Archive dans novembre 2022

Réforme de l’assurance-chômage : le gouvernement va dévoiler les futures règles d’indemnisation, réduisant la durée en fonction du taux de  chômage

Le leitmotiv de l’exécutif est que l’assurance-chômage soit « plus stricte quand trop d’emplois sont non pourvus, plus généreuse quand le chômage est élevé », une idée soutenue par les organisations patronales, mais à laquelle tous les syndicats s’opposent. Le gouvernement va dévoiler, lundi 21 novembre, aux partenaires sociaux ses décisions sur sa nouvelle réforme de l’assurance-chômage, qui devrait faire varier la durée d’indemnisation en fonction du taux de chômage, selon des sources syndicales et patronales. Lors d’une réunion au ministère du travail dans la matinée, Olivier Dussopt détaillera « les arbitrages retenus » après une concertation débutée en octobre.

Le gouvernement a exclu de toucher au niveau de l’indemnisation et a renoncé à une variation des règles en fonction de la situation locale de l’emploi, trop complexe à mettre en œuvre. « Nous n’allons pas moins indemniser, nous allons travailler sur la durée d’indemnisation », en conservant « un plancher », a confirmé M. Dussopt dimanche.

Les conditions d’accès à l’indemnisation, soit le fait d’avoir travaillé six mois sur une période de référence de vingt-quatre mois, ne seront pas non plus modifiées. Le gouvernement « ne diminuera pas le nombre de personnes éligibles à l’ouverture de droits à l’assurance-chômage », a assuré le ministre.

Les premiers impacts attendus à partir du 1er août

En revanche, selon des négociateurs syndicaux et patronaux, le ministre annoncera qu’au-delà d’un plancher de six mois, la durée d’indemnisation varierait en fonction du taux de chômage pour les demandeurs d’emploi ouvrant des droits à partir du 1er février 2023. Les premiers impacts sont donc attendus à partir du 1er août.

Aujourd’hui, la durée d’indemnisation est appliquée selon le principe d’un jour travaillé, un jour indemnisé, avec un maximum de vingt-quatre mois pour les moins de 53 ans, trente mois pour les 53-54 ans et trente-six mois pour les 55 ans ou plus.

Lorsque la situation du marché du travail sera considérée comme bonne, la durée d’indemnisation sera minorée d’un coefficient qui sera annoncé lundi. Si le coefficient retenu est de 0,8, par exemple, cela voudra dire qu’un demandeur d’emploi qui aurait droit à dix mois d’allocation dans le système actuel n’aura plus droit qu’à huit mois. Les intermittents du spectacle ou l’outre-mer ne seront pas concernés. « Après avoir raboté le montant de l’indemnisation [des personnes alternant chômage et emploi] lors de la réforme de 2019, maintenant ils réduisent la durée », critique Marylise Léon, membre de la Confédération française démocratique du travail (CFDT).

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Le critère d’appréciation de la situation du marché du travail devrait être l’évolution du taux de chômage au sens du Bureau international du travail (BIT). La manière de l’apprécier – seuil, dynamique – sera précisée lundi, mais elle devrait permettre d’appliquer la réforme si le chômage reste comme depuis le début de l’année autour de 7,3-7,4 %.

Un décret à venir

L’exécutif répète qu’il y a urgence face aux difficultés de recrutement des entreprises, et fait de cette réforme une première pierre de sa stratégie pour atteindre le plein-emploi en 2027, soit un taux de chômage d’environ 5 %.

Le gouvernement met en avant des études selon lesquelles les chômeurs intensifieraient leur recherche d’emploi dans les mois précédant la fin de leur indemnisation, et donc qu’en réduisant cette durée, les gens sortiraient plus tôt du chômage.

« Pipeau ! », répond Eric Courpotin de la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC). « Ce n’est pas en réduisant la durée qu’on trouvera de la main-d’œuvre. Il aurait fallu travailler sur les frais liés au travail : déplacement, garde d’enfants, logement… » « Le but est de faire des économies », renchérit Michel Beaugas de Force ouvrière (FO).

Le gouvernement prendra ensuite un décret. Cela a été rendu possible par le projet de loi « marché du travail », adopté jeudi par le Parlement, qui donne la main au gouvernement pour décider des règles jusqu’à la fin de 2023 à la place des partenaires sociaux.

Mais le ministre a déjà assuré que cette modulation serait présente dans la « lettre de cadrage » qui sera transmise aux partenaires sociaux dans le courant de 2023 afin de négocier de nouvelles règles pour le 1er janvier 2024.

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Le gouvernement souhaite aussi que patronat et syndicats, qui gèrent l’Unédic, planchent au début de 2023 sur une nouvelle gouvernance du régime. Mais ceux-là souhaitent que gouvernance et indemnisation soient négociées en même temps et ne veulent pas officialiser la présence de l’Etat dans la gestion de l’assurance-chômage.

Le Monde avec AFP

Jeunes cadres fatigués cherchent une heure de sieste : le sommeil, un marché en plein essor

Une à deux fois par semaine, à midi, Julien quitte son bureau, situé dans le quartier de l’Opéra, à Paris. A ses collègues, il dit partir en pause déjeuner. En réalité, le quadra, employé dans une banque, s’engouffre dans un passage couvert et pousse discrètement la porte d’un bar singulier. Il monte à l’étage, s’installe sur un matelas douillet à mémoire de forme… et dort vingt-cinq minutes : « Je suis un adepte de la sieste, elle me permet de reprendre le travail avec une nouvelle énergie. Mais, dans mon entreprise, le sommeil, c’est tabou. Quand il fait bon, je vais dormir sur un banc, au parc. Le reste du temps, je viens ici. »

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Ici, c’est le Zen Bar, un espace de détente qui propose à ses clients différentes formules consacrées au repos. On y croise Jennifer Toussaint, 29 ans. Manageuse à la Samaritaine, elle roupille sur le Zen Gravity, un fauteuil en apesanteur avec massage intégré. Ou encore Jade He, 26 ans. Cette comptable vient trois à quatre fois par semaine libérer ses tensions grâce aux vertus relaxantes des pierres de jade chauffées aux infrarouges du lit shiatsu. « Plusieurs de nos clients sont issus du monde de la finance, comme ce dirigeant qui incite ses salariés à venir nous voir, en leur proposant des tarifs préférentiels, pour qu’ils se reposent davantage », se réjouit Virginie Yang, 40 ans.

Au début de sa carrière, la fondatrice du Zen Bar pratiquait la sieste sauvage, à califourchon sur les toilettes de son bureau, ou dans des cabines UV : « Mon dermatologue a fini par s’inquiéter pour ma peau. Je lui ai expliqué que ce n’est pas le bronzage qui m’intéressait, je voulais juste dormir ! Les entreprises proposent des cantines, des salles de sport, mais aucun endroit pour être au calme avec soi-même. »

Où est passée Morphée ?

En 2011, cette ancienne chargée de développement chez Guerlain fonde le premier bar à siestes de France. « On nous regardait comme des extraterrestres. Puis, rapidement, des entreprises nous ont sollicités pour qu’on aide leurs salariés à se reposer », raconte Virginie Yang. Depuis, elle s’est formée à la sophrologie et a aussi lancé le Zen Truck, un centre de bien-être mobile qui s’installe au pied des bureaux, de L’Oréal à BNP Paribas en passant par Renault, Google et EDF.

Si ces entreprises s’arrachent ses services, c’est que Morphée se fait de plus en plus désirer. Une étude publiée par Santé publique France en 2019 montrait que les Français dorment désormais en moyenne six heures quarante-deux minutes par nuit seulement, soit moins de sept heures, la durée minimale recommandée pour une bonne récupération.

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« Pourquoi les dirigeants de grandes entreprises ne consacrent-ils pas davantage d’énergie aux questions de cybersécurité ? »

Pas une semaine sans cyberattaque de grande ampleur, avec à la clé des organisations bloquées, rançonnées, et des fuites de données. La sécurité informatique s’est invitée au cœur des préoccupations et le gouvernement vient d’annoncer un plan pour aider les PME et entreprises de taille intermédiaire (ETI) à se protéger. Mais, attention, les entreprises les plus grandes sont aussi soumises à ce risque. Nos recherches montrent que leurs dirigeants peinent à prendre le sujet à bras-le-corps.

Au sein des conseils de surveillance, ces questions de cybersécurité sont le plus souvent placées à la fin des agendas, traitées rapidement, marginalisées, alors même que les préjudices potentiels peuvent se révéler considérables (« Framing Dialogues on Cyber-Resilience on Boards », par Sven-Volker Rehm, Laura Georg Schaffner et Lakshmi Goel, « International Conference on Information Systems (ICIS) Proceedings », n° 10, 2021).

Manque de transparence

Les grandes entreprises, par ailleurs, informent mal leurs actionnaires. Les firmes du CAC40, notamment, consacrent très peu de place au sujet dans leurs rapports annuels. Deux tiers des compagnies que nous avons étudiées traitent la question de manière générique sans précision sur leur propre exposition aux risques et leur politique.

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Seulement 10 % d’entre elles fournissent des données-clés, comme la couverture d’assurance en cas d’incident (« Cyber Risk Disclosure : How transparent are CAC40 Companies in Their Annual Reports ?  », par Laura Georg Schaffner, Elodie Behnam et Jessie Pallud, « Association information et management (AIM) Proceedings », 2021). Ce manque de transparence sur une question critique pose question, même si on imagine que certaines données sont sensibles.

Des recherches complémentaires menées en Allemagne entre 2005 et 2018 dans des entreprises du DAX 30 ont de surcroît mis en évidence le peu de réaction des comités exécutifs après des incidents de sécurité importants (« Corporate Management Boards’Information Security Orientation », par Laura Georg Schaffner et Enrico Prinz, Journal of Management and Governance, 2022).

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Seulement un quart de ces firmes ont procédé à des réorganisations, mais le plus souvent pour renforcer la mise en conformité (« compliance ») plus que la cybersécurité même, autrement dit, non pas pour se prémunir réellement des attaques, mais pour mieux gérer le risque légal qu’elles pourraient entraîner a posteriori !

Ils ne parlent pas le même langage

Pourquoi les dirigeants de grandes entreprises ne consacrent-ils pas davantage d’énergie à ces questions devenues vitales pour les organisations ? Le point crucial est, selon nous, la mauvaise qualité de leur communication avec les responsables informatiques.

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En Allemagne, 3,9 millions de salariés de l’industrie obtiennent 8,5 % d’augmentation sur deux ans

Une manifestation de salariés de l’industrie menée par IG Metall pour la revalorisation des salaires à Leipzig, le 10 septembre 2022.

En Allemagne, la grande grève redoutée n’aura finalement pas lieu. Vendredi 18 novembre au matin, le syndicat IG Metall et le patronat ont annoncé avoir conclu un accord sur une augmentation des salaires, au terme de douze heures de débat et cinq rounds de négociations.

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Valable uniquement pour le Bade-Würtemberg, cet accord « pilote » devrait être adopté par les autres régions dans les prochains jours. IG Metall réclamait 8 % d’augmentation renégociables dans un an, en raison de l’inflation record, pour les 3,9 millions de salariés de l’industrie métal et électronique, centrale en Allemagne.

L’accord prévoit une augmentation de salaire de 5,2 % en juin 2023, suivie d’une autre, de 3,3 %, à partir de mai 2024, soit 8,5 % sur deux ans. S’ajoute à cela une prime payable également en deux tranches, d’un montant total de 3 000 euros. L’accord est valable deux ans. Ces primes seront défiscalisées, grâce à une mesure adoptée par le gouvernement dans le dernier paquet d’allègements fiscaux, qui permet aux entreprises d’opérer des versements exceptionnels à leurs salariés, jusqu’à 3 000 euros, exemptés d’impôts et de cotisations sociales. Le dispositif, avantageux pour le patronat comme pour les syndicats, a considérablement fait baisser la pression sur les négociateurs.

Puissant facteur de stabilisation

Berlin redoutait qu’une forte hausse des salaires dans l’industrie ne renforce l’inflation et les faillites d’entreprises, ou bien n’enclenche une dangereuse spirale prix-salaires qui se diffuse dans l’ensemble de l’économie. L’augmentation des salaires par étapes et les primes étaient des méthodes privilégiées par les économistes pour éviter de tels effets, déjà utilisées lors des négociations dans la chimie. Le risque de spirale semble désormais largement désamorcé. Signe de l’importance politique du sujet, le chancelier, Olaf Scholz, s’est exprimé sur l’issue des négociations, en se réjouissant des résultats. Une exception au principe de l’autonomie des partenaires sociaux, sacro-saint outre-Rhin.

IG Metall s’est félicité du compromis. Un salarié technicien devrait obtenir, grâce aux augmentations et aux versements uniques, 7 000 euros supplémentaires au total d’ici à la fin de la période, a souligné Jörg Hofmann, président d’IG Metall, vendredi matin. Pourtant, l’augmentation ne suffit pas à compenser l’inflation, actuellement supérieure à 10 % outre-Rhin, et qui devrait se prolonger l’an prochain à un niveau élevé.

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L’accord salarial contribue toutefois à « stabiliser la conjoncture », en maintenant le pouvoir d’achat des salariés, a ajouté le responsable syndical. IG Metall, qui négociait pour les secteurs qui versent les salaires les plus élevés, est un puissant facteur de stabilisation économique et sociale outre-Rhin.

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« Les fabricants du secteur de l’électronique doivent aller au-delà du salaire minimum »

« Quiconque travaille a droit à une rémunération équitable et satisfaisante lui assurant, ainsi qu’à sa famille, une existence conforme à la dignité humaine. » Ce principe fondamental est reconnu par les Nations unies dans la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 [article 23].

Toute personne ayant un emploi à temps plein devrait en effet non seulement pouvoir se nourrir et se loger mais aussi avoir accès à des soins et à une éducation, pour elle-même et pour sa famille. C’est-à-dire accéder à un salaire de subsistance.

Malheureusement, même dans certains pays, dits industrialisés, cette évidence n’est toujours pas une réalité et les dérives actuelles liées à l’inflation et aux tensions économiques aggravent des inégalités déjà bien installées.

Main-d’œuvre cachée

A l’échelle mondiale, l’écart est frappant, en particulier dans les pays où se concentrent la plupart des opérations d’extraction, de traitement et de production de nos produits électroniques. Un secteur dans lequel les personnes travaillent dans des mines aux conditions particulièrement difficiles, avec un salaire inférieur à 5 dollars par jour (4,80 euros environ), ou dans des usines dans lesquelles elles assemblent des appareils sur des chaînes de production pendant plus de quatre-vingts heures par semaine pour subvenir à leurs besoins. Ils sont la main-d’œuvre cachée derrière les produits que vous avez entre les mains.

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Il est donc temps que les fabricants du secteur de l’électronique, tous pays confondus, s’assurent de la pertinence d’aller au-delà du salaire minimum. Dans l’idéal, cette démarche ne devrait pas être nécessaire : les salaires minimums légaux dans les pays de production devraient constituer un salaire de subsistance.

Force est de constater que, trop souvent, ce n’est pas le cas. Selon les statistiques de l’Organisation internationale du travail (OIT), près d’un travailleur sur cinq dans le monde gagne trop peu pour se sortir, lui et sa famille, de l’extrême pauvreté. Une étude révèle, par exemple, que dans quatre régions de Chine en 2020, un salaire décent correspondrait en réalité à trois fois le salaire minimum légal local.

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Payer un salaire décent signifie donc tout simplement traiter les travailleurs comme des personnes plutôt que comme des « ressources humaines » et respecter leur dignité inaliénable.

A peine plus qu’un café en terrasse

De surcroît, garantir un salaire de subsistance représente un effort ridiculement bas ! Concrètement, pour une marque de smartphone, cela représente 2 euros par appareil vendu, soit à peine plus qu’un café en terrasse… Généraliser cet engagement n’a rien de sorcier non plus : dans de nombreuses industries dont l’électronique, de multiples acteurs ont déjà fait le travail et partagent leur méthodologie, tenant compte du coût de la vie et des différences géographiques pour chaque lieu de production.

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« Dans la tech, il y a une longue histoire de succès et de flops »

Le centre d’innovation robotique BOS27 d’Amazon à Westborough, dans le Massachusetts, le 10 novembre 2022.

Margaret O’Mara, historienne et professeure à l’université de Washington et spécialiste de la Silicon Valley, se penche sur les effets des déboires récents de la tech américaine touchant notamment Twitter et Facebook.

Les licenciements massifs dans la Silicon Valley font penser à l’éclatement de la bulle Internet en 2000. Ces époques sont-elles comparables ?

On peut faire un certain nombre de parallèles. La bulle dot.com avait connu des phénomènes similaires à ceux que nous avons vus pendant la décennie : l’enthousiasme des marchés boursiers, des valorisations très importantes pour certaines entreprises, des recrutements massifs, une croissance accélérée.

Sur le plan macroéconomique aussi des similitudes existent : taux d’intérêt très bas et manne de capitaux prêts à être investis dans des actions plutôt que dans des obligations. A l’époque, les petits investisseurs s’enthousiasmaient pour le secteur technologique. Ils voulaient participer à l’essor de l’Internet. Cette fois, ils ont investi dans les cryptomonnaies. Cela ne semble pas avoir été une très bonne idée.

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Il y a aussi des différences importantes. L’industrie technologique est aujourd’hui beaucoup plus vaste, les entreprises nettement plus matures, les plus performantes en Boursee sont d’énormes machines à profits, comme Facebook, Amazon et Apple. Cette période faste a aussi duré beaucoup plus longtemps. L’ère Internet a vraiment commencé à Wall Street lorsque [le navigateur] Netscape est entré en Bourse en 1995. Le crash remonte à 2000-2001.

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Cette fois, la croissance a accéléré juste après la crise financière mondiale, dans les années 2010-2012, il y plus de dix ans. Et le volume d’argent est bien plus important. En 2021, il y a eu cinq fois plus de somme de capital-risque investi qu’au plus fort du boom de l’Internet, en 1999.

Pourquoi ce krach maintenant ?

Dans la tech, il y a une longue histoire de boom & bust [« de succès et de flops »]. Par ailleurs, ce qui entre en ligne de compte, c’est le niveau de maturité des grandes plates-formes et de leurs produits. Nous avons l’iPhone depuis quinze ans déjà. Facebook et YouTube existent depuis un moment, leur croissance a beaucoup ralenti. Les réseaux sociaux ont maintenant de grands concurrents, comme TikTok. Et ils sont soumis à des pressions réglementaires dans l’Union européenne et, peut-être prochainement, aux Etats-Unis.

On a vu ce phénomène précédemment, quoique à un degré moindre. A la fin des années 1980, le marché des ordinateurs personnels avait explosé. Quand il s’est un peu calmé, tout le monde cherchait quelque chose de nouveau. Et l’Internet a été commercialisé. Cette fois, beaucoup ont pensé que c’est le secteur des cryptomonnaies qui représentait la nouveauté.

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Les géants du Net à l’heure des réductions de coûts et d’effectifs

« J’ai survécu à la vague de licenciements chez Meta. Devrais-je accepter une proposition de job pour aller chez Google ? » C’est le genre de questions qu’on peut lire ces jours-ci sur Blind, un forum anonyme de discussion autour des emplois du secteur de la tech. Au sondage lancé par cet ingénieur informatique rescapé des 11 000 suppressions de postes annoncées le 9 novembre par la maison mère de Facebook, Instagram et WhatsApp, les confrères conseillent à 73 % de fuir chez le leader de la recherche en ligne. Car, « il y aura une deuxième vague », met en garde un internaute. D’autres ne sont pas de cet avis : « Tu seras furieux si tu te fais virer après une semaine chez Google, alors attends plutôt un peu », lui conseille un autre, anticipant des départs contraints dans la firme de Mountain View. « C’est la fin, les travailleurs de la tech américaine sont sur la même voie que les métallurgistes », dramatise un autre. « Arrêtez de faire peur aux gens. Il y a encore plein d’embauches dans certaines entreprises de tech », le rembarrent plusieurs développeurs.

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La teneur de ces débats aurait paru improbable il y a encore quelques mois, dans un des secteurs les plus florissants de l’économie mondiale. En quelques jours, Meta a annoncé les premiers licenciements de son histoire, Twitter a sabré ses effectifs en deux, Stripe et Lyft se sont séparés de 13 % de leurs salariés. Même Amazon a lancé un plan social de 10 000 employés de bureau, assorti d’un gel des embauches, également « ralenties » chez Apple. Selon le site de ressources humaines Indeed, le nombre d’annonces d’ingénieurs logiciels a reculé de 29 % en octobre, par rapport à un an plus tôt.

Ce coup de froid sur l’emploi s’accompagne de mesures d’économies inédites, chez Meta, Amazon ou Google que le PDG a souhaité en octobre rendre « 20 % plus productives ». Les directions financières portent un œil nouveau – et soupçonneux – sur les dépenses. Certaines activités déficitaires ont été fermées : chez Amazon, le projet de robot de livraison à roulettes Scout et le service médical Amazon Care ; chez Google, le service de jeux Stadia ; chez Meta, les montres et tablettes connectées…

Sanctionnés en Bourse

Au troisième trimestre, les GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon) ont publié des croissances d’activité ralenties : seulement + 6 % pour Google, + 8 % pour Apple et + 15 % pour Amazon. Meta a même enregistré une baisse de 4 %. Leurs titres sont sévèrement sanctionnés en Bourse : – 66 % depuis le début de l’année pour Meta, – 41 % pour Amazon, –33 % pour Google et –19 % pour Apple.

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Paris adopte une charte sociale pour renforcer sa prévention contre les accidents du travail avant les JO 2024

A quelques jours du lancement décrié de la Coupe du monde de football au Qatar, en raison, entre autres, du nombre d’ouvriers morts sur les chantiers des stades, le Conseil de Paris a voté mercredi 16 novembre la création d’une charte sociale visant à faire de la capitale, ville d’accueil des JO 2024, un exemple en matière de sécurité au travail.

« Objectif zéro mort au travail » : la proposition de la délibération affiche son ambition. Porté par le Groupe communiste et citoyen (GCC), le texte prévoit que la ville exclut de recourir, dans le cadre de ses commandes publiques, à des entreprises condamnées pour non-respect du droit du travail dans les cinq années précédant l’appel à projet.

Dans le contrat passé avec l’opérateur, une clause prévoira sa rupture en cas de manquement en matière de santé et de sécurité, de défaut de paiement des salaires et heures supplémentaires ou encore de non-respect des règles relatives au temps de travail. Afin d’éviter la dilution de la responsabilité des entreprises en cas d’accident du travail, la délibération votée par le Conseil de Paris prévoit également de limiter le niveau de cumul des sous-traitants par les opérateurs impliqués dans la réalisation d’un projet.

Le problème de la sous-traitance

Le titulaire d’un marché public est, en effet, libre d’avoir recours à des sous-traitants pour exécuter certaines tâches. « Tous les acteurs que nous avons rencontrés nous ont dit que l’un des premiers problèmes, c’est la sous-traitance en cascade », a indiqué Nicolas Bonnet Ouladj. En amont du vote de la délibération, le président du Groupe communiste et citoyen à Paris a rappelé que l’Hexagone était loin d’être exemplaire en matière de sécurité au travail.

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Dans la seule région Île-de-France, « l’inspection du travail a reçu 140 signalements du 30 janvier au 30 août 2022, dont 38 mortels », contre 34 l’année précédente, a signalé l’élu. Afin de « rendre visible ce fait social » au niveau de la capitale, le texte porté par le Groupe communiste prévoit également la création d’un observatoire parisien des accidents du travail, ainsi que le renforcement des contrôles sur le territoire.

Dans le cadre des Jeux Olympiques de 2024, une charte sociale avait déjà été signée en 2018 par les organisations patronales, syndicales et les collectivités impliquées dans leur organisation, prévoyant que les parties prenantes veillent au grain en matière de respect des conditions de travail des salariés œuvrant sur les chantiers.

Les réserves de l’opposition municipale

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« La notion même de travail a pris un sacré coup dans l’aile depuis la pandémie de Covid-19 »

Elon Musk a prévenu. Dorénavant ne seront admis à travailler chez Twitter que les forçats adeptes d’une culture du travail « extrême » (extremely hardcore), ne comptant plus les heures et accessible seulement aux meilleurs. Les autres prendront la porte et trois mois d’indemnités. Une bonne partie a choisi de faire sa valise.

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User sa santé pour s’enrichir et accroître la fortune de l’homme le plus riche de la planète n’est plus vraiment l’horizon rêvé de la nouvelle génération. La notion même de travail a pris un sacré coup dans l’aile depuis la pandémie de Covid-19. On en a vu les signes dans les démissions et pénuries soudaines d’emploi qui se sont répandues tant aux Etats-Unis qu’en Europe.

L’étude publiée le 11 novembre par la Fondation Jean Jaurès et signée Jérôme Fourquet et Jérémie Peltier le confirme : en 1990, quand on interrogeait les Français sur ce qui était très important pour eux, 60 % citaient spontanément le travail. Ils ne sont plus que 24 % à le penser en 2021. Les loisirs, cités par 31 % des sondés en 1990, recueillent désormais 41 % des suffrages, près de deux fois plus que pour le travail.

Crispation sur le pouvoir d’achat

Quand Nicolas Sarkozy lançait en 2007 son « travailler plus pour gagner plus », plus de 60 % des Français déclaraient être disposés à rogner sur leurs loisirs pour arrondir leurs fins de mois. Aujourd’hui, c’est l’inverse. En pleine crispation sur le pouvoir d’achat, ils sont la même proportion à admettre envisager de gagner moins pour avoir davantage de temps libre.

Les gens vont moins au cinéma, font moins de sport et d’activités extérieures. Une « épidémie de flemme » particulièrement marquée chez les moins de 50 ans

La crise sanitaire a servi de révélateur, avec ses confinements, son chômage partiel et la généralisation du télétravail. Les auteurs de l’étude évoquent un « ramollissement généralisé des individus ». Les gens vont moins au cinéma, font moins de sport et d’activités extérieures. Une « épidémie de flemme » particulièrement marquée chez les moins de 50 ans. Les habitants de la région parisienne sont les plus touchés. L’extension formidable du télétravail n’y est pas pour rien. La RATP enregistre un trafic 18 % plus faible le vendredi que le mardi.

Les racines de ce basculement spectaculaire sont profondes. C’est tout un système de valeurs qui bascule. « La sacralisation du travail et de l’effort s’est effacée avec la dislocation terminale de la matrice catholique et la disparition des mondes ouvrier et paysan », écrivent les auteurs de l’étude.

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Twitter confronté à une nouvelle vague de départs après l’ultimatum d’Elon Musk à ses salariés

Les bureaux de Twitter, le 1er novembre 2022 à San Francisco.

Au lendemain d’un ultimatum posé par Elon Musk, les départs se multipliaient chez Twitter jeudi 17 novembre, sans qu’on sache précisément combien. Le nouveau propriétaire du réseau social avait demandé aux employés rescapés de la première vague de licenciements de choisir entre se donner « à fond, inconditionnellement », et partir.

Selon plusieurs médias américains, des centaines d’employés ont choisi de partir. « Je suis peut-être exceptionnelle, mais (…) je ne suis pas inconditionnelle », a par exemple tweeté Andrea Horst, dont le profil LinkedIn affiche encore « responsable (survivante) de la chaîne d’approvisionnement chez Twitter ». Elle a ajouté le hashtag « #lovewhereyouworked », c’est-à-dire « aime l’endroit où tu as travaillé », comme de nombreux autres salariés annonçant leur choix.

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D’après Zoë Schiffer, journaliste du média spécialisé Platformer, Twitter a prévenu jeudi après-midi tous les employés que les bureaux étaient temporairement fermés et inaccessibles, même avec un badge.

Jeudi soir, de nombreux utilisateurs du réseau social, notamment des ex-collaborateurs, des journalistes et des analystes, se demandaient donc si la fin de Twitter serait proche. « Et… nous venons d’atteindre un nouveau pic d’utilisation de Twitter, lol », a ironisé Elon Musk, qui a racheté la plateforme pour 44 milliards de dollars le 27 octobre.

Il a aussi tweeté un drapeau de pirate à tête de mort et un mème (image parodique), montrant un homme au visage d’oiseau bleu, posant devant une tombe aussi masquée d’un oiseau bleu, comme si Twitter assistait, hilare, à son propre enterrement.

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« Bâtir un Twitter 2.0 révolutionnaire »

Mercredi, Elon Musk, avait demandé individuellement aux employés du réseau social de s’engager à « travailler de longues heures à haute intensité », « pour bâtir un Twitter 2.0 révolutionnaire et réussir dans un monde de plus en plus concurrentiel ». Et de préciser :

« Seule une performance exceptionnelle vaudra une note suffisante. »

Les salariés avaient jusqu’à jeudi après-midi pour cliquer sur la case « oui », sous peine de devoir quitter Twitter avec une indemnité correspondant à trois mois de salaire. Une méthode qui détonne, même aux Etats-Unis, où le droit du travail est moins protecteur des salariés que dans beaucoup de pays développés.

Mais dans un e-mail jeudi, Musk a toutefois fait marche arrière concernant le télétravail, auquel il était opposé, braquant de nombreux employés. Il a fait savoir que, pour rester, il fallait que « [leur] supérieur prenne la responsabilité de s’assurer qu’[ils apportent] une excellente contribution ». Les travailleurs seraient également censés avoir « des réunions en présentiel avec [leurs] collègues à une cadence raisonnable, idéalement une fois par semaine, mais pas moins d’une fois par mois ».

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Jeudi soir, des messages anti-Elon Musk ont été projetés sur la façade du siège de Twitter à San Francisco, juste à côté du logo de l’entreprise. On pouvait par exemple y lire « Elon Musk, ferme-la », « Stop au Twitter toxique » ou « En avant vers la faillite », comme en attestent les photos de Gia Vang, une journaliste de l’antenne locale de la chaîne NBC.

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Licenciements après des critiques d’Elon Musk

La moitié des 7 500 employés du groupe ont déjà été licenciés il y a deux semaines par le multimilliardaire, tandis que d’autres sont partis volontairement dans les jours qui ont suivi. Quelque 700 salariés avaient déjà démissionné pendant l’été, avant même d’être sûrs que l’acquisition aurait lieu. Plus tôt cette semaine, Elon Musk avait également commencé à licencier un petit groupe d’ingénieurs qui l’avaient contesté publiquement ou dans le système de messagerie interne Slack de l’entreprise.

Des dizaines d’employés actuels et surtout passés se sont retrouvés jeudi soir dans un spaces, les salons audio de la plate-forme, pour se soutenir et évoquer de bons souvenirs. Des salariés qui ont choisi de rester ont évoqué leur attachement indéfectible au réseau social et leur désir de le voir survivre et même renaître.

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« A tous les Tweeps [le surnom des employés de Twitter] qui ont décidé qu’aujourd’hui serait leur dernier jour : merci d’avoir été des collègues incroyables à travers les hauts et les bas. J’ai hâte de voir ce que vous ferez ensuite », a de son côté déclaré Esther Crawford, directrice des produits en développement de la plate-forme, une des rares responsables qui n’ont ni démissionné ni été congédiés, et qui soutiennent encore publiquement le nouveau dirigeant.

« Bravo à tous les travailleurs de Twitter. Vous avez bâti un lieu de connexion vital et vous méritiez tellement mieux. (…) Merci », a pour sa part tweeté l’élue démocrate Alexandria Ocasio-Cortez. Cette nouvelle série de départs intervient au moment où Twitter se prépare pour la Coupe du Monde 2022, l’un des événements les plus commentés sur Twitter qui pourrait potentiellement submerger ses systèmes.

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Le Monde avec AP et AFP