Archive dans novembre 2022

Dans la police, pendant les réformes, le malaise persiste

Déjà, le 2 octobre 2019, à l’appel des syndicats de la police nationale, plusieurs milliers de policiers avaient manifesté à Paris lors d’une « Marche de la colère ».

Cet article peut être écouté dans l’application «   La Matinale du Monde  »

Quarante et un suicides depuis le 1er janvier. Déjà cinq de plus qu’en 2021. Le chiffre est encore loin du tragique bilan de l’année 2019, au cours de laquelle 59 fonctionnaires de police s’étaient donné la mort. Mais il dit l’ampleur d’un malaise persistant au sein de l’institution, loin des considérations techniques sur le recrutement ou la réforme de la police judiciaire.

Depuis vingt ans, chaque année, 43 suicides sont recensés en moyenne dans la police. Rapporté au taux constaté sur le plan national (de l’ordre de 14 pour 100 000), celui enregistré au sein de l’institution (28,7 cas pour 100 000) illustre la surexposition des policiers et des policières. Et rien ne semble pouvoir assurer une décrue significative de ces passages à l’acte, favorisés par un accès immédiat aux armes à feu, impliquées dans une majorité de cas.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés « On porte encore l’uniforme comme une carapace » : des policiers veulent « libérer la parole » sur les cas de suicides

Le problème n’est pas nouveau : en avril 2019, déjà, Police Magazine, une publication interne, y consacrait un numéro entier, signe que l’administration prend dorénavant en compte un phénomène longtemps présenté comme la manifestation exclusive de difficultés personnelles ou familiales.

Les causes d’un suicide sont évidemment multifactorielles, mais « un flic qui va mal chez lui arrive dans un commissariat où les vestiaires et les chiottes sont dégueulasses, sans douches ni poubelles pour les serviettes hygiéniques des nanas, tout ça est désastreux », note Stéphanie Eynard, policière en activité et animatrice bénévole de l’association Alerte police en souffrance (APS), comme une quinzaine de ses collègues à travers la France.

« Le premier qui avoue sa faiblesse a perdu »

« Après des journées de dix heures de boulot », au rythme moyen de 200 prises de contact par mois, les membres de l’association s’entretiennent avec leurs collègues en détresse. « Mais nous ne sommes pas des psys, nous orientons simplement », précise Mme Eynard. Pour aider à obtenir de simples documents que l’administration tarde à communiquer, ou fournir des conseils juridiques grâce à des relations « informelles » avec des cabinets d’avocats ou des psychologues du secteur privé, à travers un partenariat avec Assopol, une autre association. Vingt-deux années de service en brigade de nuit puis à la brigade anticriminalité (BAC) et, désormais, dans une unité d’investigation, ont forgé la conviction de Mme Eynard : « Nous sommes d’abord des matricules, donc des dossiers administratifs. »

« Nos personnels sont régulièrement exposés à des situations de violence physique ou sociale, de la souffrance, de la détresse, observe Catherine Pinson, psychologue clinicienne et cheffe du service de soutien psychologique opérationnel de la police (SSPO). Cela induit une usure professionnelle, une accumulation des missions compliquées, avec une dimension émotionnelle très forte. Le traumatisme psychologique ou ces formes d’épuisement constituent des facteurs de risque spécifique. » L’institution, assure Mme Pinson, en a pleinement conscience et a pris les devants en déployant des « vrais moyens » : 122postes de psychologues à temps plein, dont 20 créés pour la seule année 2022.

Il vous reste 55.41% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

La capitaine des « P’tits bateaux », sur France Inter, est débarquée

Avant toute chose, elle voudrait « adresser un grand merci aux auditeurs ». Lorsqu’elle a rendu l’antenne en effet, dimanche 6 novembre, au terme de ce qui devait être son dernier numéro des « P’tits bateaux », Noëlle Bréham ne savait pas qu’elle ne la reprendrait pas le dimanche suivant.

Lundi, la productrice de France Inter a reçu un courrier recommandé lui signifiant son « licenciement pour motif personnel ». Convoquée à un entretien le 10 octobre, elle ne s’y était pas rendue, sur les conseils de son avocat : alors qu’elle réclame un CDI depuis un an – d’abord de gré à gré, par l’intermédiaire de son avocat depuis le printemps –, Noëlle Bréham avait compris qu’elle n’obtiendrait pas gain de cause. « Radio France lui avait proposé un nouveau CDD pour cette saison, explique Maître Yoann Sibille. En cohérence avec sa démarche, ma cliente ne pouvait pas l’accepter. D’où la situation de blocage. » Entrée en 1982 à France Inter, la productrice devrait quitter la maison ronde après « quarante années de CDD successifs », poursuit son défenseur dans un communiqué de presse. A Radio France, les producteurs (présentateurs) signent des contrats à durée déterminée dits « d’usage » (CDDU), attachés aux dates des grilles de programmes.

« Nous voyons partir Noëlle Bréham avec regret », a reconnu Adèle Van Reeth, la directrice de France Inter, dans un mail envoyé aux équipes mardi à la mi-journée. C’est parce que la présentatrice à la voix mutine travaillait depuis septembre en dehors de tout contrat, malgré « de nombreuses relances », insiste la dirigeante, « que son maintien à l’antenne [est] juridiquement impossible ».

Recours aux prud’hommes

La précarité des producteurs de Radio France constitue une source sans cesse renouvelée de recours aux prud’hommes, plus ou moins médiatisés, de la part de ceux dont les émissions s’arrêtent – même s’ils ont plus de 70 ans, cette limite d’âge prévue par la loi n’existant pas pour ces collaborateurs intermittents. Tantôt des transactions interrompent les procédures, tantôt les plaignants obtiennent des indemnités.

La situation financière de Noëlle Bréham était paradoxalement devenue compliquée lorsque la chaîne lui avait proposé d’animer une quotidienne, « La nuit est à vous », en 2015. « Pour pouvoir l’assurer, j’avais quitté l’émission de France 5 “Silence ça pousse”, que je coanimais depuis treize ans, raconte celle qui aura 66 ans le 25 décembre. L’émission n’a duré qu’un an, puis on m’a confié une hebdomadaire comme lot de consolation (« Etat d’esprit » ), qui n’a elle aussi duré qu’une saison. Avec les seuls “P’tits Bateaux”, j’avais un revenu compris entre 1 100 et 1 300 euros par mois, ce qui est peu, quand on vit en région parisienne. »

Il vous reste 15.13% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Dans votre famille, vous faites le même métier depuis trois générations. Quel regard portez-vous sur votre profession ? Racontez-nous

La Société éditrice du Monde souhaite présenter dans ses publications une sélection de témoignages, sous forme d’écrits, de photographies et de vidéos (ci-après désignés ensemble ou séparément « Contribution(s) ») qui lui sont soumis librement par les internautes.

Contenu de la Contribution

Votre Contribution doit respecter la législation en vigueur, notamment la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, les articles 9 et 9-1 du code civil sur le droit à la vie privée et au respect de la présomption d’innocence et les dispositions du code de la propriété intellectuelle. Aucune Contribution contraire à la loi ne pourra être publiée.

Une orthographe et une mise en forme soignées sont exigées (pas de textes en lettres capitales, pas d’abréviations ou d’écrits de type « SMS »).

Vous devez être l’auteur des textes, photographies et vidéos que vous proposez dans le cadre de votre Contribution, ou avoir l’autorisation de leur auteur pour leur publication dans les conditions ici définies. Le nom de l’auteur doit toujours être mentionné, de même que la date et le lieu où ont été pris vos documents photographiques ou vidéo et rédiger une légende descriptive.

Votre Contribution doit être signée de vos prénom et nom. Les demandes d’anonymat en cas de publication seront examinées par la rédaction de la Société éditrice du Monde au cas par cas.

La Société éditrice du Monde se réserve le droit de refuser toute Contribution, ou d’effacer toute Contribution préalablement publiée, pour quelque cause que ce soit, notamment si :

  • elle est contraire à la loi (racisme, appel à la violence ou à la haine, diffamation, pornographie, pédophilie, sexisme, homophobie, …).
  • elle est contraire aux règles de conduite du Monde.fr et des autres publications concernées (mauvaise orthographe, propos non conforme au sujet demandé, forme peu soignée, …).
  • son sujet ou sa forme présente peu d’intérêt pour les lecteurs, la Société éditrice du Monde étant seule décisionnaire à ce titre.
  • elle a déjà été proposée et publiée ou elle est similaire à un témoignage récemment publié.
  • elle contient la représentation ou la désignation d’une personne physique pouvant être identifiée, en particulier une personne mineure.
  • elle contient la représentation d’une œuvre pouvant relever du droit d’auteur d’un tiers sans l’autorisation de celui-ci.
  • elle contient des photographies ou vidéos dont la qualité technique est insuffisante (photos floues, vidéos illisibles ou de mauvaise définition, bande son inaudible, …), la Société éditrice du Monde étant seule décisionnaire à ce titre.

Règles applicables à la Contribution

En participant à cet appel à témoignages, vous autorisez la publication totale ou partielle de votre Contribution sur le site Le Monde.fr, dans le quotidien Le Monde, dans M le Magazine du Monde et/ou sur toute autre publication ou site où la Société éditrice du Monde publie du contenu éditorial (Facebook, Twitter, Digiteka, Instagram, etc., dans le monde entier, pour la durée d’exploitation de la publication concernée.

La Société éditrice du Monde est libre de publier ou non les Contributions qui lui sont proposées.

Votre réponse à l’appel à témoignages, ainsi que votre autorisation pour l’exploitation éventuelle de votre Contribution, sont accordées à titre gracieux et ne peuvent donner lieu à une quelconque rétribution ou gratification ou versement de quelque nature que ce soit, à quelque titre que ce soit.

Les informations recueillies dans le questionnaire sont enregistrées dans un fichier informatisé par la Société éditrice du Monde, et communiquées aux seuls journalistes à l’origine de l’appel à témoignage et aux équipes techniques en charge de la gestion du traitement.

Elles ne seront utilisées que dans le cadre de cet appel à témoignages. Les données associées à une Contribution sont conservées pour une durée maximale de deux ans. Vous pouvez accéder aux données vous concernant, les rectifier, demander leur effacement ou exercer votre droit à la limitation du traitement de vos données, retirer à tout moment votre consentement au traitement de vos données.

Pour exercer ces droits ou pour toute question sur le traitement de vos données dans ce dispositif, vous pouvez contacter dpo@groupelemonde.fr

Consultez le site cnil.fr pour plus d’informations sur vos droits.

Carrefour mise sur le discount, au travers d’une refonte de son modèle commercial

Un magasin Supeco, enseigne discount de Carrefour, à Valenciennes (Nord), le 4 septembre 2019.

« Aujourd’hui, Carrefour est bien mieux armé pour aborder l’avenir. » Tel est le constat fait par Alexandre Bompard, le PDG du groupe de distribution, mardi 8 novembre, lors de l’annonce de son plan stratégique pour les quatre prochaines années, baptisé « Carrefour 2026 ». Pour sa mise en œuvre, l’entreprise, qui a réalisé un chiffre d’affaires de 81,2 milliards d’euros en 2021, augmentera ses investissements, à 2 milliards d’euros par an, contre 1,7 milliard actuellement.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés « Les gens n’en reviennent pas » : dans les supermarchés, les caissières aux premières loges de la flambée des prix

Après avoir remis l’entreprise à flot depuis son arrivée en juillet 2017, le PDG s’attaque à une refonte de son modèle commercial pour l’adapter à la situation économique inflationniste et aux enjeux écologiques. En France, dans ses magasins, Carrefour ne constate pas de baisse de ses ventes en volume, mais un changement de comportement des consommateurs : ils viennent plus souvent, font des courses plus petites comportant davantage de produits de marque de distributeur et de premiers prix, en recherche les meilleures affaires pour gérer au mieux les fins de mois difficiles.

Un contexte qui pousse Carrefour à accélérer le développement de sa marque propre, qui constituera le pivot de son modèle commercial, avec l’objectif qu’elle réalise 40 % du chiffre d’affaires du groupe sur les produits alimentaires en 2026, contre 33 % en 2022 et 25 % en 2018. « C’est une rupture majeure. Cela veut dire qu’un produit alimentaire sur deux que nous vendrons sera de marque Carrefour », a déclaré, mardi, M. Bompard, depuis le siège de l’entreprise, à Massy (Essonne).

« Produits certifiés durables »

Face aux préoccupations sur le pouvoir d’achat, Carrefour va également importer en France son enseigne de cash & carry, Atacadao, qui cartonne au Brésil, où il devrait compter plus de 470 magasins d’ici à 2026. Ce modèle de vente en gros volumes sur palettes est semblable à celui de Metro ou Costco, ouvert aux particuliers comme aux professionnels, mais sans la contrainte d’une carte ou d’un abonnement pour y faire ses courses. Un premier magasin sera testé en septembre 2023 en Ile-de-France.

Le groupe poursuivra le développement de son autre enseigne de discount Supeco, notamment en Espagne, pour atteindre 200 magasins au total à horizon 2026, soit 80 de plus qu’actuellement. Dernier ressort anticrise, l’hypermarché, dont le modèle semblait pourtant condamné. Il sera un pilier stratégique dans la course aux prix bas. « Je crois en la valeur de ce format. C’est un rempart contre l’inflation, à condition qu’il assume toute sa vocation populaire, et son rôle de premier format discount », a lancé M. Bompard.

Il vous reste 54.45% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Belgique : une grève générale pour exiger une hausse des salaires s’apprête à paralyser le pays

Une femme est assise sur un quai pendant une grève de 24 heures du réseau ferroviaire belge organisée par les syndicats communs, à Bruxelles, le 5 octobre 2022.

La Belgique devrait être quasiment à l’arrêt, mercredi 9 novembre, en raison d’une grève générale décrétée par les grands syndicats du pays, qui réclament une augmentation du pouvoir d’achat afin de compenser les effets de l’inflation (elle dépasse désormais 12 % dans le royaume) et de la forte hausse des coûts de l’énergie.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés En Belgique, une forte mobilisation pour le pouvoir d’achat

Trains (dès 22 heures, mardi), transports urbains, écoles, centres commerciaux, police, ainsi qu’une partie de l’industrie : tous les secteurs seront affectés. A l’aéroport de Bruxelles-Zaventem, plus de la moitié des vols ont été préventivement supprimés, au départ comme à l’arrivée.

L’augmentation des tarifs du gaz et de l’électricité, avec des factures qui ont parfois quintuplé ou sextuplé, alimente une intense colère sociale. La fermeture de petits commerces défraie quotidiennement la chronique et une partie de la classe moyenne ploie sous le poids de coûts que ne compenseront pas les aides du gouvernement fédéral : 135 euros par mois pour le gaz, 61 euros pour l’électricité, de novembre à mars.

Risque de black-out

Le premier ministre, Alexander De Croo (libéral flamand), a d’abord compté sur une décision européenne en faveur d’un plafonnement des prix. Elle n’est pas venue, et son gouvernement a donc misé sur une taxation des surprofits du secteur énergétique, décision dont la concrétisation et le rendement sont toujours débattus. Face à cela, la Fédération générale du travail de Belgique (FGTB, socialiste) réclame désormais un blocage des prix. « Difficile, car le pays est très connecté à ses voisins », ce qui pourrait inciter les opérateurs à vendre l’électricité plus cher ailleurs, avec un risque de black-out, selon le chef du gouvernement.

Sans réellement convaincre, M. De Croo aligne aussi les chiffres : 5 milliards d’aides grâce à l’instauration d’un tarif social pour réduire les factures des plus démunis et, surtout, 10 milliards par le biais de l’indexation automatique des salaires sur l’inflation, qui interviendra en janvier 2023. « Ce sera insuffisant », affirment les dirigeants syndicaux, qui ont déjà mobilisé avec succès en juin et septembre.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés En Belgique, la colère sociale gronde face à l’explosion des factures énergétiques

Au-delà de l’augmentation à court terme du pouvoir d’achat, les syndicats veulent négocier des hausses salariales pour les deux prochaines années. Une revendication a priori impossible à satisfaire : une loi sur la « norme salariale » veille à ce que l’économie nationale reste concurrentielle par rapport à celle de ses principaux partenaires. Or, soulignent les organisations patronales, le handicap actuel du pays est de 10 %. Le Conseil central de l’économie, un organe qui réunit pouvoirs publics et acteurs économiques, a, lui, préconisé un gel des rémunérations, avec toutefois le maintien de l’indexation automatique.

Il vous reste 43.6% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

En France, l’emploi résiste toujours, en dépit d’une croissance poussive

Sur la terrasse d’un restaurant de Saint-Jean-de-Luz (Pyrénées-Atlantiques), le 2 février 2022.

L’emploi tient décidément bon face à la crise qui se profile. Malgré une croissance poussive (+ 0,2 %), l’économie française a créé 89 400 emplois supplémentaires dans le secteur privé au troisième trimestre, soit une hausse de 0,4 %, deux fois plus forte que l’activité, selon le chiffre provisoire publié par l’Insee, mardi 8 novembre. Un rythme qui, de plus, ne faiblit pas par rapport à la première moitié de l’année. En effet, 93 000 emplois ont été créés au premier trimestre (+ 0,5 %) et 88 200 au deuxième (+ 0,4 %). Au cours de la même période, le produit intérieur brut s’est très légèrement replié au premier trimestre (– 0,2 %) et a progressé de 0,5 % au deuxième.

Lire aussi Article réservé à nos abonnés En France, l’emploi salarié a retrouvé son niveau d’avant-crise

« Le ralentissement de l’emploi est beaucoup moins important que le ralentissement de l’activité », résume Vladimir Passeron, chef du département de l’emploi et des revenus d’activité à l’Insee. Des entreprises qui recrutent, un marché de l’emploi dynamique : voilà qui est « positif à court terme », ajoute l’expert. A plus long terme, toutefois, la situation est moins réjouissante : elle traduit une perte de productivité par rapport à l’avant-crise (fin 2019) « de deux points », selon les calculs de l’Insee.

Pourquoi faut-il à l’économie française davantage d’emplois pour produire la même chose qu’avant la pandémie de Covid-19 ? L’apprentissage, qui pèse pour un tiers des créations d’emplois de 2022, est une piste. D’après l’Insee, « il explique environ la moitié de cette chute de la productivité ». « Les apprentis, en effet, sont par définition débutants, et surtout ils travaillent à temps partiel pour l’entreprise, alors qu’ils sont comptabilisés comme des salariés à temps complet dans les chiffres de l’emploi », souligne M. Passeron.

Les entreprises continuent d’embaucher

Parmi les autres pistes explorées figure l’absentéisme, qui reste élevé dans certains secteurs. Autre hypothèse, le « blanchiment d’emplois » : la crise sanitaire et la mise en place du chômage partiel auraient pu conduire à déclarer des salariés dissimulés, pour des raisons sanitaires autant qu’administratives et financières. L’Insee s’interroge également sur d’autres explications de long terme, comme l’impact des « ordonnances travail ».

Lire aussi Article réservé à nos abonnés L’économie française accélère au deuxième trimestre et approche de son niveau pré-crise

Quoi qu’il en soit, une chose est sûre : les entreprises continuent d’embaucher. « Nous n’avons pas encore observé de ralentissement du marché, malgré l’environnement économique qui se dégrade et les tensions internationales », confirme David Beaurepaire, patron de la plate-forme de recrutement HelloWork, qui comptait encore en septembre 620 000 offres en ligne, avec même un record absolu de 25 000 CDI.

Il vous reste 46.82% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

« Le pouvoir d’attractivité de Montréal et du Québec ne se dément pas auprès des étudiants »

Après deux années marquées par la pandémie de Covid-19, les étudiants internationaux sont revenus au Canada à la rentrée 2022. Parmi eux, quelque 17 500 étudiants français selon les chiffres de Campus France. Destination préférée de ces jeunes Français : Montréal. Accompagnement personnalisé, frais de scolarité modiques, universités de haut niveau… les raisons de cet engouement pour la grande métropole québécoise ne manquent pas, explique Magda Fusaro, rectrice de l’université du Québec à Montréal (UQAM).

Depuis 2020, les étudiants étrangers avaient déserté Montréal. Sont-ils de retour dans votre université ?

Nous assistons en cette rentrée à un retour à la normale. Mieux, nous n’avons jamais reçu autant d’étudiants internationaux : 5 000 aujourd’hui sont inscrits chez nous, dont 2 100 jeunes Français, soit, concernant ces derniers, presque le niveau d’avant la pandémie. La différence avec la période antérieure au Covid-19, c’est que ces étudiants ne se contentent plus de passer quelques mois chez nous, comme beaucoup le faisaient jusque-là dans le cadre de programmes d’échange bilatéraux, ils souhaitent désormais s’inscrire dans des cycles complets d’études.

Comment expliquez-vous cet engouement pour Montréal ?

Le pouvoir d’attractivité de Montréal et du Québec ne se dément pas, en effet. Cela tient sans doute à la politique de recrutement active que nous menons en France et au très bon « bouche-à-oreille » entretenu par nos anciens diplômés sur les réseaux sociaux.

Mais ce sont surtout nos efforts en matière d’intégration qui font la différence. A l’inverse de ce qui se passe dans certaines universités – je ne citerai aucun nom [rires] – où les étudiants sont parfois livrés à eux-mêmes, nous avons mis en place des programmes d’accompagnement très personnalisés. Nous leur dispensons notamment des conseils en matière d’immigration, même si cette compétence relève de l’échelon fédéral – directement des autorités canadiennes donc, et non des autorités québécoises. Ce sont désormais quatre conseillers au sein de l’université qui aident les étudiants admissibles à démêler cet écheveau juridique.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Le « rêve canadien », un mirage pour beaucoup d’étudiants d’Afrique francophone

Nous les accompagnons également dans leur vie étudiante en général, du point de vue financier, psychologique ou scolaire. Nous savons que ces jeunes qui quittent leur pays vivent une transition importante, et nous y sommes particulièrement attentifs. Enfin, au-delà de la qualité de l’enseignement dispensé à l’UQAM, l’accessibilité des professeurs pour leurs étudiants reste un atout décisif.

Il vous reste 38.54% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Assurance-chômage : avant la commission mixte paritaire, la droite met la pression sur le gouvernement

Le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion, Olivier Dussopt, et la première ministre, Elisabeth Borne, à l’Assemblée nationale, à Paris, le 3 novembre 2022.

La droite campe sur ses positions. Si la majorité sénatoriale, composée des Républicains (LR) et de l’Union centriste (UC), a durci durant son examen au Sénat le projet de loi ouvrant la voie à une réforme de l’assurance-chômage, ce n’est pas pour lâcher du lest lors de la commission mixte paritaire (CMP), qui doit avoir lieu mercredi 9 novembre, prévient-elle. Avec cinq membres sur les quatorze qui la composent – sept députés et sept sénateurs –, elle y dispose d’autant de parlementaires que la coalition présidentielle.

Deux semaines après qu’Emmanuel Macron a appelé sur France 2 à « une alliance » avec la droite, évoquant notamment « les réformes du travail », les députés et sénateurs LR se savent en position de force à l’heure d’aborder les négociations sur ce texte. D’autant plus qu’ils partagent la philosophie générale de ce projet de loi présenté par le gouvernement comme « la première étape » pour arriver au plein-emploi – 5 % de chômage – d’ici à 2027. « Sur le fond, ça va dans la ligne qui est la nôtre, de restaurer la valeur travail, de faire en sorte qu’on sorte plus vite de l’assurance chômage pour retourner à l’emploi de façon plus contraignante », explique le député des Vosges, Stéphane Viry (LR).

Reste donc à se mettre d’accord avec le camp présidentiel sur les « curseurs et la temporalité » des mesures, explique l’élu. Face à ce pas de deux entre le gouvernement et la droite, la gauche en est rendue à faire de la figuration. « C’est un texte dogmatique destiné à taper sur les chômeurs et à durcir la ligne de la majorité pour montrer qu’ils sont capables de travailler avec la droite », tance le député du Calvados, Arthur Delaporte (Parti socialiste), qui déplore n’avoir « eu aucun contact avec le gouvernement ».

« Il faut réaffirmer le caractère assurantiel du système »

« Je pense que le gouvernement a intérêt à faire un pas en notre direction », affirme pour sa part la co-rapporteuse du projet de loi au Sénat, Frédérique Puissat (LR). Si les discussions doivent se poursuivre mardi, les sénateurs de droite et centristes souhaitent voir conserver dans le texte final les deux mesures qu’ils ont adoptées en séance publique, contre l’avis du gouvernement, restreignant l’accès à l’assurance-chômage aux salariés en CDD qui refusent trois CDI « d’une rémunération au moins équivalente » en douze mois et aux intérimaires dès le premier refus. Pour Frédérique Puissat, « il est hors de question de lâcher » sur ces deux points, car « il faut réaffirmer le caractère assurantiel du système, qui doit protéger les gens qui sont privés d’emploi de façon involontaire ».

Il vous reste 55.56% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

De la rentabilité à la « sociétalisation »

Gouvernance. Au temps du managérialisme des années 1950, l’idéologie dominante affirmait que la croissance économique conduit nécessairement au progrès de la société tout entière. La responsabilité des entreprises était donc de prospérer économiquement et socialement. La superstructure managériale était appelée à garantir cette promesse. Le fameux slogan « Ce qui est bon pour General Motors est bon pour l’Amérique » résumait l’optimisme de l’époque.

Un optimisme fondé sur une vision partielle de la réalité. Dans les faits, l’Etat jouait un rôle essentiel dans la régulation des économies grâce aux énormes investissements publics, à son pouvoir d’arbitrer les tensions sociales et de créer des opportunités géopolitiques pour mondialiser les activités nationales.

La révolution néolibérale s’est élevée à partir des années 1970 contre cette omniprésence étatique et elle a prôné le retour à une liberté économique idéalisée. Pour « dépolitiser » l’économie, on substitua à l’Etat la régulation par les marchés financiers, supposés « politiquement neutres », car animés par le seul rendement des investissements. Il s’ensuivit la financiarisation des entreprises qui furent priées de se consacrer à la seule rentabilité de leurs activités. Un mot de l’économiste américain Milton Friedman (1912-2006) est devenu la bannière de cette époque : « La seule responsabilité des entreprises est de faire du profit ».

Lire aussi Sandra Laugier, philosophe : « Nous assistons à l’avènement du nouvel âge de la désobéissance civile »

Avec les crises financières répétées jusqu’à celle de 2008, l’illusion que les marchés peuvent réguler au mieux l’activité économique s’est évanouie. Parallèlement, le péril environnemental a rendu peu crédible un retour au managérialisme d’antan : qui peut affirmer encore que ce qui est bon pour une entreprise le soit nécessairement pour la planète et que les dirigeants aient la compétence pour assurer une telle relation ?

Activismes de réseaux et actionnarial

Nous sommes ainsi entrés dans une nouvelle phase du rapport entre l’économie et le politique : la « sociétalisation ». La « société » entend désormais agir sur les entreprises pour qu’elles intègrent, dans leur création de valeur, des réponses efficaces aux questions sociales et environnementales. Mais la « société » est hétéroclite, et les opinions des citoyens sur leurs réponses divergent parfois radicalement. Des exigences nombreuses sont alors énoncées par la voix des activistes.

Ceux-ci opèrent sur deux fronts. D’une part, ils font pression sur l’Etat, ses politiques publiques et ses lois par le jeu de l’opinion : c’est l’activisme de réseaux ; et d’autre part, en tant qu’investisseurs dans le capital des entreprises, ils récupèrent le pouvoir des actionnaires pour influer directement sur les directions des entreprises : c’est l’activisme actionnarial.

Il vous reste 24.03% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Mobilisation contre l’implantation d’une plate-forme logistique de Gifi dans le Gard

A Laudun-l’Ardoise, ville gardoise de 6 000 habitants située sur les bords du Rhône et habituée aux assauts du Mistral, gronde le vent de la colère. Distribution de tracts, circulation d’une pétition… Ces derniers jours, la mobilisation a grandi contre le projet d’une plate-forme logistique Gifi dans le hameau de L’Ardoise, où vivent 1 000 personnes.

L’enseigne spécialisée dans l’ameublement de la maison prévoit de s’installer sur l’ancien site de l’usine ArcelorMittal, inactif depuis dix-huit ans. Une friche industrielle où le leader de la décoration (1 000 magasins en France) pourrait aménager, d’ici à 2024, des bâtiments sur 120 000 mètres carrés. Cela permettrait l’emploi de 250 à 500 personnes en fonction des pics d’activité, selon Philippe Desmas, le mandataire du Groupe Philippe Ginestet (le fondateur de l’enseigne), venu présenter en mars le projet aux élus locaux. La signature du compromis de vente entre Gifi et l’établissement public foncier doit avoir lieu mercredi 9 novembre.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Dans le Gard, les étrangers redonnent le sourire aux professionnels du tourisme

Sur place, le Comité de défense du hameau de L’Ardoise multiplie, depuis dix-huit mois, les courriers aux élus locaux et à la direction de Gifi. Le président, Dominique Griotto, espère faire reculer le dossier : « Ce projet n’est pas le bienvenu ici », répète cet habitant, qui dénonce « une véritable folie ». « Cette installation engendrerait le passage de 250 camions entre 7 heures du matin et midi, soit 500 allers-retours, à quelques mètres de nos écoles et de nos maisons ! »

« Ce projet va bonifier une friche abandonnée »

A plusieurs reprises, quelques dizaines d’habitants se sont mobilisées pour dire non à l’enseigne au logo rouge. Dans sa pétition, le comité s’inquiète également de la pollution aux particules ultrafines (PUF), du risque d’accident, du bruit et de la perte de la valeur foncière des maisons riveraines. Lundi 7 novembre, le comité, dont la pétition atteint 250 signatures, a prévu de passer une nouvelle fois à l’action avec une distribution de tracts. Contactée par Le Monde, la direction de Gifi n’a pas répondu.

En avril 2021, la communauté d’agglomération du Gard rhodanien, dont dépend la commune de Laudun-l’Ardoise, s’était prononcée en faveur de ce projet, sans obtenir un véritable soutien (44 abstentions, dont le président socialiste, Jean-Christian Rey, sur 73 élus). Mais le maire (sans étiquette) de Laudun-l’Ardoise, Yves Cazorla, est, lui, convaincu : « L’une de nos principales préoccupations, c’est l’emploi. Nous avons des besoins sur notre territoire pour des emplois peu diplômés, et Gifi répond à cette attente. Les opposants soulèvent des nuisances que nous entendons et auxquelles nous tentons d’apporter des réponses. »

Il vous reste 40.4% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.