’on nous a d’ores et déjà indiqué que la hausse sera de 3,5 %, dit-il. C’est cadré. »

Les organisations de salariés aimeraient que le coup de pouce soit supérieur au pourcentage affiché par l’exécutif, d’abord parce que ce dernier ne compense pas l’inflation mesurée sur les derniers douze mois. En outre, soulignent-elles, le gel de la valeur du point durant plusieurs années a sapé le pouvoir d’achat, malgré les augmentations individuelles accordées en fonction du déroulement de la carrière. Les syndicats font remarquer que l’écart entre la rémunération proposée à l’embauche et le smic n’a cessé de se réduire, au fil du temps. C’est pourquoi la CFDT plaide pour une majoration de 5 %, avec effet rétroactif au 1er janvier. La CGT, elle, revendique que la valeur du point soit portée à 10 euros (contre un peu plus de 7,24 aujourd’hui). Mais leurs vœux risquent fort de ne pas être exaucés.

Urgences : un retour aux sources du 15

Entreprises. Durant l’été, plusieurs départements français ont introduit la règle d’un appel obligatoire au numéro 15 pour pouvoir, avec son aval, se présenter aux urgences. Cette mesure répondait à la saturation habituelle de ces services, soudain aggravée par la pénurie de personnels soignants.

Mais s’agit-il uniquement de demander aux centres du Service d’aide médicale urgente (SAMU) – et transitoirement – une tâche de régulation qui n’est pas dans leur mission ? A la lumière de l’histoire hospitalière, une autre perspective s’impose : on devrait, au contraire, y voir un retour aux sources du numéro 15, et à la coordination des acteurs de l’urgence médicale dont il devait être l’instrument.

Datant des années 1980, la création du numéro 15 répondait déjà à une situation inquiétante, car les crises à venir des urgences médicales étaient clairement annoncées. Les hôpitaux voyaient un afflux constamment croissant de patients dont seule une minorité (de 5 % à 6 %, à l’époque) nécessitait une prise en charge médicale immédiate. La médecine de ville se retirait des gardes, tandis que des associations de praticiens se spécialisaient dans la visite à domicile.

Les hôpitaux réservés aux pathologies aiguës

Les détresses sociales compliquaient et augmentaient le flux des demandes : les personnes âgées, nécessitant un placement de long séjour ou des soins chroniques, encombraient les urgences car les hôpitaux étaient de plus en plus réservés aux pathologies aiguës.

Parallèlement, la médecine des urgences les plus graves faisait de grands progrès : les SAMU se multipliaient et s’équipaient en ambulances adaptées au traitement sur place des cas les plus lourds. Quant aux pompiers (qui peuvent avoir leurs propres équipes médicales) et aux policiers, leur intervention était parfois indispensable à domicile ou sur la voie publique.

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De multiples études alertaient sur ces bouleversements et préconisaient une régulation impliquant tous les intervenants privés et publics. Régulation sans laquelle les urgences des hôpitaux – le seul recours facile et disponible à toute heure – seraient inévitablement débordées. Le 15 est né de ce besoin et sa tâche devait être d’identifier la nature de l’urgence, d’orienter le patient et de diligenter, si besoin, l’intervention la plus appropriée [cf. « Le 15 à Paris, un numéro unique pour les urgences médicales », collectif de chercheurs, publication de l’Ecole des mines, 1980].

En moins de deux ou trois minutes

Or, durant des décennies, les autorités de santé n’ont pas promu cet usage du 15 alors que la croissance rapide des flux aux urgences et les difficultés de ces services (attentes, incivilités, encombrements…) n’ont jamais cessé. Il a fallu une crise sans précédent, celle du Covid-19, pour que le 15 retrouve sa fonction.

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La semaine de quatre jours pour travailler plus

Analyse. Il peut sembler étrange de s’interroger sur l’avenir de la semaine de quatre jours, à l’heure où le travail s’étale de plus en plus sur les plages horaires consacrées au week-end ou aux congés. « Travailler moins pour vivre mieux » n’est pas non plus vraiment à l’ordre du jour, puisque le gouvernement propose de soutenir le pouvoir d’achat par la défiscalisation des heures supplémentaires et la monétisation des RTT. Mais la semaine de quatre jours, en abordant le temps de travail en jours plutôt qu’en heures, ouvre de nouvelles perspectives : d’équilibre vie privée-vie professionnelle pour les salariés, d’augmentation de la production et d’attractivité pour les employeurs. De quoi réconcilier des intérêts contraires.

Les salariés sont peu nombreux à l’avoir testée. Vu du ministère du travail, le bilan de la semaine de quatre jours est faible, mais ne recouvre qu’une partie des effectifs concernés, puisque les statistiques officielles ne mesurent la durée du travail qu’en heures et non en jours. Seulement 2,3 % des salariés ont travaillé entre 32 et 35 heures par semaine au premier trimestre.

En revanche, tous les secteurs d’activité sont concernés : des entreprises l’ont expérimentée dans l’industrie, d’autres dans les services, le conseil, et même récemment dans l’hôtellerie-restauration, avec des objectifs et des implications diverses (innover, produire plus, recruter).

« Une question de génération »

Ce mode d’organisation du travail est un réel facteur d’attractivité des salariés qui retrouvent du temps pour leur famille, font des économies sur le transport ou la garde d’enfant. Pour faire face à la pénurie de personnel, le jeune patron du bar-restaurant Le Bastion à Lectoure (Gers), Julien Leclercq (40 ans), l’a ainsi proposé cet été à ses salariés et à ses saisonniers : quatre jours de travail et trois jours de repos consécutifs. Dans le Nord, à Lille, le chef étoilé Florent Ladeyn (38 ans), qui l’avait instauré dès 2020, en était toujours satisfait en 2022. « Comme tu le sais, on a mis en place la semaine de quatre jours de travail par semaine. Ce qui implique d’être à 110 % pendant ces quatre jours plutôt que 80 % pendant cinq », énonçait-il dans l’offre d’emploi publiée sur son compte Instagram avant la saison touristique.

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« Pour l’instant, le phénomène est encore marginal dans l’hôtellerie-restauration. Les entreprises cherchent la martingale pour trouver des salariés et les garder sans augmenter la masse salariale. C’est aussi une question de génération, explique Jean-Eudes du Mesnil, le secrétaire général de la Confédération générale du patronat des petites et moyennes entreprises. Les jeunes entrepreneurs y pensent plus naturellement que les plus anciens. » Mais attention à la charge de travail. « Elle est plus lourde, c’est compliqué pour les salariés », prévient-il.

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Rémunérations, prix de l’énergie, indemnisation des chômeurs… : les syndicats face aux dossiers cruciaux de la rentrée

Ils continuent de se parler, malgré leurs divergences. Lundi 5 septembre, huit syndicats de salariés et cinq mouvements représentant les étudiants et les lycéens sont invités à se rencontrer au siège de la CFDT, à Paris. L’ordre du jour est copieux et en prise directe avec les gros dossiers de la rentrée : rémunérations, flambée des prix de l’énergie, indemnisation des chômeurs, conditions de travail dans les entreprises et les établissements d’enseignement… Les protagonistes ne préparent pas le « grand soir », mais cherchent à élaborer un discours collectif en direction des pouvoirs publics, des employeurs et du patronat.

« C’est la suite de la discussion que nous avons eue au début de l’été », explique Philippe Martinez, le secrétaire général de la CGT. Une allusion au temps d’échange entre les treize organisations concernées, qui s’était soldé, le 12 juillet, par un communiqué commun sur la nécessité d’« un meilleur partage de la richesse ». L’initiative avait retenu l’attention, car il est très rare que tous ces acteurs s’expriment d’une même voix. « Ce n’est jamais arrivé, affirme même Frédéric Souillot, le numéro un de FO. Nous avons tout intérêt à faire vivre cette intersyndicale pour montrer aux travailleurs que leurs revendications sont défendues. » Dans un entretien au Monde, daté du 31 août, Laurent Berger, le secrétaire général de la CFDT, avait insisté sur l’importance de ces échanges, au-delà des « différences sur la stratégie » qui peuvent exister entre les centrales.

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Selon M. Martinez, la réunion de lundi vise à procéder à « un tour de table » sur les « priorités » du moment et sur les « mobilisations » en cours, sachant que la CGT a appelé à une journée nationale d’action le 29 septembre. Les salaires continuent d’être « un sujet majeur, malgré la loi » sur la protection du pouvoir d’achat promulguée en août, affirme-t-il.

« Une forme d’usure »

La réforme de l’assurance-chômage, qui vise à moduler les droits à une allocation en fonction de la situation du marché du travail, doit également être abordée. Tous les participants au rendez-vous de lundi y sont opposés, pour des questions de fond mais aussi de méthode : le gouvernement a l’intention de demander aux syndicats et au patronat de négocier sur ce projet, mais il a déjà arrêté les grands principes des transformations à venir. « On nous laisse examiner les modalités, alors que nous voudrions pouvoir examiner le changement de philosophie du système », déclare Cyril Chabanier, le président de la CFTC.

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Dans les entreprises, un rapport de force plus favorable aux salariés

Des militants et des enseignants français, lors d’une journée de grève nationale et interprofessionnelle pour défendre les salaires et l’emploi, à Paris, le 27 janvier 2022.

Les mobilisations pour des hausses de salaire ont rythmé la vie de nombreux services publics et entreprises depuis l’automne 2021. Ce lundi 5 septembre, les agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (Atsem) sont appelés à la grève par la CGT Educ’action. Et depuis la fin août, les préavis se succèdent dans les transports en commun à Dijon, à Pau, au Mans, à Lille ou à Dunkerque (Nord). Mais, à ce stade, on est encore loin des niveaux d’effervescence constatés jusqu’à l’été tous secteurs confondus – des aéroports parisiens à la SNCF, des grandes entreprises comme TotalEnergies, Thales ou Capgemini aux PME de l’agroalimentaire, de l’aéronautique ou de la maroquinerie.

« C’est encore un peu tôt pour savoir si ça peut repartir », soufflent plusieurs responsables syndicaux qui prennent le pouls de leurs troupes et cherchent à savoir si ces mobilisations locales et sectorielles pourraient entraîner un mouvement d’ampleur, et gonfler les rangs de la journée interprofessionnelle de grève et de manifestation du 29 septembre – lancée à l’appel de la CGT, de Solidaires et de la FSU –, ou de la « grande marche contre à la vie chère » annoncée par le chef de file de La France insoumise (LFI), Jean-Luc Mélenchon, pour octobre.

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Les raisons du mécontentement, elles, ne font pas débat. Conscient que les mesures prises par le gouvernement ne pourraient seules compenser la hausse du coût de la vie – l’inflation a atteint 5,8 % en août sur un an –, le ministre de l’économie et des finances, Bruno Le Maire, a lui-même légitimé les attentes des salariés, en appelant à maintes reprises depuis un an, et encore le 30 août devant le Medef, « toutes les entreprises qui le peuvent » à augmenter les rémunérations.

Les tensions sur le marché du travail rendent le rapport de force plus favorable encore aux salariés, alors que la moitié des entreprises ont des difficultés à recruter.

Grilles des salaires « rattrapées » par le smic

Certaines branches professionnelles ont consenti à un effort particulier. Dans l’agroalimentaire, par exemple, les partenaires sociaux du secteur de la charcuterie industrielle, réunis jeudi 1er septembre, ont signé une hausse de 4,7 % des minima de branche. « Depuis dix ans que je négocie, c’est la première fois qu’on signe des hausses pareilles, reconnaît Richard Roze, secrétaire fédéral FGTA-FO. Mais on ne pouvait pas faire moins, alors que ces entreprises sont confrontées à un manque d’attractivité des métiers, notamment parce que les grilles [des salaires] ont été écrasées au fil des années. »

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L’argot de bureau : l’« intelligence collective », au fondement du management

C’est dans un joyeux brouhaha que s’ouvre le lundi de la rentrée : revigorés, les collègues s’échangent des bribes de leurs vacances (pour ceux qui ont pu en bénéficier). La matinée sert à reprendre ses marques. 15 heures : le soufflé retombe, les interactions entre collègues se raréfient. Le silence est entrecoupé de soupirs, marqué du regret de ne pas avoir pu poser une semaine de plus, voire de l’angoisse d’entamer un tunnel grisâtre jusqu’à Noël.

Un chiffre hante alors Myriam, qui vient d’être nommée chargée de gestion de projets transverses (entre plusieurs services) : seulement 6 % des employés français seraient véritablement « engagés » dans leur travail, selon le rapport « State of the Global Workplace 2022 » du cabinet Gallup. Pour avancer, cette chère Myriam répète pourtant à l’envi qu’elle mise sur l’intelligence collective.

Véritable mantra des manageurs qui veulent tourner le dos à la hiérarchie traditionnelle (ou se donner l’air de le faire), l’intelligence collective désigne les processus par lesquels une équipe de personnes qui coopère résout plus aisément les problèmes qu’une somme de personnes isolées.

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Cela semble être un principe de bon sens, et pourtant, il est formulé par les conférenciers inspirants et autres « experts en relations humaines » comme une trouvaille à peu près aussi inouïe que l’invention de l’électricité. Eh oui, « seul, on va plus vite, mais ensemble, on va plus loin ». « Si l’homme est un loup pour l’homme, les loups savent surmonter leur nature solitaire lorsqu’ils chassent en meute ! », s’enthousiasme d’ailleurs Myriam lors de la réunion de rentrée.

Changement d’état d’esprit

Surprise : malheureusement, il n’est pas si simple d’accorder tous les violons d’un orchestre (encore une métaphore bien appréciée, celui qui dirige doit être le chef d’orchestre), et les moyens de le faire méritent d’être étudiés en détail. Apparu en psychologie et biologie, le concept d’intelligence collective est adopté en sciences de gestion dans les années 1990, et joint la notion de collectif de travail et celle d’intelligence, qu’on entend par la capacité à prendre en main et à résoudre un problème.

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L’intelligence collective passe donc par un changement d’état d’esprit, fondé sur une meilleure qualité des échanges entre pairs. Cécile Dejoux, professeure de management au Conservatoire national des arts et métiers, l’assimilait dans une interview à la coopération : « Collaborer, c’est prendre des personnes qui sont dans un groupe, et faire en sorte que chacun fasse une tâche ; coopérer, c’est être face à une situation complexe et cocréer ensemble. »

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« La croissance et la prospérité d’une économie consumériste sont devenues des objectifs en conflit avec la nouvelle morale écologique »

Comment, dans un pays obsédé par les statistiques du chômage au point que le mot « emploi » s’y est substitué à celui de « travail », en est-on arrivé en quelques mois à s’inquiéter de la difficulté des entreprises à recruter des collaborateurs ainsi qu’à limiter leur démission ? « Emploi », « collaborateur », les mots sont en effet lourds de sens.

Car il s’agit bien, dans notre modernité consumériste, d’être « employé à collaborer » à la croissance d’une économie basée sur la production d’objets, le « système des objets » décrit par le philosophe Jean Baudrillard (1929-2007), dont la finalité est d’être consommés donc rapidement détruits pour être remplacés par de nouveaux.

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Un cycle aujourd’hui condamné par l’urgence écologique qui appelle à limiter l’exploitation de matières premières, la consommation d’énergie et la production de déchets. Dans ce contexte, et face au déferlement de nouveaux défis que notre humanité doit relever non plus pour simplement prospérer mais pour tenter de survivre, le progrès scientifique et technologique a bien du mal à continuer à s’imposer comme la seule solution alors que nous vivions avec la certitude que ce dernier générerait son propre antidote aux désordres qu’il aurait engendré et trouverait des solutions pour tous les autres.

Un sentiment de défiance à l’égard du progrès technologique

Une vision du progrès qui ira jusqu’à prendre des allures de croyance au XXe siècle, la science venant se substituer à la religiosité et qui connaît aujourd’hui son apogée avec le discours solutionniste des entreprises de la Silicon Valley pour lesquelles c’est la technologie, et elle seule, qui pourra régler tous les problèmes de ce monde.

Face à des désillusions à la mesure des espoirs qu’elle engendrait, la science et son corollaire, le progrès technologique, font aujourd’hui face à un sentiment de défiance inédit qui non seulement éloigne les travailleurs des emplois jugés non éthiques ou encore des métiers qualifiés de bullshit jobs, mais aussi les étudiants des cursus scientifiques et technologiques, les investisseurs de certains secteurs industriels et les consommateurs des produits issus du génie scientifique.

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Ainsi et dans ce contexte, ce que l’on appelle la « grande démission » ou la « désaffection pour le travail » n’est peut-être pas le simple effet de la crise sanitaire, d’une politique sociale trop protectrice ou d’une épidémie de flemme, mais semble bien s’inscrire dans un mouvement de fond associé à une prise de conscience collective de la nécessité d’un changement radical de modèle de société.

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En manque de bras, l’Australie rouvre ses frontières

A l’aéroport de Melbourne (Australie), en août 2021.

Après avoir hermétiquement fermé ses frontières pour se protéger du Covid-19, entre mars 2020 et décembre 2021, l’Australie a décidé de les ouvrir en grand. Confronté à une grave pénurie de main-d’œuvre, le gouvernement travailliste a annoncé, vendredi 2 septembre, qu’il allait relever de 22 % le quota d’immigration qualifiée pour accueillir 195 000 étrangers par an. Un record historique. La décision a été prise à l’issue du Sommet national sur l’emploi et les compétences, qui a réuni organisations syndicales et patronales, le jeudi 1er et le vendredi 2 septembre, à Canberra.

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En juillet, le taux de chômage avait lui aussi atteint un plus-bas historique, tombant à 3,4 %. Soit le niveau le plus faible depuis 1974. Pour 480 000 postes de travail actuellement vacants, seulement 470 000 demandeurs d’emploi sont disponibles. « Cela fait quatre mois que je cherche deux pâtissiers et une vendeuse. J’ai tout tenté, dépensé des centaines de dollars, mais rien, je ne trouve personne. C’est extrêmement stressant », se désespère Gabriela Oporto, patronne d’une petite pâtisserie qui vient d’ouvrir à Forestville, au nord de Sydney. Dans sa rue commerçante d’à peine deux cents mètres, au moins cinq commerces peinent à recruter. Le gérant de Domino’s Pizza, James Bird, a vu ses délais de livraison exploser, faute de chauffeurs-livreurs, et constate maintenant une baisse de ses ventes.

Politique de zéro Covid

« Le marché du travail australien a toujours eu besoin de travailleurs étrangers pour répondre à l’ensemble de ses besoins. A cause de la pandémie, nous avons dû nous appuyer essentiellement sur la main-d’œuvre australienne mais elle ne suffit pas », explique Brendan Rynne, économiste en chef de KPMG.

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Pendant près de deux ans, l’île-continent, qui avait adopté une politique de zéro Covid, a laissé les travailleurs étrangers à la porte et ceux déjà présents sur son territoire sur le carreau. « Il est temps de rentrer chez soi », avait conseillé, en avril 2020, le premier ministre de l’époque, Scott Morrison, aux détenteurs de visas temporaires ne pouvant subvenir à leurs besoins. Résultat, l’Australie — où la moitié des 25 millions d’habitants a au moins un parent né dans un autre pays — doit désormais composer avec quelque 500 000 immigrants de moins que prévu, selon les calculs de KPMG, et convaincre d’éventuels travailleurs étrangers que les frontières ne se refermeront plus sur eux.

Dans les fermes, des agriculteurs en sont réduits à laisser pourrir leurs fruits sur les arbres

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Collecte des déchets à Auxerre : bientôt deux mois d’une grève sans dialogue

Les éboueurs en grève sont installés à l’entrée du centre technique municipal, à Auxerre, le 31 août 2022.

« Toujours prêt à discuter », scande en fluo le panneau derrière lequel des chauffeurs ripeurs de l’Auxerrois, en grève depuis bientôt deux mois, partagent un café, en ce matin brumeux de la fin août. Un « énorme ras-le-bol » devant un manque chronique de personnel les a poussés à « bouger » : le 7 juillet, huit des onze camions-bennes sont restés au dépôt.

Les tournées se font habituellement par équipe de trois : un chauffeur, deux ripeurs sur les marchepieds arrière. « Juste avant la grève, il est arrivé que six camions sur onze ne partent qu’à deux agents », témoigne Mickaël Péro, 38 ans, chauffeur ripeur depuis dix-neuf ans. Il porte la parole des grévistes depuis qu’il s’est syndiqué à l’UNSA pour lancer leur préavis. Jusque-là, aucun des éboueurs n’était syndiqué. La dernière grève remontait à plus de vingt ans.

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Pour eux, leurs conditions de travail se sont dégradées après le premier confinement. La configuration à deux, dite « mono-ripeur », avait été mise en place dans la collecte des déchets un peu partout en France durant cette période exceptionnelle pour bannir toute promiscuité entre ces travailleurs de la « deuxième ligne » qui manquaient de masques. Leurs syndicats s’étaient inquiétés que cette organisation devienne la norme.

« Depuis, c’est devenu banal de partir seul à l’arrière, et là ça finissait par arriver tous les jours !, insiste Pascal Brunner, 59 ans. On est des travailleurs, on l’a fait, mais on ne peut plus accepter cette normalisation d’être seul sur un marchepied ! » La tournée seul, c’est deux fois plus de kilomètres à pied, et deux fois plus de bennes à tirer jusqu’au camion, qui ramasse quelque 900 kilos d’ordures par jour.

Selon les grévistes, quatre départs de titulaires n’ont pas été remplacés par des CDI. Et au moins trois agents sont en arrêt durable. Ils demandent la titularisation des vacataires. Six sont déjà présents à temps plein, quatre depuis plus de cinq ans. S’ajoute un volant d’intérimaires : quinze ont ainsi été requis en mai et au moins sept chaque mois depuis 2021. Les agents revendiquent aussi 300 euros d’augmentation, de travailler les jours fériés (les heures seraient payées double) et de commencer dès 5 heures du matin (avec une majoration).

« C’est vraiment déconsidérer complètement ces gens »

Président de l’agglomération, le maire (Les Républicains) d’Auxerre, Crescent Marault, est venu sur le piquet de grève, le 11 juillet. Mais il s’est refusé à négocier dans la salle prévue à cet effet. Sans prendre le temps d’informer les maires de l’agglomération – la gestion des déchets est pourtant une compétence communautaire –, il a répondu aux revendications par écrit, le 12 juillet. Il annonçait alors la « déprécarisation de huit vacataires », mais pas de titularisation, acceptait le travail les jours fériés, mais refusait toute augmentation, arguant des efforts déjà consentis ces dernières années pour améliorer les rémunérations des 1 100 agents de la collectivité.

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